Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0965

 

DATE :

28 juillet 2014

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Claude Trudel, A.V.A.

Membre

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

_____________________________________________________________________

 

Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

M. PAUL-ANDRÉ BÉLISLE, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rente collective (numéro de certificat 102214)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom du consommateur dont les initiales sont mentionnées aux différents chefs d’accusation ainsi que des renseignements pouvant permettre de l’identifier.

[1]           Le 12 mai 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       Dans la région de Montréal, au mois d’octobre 2003, l’intimé a fait souscrire à son client G.C. la police d’assurance vie universelle numéro [...] auprès de Standard Life alors qu’elle ne correspondait pas à sa situation financière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

2.          Dans la région de Montréal, au mois d’octobre 2003, l'intimé n'a pas recueilli personnellement tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de son client G.C., alors qu'il lui faisait souscrire la police d'assurance vie universelle numéro [...] auprès de Standard Life, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10);

3.          Dans la région de Montréal, entre octobre et décembre 2003, l’intimé a donné à son client G.C. des informations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles de l’induire en erreur quant à la police d’assurance vie universelle numéro [...] souscrite auprès de Standard Life, contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

4.          Dans la région de Montréal, le ou vers le 2 avril 2004, l’intimé a donné à son client G.C. des informations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles de l’induire en erreur quant à la police d'assurance vie universelle numéro [...] souscrite auprès de Standard Life, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

5.          Dans la région de Montréal, le ou vers le 28 septembre 2004, l'intimé a donné à son client G.C. des informations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles de l’induire en erreur quant à la police d'assurance  vie universelle numéro [...] souscrite auprès de Standard Life, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

6.          Dans la région de Montréal, le ou vers le 16 août 2007, l'intimé a donné à son client G.C. des informations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles d'induire en erreur quant à la police d'assurance vie universelle numéro [...] souscrite auprès de Standard Life, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3). »

[2]           D’entrée de jeu, la plaignante, par l’entremise de son procureur, demanda l’autorisation d’amender le chef numéro 4 de façon à ce que soient retirés aux deuxième et troisième lignes les termes « fausses, … trompeuses ou susceptibles de l’induire en erreur ».

[3]           Sa demande d’amendement n’ayant pas été contestée, le comité autorisa celle-ci si bien que le chef d’accusation numéro 4 tel qu’amendé doit dorénavant se lire comme suit :

« 4.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 2 avril 2004, l’intimé a donné à son client G.C. des informations incomplètes quant à la police d'assurance vie universelle numéro [...] souscrite auprès de Standard Life, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3)  »

[4]           Elle réclama ensuite l’autorisation de retirer les chefs d’accusation 1, 3, 5 et 6.

[5]           Relativement au chef d’accusation numéro 1, elle indiqua que de nouvelles informations lui avaient été transmises par la comptable de l’intimé, si bien qu’il lui fallait conclure que la situation du consommateur était à l’époque des événements reprochés, bien différente de celle qui a été analysée par l’expert qu’elle a mandaté dans ce dossier et sur l’opinion duquel reposait ledit chef d’accusation.

[6]           Relativement aux chefs d’accusation 3, 5 et 6, elle se déclara satisfaite que le chef d’accusation numéro 4 tel qu’amendé « couvrait bien » à son avis l’infraction commise par l’intimé, les chefs d’accusation 3, 5 et 6 référant aux mêmes « informations incomplètes » transmises au client dans des « documents d’illustrations distinctes ».

[7]           L’intimé, par l’entremise de son procureur, déclara n’avoir aucune objection au retrait desdits chefs et considérant les motifs plus amplement invoqués verbalement par le procureur de la plaignante, le comité autorisa alors le retrait de ceux-ci.

[8]           Par la suite, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard du chef d’accusation 2 et du chef d’accusation 4, tel qu’amendé.

[9]           Suivirent la preuve et les représentations des parties sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[10]        Alors que la plaignante versa au dossier une imposante preuve documentaire composée principalement d’éléments recueillis lors de son enquête, qui furent cotés P-1 à P-5, elle ne fit entendre aucun témoin.

[11]        Quant à l’intimé, il n’offrit aucune preuve.

[12]        Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[13]        La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en mentionnant au comité qu’elle-même et l’intimé avaient convenu de lui présenter des « recommandations communes ».

[14]        Ainsi, elle indiqua que les parties s’étaient entendues pour lui suggérer l’imposition des sanctions suivantes :

Sous le chef 2 : la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef 4 tel qu’amendé : la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $.

[15]        Elle ajouta qu’elles avaient également convenu de recommander la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés, étant entendu cependant que ceux-ci seraient « limités aux frais de signification (de la plainte, des procédures, etc.) ».

[16]        Elle souligna ensuite les facteurs aggravants et atténuants suivants :

Facteurs aggravants :

-           la gravité objective des infractions commises, notamment celle relative au défaut de procéder à une analyse complète et conforme des besoins financiers du client (ABF) (chef 2), le comité ayant déclaré à plusieurs reprises que l’ABF était au cœur du travail du représentant;

-           la longue expérience de l’intimé, ce qui aurait dû le mettre à l’abri de commettre les fautes qui lui sont reprochées;

Facteurs atténuants :

-           l’absence d’intention malveillante;

-           l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité;

-           l’absence d’antécédents disciplinaires au cours d’une longue carrière;

-           un seul consommateur impliqué; une seule « victime ».

[17]        Elle termina ses représentations en répétant que les sanctions qu’elle réclamait « étaient des recommandations communes » soulignant qu’à son avis celles-ci respectaient « le principe d’exemplarité, le devoir de protection du public ainsi que les paramètres jurisprudentiels applicables ».

[18]        Enfin, au soutien de ses recommandations, elle déposa un cahier d’autorités comportant cinq (5) décisions antérieures du comité[1].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[19]        Le procureur de l’intimé débuta ses représentations en signalant que son client, qui exerçait la profession depuis trente-sept (37) ans, n’avait aucun antécédent disciplinaire.

[20]        Il mentionna ensuite le plaidoyer de culpabilité enregistré par ce dernier, indiquant qu’en parvenant à une entente avec la plaignante pour « disposer du dossier », il avait évité à cette dernière et au comité une audition de plusieurs jours.

[21]        Il déclara enfin que ce dernier regrettait ses fautes, sa « négligence ».

[22]        Il termina en réclamant un délai de deux (2) ans pour l’acquittement tant des amendes que des déboursés, ajoutant qu’il s’agissait d’un délai convenu avec la plaignante.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[23]        Après le retrait par la plaignante de quatre (4) des chefs d’accusation portés contre lui, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous les chefs subsistant à la plainte.

[24]        Selon les représentations soumises au comité, il regrette sincèrement ses fautes.

[25]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire alors qu’il exerce dans le domaine de la distribution de produits financiers et/ou d’assurance depuis plus de trente-sept (37) ans.

[26]        Les infractions auxquelles il a plaidé coupable sont néanmoins d’une gravité objective indéniable.

[27]        Relativement à l’infraction qui lui est reprochée au chef numéro 2, le comité doit souligner, tel qu’il l’a déclaré à plusieurs reprises, que l’analyse complète et conforme des besoins financiers du client est la pierre d’assise du travail du représentant.

[28]        Relativement à l’infraction mentionnée au chef numéro 4 amendé, lui reprochant la transmission à son client d’informations incomplètes sur la police d’assurance-vie universelle que ce dernier avait souscrite, il s’agit, comme dans le cas de l’infraction précédente, d’une faute touchant au cœur de l’exercice de la profession.

[29]        En ce qui a trait aux sanctions qui doivent lui être imposées, les parties ont soumis au comité ce qu’il est convenu d’appeler des « recommandations communes ».

[30]        Or dans l’arrêt Douglas[2], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué la marche à suivre lorsque les parties représentées par avocat parviennent à s’entendre pour présenter au tribunal de telles recommandations.

[31]        Elle y a clairement indiqué que celles-ci ne devraient être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice.

[32]        L’applicabilité de ce principe au droit disciplinaire a été confirmée par le Tribunal des professions à quelques reprises[3].

[33]        En l’espèce, après étude et examen attentif du dossier, le comité est d’avis que les recommandations conjointes des parties, notamment lorsqu’elles sont considérées dans leur globalité, ne sont ni démesurées, ni déraisonnables, mais plutôt justes et appropriées. Il y donnera donc suite.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONFIRME sa décision d’accueillir la demande d’amendement du chef 4 formulée par la plaignante;

RÉITÈRE sa décision d’accueillir la demande de retrait des chefs d’accusation 1, 3, 5 et 6 formulée par la plaignante;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous le chef d’accusation numéro 2 ainsi que sous le chef d’accusation numéro 4 tel qu’amendé;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef d’accusation numéro 2 ainsi que du chef d’accusation numéro 4 tel qu’amendé;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation numéro 2 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef d’accusation numéro 4 tel qu’amendé :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, ceux-ci étant cependant limités « aux frais de signification »;

ACCORDE à l’intimé un délai de deux (2) ans pour le paiement de l’amende et l’acquittement des déboursés.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Claude Trudel____________________

M. CLAUDE TRUDEL, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard_________________

Mme GISÈLE BALTHAZARD, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Robert Brunet

BRUNET & BRUNET

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

12 mai 2014

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Champagne c. Di Salvo, CD00-0970, décision sur culpabilité et sanction en date du 26 novembre 2013; Champagne c. Beckers, CD00-0862, décision sur culpabilité et sanction en date du 17 août 2012; Champagne c. Gagné, CD00-0816, décision sur culpabilité en date du 12 mars 2012 et décision sur sanction en date du 27 septembre 2012; Lelièvre c. Aubrais, CD00-0900, décision sur culpabilité et sanction en date du 25 octobre 2012; Rioux c. Bourdeau, CD00-0646, décision sur culpabilité en date du 13 juillet 2009 et décision sur sanction en date du 18 mars 2010.

[2]     R. c. Douglas, 2002, 162 CCC 3rd (37).

[3]     Voir notamment Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, 2002 QCTP 15 CanLII et Roy c. Médecins, 1998 QCTP 1735.

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