Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE TROIS-RIVIÈRES

N° :

2008-04-03 (C)

2008-04-04 (C)

 

DATE :

29 septembre 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville

Président

Mme Francine Tousignant, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Philippe Legault, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

GASTON VÉZINA, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

et

JEAN VÉZINA, courtier en assurance de dommages

Parties intimées

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 11 septembre 2008, le Comité de discipline s’est réuni afin de procéder à l’audition commune des plaintes nos. 2008-04-03 (C) et 2008-04-04 (C);

[2]           Les deux intimés font face aux mêmes chefs d’accusation, soit :

1.     Le ou vers le 4 septembre 2002, a été négligent et n’a pas agi avec compétence et professionnalisme dans l’exécution de son mandat, en ne s’assurant pas que les éléments du risque décrits à la proposition d’assurance reflétaient la réalité et rencontraient les normes de souscription de L’Union Canadienne Compagnie d’assurance, faisant ainsi émettre la police d’assurance habitation numéro 8546234, au nom de M. Alain Després qui fut par la suite annulée ab initio par l’assureur, le tout en  contravention  notamment aux dispositions des articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 2 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

2.     Le ou vers le 4 septembre 2002, lors de la cueillette des renseignements nécessaires à la préparation de la proposition d’assurance habitation pour l’immeuble situé au 1965, Route du Port à Nicolet, a fait défaut de recueillir personnellement auprès de M. Alain Després les informations nécessaires lui permettant d’identifier les besoins du client afin de lui proposer le produit d’assurance lui convenant le mieux, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

3.     Lors du renouvellement de la police d’assurance habitation numéro 8546234 auprès de L’Union Canadienne Compagnie d’assurance, le ou vers le 3 septembre 2003, il n’a pris aucun moyen pour s’assurer que la garantie offerte à son client, M. Alain Després, réponde à ses besoins, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

[3]           La syndic était représentée par Me Jean-Pierre Morin et les intimés par Me Éric Lemay;

[4]           D’entrée de jeu, les parties ont informé le Comité qu’il y aurait plaidoyer de culpabilité et recommandations communes quant à la sanction devant être imposée;

 

I.              Preuve de la syndic

[5]           À l’appui des recommandations communes, la syndic a présenté une courte preuve en déposant de consentement les pièces suivantes :

 

P-1 :     Attestation de certification et fiche signalétique de Gaston Vézina;

 

P-2 :     Attestation de certification et fiche signalétique de Jean Vézina;

 

P-3 :     En liasse, lettre de Carole Chauvin, syndic, à Mme Martine Cloutier, directrice souscription de L’Union Canadienne Compagnie d’assurance, en date du 5 octobre 2006 et;

 

-       Résumés de conversations téléphoniques entre Mme Carole Chauvin, syndic, et M. Michel Joubert, de L’Union Canadienne, des 2 octobre 2006, 28 septembre 2006 et 15 septembre 2006;

 

-       Résumé de conversation téléphonique entre M. Denis Roy et Mme Carole Chauvin, syndic, du 12 septembre 2006;

 

P-4 :     En liasse, lettre de Lucie Devin, de L’Union Canadienne, en date du 23 octobre 2006 accompagnée des documents suivants :

 

-       Proposition d’assurance concernant Alain Després en date du 4 septembre 2002 signée par Jean Vézina;

 

-       Police d’assurance habitation numéro 8546234 pour la période du 4 septembre 2002 au 4 septembre 2003;

 

-       Police d’assurance habitation numéro 8546234 pour la période du 4 septembre 2003 au 4 septembre 2004;

 

-       Extraits du guide de souscription habitation de L’Union Canadienne;

 

-       Impression des écrans informatisés concernant la même police;

 

-       Résumé de conversation téléphonique entre Mme Lucie Devin, de L’Union Canadienne, et Mme Carole Chauvin, syndic, du 17 octobre 2006;

 

P-5 :     Lettre de Me Karine Lizotte, enquêteur, à Mme Lucie Devin, de L’Union Canadienne, en date du 18 avril 2007;

 

P-6 :     En liasse, lettre de Lucie Devin, de L’Union Canadienne, en date du 28 juin 2007 accompagnée des documents suivants :

 

-       A) normes de souscription maison mobile louée à un tiers

-       B) norme maison mobile avec annexes construites en usine

-       C) norme maison mobile avec chauffage auxiliaire

-       D) impression écran

-       E) impression écran

-       F) déclaration solennelle de Josée Mimeault

-       G) mémo de Pauline Brodeur

-       H) conversation téléphonique Croteau - Mimeault

-       I) conversation téléphonique Vézina – Mimeault

           

P-7 :     En liasse, lettre de Me Karine Lizotte, enquêteur, à Mme Chantal Raiche, de Wawanesa, en date du 18 avril 2007 et résumé de conversation téléphonique entre elles du 23 avril 2007;

 

P-8 :     Lettre de Mme Chantal Raiche, de Wawanesa, en date du 23 avril 2007 et reçue le 26 avril 2007;

 

P-9 :     Dossier complet de MM. Gaston et Jean Vézina concernant M. Alain Després en comprenant :

 

P-9 A :    Lettre de MM. Gaston et Jean Vézina à la Chambre de l’assurance de dommages en date du 27 avril 2007;

 

P-9 B :    Réponse manuscrite de M. Gaston Vézina à la lettre de Mme Carole Chauvin, syndic, du 17 avril 2007 en date du  7 mai 2007;

 

P-9 C :    Réponse manuscrite de M. Jean Vézina à la lettre de Mme Carole Chauvin du 17 avril 2007 en date du 7 mai 2007;

 

P-9 D :    Requête introductive d’instance Després c. L’Union Canadienne et AssurExperts G.Vézina et Fils;

 

P-9 E :    En liasse, deux lettres de Me David Beaudet des 14 janvier 2004 et 12 septembre 2006;

P-9 F :    Deux photos de l’unité d’habitation de M. Alain Després;

 

P-9 G :    Fiche de maison mobile de L’Union Canadienne 7.2;

 

P-9 H :    Proposition d’assurance habitation, chiffrier d’évaluation et avis de sinistre de biens concernant M. Alain Després;

 

P-9 I :     Lettre d’avis d’annulation  ab initio de L’Union Canadienne à M. Alain Després en date du 8 octobre 2003;

 

P-9 J :    Avis d’ouverture et de fermeture d’indemnisation résidentielle concernant M. Alain Després;

 

P-9 K :    Extraits de la police de L’Union Canadienne pour les deux périodes;

 

P-9 L :    Contrat de représentation entre L’Union Canadienne et Assurance G. Vézina inc.;

 

P-9 M :   Lettre de changement de raison sociale en date du 12 janvier 1999 et contrat de représentation;

             

P-10 :   En liasse, lettre de Me Anne-Marie Blouin, avocate de L’Union Canadienne, en date du 13 novembre 2006 avec :

 

-       Dossier d’enquête de L’Union Canadienne sur le sinistre de M. Alain Després;

-       Procédures judiciaires;

-       Lettre de Mme Carole Chauvin, syndic, à Me Anne-Marie Blouin, avocate de L’Union Canadienne, du 7 novembre 2006;

-       Résumé de conversation téléphonique entre Mme Carole Chauvin, syndic, et Me Anne-Marie Blouin, de L’Union Canadienne, du 7 novembre 2006;

-       Lettre de Mme Carole Chauvin, syndic, à M. Robert Rochon, directeur service d’indemnisation de L’Union Canadienne, du 5 octobre 2006;

 

P-11 :   En liasse, lettre de Me Anne Caron, avocate de L’Union Canadienne, en date du 8 novembre 2007 avec :

 

-       Déclaration solennelle de Mme Pauline Brodeur;

-       Copies de procédures judiciaires;

-       Lettres et mémo;

-       Échange de correspondances et résumés de conversations téléphoniques entre Me Karine Lizotte, enquêteur, et les personnes suivantes au sein de L’Union Canadienne : Me Anne Caron, Me Jean Beaudry et Mme Gisèle Beauchemin;

 

P-12 :   En liasse, lettre réponse de M. Serge Croteau, expert en sinistre, en date du 13 novembre 2007 et échanges d’information entre le bureau du syndic et Me Serge Croteau;

 

P-13 :   Résumé d’une conversation téléphonique entre M. Serge Croteau et Me Karine Lizotte, enquêteur, en date du 13 mars 2008;

 

P-14 :   Complément à la divulgation de la preuve.

 

[6]           D’autre part, Me Morin, au nom de sa cliente, présenta un bref exposé des faits à l’origine des plaintes;

[7]           Essentiellement, les intimés auraient été négligents en omettant d’inscrire à la proposition d’assurance certains faits importants, soit le nom du véritable propriétaire de l’immeuble (la vente n’ayant pas été enregistrée), l’état de l’immeuble, le fait qu’il s’agissait d’une ancienne maison mobile et la présence d’un chauffage d’appoint;

[8]           Or, un incendie se déclara en décembre 2003 et l’Union Canadienne Compagnie d’assurance nia couverture pour plusieurs motifs mais plus particulièrement en raison de la présence d’un système de chauffage d’appoint non déclaré;

[9]           Les éléments du risque décrits à la proposition ne reflétant pas la réalité et surtout ne rencontrant pas les normes de souscription de l’Union Canadienne, la police d’assurance fut donc annulée ab initio, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer pour le vendeur et l’acheteur dont le titre de propriété n’avait pas été enregistré;

 

II.             Preuve des intimés

[10]        Me Lemay, au nom des deux intimés, exposa au Comité que ses deux clients avaient toujours été de bonne foi et que leur erreur résultait du fait qu’ils n’avaient pas validé les informations qui leur avaient été transmises;

[11]        Depuis cette époque, ils ont modifié leur méthode de travail;

[12]        D’ailleurs, il s’agit d’une infraction isolée puisque tous les autres dossiers du cabinet ont été vérifiés par l’Union Canadienne et il s’agissait d’un cas très particulier qui ne reflète aucunement l’ensemble de leur pratique professionnelle;

 

III.           Argumentation

a.    Par la syndic

[13]        À l’appui des recommandations communes, Me Morin a insisté sur les facteurs suivants :

         Absence d’antécédents disciplinaires;

         Plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

         Gravité objective des infractions;

         Infraction isolée;

         Repentir exprimé par les intimés;

 

[14]        En se fondant sur ces facteurs et sur les circonstances particulières de la présente affaire, les parties font les recommandations communes suivantes;

[15]        Dans le cas de M. Gaston Vézina, les parties recommandent les sanctions suivantes :

Chef no. 1 :   une amende de 1 000$;

Chef no. 2 :   une amende de 1 500$;

Chef no. 3 :   une réprimande;

 

[16]        Quant à son fils, M. Jean Vézina, les parties recommandent les sanctions suivantes :

Chef no. 1 :   une amende de 1 000$;

Chef no. 2 :   une réprimande;

Chef no. 3 :   une amende de 1 500$;

 

[17]        En résumé, il s’agit d’amendes totalisant 2 500$ pour chacun des intimés;

[18]        La disparité de la sanction imposée sur le chef no. 2 reflète la participation plus active de M. Gaston Vézina à l’époque concernée alors que durant la période visée par le chef no. 3, le dossier était sous la gouverne de M. Jean Vézina;

[19]        À l’appui des recommandations, Me Morin a déposé certaines décisions disciplinaires, soit :

         ChAD. c. Bodi, [2003] CanLII 54602;

         ChAD. c. Després, [2007] CanLII 26742;

         ChAD. c. Duplantie-Sawyer, [2006] CanLII 53737;

b.     Par les intimés

[20]        Me Lemay, au nom de ses clients, a confirmé le bien-fondé des recommandations communes en insistant sur la bonne foi de ses clients et leur repentir;

[21]        Vu la situation particulière engendrée par ce dossier, les intimés ont modifié leurs méthodes de travail, faisant en sorte qu’aujourd’hui l’information est transmise directement à l’assureur et c’est ce dernier qui prend la décision d’émettre ou non la police d’assurance;

 

IV.          Décision et analyse

[22]        Il est bien établi qu’en matière de suggestions communes, le Comité n’est pas lié par une telle recommandation, par contre, si le Comité a l’intention de rejeter celles-ci en faveur d’une sanction différente, il doit alors donner aux parties l’occasion de faire valoir leur point de vue;

[23]        Ce principe fut réitéré par le Tribunal des professions dans une décision du 26 août 2008, soit l’affaire Pépin c. Avocats[1]. Suite à une analyse détaillée, Mme la juge Veilleux conclut comme suit :

«[45]    En n’informant pas les parties de son intention de ne pas suivre la recommandation conjointe et en les privant de la possibilité d’être entendues, le Comité n’avait d’autre choix que de s’en remettre à la recommandation conjointe.»

 

[24]        Dans le présent dossier, le Comité considère que les sanctions recommandées par les parties sont justes, raisonnables et appropriées aux circonstances particulières de l’affaire;

[25]        En conséquence, le Comité entérine la suggestion commune des parties et imposera les sanctions suggérées;

[26]        Par ailleurs, les sanctions proposées sont conformes au principe de la parité des sanctions[2] puisqu’elles font les distinctions qui s’imposent suivant la participation plus ou moins grande de chacun des intimés aux périodes visées par les chefs d’accusation de la plainte;

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

[27]        PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité des intimés;

[28]        DÉCLARE les intimés coupables des trois (3) chefs d’accusation qui leur sont reprochés;

[29]        IMPOSE à l’intimé Gaston Vézina les sanctions suivantes :

Chef no. 1 :   une amende de 1 000$;

Chef no. 2 :   une amende de 1 500$;

Chef no. 3 :   une réprimande;

 

[30]        IMPOSE à l’intimé Jean Vézina les sanctions suivantes :

Chef no. 1 :   une amende de 1 000$;

Chef no. 2 :   une réprimande;

Chef no. 3 :   une amende de 1 500$;

 

[31]        CONDAMNE les intimés au paiement de tous les déboursés;

[32]        ACCORDE  aux intimés un délai de 60 jours pour acquitter le montant des amendes et des débours, calculé à compter de la signification des présentes;

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville

Président du comité de discipline

 

__________________________________

Mme Francine Tousignant, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

M. Philippe Legault, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

Me Jean-Pierre Morin

Procureur de la partie plaignante

 

Me Éric Lemay

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

11 septembre 2008

 



[1]     Pépin c. Avocats, 2008 QCTP 152;

[2]     Saine c. Médecins, [1998] D.D.O.P. 268 (T.P.);

      Ingénieurs c. Plante, [1992] D.D.C.P. 254 (T.P.);

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.