Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2019-04-02(E)

 

 

DATE :

17 mars 2020

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme Lise Martin, PAA, expert en sinistre

Membre

M. Mario Joannette, FPAA, expert en sinistre

 

Membre

 

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

JAY BASSILA, expert en sinistre (5A) 

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX

PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

 

[1]       Le 19 novembre 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour disposer de la plainte disciplinaire déposée contre l’intimé Jay Bassila dans le présent dossier.

 

[2]       Me Marie-Josée Belhumeur, ès qualité de syndic de la ChAD est présente. Elle est représentée par Me Claude G. Leduc.

 

[3]       Quant à l’intimé, il est présent et représenté par Me Sana Ikram Oulmi.

 

[4]       Dès le début de l’audition, les procureurs nous confirment que M. Bassila entend plaider coupable à une plainte modifiée et qu’il y aura suggestion commune quant à la sanction que le Comité doit imposer.

 

 

I.          La plainte modifiée et le plaidoyer de culpabilité

 

[5]       Dans sa plainte modifiée datée du 23 octobre 2019, Me Belhumeur reproche ce qui suit à l’intimé, à savoir :

 

 

          « 1. (…);                                                                                                                            

2. (…) maintenant inclus dans le chef 3;

3. Entre les ou vers les 4 mai 2016 et (…) 16 août 2017, a  exercé ses activités professionnelles de manière négligente, lors du traitement de la réclamation de l’assurée 3087-XXXX Québec inc., à la suite d’un incendie survenu le 4 octobre 2015, notamment en omettant de  faire rapport aux assureurs de manière diligente (…), en né répondant pas promptement aux courriels du représentant de ladite assurée et en omettant d’effectuer les suivis requis afin que les versements d’indemnité découlant des recommandations de paiement et de remboursement de frais d’expertise soient acheminés de manière diligente, commettant ainsi envers chacune des personnes suivantes :

a. l’assurée 3087-XXXX Québec inc.;

b. le représentant de l’assurée 3087-XXXX Québec inc.;

c. les assureurs l’ayant mandaté;

          des infractions aux articles 10, 21, 27, 33, 52 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistres et l’article 4(1) du Règlement sur l’exercice des activités des  représentants;

4. Entre les ou vers les 4 mai 2016 et 16 août 2017, a été négligent dans la tenue du dossier de réclamation de l’assurée 3087-XXXX Québec inc., notamment en ne notant pas et en ne résumant pas la teneur de ses interventions auprès des divers intervenants du dossier, en contravention avec les articles 16 et 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 10 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome. »    

[6]       Me Oulmi nous confirme qu’elle accepte que la plainte soit modifiée.

 

[7]       En conséquence, le Comité permet le dépôt au dossier de la plainte modifiée, prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et déclare ce dernier coupable des deux chefs d’accusation qui y sont mentionnés.

 

[8]       Sur le chef 3, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 27 du Code de déontologie des experts en sinistre.  

 

[9]       Quant au chef 4, l’intimé a fait défaut de bien tenir son dossier client. Il est donc reconnu coupable d’avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.

 

[10]        Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien de chacun des chefs d’accusation de la plainte modifiée.

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

 

[11]    Avec le consentement de Me Oulmi, Me Leduc dépose en preuve les pièces P-1 à P-8. À sa demande, le Comité rend une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion des renseignements personnels contenus aux pièces permettant d’identifier les assurés, le tout suivant l’article 142 du Code des professions.

 

[12]    Me Leduc nous brosse un tableau des divers délais encourus en raison du manque de diligence de l’intimé dans le cadre de la réclamation de l’assurée 3087-XXXX Québec inc.

 

[13]    Or, il ne fait aucun doute que l’intimé a définitivement omis d’agir avec diligence dans le cadre de cette réclamation.

 

[14]    Me Oulmi rajoute toutefois que l’intimé, qui exerce des activités à titre d’expert en sinistre depuis 32 ans, est un professionnel compétent.

 

[15]    En fait, la présente affaire constitue un dossier isolé.

 

[16]    En effet, il appert qu’au moment de la commission des infractions, l’intimé venait de se voir assigner environ 160 dossiers suite au départ d’un autre expert en sinistre.

 

[17]    Considérant cette surcharge de travail et faute de temps, l’intimé aurait négligé le traitement de la réclamation de 3087-XXXX Québec inc..

 

 

III.        Recommandation commune sur sanction

 

 

[18]    Les procureurs recherchent l’imposition des sanctions suivantes à l’encontre de l’intimé, à savoir :

 

       Chef no 3 : une amende de 3 000 $;

 

       Chef no 4 : une amende de 2 000 $;

 

       Condamner l’intimé aux frais et déboursés du dossier.

 

[19]    Les procureurs des parties requièrent donc l’imposition d’une amende totale de 5 000 $ plus le paiement des frais et déboursés de l’instance. 

 

[20]    À l’appui de cette suggestion commune, les procureurs nous réfèrent aux précédents jurisprudentiels suivants :

 

       ChAD c. Barcelo, 2018 CanLII 88849 (QC CDCHAD)

 

       ChAD c. Bernard, 2019 CanLII 22097 (QC CDCHAD)

 

       ChAD c. Giluni, 2018 CanLII 38262 (QC CDCHAD)

 

       ChAD c. Morin, 2018 CanLII 55205 (QC CDCHAD)

 

[21]    Quant aux facteurs atténuants, l’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire, il a offert une bonne collaboration à l’enquête du syndic et il plaide coupable à la première occasion.

 

[22]    Bien plus, selon les procureurs, M. Bassila aurait bien compris le message. Il en découle que le risque de récidive est faible.

 

IV.       Analyse et décision

 

[23]    Dans l’affaire Pivin c. Inhalothérapeutes[1], il a été établi qu’« un plaidoyer, en droit disciplinaire est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’il constitue une faute déontologique ».

 

[24]    Au surplus, la jurisprudence[2] est à l’effet que lorsqu’un comité de discipline est saisi d’un plaidoyer de culpabilité, aucune preuve relative à la culpabilité de l’intimé est nécessaire.

 

 

[25]    À nos yeux, l’intimé doit bénéficier des nombreux facteurs atténuants suivants, à savoir :

 

         la collaboration de l’intimé avec le syndic;

         son plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

         l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;

         le fait qu’il s’agit d’un acte isolé et d’un concours de circonstances;

         une longue carrière sans aucune tache;

         la bonne foi de l’intimé.

 

[26]    À ce sujet, il convient de citer le passage suivant de la Cour d'appel dans l'affaire Courchesne[3]:

« [83]   L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction. Le reproche est mal fondé. La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre. En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement. »

          (notre emphase)

[27]    Comme le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Royer c. Rioux[4], l’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de punir le professionnel, mais de corriger un comportement fautif.

 

[28]    Enfin, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité des suggestions communes dans l’affaire Ungureanu[5] :

[21]        Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(notre emphase)

[29]    Lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par des procureurs d’expérience, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celles-ci. Il doit y donner suite, sauf s’il les considère contraires à l’intérêt public ou si elles sont de nature à déconsidérer l’administration de la justice, et ce, tel que la Cour suprême le décidait dans l’affaire Anthony-Cook[6]. À notre avis, la recommandation commune formulée par les parties est taillée sur mesure au cas de l’intimé. Elle est donc entérinée sans aucune réserve par le Comité.

 

[30]    Quant aux frais et déboursés de l’instance, l’intimé devra les assumer.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels contenus aux pièces déposées en preuve rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Jay Bassila à l’égard des chefs nos 3 et 4 de la plainte modifiée;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 3 de la plainte modifiée pour avoir enfreint l’article 27 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 4 de la plainte pour avoir enfreint l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

Sur le chef no3 : IMPOSE à l’intimé une amende de 3 000 $;

Sur le chef no4 : IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

CONDAMNE l’intimé à payer les frais et déboursés.

 

 

 

 

___________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Lise Martin, PAA, expert en sinistre

Membre        

 

 

 

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M. Mario Joannette, FPAA, expert en sinistre

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Sana Ikram Oulmi

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 19 novembre 2019

 



[1] Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII);

[2] OACIQ c. Patry, 2013 CanLII 47258 (QC OACIQ) et OACIQ c. Lizotte, 2014 CanLII 3118 (QC OACIQ);

[3] Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII), demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 2010 CanLII 20533 (CSC);

[4] 2004 CanLII 76507 (QC CQ);

[5]  Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[6] R. c. Anthony-Cook, [2016] 2 R.C.S. 204.

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