Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-1348

 

 

 

DATE :

14 mai 2019

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Patrick Haussmann, A.V.C.

Membre

Mme Dominique Vaillancourt

Membre

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ALAIN GALARNEAU, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

MICHEL CHANTAL, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 106610)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS[1], LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

        Non-divulgation, non-diffusion et non-publication du nom et prénom du consommateur impliqué dans la plainte, ainsi que de toute information permettant de l’identifier.

[1]          Le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni à Montréal, pour procéder à l'instruction de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 5 décembre 2018.

[2]          La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau. Pour sa part, l’intimé était présent et représenté par Me Jean-François Lachance.

LA PLAINTE

1.      Dans la province de Québec, entre le ou vers le mois de mars 2015 et le ou vers le 11 mai 2018, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant à son client J.V. une somme d’environ 500 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

PLAIDOYER ET DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[3]          Le procureur de l’intimé a indiqué que son client souhaitait enregistrer un plaidoyer de culpabilité sous l’unique chef d’accusation de la plainte.

[4]          Après s’être assuré que l’intimé comprenait que, par son plaidoyer, il reconnaissait les faits reprochés et que ceux-ci constituaient une infraction déontologique, le comité a donné acte à son enregistrement.

[5]          Ensuite, Me Galarneau a rapporté le contexte factuel entourant l’infraction reprochée tout en déposant la preuve documentaire[2] au soutien.

[6]          Ceci étant, le comité a déclaré l’intimé coupable sous l’unique chef d’accusation porté contre lui, pour avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, qui énonce :

18. Le représentant doit, dans l’exercice de ses activités, sauvegarder en tout temps son indépendance et éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts.

[7]          Le comité a également ordonné l’arrêt conditionnel des procédures quant à  l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), également invoqué au soutien du chef d’accusation.

[8]          Enfin, les parties ont confirmé être prêtes à procéder sur sanction et à présenter une recommandation conjointe au comité.

PROCÉDANT SUR SANCTION

        Représentations de la plaignante

[9]          Les parties se sont entendues pour suggérer une amende de 5 000 $ sous l’unique chef d’accusation et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[10]       Me Galarneau a invoqué la gravité objective de l’infraction commise, insistant sur la relation de confiance devant exister entre le client et le représentant et exigeant de ce dernier de ne pas se placer en situation où il profiterait de cette confiance pour en tirer avantage.

[11]        À ce sujet, il a précisé que la décision Falet[3], rendue récemment par le comité, avait encore une fois confirmé que le montant emprunté n’était pas pertinent pour décider de la culpabilité, énonçant qu’à partir du moment où le représentant s’était placé en situation de conflit d’intérêts, peu importe la somme en cause, il y avait commission de l’infraction.

[12]       Quant aux facteurs atténuants, il a mentionné :

a)     La reconnaissance des faits par l’intimé;

b)     Sa collaboration à l’enquête;

c)      L’expression de regrets eu égard à la situation;

d)     Le remboursement des 500 $ empruntés au consommateur;

e)     Un faible risque de récidive.

[13]        Pour la détermination de l’amende suggérée, Me Galarneau a souligné que même si les sanctions sont souvent sévères pour ce type d’infraction, il a tenu compte du montant minime de l’emprunt.

[14]        Il a signalé que l’amende de 5 000 $ en l’espèce représente dix fois le montant emprunté. Dans les circonstances, celle-ci paraît de nature à assurer la protection du public, à dissuader l’intimé et à servir d’exemple à ceux qui seraient tentés de l’imiter.  

[15]        Ensuite, il a commenté chacune des autorités fournies[4] au soutien de cette recommandation, en attirant l’attention sur les similitudes et les distinctions s’imposant  avec le cas présent. Il s’est dit d’avis qu’une amende de 5 000 $ équivaut à l’amende généralement imposée surtout en l’absence d’intention malveillante ou malhonnête.

        Représentations de l’intimé

[16]        Me Lachance a réitéré les facteurs atténuants soulignés par son confrère, insistant sur le faible risque de récidive, voire nul, étant donné le non-renouvellement par l’intimé de son certificat en février 2019, et qu’il occupe maintenant un emploi dans une quincaillerie.

[17]        Il s’est dit d’avis que même si l’intimé décidait éventuellement de renouveler son certificat, l’expérience vécue avec le présent processus disciplinaire, après une carrière de près de vingt-cinq ans, permet de conclure qu’il a saisi la leçon à en tirer.

[18]        Pour l’acquittement de l’amende de 5 000 $, il a demandé au comité d’accorder à l’intimé un délai d’un an pour y procéder compte tenu des revenus beaucoup plus modestes de ce dernier.

        Réplique de la plaignante

[19]        Le procureur de la plaignante a laissé à la discrétion du comité la demande de délai, n’exigeant pas que le paiement se fasse par des versements mensuels consécutifs et égaux au cours de l’année accordée pour ledit paiement.   

ANALYSE ET MOTIFS

[20]        Le comité réitère la déclaration de culpabilité de l’intimé, prononcée séance tenante sous l’unique chef d’accusation de la plainte portée contre lui, pour avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[21]        Au moment de l’infraction, l’intimé détenait un certificat en assurance de personnes, en assurance de dommages et en assurance collective de personnes. Il exerçait dans le domaine financier depuis plus de vingt-cinq ans.

[22]        L’intimé était le représentant en assurances de J.V., lequel avait contracté par son entremise au moins trois assurances vie[5].

[23]        Au cours de leur relation d’affaires, l’intimé a emprunté à son client la somme de 500 $. Il a fait défaut de lui remettre jusqu’à ce que le consommateur porte plainte à l’Autorité des marchés financiers (AMF), le 28 mars 2018[6].

[24]        L’intimé l’a toutefois remboursé dès le 11 mai 2018[7].

[25]        Le comité est en présence d’un seul événement et d’un seul consommateur et aucun préjudice pécuniaire n’en a résulté pour ce dernier.

[26]        Il ressort de l’enquête que l’intimé a reconnu ses gestes à la première occasion, a collaboré à l’enquête et exprimé ses regrets eu égard à cette situation. Cette collaboration a, entre autres, permis d’accélérer le processus.

[27]        L’intimé vit déjà les conséquences de son geste, il n’a pas renouvelé son certificat de sorte que les conditions exigées pour reprendre l’exercice de la profession rendront ce retour plus difficile.

[28]        Le comité convient que la sanction recommandée s’inscrit dans les paramètres de celles ordonnées pour des infractions de semblable nature et estime qu’elle est de nature à atteindre les objectifs de la sanction disciplinaire, notamment la protection du public, la dissuasion de l’intimé et l’exemplarité à l’égard de ses pairs.

[29]        Enfin, il ne s’agit pas de punir le professionnel, mais, dans la mesure du possible, de favoriser sa réhabilitation.

[30]        Par conséquent, le comité donnera suite à la recommandation des parties, et sous l’unique chef d’accusation, l’intimé sera condamné au paiement d’une amende de 5 000 $ et à celui des déboursés.

[31]       Enfin, le comité accordera à l’intimé douze mois pour le paiement de ladite amende, et ce, à partir de la présente décision.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion du nom du consommateur visé par la plainte, ainsi que de toute information permettant de l’identifier;

RÉITÈRE DÉCLARER l’intimé coupable sous l’unique chef d’accusation, pour avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous l’unique chef d’accusation;

ACCORDE à l’intimé douze mois pour le paiement de ladite amende, sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

(s) Janine Kean_____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Patrick Haussmann_______________

M. Patrick Haussmann, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Dominique Vaillancourt____________

Mme Dominique Vaillancourt

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT CARON PRÉVOST BÉLISLE GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean-François Lachance

DUSSAULT LEMAY BEAUCHESNE AVOCATS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 8 mai 2019

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] RLRQ, c. C-26.

[2] P-1 à P-10.

[3] CSF c. Falet, 2019 QCCDCSF 29 (CanLII), décision sur culpabilité du 28 mars 2019.

[4] CSF c. Pana, 2007 CanLII 52709 (QC CDCSF), décision sur culpabilité et sanction du 3 janvier 2007; CSF c. Beaudoin, 2011 CanLII 99468 (QC CDCSF), décisions sur culpabilité du 18 mars 2011 et sur sanction du 3 février 2012; CSF c. Fontaine, 2012 CanLII 96969 (QC CDCSF), décisions sur culpabilité du 15 octobre 2012 et sur sanction du 3 juillet 2013; CSF c. Tremblay, 2015 QCCDCSF 21 (CanLII), décision sur culpabilité et sanction du 7 mai 2015; CSF c. Hébert, 2018 QCCDCSF 57 (CanLII), décision sur culpabilité et sanction du 16 juillet 2018.

[5] P-4 à P-6.

[6] P-2.

[7] P-9.

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