Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2019-03-01(C)

 

 

DATE :

6 novembre 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

M. Bernard Jutras, C.d’A.A., courtier en assurance

de dommages

Membre

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance

de dommages

Membre

 

 

 

ME ALAIN GALARNEAU, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

JEAN-PAUL PÉPIN, courtier en assurance de dommages (4A) 

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX

PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

 

[1]       Le 1er octobre 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour disposer de la plainte logée contre l’intimé Jean-Paul Pépin dans le présent dossier.

 

[2]       Me Alain Galarneau, ès qualité de syndic ad hoc de la ChAD est présent et se représente lui-même.

 

[3]       Quant à l’intimé, il est absent mais dûment représenté par son avocate, Me Sonia Paradis.

 

[4]       Dès le début de l’audition, les procureurs nous confirment que M. Pépin entend plaider coupable à une plainte modifiée et qu’il y aura suggestion commune quant à la sanction que le Comité doit imposer.

 

 

I.          La plainte modifiée et le plaidoyer de culpabilité

 

[5]       Dans sa plainte modifiée, Me Galarneau reproche ce qui suit à l’intimé, à savoir :

 

 

          « 1. Entre les ou vers les 16 février et 8 mars 2016, (l’intimé) a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux auprès de S.P. et M.G. clients, à l’occasion de la souscription d’un contrat d’assurance pour un bateau 2015 Axis Core Serie T-22 :

          a) (…)

          b) (…)

          c) En ne prenant pas connaissance du contrat d’achat dudit bateau que les clients lui avaient transmis, sans que cela ne soit requis, ce qui lui aurait permis de constater que ces derniers avaient omis d’inclure les taxes au montant d’assurance initialement déclaré par eux;

          le tout en contravention avec les articles 16, 27, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5), notamment les paragraphes 1 et 6 de l’article 37 dudit Code ; 

         

          2. Entre le ou vers le 16 février et le ou vers le mois de février 2017, (l’intimé) a exercé ses activités professionnelles de façon négligente en faisant défaut de noter à son dossier client pour S.P. et M.G. chacune de ses interventions les concernant notamment ses échanges, ses communications téléphoniques et leur contenu ainsi que leurs demandes, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5), notamment l’article 9 et le paragraphe 1 de l’article 37 dudit Code et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (RLRQ, c. D-9.2, r.2). »

 

[6]          Me Paradis nous confirme qu’elle est autorisée à plaider coupable pour et au nom de son client à la plainte modifiée. En conséquence, le Comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et déclare ce dernier coupable des deux chefs d’accusation qui y sont mentionnés.

 

[7]       Sur le chef 1, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 37 (6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.  

 

[8]       Quant au chef 2, l’intimé a fait défaut de bien tenir son dossier client. Il est donc reconnu coupable d’avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.

 

[9]           Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien de chacun des chefs d’accusation de la plainte modifiée.

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

 

[10]    Avec le consentement de Me Paradis, Me Galarneau dépose les pièces P-1 à P-9.

 

[11]    À la demande du syndic ad hoc, le Comité rend une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion des renseignements personnels contenus aux pièces et permettant d’identifier les assurés suivant l’article 142 du Code des professions.

 

[12]    Me Galarneau a extirpé de la preuve les pièces documentaires les plus pertinentes. Il s’agit des pièces  P-1 à P-9, lesquelles sont déposées en preuve de consentement.

 

[13]    Me Paradis attire notre attention à la pièce P-3, soit le formulaire de soumission que l’intimé transmet usuellement aux assurés qui souhaitent souscrire des garanties d’assurance pour leur bateau. À la page 3 du formulaire, on peut voir que l’assuré doit y inscrire la valeur du bateau et la valeur de la remorque, le tout plus les taxes applicables.

 

[14]    Dans la présente affaire, l’assuré aurait omis d’inclure les taxes dans le montant qu’il a inscrit sur le formulaire, d’où la plainte dans le présent dossier.

 

[15]    Or, les parties conviennent que l’intimé n’avait aucune obligation d’obtenir de l’assuré son contrat d’achat du bateau et de la remorque. À leur avis, c’est uniquement en raison du fait que l’intimé avait le contrat d’achat en main et qu’il n’en a pas pris connaissance qu’il y a faute déontologique dans la présente affaire.

 

[16]    En réalité, dans les circonstances particulières du présent dossier, l’intimé aurait dû prendre connaissance du contrat d’achat que l’assuré lui avait transmis, ce qui lui aurait permis de constater que son client avait omis d’inclure les taxes dans la valeur des biens à assurer.

  

[17]    Bref, un malheureux concours de circonstances a fait en sorte que l’intimé a enfreint l’article 37 (6o) de son code de déontologie puisqu’il a fait défaut d’éclairer son client sur le fait que la valeur des biens à assurer devait être augmentée des taxes applicables.

 

[18]    Quant au chef no 2, l’intimé reconnait qu’il a fait défaut de noter dans son dossier chacune de  ses interventions, le tout contrairement à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.

 

 

III.        Recommandation commune sur sanction

 

 

[19]    Les procureurs recherchent l’imposition des sanctions suivantes à l’encontre de l’intimé, à savoir :

 

       Chef no 1c) : une réprimande;

 

       Chef no 2 : une réprimande;

 

       Condamner l’intimé aux frais et déboursés du dossier.

 

[20]    Les procureurs des parties requièrent donc l’imposition de deux réprimandes plus le paiement des frais et déboursés de l’instance. 

 

[21]    À l’appui de cette suggestion commune, les procureurs nous réfèrent au dossier ChAD c. Bonin[1].

 

[22]    Quant aux facteurs atténuants, Me Galarneau souligne :

 

       L’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;

 

       La bonne collaboration de l’intimé à l’enquête;

 

       Son plaidoyer à la première occasion;

 

       Le fait que l’intimé aurait amélioré son formulaire afin d’éviter toute autre confusion de la part des assurés.

 

[23]      Par ailleurs, Me Paradis réitère que l’intimé n’avait pas à obtenir le contrat d’achat puisque l’assureur qui assume le risque ne le requiert pas.

 

[24]     Autre élément atténuant selon le procureur de l’intimé, ce dernier a été poursuivi devant la division des Petites créances de la Cour du Québec.

 

IV.       Analyse et décision

 

[25]    Dans l’affaire Pivin c. Inhalothérapeutes[2], il a été établi « un plaidoyer, en droit disciplinaire est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’il constitue une faute déontologique ».

 

[26]    Au surplus, la jurisprudence[3] est à l’effet que lorsqu’un comité de discipline est saisi d’un plaidoyer de culpabilité, aucune preuve relative à la culpabilité de l’intimé est nécessaire.

 

[27]    Voilà pourquoi le Comité a pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et l’a déclaré coupable.

 

[28]    Par ailleurs, pour les motifs ci-après exposés, le Comité est d’opinion que la sanction juste et appropriée en l’espèce est l’imposition d’une réprimande sur chacun des chefs de la plainte.

 

[29]    À nos yeux, l’intimé doit bénéficier des nombreux facteurs atténuants suivants, à savoir :

 

         la collaboration de l’intimé avec le syndic;

         son plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

         l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;

         la faute de l’assuré;

         le fait qu’il s’agit d’un acte isolé et d’un concours de circonstances;

         les modifications apportées au formulaire de soumission;

         la bonne foi de l’intimé.

 

[30]    N’oublions pas par ailleurs que toute cette affaire découle essentiellement d’une malheureuse erreur.

 

[31]    À ce sujet, il convient de citer le passage suivant de la Cour d'appel dans l'affaire Courchesne[4]:

« [83]   L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction. Le reproche est mal fondé. La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre. En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement. »

          (notre emphase)

[32]    Comme le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Royer c. Rioux[5], l’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de punir le professionnel, mais de corriger un comportement fautif.

 

[33]    Enfin, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité des suggestions communes dans l’affaire Ungureanu[6] :

[21]        Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(notre emphase)

 

[34]    Bien plus, lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par des procureurs d’expérience, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celles-ci. Il doit y donner suite, sauf s’il les considère contraires à l’intérêt public ou si elles sont de nature à déconsidérer l’administration de la justice, et ce, tel que la Cour suprême le décidait dans l’affaire Anthony-Cook[7].

 

[35]     À notre avis, la recommandation commune formulée par les parties est taillée sur mesure au cas de l’intimé. Elle est donc entérinée sans aucune réserve par le Comité.

 

[36]    Il s’agit d’une sanction qui colle aux faits du présent dossier.

 

[37]    Quant aux frais et déboursés de l’instance, l’intimé devra les assumer.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels contenus aux pièces déposées en preuve rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Jean-Paul Pépin à l’égard des chefs nos 1c) et 2 de la plainte modifiée;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1c) de la plainte modifiée pour avoir enfreint l’article 37 (6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 de la plainte pour avoir enfreint l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

Sur le chef no1 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

Sur le chef no2 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

CONDAMNE l’intimé à payer les frais et déboursés.

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

M. Bernard Jutras, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

 

 

____________________________________

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Alain Galarneau

Procureur de la partie plaignante

 

Me Sonia Paradis

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 1er octobre 2019

 



[1] 2018 CanLII 38257 (QC CDCHAD);

[2] Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII);

[3] OACIQ c. Patry, 2013 CanLII 47258 (QC OACIQ) et OACIQ c. Lizotte, 2014 CanLII 3118 (QC OACIQ);

[4] Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII), demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 2010 CanLII 20533 (CSC);

[5] 2004 CanLII 76507 (QC CQ);

[6]  Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[7] R. c. Anthony-Cook, [2016] 2 R.C.S. 204.

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