Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Loiselle

2016 QCCDCSF 33

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1108

 

DATE :

4 août 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Alain Gélinas

Président

Mme Silvie Di Pietro

Membre

M. Allen Faguy Mackenzie

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualité de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

 

Partie plaignante

c.

 

ANNIE LOISELLE, représentante de courtier en plans de bourses d’études (numéro 169142, BDNI 1873101);

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom du consommateur concerné ainsi que de tout renseignement permettant de l’identifier

[1]           CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualité de syndique de la Chambre de la sécurité financière a déposé la plainte suivante à l’encontre de l’intimée :

LA PLAINTE

 

1.            À St-Laurent, le ou vers le 21 avril 2008, l’intimée n’a pas cherché à connaître la situation personnelle et financière ainsi que les objectifs et horizons de placement de M.B. avant de lui offrir de souscrire aux propositions de convention de bourses d’études portant les numéros [...] et [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7.1);

 

2.            À St-Laurent, le ou vers le 21 août 2008, l’intimée n’a pas cherché à connaître la situation personnelle et financière ainsi que les objectifs et horizons de placement de M.B. avant de lui offrir de souscrire aux propositions de convention de bourses d’études portant les numéros [...] et [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 51  de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7.1);

 

3.            À St-Laurent, le ou vers le 4 janvier 2010, l’intimée n’a pas cherché à connaître la situation personnelle et financière ainsi que les objectifs et horizons de placement de M.B. avant de lui offrir de souscrire aux propositions de convention de bourses d’études portant les numéros [...] et [...], contrevenant ainsi aux articles 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières, (RLRQ, chapitre V-1.1) et 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7.1).

 

[2]           D’entrée de jeu, l’intimée, par l’entremise de sa procureure, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard des trois chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           La procureure de l’intimée souligne que celle-ci est absente non pas par manque d’intérêt ou de déférence à l’égard du Comité mais du fait qu’elle est bouleversée par la situation.

DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[4]           Compte tenu du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimée par le biais de sa procureure, le Comité déclara l’intimée coupable sous les trois chefs d’accusation contenus à la plainte. Par la suite, les parties ont soumis au comité leur preuve et ont fait des représentations sur sanction.

PREUVE ET ANALYSE DE LA PLAIGNANTE

[5]           Les pièces P-1 à P-16 ont été produites de consentement. Une lettre du 13 janvier 2011[1], annotée par l’intimée, a été ajoutée à la pièce P-10.

[6]           L’intimée aurait rencontré la cliente à trois occasions. Lors de ces rencontres, six propositions auraient été souscrites par la cliente.

[7]           De manière globale, la procureure de la plaignante souligne qu’à ces occasions, l’intimée n’aurait pas cherché à connaître la situation personnelle et financière  de la cliente avant de lui offrir de souscrire aux propositions de convention de bourses d’études.

[8]           L’intimée pratique depuis 2006 à titre de représentante de courtier en plans de bourses d’études pour le compte de Gestion Universitas Inc[2].

[9]           Une première rencontre s’est déroulée le 21 avril 2008 entre l’intimée et la cliente.  Lors de cette rencontre, il y a eu souscription de deux propositions de convention de bourses d’études pour deux enfants de la cliente[3]. Il y a un dépôt de 310,03 $ qui est fait à cette occasion.

[10]        Le 21 août 2008, une troisième proposition de convention de bourses d’études est faite. Les dépôts sont alors de 75,01 $ et de 35 $.

[11]        Ces propositions ont des périodes de cotisation et des dates d’échéance s’échelonnant entre  2019 et 2025[4].

[12]        Les 31 juillet 2009 et 11 août 2009, deux lettres du Fonds Universitas sont envoyées à la cliente l’avisant qu’elle a un retard de paiement à combler et qu’elle doit payer deux mois de prélèvement pour un total de 840,08 $[5]. L’intimée n’est pas en copie sur ces lettres.

[13]        La cliente éprouve des difficultés de paiement. Elle demande l’annulation du régime pour l’un des enfants[6].

[14]        Compte tenu du fait que la résiliation est faite avant la date d’échéance, on impose à celle-ci des frais de 1 370,60 $. D’un capital déposé de 3 300,48 $, elle obtient un remboursement de seulement 1 929,88 $[7].

[15]        Le 10 novembre 2009, Fonds Universitas avise la cliente qu’elle a également un retard pour le paiement du régime collectif de l’autre enfant. Des paiements mensuels de 210,02 $ s’accumulent[8].

[16]        Le 4 janvier 2010, l’intimée rencontre la cliente. Cette dernière signe à cette occasion une nouvelle proposition de convention de bourses d’études à l’égard de l’enfant pour lequel on avait précédemment résilié le régime. Un remboursement des frais d’adhésion de 446,40 $ fut cependant crédité compte tenu des frais imposés lors de cette résiliation.

[17]        Le dépôt total de versement est maintenant  de 100,85 $[9]. Il est pourtant mentionné dans le formulaire que pour un revenu familial de 35 000 $ à 50 000 $ la capacité mensuelle d’épargne est de 50 $. La cliente,  qui aime assurément beaucoup ses enfants justifie le dépassement de la manière suivante : « j’utilise les montants des prestations du fédéral pour les études de mes enfants. Les études de mes enfants j’y tiens beaucoup et si j’ai la possibilité de donner plus je vais le faire »[10].

[18]        Encore, le 4 janvier 2010, la cliente signe une proposition de convention de bourses d’études pour un enfant à naître.  Afin de justifier le dépassement du barème d’épargne sur le formulaire, la cliente écrit « j’épargne pour mes enfants parce que je tiens beaucoup pour leur avenir »[11]. Le dépôt total par versement est de 62,04 $.

[19]        Les échéances des différents régimes s’échelonnent maintenant entre 2019 et 2027[12].

[20]        L’année 2010 fut ponctuée par plusieurs avis de retard. Les montants mensuels réclamés varient de 210,02 $ à 372,92 $[13].

[21]        Le 13 janvier 2011, Fonds Universitas avise la cliente que le prélèvement du 25 décembre a été retourné par l’institution financière de celle-ci avec la mention « paiement arrêté ». L’intimée est en copie conforme[14].

[22]        À défaut de régler la situation dans les 60 jours, Fonds Universitas mettra fin aux conventions et on avise la cliente qu’elle perdra les frais d’adhésion qui s’élèvent alors à 5 024,28 $.

[23]        Début 2011, les retards continuent de s’accumuler.

[24]        Une plainte de la cliente est reçue par Fonds Universitas le 28 avril 2011[15]. Cette dernière demande également la résiliation des conventions de bourses d’études.

[25]        La résiliation est faite et on lui rembourse un montant de 4 478,36 $. Des frais d’un montant d’environ 5 053,85 $ lui sont cependant imposés[16]. Fonds Universitas refuse de lui rembourser les frais d’adhésion.

[26]        Le 25 juin 2013, la cliente porte plainte contre l’intimée auprès de l’Autorité des marchés financiers[17]. Elle souligne qu’elle a rencontré l’intimée au salon de la maternité en 2008. Elle invoque essentiellement ses difficultés financières et le fait qu’on ne lui a jamais parlé des frais d’adhésion. Elle admet qu’elle a apposé ses initiales sur les documents sans lire.

[27]        Une plainte fut également déposée auprès de la Chambre de la sécurité financière le 27 juillet 2013[18].

[28]        La procureure de la plaignante souligne qu’on n’en serait pas là si on avait vérifié la situation financière de la cliente.

[29]        La réponse de l’intimée se retrouve à la pièce P-13. Cette dernière invoque essentiellement qu’elle a très bien expliqué les frais à la cliente et que celle-ci voulait elle-même dépasser les barèmes.  Elle a initialisé la convention à l’endroit où il serait mentionné qu’elle reconnait que la perte des frais d’adhésion lui a été clairement expliquée.

[30]        Le bail de la cliente, des relevés de revenus familiaux et différents états de compte ont été déposés[19]. Ces documents démontrent clairement la situation financière précaire de la cliente.

[31]        L’intimée aurait reçu des commissions d’environ 2 711,26  $ dans le cadre des opérations effectuées dans le présent dossier[20].

[32]        La procureure de la plaignante souligne que les cotisations mensuelles de la cliente s’élevaient de 360 $ à 420 $ alors que le barème prévu au formulaire était de 50 $. On excède de huit fois le barème !

[33]        La cliente prenait toutes ses allocations parentales pour adhérer aux régimes en faveur de ses enfants. L’intimée a admis lors de l’enquête ne pas avoir posé de question par rapport à la situation financière, notamment le niveau d’endettement de la cliente ou ses revenus.  L’intimée a souligné qu’elle ne pose pas ce genre de question compte tenu que « c’est indiscret, c’est confidentiel ».


 

ANALYSE DE L’INTIMÉE

[34]        La procureure de l’intimée souligne tout d’abord que lors des deux premières  rencontres avec la cliente l’intimée n’avait alors que deux ans d’expérience. Lors de la troisième rencontre, elle n’avait que quatre ans d’expérience.

[35]        Elle ajoute que l’intimée est considérée comme étant consciencieuse.  Aujourd’hui, elle est consciente qu’on doit établir un profil d’investisseur de manière exhaustive lorsqu’on rencontre les clients.

[36]        La procureure de l’intimée souligne que les formulaires n’étaient pas si clairs à l’époque. On ne mentionnait pas que les représentants devaient établir le profil financier. La mention concernant le dépassement de barème est également arrivée plus tard.

[37]        L’intimée savait que toutes les allocations gouvernementales allaient dans un compte bancaire ordinaire en faveur des enfants. Il s’agissait  dans son esprit que d’un transfert d’un compte de banque ordinaire à un régime de bourses d’études.

[38]        L’intimée aurait expliqué à la cliente les pertes possibles en cas de résiliation. La procureure de l’intimée rappelle que la plainte ne porte pas sur les frais d’adhésion.

[39]        L’intimée n’aurait par ailleurs pas été informée des difficultés de paiement de sa cliente en 2009 et 2010. Les difficultés financières de la cliente découleraient des manœuvres d’un prêteur hypothécaire.

[40]        La cliente aurait rassuré  l’intimée suite à l’arrêt de paiement en janvier 2011[21]. Elle aurait même par la suite continué de faire ses paiements.

[41]        La procureure de l’intimée met en garde le Comité de ne pas trop tenir compte de la réponse de l’intimée contenue à la pièce P-13. Ces réponses ont été faites en fonction de la question des frais d’adhésion et non dans une perspective de ne pas avoir obtenu les renseignements financiers pertinents.

[42]        Elle termine en soulignant que sa cliente est très affectée par les présents évènements.

RECOMMANDATIONS COMMUNES

[43]        Les recommandations communes sont une amende de 5 000 $ pour le chef numéro 1 et une réprimande pour chacun  des chefs numéros 2 et 3.

POSITION DE LA PLAIGNANTE

[44]        Voici les facteurs aggravants selon la plaignante :

         Bien qu’une seule cliente, il y a eu trois rencontres et six conventions;

         Trois conventions ont été faites suite à une résiliation. Un fait qui aurait dû sonner l’alarme concernant la situation financière de la cliente;

         La cliente a perdu 5 053,85 $;

         Les gestes posés par l’intimée déconsidèrent la profession;

         L’obtention des renseignements concernant la situation financière est au cœur du travail d’un représentant;

         La gravité objective importante des infractions;

         L’expérience de l’intimée était quand même importante;

         Son certificat est toujours actif;

         La situation financière de la cliente est précaire;

         L’excédent du barème par plus de huit fois;

         La compréhension de l’intimée à l’effet que de poser des questions à l’égard de l’endettement ou de la situation financière du client c’est indiscret et confidentiel;

         Une commission touchée par l’intimée de 2 711,26 $ pour les propositions souscrites.

[45]        Voici les facteurs atténuants selon la plaignante :

         L’intimée n’a pas d’antécédent disciplinaire;

         Elle a déposé un plaidoyer de culpabilité;

         Elle a fait preuve d’une bonne collaboration;

         Elle n’a pas touché de commission pour les deux dernières propositions;

         Pas de preuve d’intention malicieuse ni de mauvaise foi de l’intimée. Plutôt une méconnaissance du travail de base qui ne peut être assimilable à de la négligence.

POSITION DE L’INTIMÉE

[46]        De manière préliminaire, la procureure de l’intimée souligne que la sanction n’a pas pour but de punir le professionnel visé par la plainte, mais d’assurer la protection du public. Celle-ci doit avoir un effet dissuasif à l’égard du professionnel visé, mais également à l’égard des autres membres de la profession.

[47]        La procureure est d’avis qu’il est clair que l’intimée ne représente pas un danger pour le public. C’est une représentante qui est consciente de son manquement. Il s’agit, selon ses dires, d’une erreur de parcours.

[48]        Elle souligne que l’intimée est consciencieuse dans ses relations avec les clients et qu’en tout temps, elle a été de bonne foi. Elle a également beaucoup appris de cette expérience et en a été très affectée.

[49]        Elle note que l’intimée a maintenant trente-deux ans et qu’elle est mère de trois enfants. À son avis, elle n’est surement pas une candidate à la récidive. Elle est maintenant consciente de l’importance de recueillir l’ensemble de l’information financière.

[50]        La procureure de  l’intimée souligne qu’elle est sincèrement repentante. Elle était une très jeune représentante à l’époque. Elle n’avait que deux années d’expérience en 2008. Le formulaire était, selon la procureure de l’intimée, mal adapté pour une jeune représentante.

[51]        Lors des évènements, l’intimée n’avait pas de volonté de lucre, la preuve révèle qu’elle n’a rien touché pour les dernières propositions en 2010. Elle a une bonne réputation et elle a bien collaboré à l’enquête

[52]        La procureure de l’intimée souligne qu’elle ne déconsidère pas la profession. L’intimée était à l’époque sous l’impression que les paiements étaient couverts par les prestations gouvernementales pour les enfants.


 

ANALYSE JURISPRUDENTIELLE

[53]        Dans la décision Tremblay[22], l’intimé faisait notamment l’objet de deux chefs pour avoir fait défaut d’établir le profil du client et de bien connaître sa situation financière. L’intimé avait plaidé coupable et avait exprimé des regrets. On note cependant l’absence de préjudice pécuniaire étant donné le règlement intervenu entre l’intimé et les consommateurs.

[54]        Le comité a accepté la recommandation commune et a imposé une amende de 5 000 $ pour le premier chef et une réprimande pour le second.

[55]        Le comité a imposé, dans le dossier Delisle[23], une amende de 12 000 $ pour  trois chefs. Ceux-ci visaient le défaut de connaître la situation personnelle et financière des clients ainsi que les objectifs de placement. Une radiation temporaire de trois mois fut également imposée pour les autres chefs.

[56]        Dans ce dernier dossier, un plaidoyer de culpabilité avait été enregistré et les procureurs soumirent des recommandations communes. À titre de facteur atténuant l’intimé accepta de suivre une formation et les clients avaient été indemnisés. Les facteurs aggravants étaient une condamnation criminelle postérieure à un chef, un risque de récidive, l’absence de réels regrets et la vulnérabilité des clients du fait de leur âge avancé.

[57]        Dans la décision Couture[24], l’intimé faisait face notamment à deux chefs pour ne pas avoir cherché à connaître la situation personnelle et financière de sa cliente ainsi que ses objectifs de placement. Le comité a imposé une amende de 4 000 $ pour un chef et une réprimande pour l’autre chef. L’intimé dans cette affaire avait pris sa retraite depuis les infractions et la commission de ces infractions ne lui avait pas procuré d’avantages financiers. Le comité a également imposé des radiations temporaires d’un mois et de trois mois pour d’autres chefs. Les radiations temporaires ont été prononcées de manière concurrente.

[58]        Dans le dossier Letendre[25], le comité a imposé une amende de 4 000 $ à l’intimée pour avoir fait défaut de connaître de façon diligente et professionnelle la situation financière et les objectifs de placement de ses clients. Dans ce dossier l’intimée avait remboursé aux consommateurs les sommes qu’ils lui avaient confiées. Le fils du couple avait également une certaine emprise sur l’intimée.

[59]        Dans le dossier Pollender[26],  le comité a imposé une amende de 4 500 $ pour les trois chefs relatifs au défaut de bien connaître la situation financière et les objectifs des clients. Cette affaire est cependant particulière. En effet, le comité au paragraphe 48 de la décision sur culpabilité souligne ce qui suit : « Si l’on peut penser que l’intimé avait une connaissance raisonnable de la situation financière personnelle de ses clients, la preuve a néanmoins révélé que dans la perspective de leur tolérance aux risques et de leur capacité à pleinement comprendre et supporter la ou les stratégies qu’il leur proposait, il n’a pas très bien saisi ou cerné leurs objectifs de placement »[27].

[60]        Par ailleurs le comité a tenu compte dans ce dossier de l’effet global des sanctions. En effet les chefs visés recoupaient d’autres chefs qui ont donné lieu à une radiation temporaire de trois mois[28].

[61]        À l’égard des dépens, la procureure de la plaignante est d’avis qu’on ne devrait pas s’éloigner du principe général à l’effet que la partie qui succombe supporte les dépens. La procureure de l’intimée quant à elle est d’avis que la collaboration de sa cliente ainsi que sa situation financière milite en faveur de ne pas imposer les dépens à l’intimée.

[62]        Le Comité est d’avis que l’obligation de connaître la situation personnelle et financière ainsi que les objectifs, la tolérance aux risques et horizons de placements du client est fondamentale pour la protection de ce dernier et du public en général.

[63]        On ne peut bien conseiller un client en l’absence de tels renseignements. Un conseil prodigué sans appui factuel ne peut être qualifié de professionnel. Le résultat d’un tel conseil sera basé non pas sur la compétence mais bien sur la chance.

[64]        L’obligation d’agir avec compétence et professionnalisme impose de bien connaître son client. Cette obligation est au cœur de la profession. Un professionnel échappera rarement à sa responsabilité en invoquant le manque de clarté d’un formulaire.

[65]        Dans l’arrêt R. c. Douglas[29] la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué que même si le tribunal n’est pas lié par les recommandations communes celui-ci devrait normalement éviter de s’en écarter. En effet, lorsque des parties représentées par procureurs, à la suite de pourparlers sérieux, en sont arrivées à s’entendre pour présenter des recommandations communes, le tribunal ne devrait les écarter que s’il les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou s’il est d’avis que les recommandations sont de nature à discréditer l’administration de la justice.

[66]        Le tribunal des professions a, à quelques reprises, confirmé l’application de ce principe au droit disciplinaire[30].

[67]         En l’espèce, bien que le Comité juge la recommandation clémente eut égard notamment aux pertes subies par la cliente, elle se situe cependant à l’intérieur des paramètres jurisprudentiels applicables.

[68]        Ainsi, en l’absence d’une situation qui le justifierait de s’écarter des recommandations communes des parties, le Comité donnera suite à celles-ci.

[69]        À l’égard des dépens, aucune preuve n’a été faite concernant la situation financière de l’intimée. Dans ces circonstances, le Comité ne s’écartera pas du principe établissant que la partie condamnée supporte les déboursés et les frais.


 

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion du nom et du prénom du consommateur concerné ainsi que de tout renseignement permettant de l’identifier;

ACCUEILLE le plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimée;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité qu’il a prononcé lors de l’audition à l’endroit de l’intimée sous les trois chefs d’accusation contenus à la plainte.

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Pour le chef 1 contenu à la plainte 

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

Pour chacun des chefs 2 et 3 contenus à la plainte

IMPOSE à l’intimée une réprimande;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

 

­­­­­­­­­­­­­­­­(s) Alain Gélinas____________________

Me ALAIN GÉLINAS

Président du comité de discipline

 

(s) Silvie Di Pietro___________________

Mme SILVIE DI PIETRO

Membre du comité de discipline

 

(s) Allen Faguy Mackenzie____________

M. ALLEN FAGUY MACKENZIE

Membre du comité de discipline

 

 

Me Caroline Isabelle

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Christine Beaudoin

CASAVANT MERCIER

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 27 mai 2016

 

 

 

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] I-24A.

[2] Pièce P-1.

[3] Pièce P-2.

[4] Pièce P-4.

[5] Pièce P-5.

[6] Pièce P-6.

[7] Idem.

[8] Pièce P-7.

[9] Pièce P-8.

[10] Idem, page 000120.

[11] Idem, page 000120.

[12] Pièce P-9.

[13] Pièce P-10.

[14] Pièce P-10, I-24 et I-24A.

[15] Pièce P-11.

[16] Idem, page 000151.

[17] Pièce P-12.

[18] Idem, page 000405.

[19] Pièces P-14 et P-15.

[20] Pièce P-16.

[21] Pièce P-10, I-24A

[22] Champagne c. Tremblay, Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, CD00-0945, décision sur culpabilité et sanction rendue le 26 juin 2013.

[23] Champagne c. Delisle, Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, CD00-0874, décision sur culpabilité et sanction rendue le 16 décembre 2011.

 

[24] Champagne c. Couture, Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, CD00-0951, décision sur culpabilité et sanction rendue le 4 août 2014.

[25] Champagne c. Letendre, Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, CD00-0787, décision sur culpabilé et décision sur sanction rendues les 17 décembre 2010 et le 27 juillet 2011.

[26] Thibault c. Pollender, Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, CD00-0676, décision sur culpabilité et décision sur sanction rendues les 12 mars 2009 et le 25 août 2009.

[27] Page 11 de la décision sur sanction.

[28] Paragraphe 72 de la décision sur sanction.

[29] (2002) 162. C.c.c. (3rd) 37.

[30] Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision en date du 7 mars 2002.  Voir aussi Mathieu c. Dentistes, 2004 QCTP 027.

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