Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0969

 

DATE :

9 octobre 2013

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

M. Pierre Décarie

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

MARIE-CLAUDE DUBOIS, conseillère en sécurité financière (numéro de certificat 110928)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom des consommateurs en cause, des informations qui permettraient de les identifier ainsi que de l’attestation médicale produite sous la cote I-1 et des informations qui s’y retrouvent.

[1]           Le 27 juin 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni aux locaux de la Commission des lésions professionnelles sis au 3225, rue Cusson, salle 302A, Saint-Hyacinthe, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.      À Trois-Rivières, le ou vers le 6 mai 2005, l’intimée a faussement attesté auprès d’AXA Assurances qu’à sa connaissance, les renseignements fournis dans la proposition d’assurance vie universelle no [...] étaient exacts, alors qu’elle n’avait pas procédé à la cueillette ni à la vérification de tous ces renseignements, et qu’elle savait qu’ils avaient plutôt été colligés par Norman Burns, une personne qui n’était pas autorisée à exercer, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 1.01);

2.         À Trois-Rivières, le ou vers le 6 mai 2005, l’intimée a faussement attesté auprès d’AXA Assurances avoir agi comme représentante de J.M.B. et M.C. pour la souscription de la proposition d’assurance vie universelle no [...] en signant sur celle-ci à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 1.01);

3.         À Trois-Rivières, le ou vers le 6 mai 2005, l’intimée a accepté d'être la représentante de J.M.B. et M.C. sur la proposition d’assurance vie universelle no [...] souscrite auprès d’AXA Assurances, sans leur fournir les explications nécessaires à la compréhension et à l’appréciation de la police, contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

4.         À Trois-Rivières, le ou vers le 6 mai 2005, l’intimée a accepté d'être la représentante de J.M.B. et M.C. sur la proposition d’assurance vie universelle no [...] souscrite auprès d’AXA Assurances, sans recueillir tous les renseignements et procéder à une analyse complète et conforme de leurs besoins financiers, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.1.3);

5.         À Trois-Rivières, le ou vers le 8 février 2006, l’intimée a faussement attesté à Transamerica avoir agi comme représentante de R.M. pour une demande de contrat individuel de rente variable en signant sur celle-ci à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 1.01). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, l’intimée, présente et accompagnée de son procureur, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de tous et chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Les parties présentèrent ensuite au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa au dossier une preuve documentaire consistant essentiellement en des éléments recueillis lors de son enquête, cotés P-1 à P-4, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimée, elle n’offrit aucune preuve testimoniale mais déposa une attestation médicale sous la cote I-1.

[6]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations par un bref résumé (au moyen notamment de la preuve documentaire qu’elle venait de déposer) des circonstances entourant la commission des infractions.

[8]           De son exposé des faits, le comité retient essentiellement ce qui suit :

Chefs d’accusation 1 à 4 inclusivement :

[9]           Le consommateur en cause, J.M.B., était un client de longue date de M. Norman Burns (M. Burns).

[10]        En mai 2005, il fut convenu qu’accompagnée de M. Burns qui n’était alors plus autorisé à exercer et qui lui avait référé le client, l’intimée rencontrerait J.M.B. avec son épouse pour une « entrevue de vente ».

[11]        Aux prises toutefois, à la date convenue, avec de sérieux problèmes de santé, elle fut incapable de se présenter au rendez-vous.

[12]        J.M.B. rencontra néanmoins M. Burns et prit la décision de souscrire auprès d’AXA Assurances une police d’assurance-vie universelle pour son épouse, M.C.

[13]        L’intimée, qui n’avait pas rencontré J.M.B., apposa par la suite sa signature à titre de représentante sur les documents de souscription et commit alors et de ce fait, les infractions qui lui sont reprochées aux chefs d’accusation 1 à 4 de la plainte.

[14]        Avant de ce faire, elle prit toutefois la peine de téléphoner à M.C., la conjointe de J.M.B., afin de valider « le montant d’argent qui allait être investi dans le contrat de même que le nom du bénéficiaire de la police » et révisa avec cette dernière le questionnaire médical concernant son état de santé. Également, elle avisa M.C. des possibilités qu’une infirmière communique avec elle et que l’assureur réclame un rapport de son médecin traitant.

[15]        Enfin, après l’émission de la police, elle s’assura que son conjoint, M. Therrien, également un représentant, livre le contrat à J.M.B. et M.C. et leur réexplique de façon exhaustive en quoi consistait celui-ci.

[16]        Aussi malgré les fautes de l’intimée, les clients J.M.B. et M.C., satisfaits des services, ont choisi de demeurer les clients de son cabinet.

Chef d’accusation 5 :

[17]        En ce qui concerne le chef numéro 5, la situation succinctement évoquée est la suivante : R.M., le consommateur concerné, désirait que M. Burns continue de le conseiller. En février 2006, il a ouvert un compte de placements auprès de CI Mutual Funds Inc. (agissant au nom de la Transamerica).

[18]        Malgré qu’elle ne l’ait pas rencontré, afin de toucher une rémunération de la compagnie, l’intimée, sans attester de la signature de R.M. sur le document, a signé en tant que représentante, le formulaire de placement, commettant ainsi la faute reprochée et admise.

[19]        Après son exposé, la plaignante informa le comité que les parties étaient parvenues à s’entendre pour lui soumettre sur sanction, des « recommandations communes » :

Sous le chef d’accusation 1 :

-           la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous chacun des chefs d’accusation 2 et 3 :

-           la condamnation de l’intimée à une réprimande;

Sous le chef d’accusation 4 :

-           la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef d’accusation 5 :

-           la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $.

[20]        Elle ajouta qu’elles avaient de plus convenu de la condamnation de l’intimée au paiement des déboursés.

[21]        À l’appui de ses recommandations relativement aux chefs 1, 2 et 3, elle cita les décisions rendues par le comité dans les affaires Di Maio[1], Beckers[2] et Charbonneau[3]. À l’appui de sa recommandation relativement au chef 4, elle cita l’affaire Ardouin[4] alors qu’à l’appui de sa recommandation sous le chef 5, elle déposa la décision du comité dans l’affaire Burns[5].

[22]        Elle termina en invoquant, pour justifier l’imposition de simples réprimandes sous les chefs 2 et 3, tant les circonstances propres à l’affaire que « les liens étroits » entre ces chefs et les chefs 1 et 4.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[23]        Le procureur de l’intimée débuta ses représentations en confirmant l’exposé des faits présenté par le procureur de la plaignante.

[24]        Après avoir mentionné que sa cliente avait débuté dans l’exercice de la profession en 1993, il signala qu’elle œuvrait depuis lors au sein du cabinet fondé par son père, M. Roger Dubois.

[25]        Déclarant ensuite que la condition médicale de cette dernière ne permettait certes pas d’excuser ses fautes, il incita néanmoins le comité à tenir compte du contexte rattaché à celles-ci, soulignant qu’elle était en arrêt de travail depuis mars 2013 à la suite de ses problèmes de santé récurrents.

[26]        Il précisa de plus qu’au moment des événements sa cliente « ne savait pas qui était M. Burns ». Il ajouta qu’elle avait commis des erreurs de parcours mais que celles-ci ne se reproduiraient plus.

[27]        Il rappela enfin que malgré les infractions qui lui étaient reprochées, les consommateurs mentionnés aux chefs 1, 2, 3, 4 : J.M.B. et M.C. étaient demeurés clients de son cabinet.

[28]        Au titre des facteurs atténuants en sa faveur, il signala :

-           son absence d’antécédents disciplinaires;

-           son entière collaboration à l’enquête de la syndique;

-           son plaidoyer de culpabilité, à la première occasion, à l’endroit de tous et chacun des chefs d’accusation mentionnés à la plainte;

-           son absence d’intention malicieuse;

-           des risques de récidive qu’il qualifia de nuls, sa cliente ayant été selon ses dires, fortement « échaudée » par la plainte et, tel que mentionné précédemment, se retrouvant depuis mars 2013 en arrêt de travail.

[29]        Il termina en décrivant la condition personnelle de cette dernière et en réclamant du comité, compte tenu de sa situation, qu’il lui accorde un délai de dix-huit (18) mois tant pour l’acquittement des amendes que pour le paiement des déboursés.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[30]        L’intimée a débuté dans le domaine de la distribution de produits d’assurance-vie en 1993.

[31]        Elle n’a aucun antécédent disciplinaire.

[32]        Les gestes qui lui sont reprochés remontent à plus de sept (7) ans.

[33]        Elle a pleinement collaboré à l’enquête de la syndique et a, à la première occasion, enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de tous et chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[34]        À la suite d’ennuis de santé récurrents, elle est en arrêt de travail depuis le mois de mars 2013.

[35]        Néanmoins, les fautes qui lui sont reprochées sont sérieuses, vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à déconsidérer celle-ci.

[36]        Au plan des sanctions qui doivent lui être imposées, les parties ont suggéré au comité ce qu’il est convenu d’appeler dans le jargon juridique des « suggestions communes ».

[37]        Or dans l’arrêt Douglas[6], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué que lorsque les parties représentées par des avocats qui maitrisent leur dossier s’entendent pour transmettre des « recommandations conjointes », celles-ci ne devraient être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice. L’applicabilité de ce principe au droit disciplinaire a, à quelques reprises, été confirmée par le Tribunal des professions.

[38]        En l’instance, une analyse attentive des faits, des circonstances et du contexte particulier rattaché aux infractions, tel que décrit par les parties, amène le comité à conclure que leurs « recommandations conjointes » sont, notamment lorsque considérées dans leur globalité, justes et raisonnables. Le comité donnera donc suite à celles-ci.

[39]        Enfin, considérant l’absence de contestation de la plaignante à la demande de l’intimée et compte tenu que, tel que mentionné précédemment, cette dernière se trouve en arrêt de travail depuis le mois de mars dernier, le comité lui accordera un délai de dix-huit (18) mois pour l’acquittement tant des amendes que des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée à l’égard et tous et chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimée coupable de chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation numéro 1 :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous chacun des chefs d’accusation numéros 2 et 3 :

IMPOSE à l’intimée une réprimande;

Sous le chef d’accusation numéro 4 :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef d’accusation numéro 5 :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

ACCORDE à l’intimée un délai de dix-huit (18) mois de la date des présentes pour l’acquittement tant des amendes que des déboursés.

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Marc Gagnon

M. MARC GAGNON, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie

M. PIERRE DÉCARIE

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN AVOCATS S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Frédéric Sylvestre

SYLVESTRE & ASSOCIÉS AVOCATS S.E.N.C.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

27 juin 2013

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Champagne c. Giovanni Di Maio, CD00-0885, décision sur culpabilité et sanction en date du 15 mai 2012.

[2]     Champagne c. Nathalie Beckers, CD00-0862, décision sur culpabilité et sanction en date du 17 août 2012.

[3]     Champagne c. Jonathan Charbonneau, CD00-0858, décision sur culpabilité en date du 30 juillet 2012 et décision sur sanction en date du 22 janvier 2013.

[4]     Champagne c. Yvan Ardouin, CD00-0864, décision sur culpabilité et sanction en date du 14 février 2012.

[5]     Lévesque c. Norman Burns, CD00-0731, décision sur culpabilité en date du 15 juin 2009 et décision sur sanction en date du 1er mars 2010.

[6]     R. c. Douglas, 2002, 162 CCC 3rd 37.

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