Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Djebbari

2015 QCCDCSF 53

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1116

 

DATE :

1er octobre 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

 

M. Benoît Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FAROUK DJEBBARI, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 150775 et numéro de BDNI 1500851)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                De non-divulgation, non-publication et non-diffusion des renseignements personnels ou financiers concernant les consommateurs et permettant de les identifier.

[1]           Le 29 juin 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau,
26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 31 mars 2015.

LA PLAINTE

P.P.

 

1.      À Montréal, le ou vers le 11 septembre 2007, l’intimé a recommandé et fait souscrire à P.P. un prêt investissement de 50 000 $, ce qui ne correspondait pas à sa situation financière et personnelle ainsi qu’à ses objectifs, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c D-9.2), 12, 13, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

2.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 18 septembre 2009, l’intimé n’a pas fourni à P.P. tous les renseignements nécessaires et utiles relativement aux conséquences du transfert des placements qu’il détenait dans le fonds Catégorie Fidelity Chine Série A vers le fonds Fidelity Titres Américains à rendement élevé, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c D-9.2), 12, 13, 14, 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 7 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

3.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 18 septembre 2009, l’intimé a recommandé et fait transférer les placements que P.P. détenait dans le fonds Catégorie Fidelity Chine Série A vers le fonds Fidelity Titres Américains à rendement élevé, une transaction ayant des conséquences qui auraient pu être évitées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c D-9.2), 12, 35 du Code  de déontologie  de la Chambre  de la sécurité  financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

4.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 26 novembre 2009, l’intimé n’a pas fourni à P.P. tous les renseignements nécessaires et utiles relativement aux conséquences du transfert des placements qu’il détenait dans le fonds Fidelity Titres Américains à rendement élevé vers les fonds Catégorie Fidelity Chine Série A et Catégorie Fidelity Extrême-Orient Série A, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 13, 14, 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 7, 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) et 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, c. V-1.1);

 

5.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 26 novembre 2009, a recommandé et fait transférer les placements que P.P. détenait dans le fonds Fidelity Titres Américains à rendement élevé vers les fonds Catégorie Fidelity Chine Série A et Catégorie Fidelity Extrême-Orient Série A, une transaction ayant des conséquences qui auraient pu être évitées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

 

C.B.

6.      Dans la province de Québec, le ou vers le 29 juin 2010, l’intimé n’a pas fourni à C.B. tous les renseignements nécessaires et utiles relativement aux conséquences du transfert des placements qu’elle détenait dans le fonds Fidelity Titres Américains à rendement élevé vers le fonds Catégorie Fidelity Discipline Actions Canada, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 13, 14, 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 7, 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) et 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières, (RLRQ, c. V-1.1);

 

7.      Dans la province de Québec, le ou vers le 29 juin 2010, a recommandé et fait transférer  les placements que C.B. détenait dans le fonds Fidelity Titres Américains à rendement élevé vers le fonds Catégorie Fidelity Discipline Actions Canada, une transaction ayant des conséquences qui auraient pu être évitées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 35 du Code de déontologie de  la  Chambre de la  sécurité  financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

M.H.

 

8.      Dans la région de Montréal, entre les ou vers les 20 juillet et 4 août 2011, l’intimé ne s’est pas acquitté avec diligence du mandat confié par M.H. en ne s’assurant pas que soit exécuté le transfert complet du fonds Fonds dividendes Plus Série A ([...]) vers le fonds Fidelity Obligations Canadiennes série A ([...]) dans le compte [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) et 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières, (RLRQ, c. V-1.1);

 

9.      Dans la région de Montréal, entre les ou vers les 20 juillet et 4 août 2011, l’intimé ne s’est pas acquitté avec diligence du mandat confié par M.H. en ne s’assurant pas que soit exécuté le transfert complet du fonds Fidelity dividendes Plus Série A ([...]) vers le fonds Fidelity Obligations Canadiennes série A ([...]) dans le compte [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) et 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières, (RLRQ, c. V-1.1).

 

[2]           La plaignante était représentée par Me Julie Piché, alors que l’intimé était représenté par Me Sébastien Tisserand.

[3]           Les procureurs ont indiqué que l’intimé désirait enregistrer un plaidoyer de culpabilité et qu’ils présenteraient des recommandations communes.

 

PREUVE ET PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]          Après s’être assuré que l’intimé comprenait bien le sens et la portée de son plaidoyer de culpabilité, le comité a donné acte à son enregistrement.

[5]           Ensuite, Me Piché a résumé le contexte factuel des infractions en référant à la preuve documentaire produite de consentement qui inclut un rapport d’expertise préparé par M. Alain Folco (Pièces P-1 à P-12).

[6]           Après l’étude de cette preuve documentaire et un court délibéré, le comité a déclaré l’intimé coupable sous chacun des neuf chefs d’accusation de la plainte.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[7]           Les parties ont soumis les recommandations communes suivantes sur sanction :

a)        Pour chacun des chefs 1 et 3:

               le paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun de ces chefs, pour un total de 10 000 $;

b)        Pour le chef 2:

               le paiement d’une amende de 3 000 $;

c)         Pour le chef 8:

               le paiement d’une amende de 4 000 $;

d)        Pour chacun des chefs 4, 5, 6, 7 et 9:

               une réprimande. Cette recommandation se justifiant par le fait que certains de ces chefs sont le miroir des chefs 2, 3 et 8.

 

[8]          Le total des amendes s’élève à 17 000 $.

[9]          De plus, les parties ont recommandé la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés, excluant les frais d’expertise.

[10]       Au soutien de ces recommandations communes, la plaignante a soumis une série de décisions[1].

[11]       Elle a invoqué les facteurs aggravants et atténuants suivants :

Aggravants 

a)        La gravité objective des infractions commises, celles-ci touchant la convenance du produit recommandé, l’information au client et le respect du mandat confié;

b)        Le nombre de trois consommateurs impliqués;

c)         L’intimé possédait de cinq à neuf ans d’expérience au moment des faits reprochés;

d)        La confiance que lui portait plus particulièrement un des consommateurs, qui était son ami d’enfance.

 

Atténuants

a)        Absence d’antécédents disciplinaires;

b)        Dernière infraction remontant en 2011, et aucune autre plainte n’existe contre l’intimé;

c)         Absence de malhonnêteté ou de mauvaise foi, les infractions découlant plutôt d’une négligence;

d)        L’intimé a reconnu sa faute et enregistré un plaidoyer de culpabilité;

e)        Quant au préjudice pécuniaire, l’intimé a participé à plus de 80 % au remboursement dont le consommateur P.P. a bénéficié;

f)          Pour le consommateur M.H., il y a eu règlement et l’intimé a participé à raison de 50 %;

g)        Quant à la consommatrice C.B., elle n'a pas vraiment subi de préjudice.

 

[12]        Le procureur de l’intimé a, pour sa part, demandé d’accorder à son client un délai de 24 mois pour acquitter les amendes et les déboursés.

[13]        La plaignante a déclaré ne pas s’opposer à cette demande, pourvu que les versements soient consécutifs et égaux, sous peine de perdre le bénéfice du terme.

ANALYSE ET MOTIFS

[14]       Conformément à l’article 154 du Code des professions, le comité consigne par écrit la décision sur culpabilité rendue séance tenante contre l’intimé donnant ainsi acte à l’enregistrement de son plaidoyer de culpabilité et le déclarant coupable sous chacun des neuf chefs de la plainte portée contre lui.

[15]        Au moment des gestes reprochés, l’intimé, qui exerce depuis 2002, détenait un certificat dans la discipline d’assurance de personnes, ainsi que de représentant de courtier  en épargne collective (P-1).

[16]       La plainte concerne trois consommateurs et la plupart des gestes ont été commis au cours de la même séquence d’événements.

[17]       En ce qui concerne le consommateur P.P., selon la preuve documentaire et l’opinion de l’expert retenu par la plaignante, le prêt investissement recommandé par l’intimé ne respectait pas deux des ratios d’endettement.

[18]       Toutefois, dans ce cas, le préjudice pécuniaire est d’au plus 1 000 $ puisque la compagnie a remboursé à P.P. les intérêts sur ce prêt que l’intimé a par la suite remboursé à la compagnie.

[19]       Quant aux chefs 2 et 3, l’intimé a fait défaut d’informer le consommateur que ces transferts de fonds pouvaient entraîner un gain ou une perte en capital. Il en est de même des chefs 4, 5, 6 et 7, ces deux derniers concernant un autre consommateur.

[20]       Enfin, quant aux chefs 8 et 9, l’intimé a fait défaut d’acquitter le mandat confié par son client, M.H., qui avait demandé de procéder dans un premier temps au transfert des fonds suivi du rachat de ces mêmes fonds. Or, l’intimé a fait le contraire, ce qui a entraîné des conséquences négatives pour le client.

[21]       Bien que les sanctions recommandées par les parties puissent paraître plutôt sévères en raison notamment du fait que le total des amendes suggérées équivaut aux 17 000 $ déjà déboursés par l’intimé pour le préjudice pécuniaire subi par les consommateurs et que cinq des neuf infractions découlent d’une même séquence d’événements dû à la même erreur, le comité donnera suite à ces recommandations considérant la jurisprudence applicable en droit disciplinaire au sujet des recommandations communes négociées par des avocats d’expérience.  

[22]       Par ailleurs, le comité accordera à l’intimé le délai demandé pour acquitter les amendes et les déboursés.

[23]       Ainsi, il condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des chefs 1 et 3, de 3 000 $ sous le chef 2, de 4 000 $ sous le chef 8, pour un total de 17 000 $ payables sur une période de 24 mois par versements mensuels consécutifs et égaux, sous peine de perte du bénéfice du terme en cas de défaut.

[24]       Le comité imposera également à l’intimé une réprimande sous chacun des chefs 4, 5, 6, 7 et 9.

[25]       Enfin, l’intimé sera condamné au paiement des déboursés, excluant toutefois les frais d’expertise.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des neuf chefs d’accusation de la plainte;

RÉITÈRE DÉCLARER l’intimé coupable sous chacun des neuf chefs d’accusation de la plainte.

 

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des chefs 1 et 3;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ sous le chef 2;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ sous le chef 8;

Le tout totalisant des amendes de 17 000 $

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous chacun des chefs 4, 5, 6, 7 et 9;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, à l’exception des frais d’expertise, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

ACCORDE à l’intimé un délai de vingt-quatre (24) mois pour le paiement des dites amendes et déboursés, les versements devant être mensuels consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du terme.

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Marc Gagnon_____________________

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Benoit Bergeron___________________

M. Benoît Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Sébastien Tisserand

MERCIER LEDUC, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 29 juin 2015

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Thibault c. Borgia, CD00-0637, décision sur culpabilité du 2 février 2009 et décision sur sanction du 28 juillet 2011; Thibault c. Beaudoin, CD00-0765, décision sur culpabilité du 18 mars 2011 et décision sur sanction du
3 février 2012; Champagne c. Gilbert, CD00-0944, décision sur culpabilité et sanction du 3 avril 2013; Champagne c. Vendramini, CD00-1026, décision sur culpabilité et sanction du 6 mars 2015; Champagne c. Bélisle, CD00-0965, décision sur culpabilité et sanction du 28 juillet 2014; Champagne c. Goura, CD00-0863, décision sur culpabilité et sanction du 16 décembre 2011; Champagne c. Bernard, CD00-0923, décision sur culpabilité du 3 juillet 2013 (corrigée le 17 juillet 2013) et décision sur sanction du 11 mars 2014
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