Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Adou

2015 QCCDCSF 60

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-1105

 

 

 

DATE :

12 novembre 2015

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

 

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

MOUSSA ADOU, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 178688)

 

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

           Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom du consommateur impliqué dans la présente plainte ou tout renseignement permettant de l'identifier, afin d’assurer la protection de sa vie privée.

 

[1]           Le 2 juin 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière
(le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau,
26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimé le 18 décembre 2014.

LA PLAINTE

1.     Dans la région de Montréal, entre les ou vers les 18 et 22 juillet 2013, l’intimé a fait signer à son client R.G. des lettres d’annulation de police d’assurance et expédié ces lettres avant l’émission de la police d’assurance vie n° [...] créant ou risquant ainsi un découvert d’assurance à son client R.G. entre le 24 juillet 2013 et le 23 octobre 2013, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 12, 24 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

2.     À Otterburn Park, le ou vers le 18 juillet 2013, l’intimé n’a pas rempli le préavis de remplacement requis lorsqu’il a fait souscrire à son client R.G. la proposition d’assurance vie n° [...], laquelle était susceptible d’entraîner la résiliation des contrats d’assurance vie n° [...] et n° [...], contrevenant ainsi à l’article 22(2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

3.     À Otterburn Park, le ou vers le 18 juillet 2013, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de son client R.G., lorsqu’il lui a fait souscrire la proposition d’assurance vie d’assurance vie n0 [...], contrevenant ainsi aux articles 27 la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

4.     À Otterburn Park, le ou vers le 18 juillet 2013, l’intimé n’a pas divulgué le contrat d’assurance vie n0 [...] en vigueur ni l’intention de son client R.G. de remplacer ce contrat lorsqu’il a fait souscrire à son client R.G. la proposition d’assurance vie n0 [...], contrevenant ainsi à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

5.     À Montréal, le ou vers le 18 juillet 2013, l’intimé n’a pas expédié le préavis de remplacement requis au siège de l’assureur dont le contrat n°[...] était susceptible d’être remplacé, contrevenant ainsi à l’article 22 (4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

6.     À Otterburn Park, le ou vers le 18 juillet 2013, l’intimé n’a pas rempli les préavis de remplacement de police d’assurance vie n° [...], [...] et [...] correctement, contrevenant ainsi aux articles 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10), 13 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3).

 

[2]           La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau et l’intimé par Me Mark Savard.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           Étant informé que l’intimé désirait enregistrer un plaidoyer de culpabilité sous chacun des six chefs d’accusation, le comité a donné acte à son enregistrement après s’être assuré que l’intimé comprenait bien le sens et la portée de son plaidoyer de culpabilité.

[4]           Ensuite, le procureur de la plaignante a déposé de consentement sa preuve documentaire (pièces P-1 à P-13).

[5]           Après que les parties aient avisé le comité que des recommandations communes seraient présentées sur sanction, le comité s’est retiré afin d’étudier la preuve documentaire en lien avec les chefs contenus à la plainte.

[6]           Après cette étude, bien que prêt à déclarer l’intimé coupable sous chacun des chefs d’accusation 2 à 6, le comité a questionné les procureurs quant au bien-fondé du premier chef d’accusation, en raison de la probable existence d’une couverture temporaire à partir de la date de la proposition, en attendant la décision de la Société  d’assurance inc. (SSQ).

[7]           Pour sa part, le procureur de la plaignante a soutenu que même si cette couverture temporaire existait, ce premier chef d’accusation demeurait bien-fondé, soumettant que la période de temps mentionnée à ce chef ne constituait pas un élément essentiel de l’infraction. Une discussion s’en est suivie avec les procureurs. Dans les circonstances, il a été convenu que les parties obtiennent l’information quant à l’existence de cette couverture et soumettent des notes au soutien de leurs prétentions respectives sur le bien-fondé du premier chef d’accusation.

[8]           Bien que les parties aient été invitées à soumettre leurs recommandations communes sur sanction afin que la décision à rendre par le comité sur la culpabilité puisse inclure celles-ci, le procureur de la plaignante s’est dit en désaccord estimant devoir revoir les sanctions convenues en fonction de la décision du comité eu égard à ce premier chef d’accusation.

[9]           Le délibéré a commencé le 31 juillet 2015, date de la réception de la réplique de la plaignante par le comité.

ANALYSE ET MOTIFS

[10]        Au moment des gestes reprochés, l’intimé, qui exerce depuis 2008, détenait un certificat dans la discipline d’assurance de personnes (P-1).

[11]        La plainte concerne un seul consommateur et les gestes ont été commis au cours de la même séquence d’événements.

[12]       Le consommateur R.G. a communiqué avec l’intimé pour l’obtention d’un prêt hypothécaire. Ce dernier s’est rendu à son domicile, le 18 juillet 2013. La conjointe de R.G. a alors proposé de revoir les assurances vie. Au cours de cette rencontre qui a duré environ trois heures, R.G. a contacté son représentant antérieur pour obtenir les informations nécessaires sur ses anciennes assurances aux fins de remplir le questionnaire de la proposition auprès de SSQ, mais celui-ci ne possédait pas toutes les informations complètes.

[13]       Comme déjà mentionné, l’intimé a plaidé coupable sous chacun des six chefs d’accusation portés contre lui en l’espèce. Le comité traitera d’abord des cinq derniers pour ensuite passer à l’analyse du premier chef d’accusation en tenant compte de la preuve et des représentations additionnelles des parties à ce sujet. 

Les chefs d’accusation 2, 3, 4, 5 et 6

[14]        Les chefs 2 et 6 concernent les préavis de remplacement requis lorsque l’intimé a fait souscrire la proposition d’assurance SSQ. Dans le premier cas, il y avait absence de préavis et dans le deuxième, des erreurs ont été commises sur ceux-ci. L’intimé sera donc déclaré coupable sous chacun d’eux pour avoir contrevenu à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants. L’arrêt conditionnel des procédures sera ordonné quant aux autres dispositions invoquées au soutien du chef 6.

[15]       Le chef 3 reproche à l’intimé de ne pas avoir recueilli tous les renseignements et de ne pas avoir procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers (ABF) de R.G. lors de la proposition auprès de SSQ. L’intimé a fait défaut notamment d’y indiquer les actifs du consommateur, les polices déjà détenues ou leurs caractéristiques. Il sera donc déclaré coupable sous ce chef pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants. L’arrêt conditionnel des procédures sera ordonné quant aux autres dispositions alléguées au soutien de ce chef.

[16]       Le chef 4 reproche à l’intimé de ne pas avoir divulgué un contrat déjà existant lors de la proposition soumise au nouvel assureur et sera donc déclaré coupable pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[17]       En ce qui concerne le chef 5, l’intimé n’a pas expédié le préavis de remplacement au siège de l’assureur dont le contrat était susceptible d’être remplacé, contrevenant ainsi à l’article 22 (4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et en sera donc déclaré coupable.

Le chef d’accusation 1

[18]        Ce chef reproche à l’intimé d’avoir créé ou risqué un découvert d’assurance à son client R.G., entre le 24 juillet et le 23 octobre 2013, en lui faisant signer des lettres d’annulation de police d’assurance et en les expédiant avant même l’émission de la police d’assurance vie proposée à la SSQ.

[19]        Il ressort de la preuve que les cinq lettres d’annulation des polices d’assurance vie, signées le 18 juillet 2013, ont été envoyées le 22 juillet 2013 et qu’une confirmation de leur réception par les assureurs a été reçue le 24 juillet 2013. Selon la version même de l’intimé, R.G. souhaitait conserver celle qu’il détenait auprès d’Empire Vie au moins jusqu’à l’émission de la police proposée auprès de SSQ.

[20]       R.G. a répondu au questionnaire des assureurs et a remis à l’intimé un chèque défrayant les primes de la nouvelle assurance avec SSQ. En attendant la décision de SSQ quant à l’octroi de cette nouvelle police, il bénéficiait d’une assurance temporaire immédiate pour une période de 90 jours, prenant fin le 18 octobre 2013[1].

[21]       R.G. a décidé, suivant les recommandations de son ancien représentant, de conserver ses polices et n’a pas donné suite aux avis l’invitant à subir les examens médicaux exigés pour la nouvelle police d’assurance[2]. Par conséquent, le 25 octobre 2013, SSQ lui a retourné un chèque en remboursement de la prime payée[3].

[22]       Force est de constater qu’il y a eu découvert d’assurance, à tout le moins du 19 au 23 octobre 2013, ce que le procureur de l’intimé reconnait d’ailleurs. Il en impute toutefois la responsabilité au consommateur qui a négligé de se soumettre à l’examen médical et n’a pas informé l’intimé qu’il n’avait plus l’intention de s’assurer auprès de la SSQ. Sauf respect, le comité ne peut retenir cet argument puisque ce n’est pas le comportement du consommateur qui est en cause en l’espèce, mais bien celui du représentant.

[23]        Le comité donnera suite au plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous ce chef d’accusation, celui-ci étant bien-fondé en faits et en droit et le déclarera coupable pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers. L’arrêt conditionnel des procédures sera ordonné quant aux autres dispositions invoquées au soutien de ce chef.

[24]       Quant aux représentations des parties à savoir si la mention, de la période du 24 juillet au 23 octobre 2013 à ce chef d’accusation, constitue un élément essentiel de l’infraction, le comité estime que cette question est devenue sans objet étant donné ce qui précède de sorte qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur celle-ci.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des six chefs d’accusation contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef d’accusation 1, pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)
et ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux articles 12, 24 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef d’accusation 2, pour avoir contrevenu à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef d’accusation 3, pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10)
et ORDONNE
l’arrêt conditionnel des procédures quant à l’article 27 la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef d’accusation 4, pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef d’accusation 5, pour avoir contrevenu à l’article 22 (4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef d’accusation 6, pour avoir contrevenu à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10) et ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux articles 13 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Marc Binette______________________

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Dyan Chevrier____________________

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Mark Savard

CENTRE LÉGAL FLEURY, s.e.n.c.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 2 juin 2015

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Lettre de la SSQ datée du 8 juin 2015, jointe aux notes soumises par le procureur de l’intimé.

[2] Voir note 1.

[3] I-1.

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