Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0998

 

DATE :

08 juillet 2014

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Pierre Décarie

Membre

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

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NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

GÉRALD THIBEAULT, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 132449 et numéro de BDNI 1775021)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 6 mai 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, Québec, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE


« N.C.

 

1.    Dans la province de Québec, les ou vers les 16 et 30 septembre 2008, l’intimé a signé à titre de représentant et/ou témoin de la signature de N.C. sur les propositions de régime d’épargne-études individuel portant les numéros [...], [...] et [...] d’Industrielle Alliance et leurs annexes, alors qu’il n’a pas agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3) ;

 

E.L.

 

2.    Dans la province de Québec, le ou vers le 10 octobre 2008, l’intimé a signé à titre de représentant et/ou témoin de la signature de E.L. sur la proposition  de régime d’épargne-études individuel portant le numéro [...] d’Industrielle Alliance et ses annexes, alors qu’il n’a pas agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé qui était accompagné de son procureur enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement de son plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante, par l’entremise de son procureur, versa au dossier une preuve documentaire cotée P-1 à P-4, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il se contenta de déposer sous la cote I-1 un plaidoyer de culpabilité écrit.

[6]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           La plaignante débuta ses représentations en mentionnant que les parties avaient convenu de soumettre au comité des « recommandations communes » sur sanction.

[8]           Elle affirma que celles-ci s’étaient entendues pour lui proposer de condamner l’intimé sous le premier chef au paiement d’une amende de 5 000 $, et de lui imposer une réprimande sous le second chef. Elle ajouta qu’elles avaient également convenu de recommander que ce dernier soit condamné au paiement des déboursés.

[9]           Après une brève description du contexte factuel lié aux infractions, elle évoqua les facteurs atténuants et aggravants suivants :

Facteurs atténuants :

-       l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé au cours d’une carrière de plus de quarante (40) ans;

-       sa collaboration à l’enquête de la syndique;

-       l’absence de préjudice subi par les consommateurs;

-       l’absence de « bénéfices réels » pour l’intimé et son absence d’intention malicieuse ou malveillante;

-       sa reconnaissance des faits et l’enregistrement à la première occasion d’un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte;

-       un risque de récidive « peu élevé », l’intimé étant « aux portes » de la retraite.

Facteurs aggravants :

-       un type de conduite clairement prohibé; des infractions objectivement sérieuses ayant pour résultat la transmission d’informations mensongères à l’assureur;

-       la longue expérience de l’intimé qui aurait dû le mettre à l’abri d’agir tel qu’il lui est reproché;

-       l’atteinte à l’image de la profession.

[10]        Elle termina en déposant au soutien de ses suggestions un cahier d’autorités composé de quatre (4) décisions antérieures du comité qu’elle commenta[1].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[11]        Le procureur de l’intimé débuta ses représentations en confirmant que les suggestions de la plaignante étaient bel et bien des « recommandations communes ».

[12]        Il insista ensuite sur les facteurs atténuants évoqués précédemment par la plaignante, soulignant à son tour que son client n’avait aucunement été animé d’une intention malhonnête et mentionnant, qu’à l’époque concernée, les gestes reprochés étaient peut-être plus facilement « tolérés » qu’aujourd’hui.

[13]        Il indiqua que si son client avait fauté c’était strictement dans le but de rendre service à un représentant qui ne disposait pas, au moment des événements, de contrat avec l’assureur en cause.

[14]        Il termina en rappelant que l’intimé était en fin de carrière et que dans une telle situation les risques de récidive étaient minimes.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[15]        Alors qu’il n’avait pas rencontré les deux (2) clients concernés par les chefs d’accusation, l’intimé a signé à titre de représentant et/ou de témoin à leur signature sur des propositions de régimes épargne-études auprès de l’Industrielle Alliance.

[16]        C’est un représentant de son cabinet ne disposant pas de contrat avec l’Industrielle Alliance, qui avait agi auprès des clients.

[17]        L’intimé a posé les gestes qui lui sont reprochés dans le but de rendre service à ce dernier.

[18]        Les deux (2) infractions ont été commises de façon contemporaine et sont de même nature.

[19]        Elles remontent à l’an 2008.

[20]        Outre ces infractions, l’intimé n’a au cours d’une carrière de plus de quarante (40) ans fait l’objet d’aucun autre reproche auprès des instances disciplinaires de la profession.

[21]        Les parties ont conjointement suggéré au comité de le condamner au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef numéro 1 et de lui imposer une réprimande sous le chef numéro 2.

[22]        Dans une telle situation, où les parties conviennent de lui présenter des « recommandations communes », le comité doit faire preuve de prudence avant de refuser de souscrire à leurs suggestions.

[23]        La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Douglas a en effet clairement indiqué que lorsque les parties représentées par procureurs, après des négociations sérieuses, en arrivent à s’entendre pour présenter de façon conjointe des recommandations au tribunal, celles-ci ne doivent être écartées que si ce dernier les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice[2].

[24]        En l’instance, après révision du dossier et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs exposés par les parties, le comité ne croit pas qu’il serait justifié de refuser de souscrire à leurs « recommandations conjointes ».

[25]        Le comité se conformera donc à leurs recommandations et condamnera l’intimé sous le chef 1 au paiement d’une amende de 5 000 $ et, sous le chef numéro 2, il lui imposera une réprimande.

[26]        De plus, conformément à la suggestion des parties et à la règle voulant que la partie qui succombe assume généralement les frais, le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation numéro 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef d’accusation numéro 2 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ c. C-26.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie____________________

M. PIERRE DÉCARIE

Membre du comité de discipline

 

(s) Ginette Racine____________________

Mme GINETTE RACINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jeanine Guindi

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Maxime Gauthier

MÉRICI SERVICES FINANCIERS INC.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

6 mai 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Me Caroline Champagne c. Yvan Ardouin, CD00-0864, décision sur culpabilité et sanction en date du 14 février 2012; Me Caroline Champagne c. M. Martin Proteau, CD00-0880, décision sur culpabilité et sanction en date du 12 avril 2012; Nathalie Lelièvre c. Louise Demers, CD00-0929, décision sur culpabilité et sanction en date du 16 janvier 2013; Nathalie Lelièvre c. André Moreau, CD00-0926, décision sur culpabilité et sanction en date du 14 mars 2013.

[2]     Voir également les décisions du Tribunal des professions dans les affaires Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision du 7 mars 2002 et Roy c. Médecins, 1998 QCTP 1735 où a été confirmée l’applicabilité de ce principe en matière disciplinaire.

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