Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2019-04-03(C)

 

 

DATE :

9 décembre 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Yves Clermont, avocat

Président suppléant

Mme Nathalie Boyer, C.d’A.Ass., A.I.B., courtier en assurance

de dommages

Membre

M. Jacques D’Aragon, C.d’A.Ass., courtier en assurance

de dommages

Membre

 

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

YVES MICHAUD, inactif et sans mode d’exercice comme courtier en assurance de dommages

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

Ordonnance de non publication, de non diffusion et de non divulgation des renseignements personnels et financiers portant sur les assurés mentionnés dans la plainte et dans les pièces documentaires déposées en preuve, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions.

 

 

 

[1]   Le 7 novembre 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni pour procéder à l’audition de la plainte portant le numéro 2019-04-03(C) ;

 

[2]   Le syndic était représenté par Me Sylvie Poirier et, de son côté, l’intimé était absent et non représenté;

 

[3]   Me Poirier a demandé au Comité de rendre une ordonnance de non divulgation, de non publication et de non diffusion des renseignements personnels permettant d’identifier les assurés aux pièces déposées en preuve et ce, en vertu de l’article 142 du Code des professions;

 

[4]   Le Comité a rendu, séance tenante, l’ordonnance demandée par la partie plaignante.

 

 

I.          La plainte

 

[5]   L’intimé Michaud fait l’objet d’une plainte énonçant les huit (8) chefs d’accusation suivants :  

 

Les assurés M.J. et C.C.

 

1.             À Sherbrooke, alors que l'intimé savait que le contrat d'assurance automobile antérieur de M.J. n° F33-1069 émis par Intact Compagnie d'assurance pour un 2000 BMW, avait été résilié pour non-paiement de la prime en date du 17 novembre 2015, a omis d'en informer l'assureur :

 

a)    le ou vers le 7 avril 2017, lors de l'ajout du même véhicule 2000 BMW au contrat d'assurance automobile n° E-28-1374 émis par Intact Compagnie d'assurance au nom de C.C., conjointe de M.J. ;

 

b)    le ou vers le 8 septembre 2017, lors de la souscription du contrat d'assurance automobile n° 020185230 auprès de L'Unique assurances générales inc., au nom de 9204-XXXX Québec inc., pour un véhicule 2018 Ford F-250 dont M.J. était le seul conducteur;

 

c)    le ou vers le 5 octobre 2017, lors de la souscription du contrat d'assurance automobile n° 020327743 auprès de L'Unique assurances générales inc., pour un véhicule 2018 Ford F-150 loué par M.J. et dont il était le seul conducteur ;

 

contrevenant ainsi aux articles 27, 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

2.            À Sherbrooke, le ou vers le 5 octobre 2017, à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance automobile n° 020327743 auprès de L'Unique assurances générales inc., pour un véhicule 2018 Ford F-150 loué par M.J. et dont il était le seul conducteur, l'intimé a désigné C.C. comme assurée audit contrat, alors que celle-ci n'avait pas d'intérêt assurable n'étant ni propriétaire du véhicule, ni son conducteur, ni le créancier, contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et à l'article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

3.            À Sherbrooke, le ou vers le 5 octobre 2017, à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance automobile n° 020327743 auprès de L'Unique assurances générales inc., pour un véhicule 2018 Ford F-150 loué par M.J. et dont il était le seul conducteur, l'lntimé a désigné C.C. comme assurée audit contrat, à son insu et sans son consentement, contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

4.            À Sherbrooke, le ou vers le 5 octobre 2017, à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance automobile n° 020327743 auprès de L'Unique assurances générales inc., pour un véhicule 2018 Ford F-150 loué par M.J. et dont il était le seul conducteur, l'intimé a inscrit sur la proposition des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles d'induire l'assureur en erreur en ce que:

 

a)    à la question sur les antécédents d'assurance, l'intimé a inscrit le contrat d'assurance automobile de C.C. plutôt que le contrat d'assurance automobile antérieur de M.J. n° F33-1069 émis par Intact Compagnie d'assurance ;

 

b)    à la question visant à savoir s'il y avait déjà eu interruption d'assurance, l'intimé a répondu non, alors qu'il savait ou devait savoir que c'était faux ;

c)    à la question visant à savoir s'il y avait eu résiliation antérieure du proposant ou du conjoint, l'lntimé a répondu non, alors qu'il savait ou devait savoir que c'était faux ;

contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 15, 37(1), 37(6) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

 

Les assurés R.L. et M.C.

5.            À Sherbrooke, le ou vers le 2 février 2015, à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance habitation n° SOP100214 auprès d'Assurance Economical, pour R.L. et M.C., pour la période du 12 février 2015 au 12 février 2016, l'intimé a fait preuve de négligence en fournissant à l'assureur des renseignements inexacts quant au risque, en déclarant dans la proposition qu'il n'y avait eu aucun sinistre au cours des cinq (5) dernières années, sans l'avoir vérifié auprès des assurés, alors qu'il y avait eu des refoulements d'égout à au moins deux reprises en 2012 et 2014, contrevenant ainsi aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

6.            À Sherbrooke, le ou vers le 13 novembre 2017, l'intimé a fait preuve de négligence en demandant la résiliation, en date du 20 novembre 2017, du contrat d'assurance habitation n° SOP100214 émis par Assurance Economical aux noms des assurés R.L. et M.C., avant qu'un nouveau contrat d'assurance habitation ne soit souscrit pour couvrir le risque, laissant lesdits assurés sans protection d'assurance jusqu'au 1er décembre 2017, contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

7.            À Sherbrooke, le ou vers le 29 novembre 2017, à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance habitation n° 01MR1132946 auprès de Intergroupe Assurances, pour R.L. et M.C., pour la période du 1er décembre 2017 au  1er décembre 2019, l'intimé a fait preuve de négligence en omettant de vérifier auprès desdits assurés et d'informer l'assureur de l'existence de sinistres antérieurs, alors que lesdits assurés avaient déjà subi trois (3) refoulements d'égout en 2012, en 2014 et en juillet 2017, contrevenant ainsi aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

 

L'assurée M.B.

 

8.            À Sherbrooke, le ou vers le 22 mars 2017, l'intimé a procédé à la souscription du contrat d'assurance habitation n° M10-4023 auprès d'intact Compagnie d'assurance pour M.B., à la demande d'un tiers, sans communiquer avec ladite assurée ni obtenir son consentement, commettant à cette occasion les infractions suivantes:

 

a)    a fait défaut de recueillir de l'assurée M.B. les renseignements nécessaires lui permettant d'identifier ses besoins afin de lui proposer le produit d'assurance qui lui convient, contrevenant ainsi à l'article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

 

b)    a fait défaut, avant  la  conclusion  du  contrat  d'assurance  habitation  n° M10-4023 émis par d'intact Compagnie d'assurance, de décrire à l'assurée M.B. le produit proposé en relation avec les besoins identifiés et de lui décrire la nature de la garantie offerte, contrevenant ainsi à l'article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

 

c)    a faussement déclaré à l'assureur avoir obtenu le consentement verbal de l'assurée M.B., contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 15, 27, 29 et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5).

 

 

[6]           Malgré le fait que l’intimé Michaud a été dûment convoqué devant le comité pour une audition sur culpabilité, ce dernier ne s’est pas présenté à l’audience et il n’a pas expliqué le motif de son absence;

 

[7]           En conséquence, la partie plaignante fut autorisée à procéder en l’absence de l’intimé, le tout conformément au 2e alinéa de l’article 144 du Code des professions ;

 

 

 

 

 

 

 

II.         La preuve

 

 

[8]       Conformément à la jurisprudence en semblable matière[1], comme l’intimé est absent, la partie plaignante a fait entendre un témoin, Me Paquette-Dorion, avocat-enquêteur rattaché au bureau du syndic de la CHAD. Il a témoigné d’une façon détaillée sur chaque chef d’accusation de la plainte;  

 

[9]       De plus, pour éclairer le Comité, Me Poirier a déposé les pièces P-1 à P-58. Lors de l’audience elle a déposé la liste des pièces sous la cote P-51.1;

 

[10]    Me Poirier a présenté et commenté rigoureusement la preuve documentaire et audio suivante :

 

            Les chefs 1a), b), c) : Les pièces P-5 à P-9, P-16 à P-21 et P-25, P-26;

            Le chef 2 : Les pièces P-25, P-28, P-30, P-54 et P-58;

            Le chef 3 : La pièce P-55;

            Les chefs 4 a), b) et c) : Les pièces P-25 et P-26;

        Le chef 5 : Les pièces P-32 et P-58;

        Le chef 6 : Les pièces P-38 à P-45

        Le chef 7 : Les pièces P-43, P-46, P-50, P-56 et P-58;

            Les chefs 8 a), b) et c) : Les pièces P-50 à P-58;

 

[11]    Cette preuve n’a pas été contredite;

 

[12]    Les faits à l’origine du présent dossier sont relativement simples et ils sont énoncés clairement sous chaque chef dans la plainte. Le Comité ne les reprendra pas.

 

II.         Argumentation de la partie plaignante

 

[13]    Le Comité retient de la preuve qui lui a été soumise par la partie plaignante, que l’intimé Michaud a fait preuve de négligence et d’insouciance dans le traitement des mandats qui lui ont été confiés par les assurés mentionnés dans la plainte;

 

[14]    En agissant ainsi, l’intimé Michaud a contrevenu à ses obligations déontologiques et professionnelles et ce, au détriment de la protection du public;

 

[15]     Me Poirier, a conclu que la partie plaignante avait établi d’une façon prépondérante les éléments essentiels des chefs d’accusation énoncés dans la plainte. Elle a suggéré au Comité de rendre un verdict de culpabilité sous les huit (8) chefs d’accusation;

 

III.        Analyse et décision

 

 

[16]    La preuve documentaire et audio produite par le syndic a permis d’établir clairement et d’une façon convaincante tous les manquements reprochés à l’intimé Michaud dans la plainte ;

 

[17]    Le fardeau de preuve requis en droit disciplinaire est celui de la prépondérance des probabilités, suivant les enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt Bisson c. Lapointe[2] :

 

[66]            Il est bien établi que le fardeau de preuve en matière criminelle ne s’applique pas en matière civile. Il est tout aussi clair qu’il n’existe pas de fardeau intermédiaire entre la preuve prépondérante et la preuve hors de tout doute raisonnable, peu importe le «sérieux» de l’affaire.  La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, a explicitement rejeté les approches préconisant une norme de preuve variable selon la gravité des allégations ou de leurs conséquences.

 

[67]            Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Comme démontré plus haut, le Conseil avait bien à l’esprit cette norme et la proposition des juges majoritaires qui soutient le contraire est, avec égards, injustifiée.

[68]            Comme le rappelle la Cour suprême, « [a]ussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités ». (Nos soulignements)

 

[18]    Pour tous ces motifs, l’intimé Michaud est reconnu coupable des huit (8) chefs d’accusation de la plainte.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

DÉCLARE l’intimé Michaud coupable des chefs 1, 5 et 7 pour avoir contrevenu à l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommagesc. D-9.2, r.5 ;

 

DÉCLARE l’intimé Michaud coupable des chefs 2, 3 et 6 pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, c. D-9.2, r.5 ;

 

DÉCLARE l’intimé Michaud coupable du chef 4 pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, c. D-9.2, r.5 ;

 

DÉCLARE l’intimé Michaud coupable des chefs 8 a), b) et c) pour avoir contrevenu aux articles 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)  et à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, c. D-9.2, r.5 ;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien desdits chefs d’accusation ;

 

PRONONCE une ordonnance de non publication, de non diffusion et de non divulgation de tout renseignement ou information permettant d’identifier les assurés mentionnés à la plainte, le tout suivant l’article 142 du Code des professions ;

 

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour les représentations sur sanctions ;

 

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Yves Clermont, avocat

Président suppléant du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Nathalie Boyer, C.d’A.Ass., A.I.B.

 courtier en assurance de dommages

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Jacques D’Aragon, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Sylvie Poirier

Procureure de la partie plaignante

 

M. Yves Michaud (non représenté)

Partie intimée

 

 

Date d’audience : 7 novembre 2019

 



[1] CHAD c. Jacob2017 CanLII 11674 (QC CHAD); CHAD c. Patenaude, 2016 CanLII 60411 (QC CHAD).

 

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