Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1039

 

DATE :

23 avril 2014

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

M. André Noreau

Membre

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NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

LAURA BELLE, conseillère en sécurité financière (numéro de certificat 192027);

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

RENDUE VERBALEMENT SÉANCE TENANTE LE 17 MARS 2014

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et prénoms des clients dont les initiales sont mentionnées aux deux (2) chefs d’accusation ainsi que des renseignements pouvant permettre de les identifier.

[1]           Le 17 mars 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni à Québec, aux locaux de la Cour fédérale, au palais de justice de Québec situé au 300, boulevard Jean-Lesage, salle 5.02B, Québec, et a procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À St-Elzéar, le ou vers le 27 août 2013, l’intimée a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme en transmettant à S.R. pour signature par S.R. et V.B. une proposition d’assurance incomplète ainsi qu’un préavis de remplacement en blanc, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

2.      À St-Elzéar, le ou vers le 27 août 2013, l’intimée a fait défaut de fournir à sa cliente V.B. des explications quant à la proposition d’assurance et au préavis de remplacement qu’elle voulait lui faire signer, contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 12, 13, 14 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3). »

[2]           D’entrée de jeu, alors que l’intimée était absente, sa procureure, Me Louise Brisset des Nos, avisa le comité qu’elle avait reçu instructions de sa cliente d’enregistrer en son nom un plaidoyer de culpabilité sous chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Au soutien de son affirmation, elle déposa un document par lequel cette dernière confirmait sa volonté de plaider coupable à chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[4]           Après l’enregistrement dudit plaidoyer de culpabilité, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[5]           À titre de preuve, la plaignante déposa sous les cotes P-1 à P-9 une preuve documentaire en lien avec les infractions reprochées à l’intimée mais ne fit entendre aucun témoin.

[6]           Quant à l’intimée, elle déclara n’avoir aucune preuve à offrir.

[7]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta en exposant au comité que les parties s’étaient entendues pour lui proposer des « suggestions communes ».

[9]           Elle indiqua qu’elles s’étaient accordées pour proposer au comité d’imposer à l’intimée une radiation temporaire d’un mois sous chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte, lesdites sanctions de radiation devant être purgées de façon concurrente.

[10]        Elle indiqua de plus réclamer la publication de la décision ainsi que la condamnation de l’intimée au paiement des déboursés.

[11]        Elle mentionna que cette dernière lui avait indiqué qu’elle entendait réclamer un délai d’une année pour acquitter les déboursés et qu’elle n’avait aucune objection à un tel délai.

[12]        Relativement à la publication de la décision, elle signala que l’intimée avait l’intention de demander au comité une dispense de publication, mais qu’elle s’y objectait.

[13]        La plaignante exposa ensuite comme suit les faits à l’origine de la plainte :

[14]        L’intimée agit à titre de représentante dans le cabinet de son père depuis 2011.

[15]        Le client concerné S.R. détenait une police d’assurance-vie composée en partie d’assurance permanente et en partie d’assurance temporaire renouvelable annuellement (TRA). Ladite police avait été souscrite par l’entremise du père de l’intimée.

[16]        L’ex-conjointe de S.R., V.B., était également assurée sous la couverture permanente de la police précitée.

[17]        En août 2013, l’intimée aurait pris contact avec S.R. pour lui suggérer de transformer en temporaire dix (10) ans la partie du contrat renouvelable annuellement.

[18]        Elle aurait réclamé à deux (2) reprises de rencontrer S.R. mais ce dernier aurait refusé lui demandant de plutôt lui « envoyer les papiers » par la poste ou messager.

[19]        L’intimée aurait alors fait tenir à S.R. une proposition d’assurance incomplète ainsi qu’un préavis de remplacement en blanc avec des collants « Post-it » suggérant les endroits où ce dernier et son ex-conjointe V.B. devaient signer la documentation avant de la lui retourner.

[20]        Selon la plaignante, l’intimée aurait reconnu n’avoir jamais échangé avec l’ex-conjointe de S.R., V.B., pour lui expliquer l’objectif des modifications au contrat et l’impact que celles-ci pouvaient avoir sur ses intérêts.

[21]        S.R. n’aurait pas donné suite aux documents qui lui ont été transmis par l’intimée parce qu’il était en voie de modifier sa police avec un autre représentant.

[22]        Cet autre représentant, avisé par S.R. des agissements de l’intimée, aurait acheminé l’information à l’Autorité des marchés financiers (AMF), ce qui aurait amené la plainte portée contre l’intimée.

[23]        À titre de facteur atténuant, la plaignante signala le peu d’expérience de l’intimée au moment des événements, les infractions ayant été commises quelques semaines après la fin de son stage.

[24]        Elle mentionna de plus que cette dernière avait indiqué qu’elle songeait à réorienter sa carrière de façon à ne plus avoir à traiter directement avec les clients.

[25]        Elle souligna ensuite la gravité objective des infractions commises affirmant qu’il était inadmissible qu’un représentant transmette pour signature à un consommateur une proposition d’assurance incomplète et un préavis de remplacement en blanc.

[26]        Elle indiqua que ce genre de comportement, au cœur de l’exercice de la profession, allait à l’encontre de la mission du représentant, et était « incorrect » tant à l’égard des consommateurs qu’à l’égard des assureurs.

[27]        Elle plaida que l’imposition d’une sanction de radiation temporaire s’imposait donc.

[28]        Elle résuma les principaux facteurs atténuants comme suit :

a)            le peu d’expérience de l’intimée dans le domaine de la distribution de produits d’assurance;

b)            l’absence d’intention malhonnête de sa part;

c)            son absence d’antécédents disciplinaires;

d)            l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité sous tous et chacun des chefs d’accusation portés contre elle, et ce, à la première occasion;

e)            les regrets qu’elle a exprimés relativement aux infractions qui lui étaient reprochées.

[29]        Elle termina en mentionnant que les recommandations communes des parties respectaient les paramètres jurisprudentiels applicables et mentionna à cet effet les décisions rendues par le comité dans les affaires Côté[1], Pitre[2], Haddaoui[3] et Morinville[4].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[30]        La procureure de l’intimée débuta en confirmant l’accord de sa cliente aux « suggestions communes » présentées par la plaignante.

[31]        Elle suggéra ensuite au comité de rendre si possible sa décision, sur le banc, séance tenante, afin de permettre à cette dernière de ranger cette affaire derrière elle.

[32]        Relativement à l’acquittement des déboursés, elle réclama du comité que celui-ci accorde à l’intimée un délai d’un an pour en effectuer le paiement.

[33]        À l’appui de sa demande, elle souligna notamment que cette dernière était actuellement en congé de maternité et qu’elle ne disposait que de peu ou pas de revenus.

[34]        Relativement à la publication de la décision, elle indiqua qu’à son avis il n’y avait pas nécessité pour le comité d’ordonner celle-ci et demanda au comité de s’abstenir de rendre une telle ordonnance.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[35]        Par les présentes, le comité consigne par écrit la décision sur culpabilité et sanction qu’il a rendue séance tenante le 17 mars 2014.

[36]        Selon l’attestation du droit de pratique provenant de l’AMF, l’intimée a débuté dans la distribution de produits d’assurance-vie en août 2011.

[37]        Elle n’a aucun antécédent disciplinaire.

[38]        Elle a admis ses fautes et plaidé coupable à la première occasion à chacun des deux (2) chefs d’accusation portés contre elle.

[39]        Les fautes qu’elle a commises ne comportent aucune malhonnêteté.

[40]        Elle a indiqué au procureur de la plaignante regretter celles-ci.

[41]        Néanmoins, il s’agit de fautes qui vont au cœur de l’exercice de la profession.

[42]        D’une gravité objective indéniable, elles sont de nature à porter atteinte à l’image de celle-ci.

Chef numéro 1 :

[43]        À ce chef, l’intimée s’est reconnue coupable d’avoir transmis à son client S.R., pour signature par lui-même et par son ex-conjointe V.B., une proposition d’assurance incomplète ainsi qu’un préavis de remplacement en blanc.

[44]        Tel que le comité l’a déclaré antérieurement, même si le degré de faute peut différer d’un cas à l’autre, faire signer en blanc un ou des documents à ses clients est une pratique malsaine et reprochable.

[45]        Pour les motifs plus amplement exprimés par la plaignante, les parties ont conjointement suggéré au comité d’imposer à l’intimée une radiation temporaire d’un mois sous ce chef à être purgée de façon concurrente avec la sanction de radiation qui sera proposée sous le chef 2.

[46]        Dans les circonstances propres à ce dossier, leur recommandation apparaît raisonnable et appropriée.

[47]        En l’espèce le comité ne voit aucune raison valable qui le justifierait de refuser de donner suite à la suggestion des parties.

[48]        Le comité imposera donc à l’intimée sous ce chef une radiation temporaire d’un mois à être purgée de façon concurrente avec la sanction de radiation temporaire qui lui sera imposée sous le chef suivant.

Chef numéro 2 :

[49]        Au chef 2, il est reproché à l’intimée d’avoir fait défaut de fournir à sa cliente V.B. des explications quant à la proposition d’assurance et au préavis de remplacement qu’elle voulait lui faire signer.

[50]        Il s’agit d’une infraction qui touche directement à l’exercice de la profession et qui est de nature à discréditer celle-ci.

[51]        Sous ce chef, les parties ont conjointement suggéré au comité d’imposer à l’intimée une radiation temporaire d’un mois à être purgée de façon concurrente avec la sanction de radiation temporaire qui lui sera imposée sous le chef 1.

[52]        Considérant l’ensemble des circonstances propres à ce dossier ainsi que les facteurs objectifs et subjectifs qui lui ont été présentés, le comité ne voit aucune raison valable qui le justifierait de refuser de donner suite à la suggestion des parties.

[53]        Celle-ci lui apparaît raisonnable, appropriée, adaptée à l’infraction ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont le comité ne peut faire abstraction.

[54]        Le comité ordonnera donc sous ce chef la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’un mois à être purgée de façon concurrente avec la sanction de radiation qui lui sera imposée sous le chef 1.

[55]        Par ailleurs, conformément à la suggestion des parties, le comité condamnera l’intimée au paiement des déboursés et lui accordera un délai d’un an pour en défrayer le coût.

[56]        Relativement à la publication de la décision, en l’absence de motifs ou de particularités suffisamment exceptionnels qui lui permettraient de déroger à la règle habituelle, le comité donnera suite à la recommandation de la plaignante et ordonnera la publication de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sous chacun des chefs d’accusation 1 et 2 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimée coupable de chacun des chefs d’accusation 1 et 2 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’un mois à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

ACCORDE à l’intimée un délai d’une année pour effectuer le paiement des déboursés.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) André Noreau

M. ANDRÉ NOREAU

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BELISLE, GALARNEAU, s.e.n.c.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Louise Brisset des Nos, avocate

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :

17 mars 2014

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Mme Nathalie Lelièvre c. M. Guillaume Côté, CD00-0841, décision sur culpabilité et sanction en date du 7 avril 2011.

[2]     Me Caroline Champagne c. M. Christian Pitre, CD00-0904, décision sur culpabilité et sanction corrigée en date du 3 août 2012.

[3]     Me Micheline Rioux c. Noureddine Haddaoui, CD00-0622, décision sur sanction en date du 25 juin 2008.

[4]     Léna Thibault c. Carole Morinville, CD00-0724, décision sur culpabilité et sanction en date du 31 décembre 2009.

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