Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2018-11-01(C)

 

 

DATE :

4 septembre 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance

de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

ANTONIO RODRIGUEZ, courtier en assurance de dommages des particuliers (4B)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

RECTIFIÉE AU PARAGRAPHE 12

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-ACCESSIBILITÉ DE TOUT DOCUMENT OU RENSEIGNEMENT PERSONNEL PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS

(Art. 142 du Code des professions)

___________________________________________________________________________    

 

 

[1]       Le 17 avril 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour instruire la plainte logée contre l’intimé dans le présent dossier.

 

[2]       Me Marie-Josée Belhumeur, ès qualité de syndic, est présente et représentée par Me Karoline Khelfa.  Quant à l’intimé, il est présent et représenté par Me Sonia Paradis.

 

[3]       Dès le début de l’audition, nous sommes informés qu’une entente est intervenue entre les parties et que l’intimé plaidera coupable à une plainte modifiée. Les modifications sollicitées visent le retrait du mot « arbitrairement » aux chefs 3a) et 5c) de la plainte et l’ajustement de certains chiffres au chef 5b).

 

[4]       À la demande de la partie plaignante, une ordonnance de non-publication, non-diffusion et non-communication des renseignements permettant d’identifier les assurés est rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions.

 

I.          La plainte modifiée et le plaidoyer de culpabilité de l’intimé

 

 

[5]       Une fois les modifications aux chefs 3a) et 5c) autorisées par le Comité, l’intimé enregistre son plaidoyer de culpabilité sur chacun des chefs de la plainte modifiée, comme suit :

 

« Dans le cas des assurés D.D. et J.L.

 

1. Le ou vers le 10 janvier 2018, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance automobile no 0207117764 auprès de L’Unique assurances générales inc. pour la période du 27 septembre 2018 au 27 septembre 2020, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues des assurés et/ou a fait des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles de les induire en erreur, en ce qu’il :

a)     a omis de demander aux assurés si les véhicules automobiles visés étaient munis d’un système de repérage et/ou d’un anti démarreur;

b)     a inscrit que les véhicules n’étaient pas utilisés pour aller au travail, ni pour les affaires alors que les assurés ont déclaré les utiliser pour le travail et/ou les affaires;

c)     a représenté aux assurés que les protections offertes étaient les mêmes que celles prévues à leur contrat d’assurance automobile antérieur, alors que le montant de garantie aux avenants F.A.Q. 20, 27 et 34 était inférieur;

d)     a omis de préciser aux assurés les protections offertes, notamment quant aux avenants F.A.Q. 20, 27 et 34;

en contravention avec les articles 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 15, 26, 37(1), 37(6) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

2. Le ou vers le 10 janvier 2018, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance automobile no 0207117764 auprès de L’Unique assurances générales inc. pour la période du 27 septembre 2018 au 27 septembre 2020, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant à l’assureur des renseignements non vérifiés, faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque, en contravention avec les articles 9, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

3. Le ou vers le 10 janvier 2018, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance habitation no 020704164 auprès de L’Unique assurances générales inc. pour la période du 17 janvier 2018 au 17 janvier 2020, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues des assurés et/ou a fait des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles de les induire en erreur, en ce qu’il :

a)     a inscrit (…) un montant d’assurance pour le bâtiment de 315 000 $ alors que les assurés avaient demandé un montant d’assurance de 331 000 $;

b)     a omis de demander aux assurés leurs intentions quant à la protection pour « entrée d’eau »;

c)     a omis de demander aux assurés leurs intentions quant à la protection pour les appareils auditifs;

d)     a augmenté les franchises à 1 000 $ sans avoir obtenu ni les instructions, ni le consentement des assurés à cet égard;

e)     a représenté aux assurés qu’ils n’avaient pas besoin d’une protection pour les dommages causés par un refoulement d’égout;

en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 15, 26, 37(1), 37(6) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

4. Le ou vers le 10 janvier 2018, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance habitation no 020704164 auprès de L’Unique assurances générales inc. pour la période du 17 janvier 2018 au 17 janvier 2020, et avant la conclusion dudit contrat, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en n’informant pas et en n’expliquant pas aux assurés le montant des garanties et les protections offertes, en contravention avec l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Dans le dossier de l’assuré M.V.

 

5. Entre les ou vers les 10 janvier et 2 février 2018, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance habitation no 020722146 auprès de L’Unique assurances générales inc. pour la période du 23 février 2018 au 23 février 2019, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues de l’assuré et/ou a fait des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles de les induire en erreur, en ce qu’il :

a)     a omis de demander à l’assuré son consentement pour la consultation de son dossier de crédit;

b)     a inscrit que l’assuré avait obtenu une indemnité de 2 300 $ suivant un sinistre survenu en 2017, alors que le client l’avait pourtant informé que l’indemnité obtenue s’élevait à une somme entre 20 000 $ et 23 000 $;

c)     a inscrit (…) un montant d’assurance pour le bâtiment de 415 000 $ alors que ce montant ne représentait pas ce que l’assuré souhaitait;

d)     a inscrit que l’année de construction du bâtiment était de 2006 alors que l’année de construction était 1952 et que l’assuré lui avait déclaré que l’immeuble avait fait l’objet de rénovations majeures en 2006;

e)     a omis de demander à l’assuré si le système d’alarme était relié à une centrale;

f)      a omis de demander à l’assuré s’il était non-fumeur;

g)     a représenté à l’assuré qu’il avait une protection pour les dommages causés par un refoulement d’égout alors qu’ils étaient exclus;

en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 15, 26, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

6. Le ou vers le 26 janvier 2018, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance habitation no 020722146 auprès de L’Unique assurances générales inc. pour la période du 23 février 2018 au 23 février 2019, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant à l’assureur des renseignements non vérifiés, faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque, en contravention avec les articles 9, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Dans le dossier de l’assuré L.D.

 

7. Le ou vers le 26 mai 2017, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance habitation no M12-7645 auprès d’Intact Assurance pour la période du 26 mai 2017 au 26 mai 2018, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues de l’assuré, en ce qu’il :

a)     a omis de demander à l’assuré s’il souhaitait avoir une protection en cas de vol;

b)     a augmenté les franchises à 5 000 $ sans avoir obtenu ni les instructions, ni le consentement de l’assuré à cet égard;

en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles  26, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

8. Le ou vers le 26 mai 2017, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance habitation no M12-7645 auprès d’Intact Assurance pour la période du 26 mai 2017 au 26 mai 2018, et avant la conclusion dudit contrat, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en n’informant pas et en n’expliquant pas à l’assuré le montant des garanties et les protections offertes, en contravention avec l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. » 

 

[6]       Séance tenante, le Comité a donc pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et a déclaré celui-ci coupable des infractions reprochées.

 

 

[7]       Quant aux chefs 1, 3, 5 et 7, l’intimé a été négligent dans l’exercice de ses activités et il est en conséquence déclaré d’avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Cette dernière disposition prévoit :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

              1o d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente; »

 

[8]       Sur les chefs 2 et 6, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 37 (7o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Cet article stipule ce qui suit :

 

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

              7o de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur; »

 

 

[9]       Finalement, et quant aux chefs 4 et 8, l’intimé est coupable d’avoir contrevenu à l’article 37 (6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages qui édicte :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

6o de faire défaut d’agir en conseiller consciencieux en omettant d’éclairer les clients sur leurs droits et obligations et en ne leur donnant pas tous les renseignements nécessaires ou utiles; »

 

 

 

[10]    Considérant ce qui précède, un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits.

 

II.         Preuve sur sanction

 

[11]    Me Khelfa nous brosse un tableau sommaire du dossier.

 

[12]    L’affaire dont nous sommes saisis découle des faits relatés dans une décision administrative rendue par l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») en date du 17 juillet 2018[1].

 

[13]    Afin de mieux comprendre le contexte, il est opportun de reproduire la décision de l’AMF :

 

«  FAITS CONSTATÉS

 

1. Antonio Rodriguez (le « Représentant ») détient un certificat dans la catégorie de discipline de l’assurance de dommages des particuliers.

 

2. Le Représentant a été congédié par Groupe DPJL Inc. (« DPJL ») en date du 23 février 2018.

 

3. DPJL reproche au Représentant d’avoir modifié volontairement des couvertures d’assurance sans l’accord des clients, notamment en réduisant les montants d’assurance, en retirant des garanties d’assurance ou en augmentant les franchises, et ce, dans le but d’offrir des primes plus basses que la compétition :

 

• Les manquements ont été découverts lorsqu’un assuré a demandé l’annulation de ses contrats d’assurance le 6 février 2018 sous prétexte d’avoir reçu de mauvais conseils de la part du Représentant et d’avoir été assuré avec un manque de protections.

 

• Le 8 février 2018, le Représentant a été rencontré pour une rétroaction concernant le dossier. Il a été avisé que cette pratique n’allait pas être tolérée et que DPJL allait procéder à un audit de ses dossiers.

 

• DPJL indique qu’à la suite de l’audit d’enregistrements téléphoniques du Représentant, il a été remarqué que ce dernier modifiait les couvertures d’assurance afin d’offrir une prime plus basse que la compétition et développer une nouvelle clientèle.

 

• L’audit a révélé que le Représentant omettait de réviser les besoins de l’assuré et de confirmer les couvertures d’assurance.

 

• DPJL est d’avis que le rôle de conseiller du Représentant était complètement absent.

 

• Au total, DPJL a relevé trois (3) dossiers problématiques. La vérification de tous les dossiers du Représentant est toujours en cours.

 

• Le cabinet indique qu’un dossier de réclamation est en discussion avec l’assureur. Ce dossier implique une franchise de 5 000 $ au lieu de 500 $, avec un dommage d’environ 15 000 $ dont la couverture pour dégât d’eau était absente.

 

4. Le Représentant a donné sa version des faits le 29 mai 2018 :

 

• Il mentionne ne pas être certain des faits reprochés, mais qu’il croit savoir ce qu’on lui reproche et qu’il va tenter d’expliquer au mieux les évènements.

 

• Il explique que le congédiement est survenu à la suite de l’émission d’une police habitation avec l’Unique assurances générales inc. (l’« Unique »).

 

• Il indique que DPJL a un lien financier avec Intact assurances générales inc. (Intact) et qu’à son embauche, on lui a demandé de placer 92% de ses contrats avec cette dernière.

 

• Lors de la réunion annuelle, sa directrice lui a demandé d’atteindre 405 000 $ de primes d’assurance pour l’année 2018. Étant donné qu’il était difficile d’atteindre l’objectif avec les produits d’Intact, il s’est tourné vers l’Unique.

 

• Il mentionne que plus il vendait, plus il sentait la pression de ses supérieurs.

 

• Il explique ne pas avoir reçu une formation adéquate de la part de son employeur pour les produits de l’Unique. Pour cette raison, il n’avait pas une connaissance adéquate des produits.

 

• Le Représentant indique avoir fait une soumission auprès de l’Unique pour un client qui était déjà assuré avec Intact. Lorsqu’il a présenté son offre, le client trouvait la prime trop élevée. Le Représentant a contacté le service à la clientèle de l’Unique et on l’a avisé qu’il avait rempli le formulaire pour habitation de haute valeur. On lui a expliqué qu’avec le formulaire de risque standard, la protection serait suffisante et la prime moins élevée. Le client a accepté la nouvelle proposition.

 

Son inexpérience avec les produits de l’Unique lui a fait oublier de mentionner au client

qu’il perdait des protections et que sa franchise allait être de 1000 $ au lieu de 500 $.

 

 

• Le Représentant mentionne avoir fait part du dossier à sa directrice. Cette dernière a écouté l’appel et a remarqué qu’il avait omis de mentionner au client les changements de protection et de franchise.

 

• Il avoue avoir commis une erreur dans ce dossier. Il pense que s’il avait été mieux encadré et formé adéquatement, cette situation n’aurait pas eu lieu.

 

5. Dans ce contexte, le 15 juin 2018, l’Autorité transmettait au Représentant un avis préalable à une décision en vertu de l’article 5 de la Loi sur la justice administrative, RLRQ, c. J-3 (la « LJA »).

 

OBSERVATIONS REÇUES

 

6. Dans son avis préalable, l’Autorité donnait au Représentant l’opportunité de lui transmettre ses observations par écrit, au plus tard le 30 juin 2018.

 

7. L’Autorité a reçu du Représentant des observations le 28 juin 2018 et en a tenu compte pour prendre sa décision.

 

8. Le Représentant est d’avis que l’imposition d’une condition de supervision est une sanction trop sévère.

 

9. Il réitère que la formation reçue pour les produits de l’Unique n’était pas adéquate et que celle-ci n’a duré qu’une seule journée.

 

10. Il mentionne qu’il n’avait aucun soutien de sa directrice, car celle-ci n’avait aucune connaissance sur le logiciel utilisé pour l’Unique. Également, il déplore le manque de personnes-ressources auxquelles il pouvait se référer chez DPJL.

 

11. Il croit que DPJL a la responsabilité de connaitre les produits vendus par ses courtiers et non pas seulement ceux d’Intact.

 

12. Il croit qu’avoir eu une formation adéquate pour les produits de l’Unique, il n’y aurait pas eu d’incompréhension avec le logiciel.

 

COMMENTAIRES DE L’AUTORITÉ

 

13. L’Autorité rappelle qu’elle exerce ses fonctions et ses pouvoirs notamment de manière à favoriser la confiance des personnes et des entreprises à l’égard de la compétence des agents, des conseillers, des courtiers, des représentants et des autres intervenants qui œuvrent dans le secteur financier, mais également dans le but d’assurer la protection du public.

 

14. Il appert des éléments du dossier que le Représentant a modifié volontairement des couvertures d’assurance sans l’accord des clients, notamment en réduisant les montants d’assurance, en retirant des garanties d’assurance ou en augmentant les franchises, et ce, dans le but d’offrir des primes plus basses que la compétition.

 

15. Il apparait d’ailleurs, des éléments du dossier que le Représentant aurait agi de cette façon auprès de trois (3) clients.

 

16. L’Autorité est d’avis qu’en modifiant les couvertures d’assurance des clients sans leur accord, le Représentant a subordonné ses intérêts personnels aux intérêts de ses clients, une telle pratique pouvant permettre au Représentant d’offrir un taux plus avantageux que la compétition, augmentant ainsi les chances du Représentant d’effectuer la vente.

 

17. Les clients se retrouvaient toutefois assurés avec un manque de protection et sous de fausses représentations, en exposant ceux-ci à des risques importants dans le cas d’une éventuelle réclamation auprès de l’assureur.

 

18. À cet effet, l’Autorité tient à souligner qu’un (1) client a subi les conséquences des gestes du Représentant, il a dû faire une réclamation en raison d’un sinistre et il n’avait pas été assuré avec les protections nécessaires.

 

19. L’Autorité considère que les manquements reprochés au Représentant démontrent qu’il n’exerce pas ses activités de la manière attendue d’un représentant du domaine des services financiers et que la protection du public s’en trouve compromise.

 

20. En raison des faits mentionnés précédemment, l’Autorité est d’avis que la probité du Représentant est affectée et que ses activités à titre de représentant dans la catégorie de discipline de l’assurance de dommages des particuliers doivent faire l’objet d’un encadrement afin d’assurer la protection du public.

 

21. Malgré la version des faits du Représentant selon laquelle il n’a pas reçu l’encadrement ou la formation nécessaire de la part de son ancien employeur, l’Autorité est d’avis qu’il était de la responsabilité du Représentant de veiller à ce que les clients soient assurés adéquatement. Les éléments du dossier tendent à confirmer les manquements dans la conduite des dossiers du Représentant.

 

22. Ainsi, au regard de l’ensemble des faits et des documents au dossier, l’Autorité considère qu’un encadrement des activités du Représentant est requis dans le but d’assurer la protection du public et afin de s’assurer qu’il exerce ses activités de représentant conformément aux lois et aux règlements en vigueur.

 

DÉCISION

 

Dans les circonstances, l’Autorité rend sa décision.

 

Considérant les articles 184 et 220 de la LDPSF;

 

Considérant l’article 5 de la LJA; Décision no 2018-OED-1036018 5

 

Considérant l’ensemble des faits et les observations reçues du Représentant;

 

Considérant la délégation de pouvoirs faite par le président-directeur général conformément au premier alinéa de l’article 24 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2.

 

Pour ces motifs, il convient pour l’Autorité :

 

D’assortir le certificat d’ANTONIO RODRIGUEZ dans la catégorie de discipline de l’assurance de dommages des particuliers, pour une période de deux (2) ans, alors qu’il a un droit de pratique valide, des conditions suivantes :

 

• Le rattachement obligatoire à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable.

 

• La supervision de ses activités de représentant par un individu désigné par le dirigeant responsable du cabinet dans lequel il est rattaché. Le Représentant doit faire parvenir à l’Autorité au plus tard 30 jours après la réception de la présente décision, une attestation de la part du dirigeant responsable du cabinet, dans laquelle ce dirigeant désignera la personne qui supervisera ses activités de représentant. Durant la période de supervision, le formulaire devra être conservé par le cabinet et être disponible sur demande de l’Autorité.

 

La décision prend effet immédiatement et est exécutoire malgré toute demande de révision éventuelle. »

 

 

[14]     Dûment assermenté, l’intimé témoigne afin de nous relater ce qui suit :

 

 

         Depuis le mois de septembre, il exerce la profession auprès du cabinet Paré Assurances et Services Financiers inc. (« Paré Assurances »);

 

         Il n’a aucun antécédent disciplinaire outre la décision de l’AMF;

 

         Il avait environ 18 mois d’expérience lorsque les gestes reprochés ont été commis;

 

         Il travaillait alors pour le cabinet Groupe DPJL inc. (« DPJL ») et il recevait les appels des clients du cabinet par l’entremise d’un système de distribution automatique d’appels (« DAA »);

 

         Chez DPJL, il avait de la difficulté à placer des risques avec l’assureur L’Unique;

 

         Aujourd’hui, il considère que son nouvel employeur, Paré Assurances, lui offre beaucoup plus de soutien et d’aide;

 

         Au surplus, il considère qu’il est beaucoup plus rigoureux aujourd’hui dans l’exercice de ses activités;

 

         Bref, il se sent plus à l’aise maintenant. 

 

[15]    La directrice du nouveau cabinet de l’intimé est également entendue. Il s’agit de Mme Lynn Fournier qui nous relate essentiellement ce qui suit :

 

         Elle est directrices des ventes chez Paré Assurances;

 

         Lorsque M. Rodriguez  a fait des démarches pour se faire embaucher par Paré Assurances, il a immédiatement avisé son employeur de la décision de L’AMF;   

 

         M. Rodriguez a été complètement transparent envers Paré Assurances;

 

         Elle est régulièrement consultée par l’intimé;

 

         Les systèmes mis en place par Paré Assurances font en sorte que le travail de l’intimé est surveillé et vérifié;

 

         Elle exprime l’avis que l’intimé travaille très bien.

 

 

[16]    En résumé, il appert de la preuve que l’intimé s’est pris en main et que le risque de récidive est plutôt lointain.

 

III.        Recommandations communes sur sanction

 

[17]    Les parties se sont entendues sur les sanctions suivantes, à savoir :

 

       Chef no 1 : une amende de 3 000 $;

 

       Chef no 2 : une amende de 2 000 $;

 

       Chef no 3 : une amende de 3 000 $;

 

       Chef no 4 : une réprimande;

 

       Chef no 5 : une amende de 3 000 $;

 

       Chef no 6 : une amende de 2 000 $;

 

       Chef no 7 : une amende de 3 000 $;

 

       Chef no 8 : une réprimande;

 

       Vu le principe de la globalité, réduire les amendes susdites totalisant la somme de 16 000 $ à une somme globale de 8 000 $;

 

       Accorder à l’intimé un délai de 18 mois pour payer les amendes et déboursés.

 

 

[18]    Les parties souhaitent également que le Comité recommande au Conseil d’administration de la ChAD l’obligation pour l’intimé de suivre les cours de formation suivants dispensés par la ChAD :

 

       C-11                « Principes et pratiques de l’assurance »

 

       C-130             « Le courtier et l’agent d’assurance »

 

 

[19]    Quant aux facteurs objectifs, Me Khelfa souligne les éléments suivants :

 

       La gravité objective des infractions;

 

       Qu’il s’agit d’infractions qui se situent au cœur de la profession;

 

       Ces infractions touchent l’image de la profession et mettent en péril la protection du public;

 

[20]    Quant aux facteurs atténuants, Me Khelfa nous fait part des points suivants dont l’intimé doit bénéficier :

 

       L’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;

 

       L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité;

 

       La perte de son emploi auprès de DPJL;

 

       La collaboration de l’intimé à l’enquête du syndic;

 

       Que l’intimé n’a rien caché à Paré Assurances;

 

       Il est très bien encadré aujourd’hui;

 

       Un risque de récidive mince.

 

 

[21]    Afin d’appuyer la recommandation commune, le procureur du syndic nous réfère aux affaires Fontaine, Barrette et Huard[2].

 

[22]    Me Paradis nous confirme que la sanction suggérée est juste et appropriée dans les circonstances du présent dossier, que le risque de récidive est très faible et que M. Rodriguez a vraiment besoin du délai de 18 mois pour payer.  

 

 

IV.       Analyse et décision

 

A)        Les recommandations communes

 

 

[23]    La jurisprudence établit depuis longtemps l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes[3].

 

[24]    Au mois d’octobre 2016, la Cour suprême confirmait que les recommandations communes sont essentielles au bon fonctionnement de la justice[4].

 

[25]    Dans cet arrêt important, la Cour suprême précise que le Comité doit faire preuve de retenue lorsque les procureurs des parties présentent une recommandation commune sur sanction.

 

[26]    Ci-après quelques extraits pertinents :

 

« [40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. Dans la mesure où elles font éviter des procès, les recommandations conjointes relatives à la peine permettent à notre système de justice de fonctionner plus efficacement. Je dirais en fait qu’elles lui permettent de fonctionner. Sans elles, notre système de justice serait mis à genoux, et s’effondrerait finalement sous son propre poids.

 

[41] Cependant, comme je l’ai mentionné, la présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Si les recommandations conjointes en viennent à être considérées comme des solutions de rechange insuffisamment sûres, l’accusé en particulier hésitera à renoncer à un procès et à ses garanties concomitantes, notamment la faculté cruciale de mettre à l’épreuve la solidité de la preuve du ministère public.

 

[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui-ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé. »

 

(nos soulignements)

 

[27]    Dans l’affaire Ungureanu[5] , le Tribunal des professions décrit lui aussi qu’elle est la fonction des recommandations communes en matière disciplinaire :

[21Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(nos soulignements)

[28]    En réalité, lorsqu’une suggestion commune est formulée par des avocats d’expérience, notre marge de manœuvre est excessivement limitée.

[29]    Bref, il est pratiquement impossible de l’écarter, à moins qu’elle soit contraire à l’intérêt public.

 

B)       Décision

 

[30]    La recommandation commune formulée par les parties est entérinée séance tenante par le Comité.

 

[31]     Tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[6], la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants : 

 

         en premier lieu, la protection du public ;

 

         ensuite, la dissuasion du professionnel de récidiver; et

 

         l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

 

         et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

 

 

[32]    Or, nous sommes d’avis que la suggestion commune des parties tient compte de la gravité objective des infractions et, d’autre part, qu’elle assure la protection du public sans punir outre mesure l’intimé puisqu’il est manifestement sur la bonne voie.

 

[33]    Quant aux frais, l’intimé devra assumer les frais et déboursés de l’instance.

 

[34]    L’intimé bénéficiera d’un délai de 18 mois pour acquitter les amendes, frais et déboursés, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Antonio Rodriguez sur les chefs nos 1 à 8 de la plainte modifiée;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1, 3, 5 et 7 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 2 et 6 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (7o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 4 et 8 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

 

Sur le chef n1 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 3 000 $;

Sur le chef n2 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

Sur le chef n3 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 3 000 $;

Sur le chef n4 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

Sur le chef n5 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 3 000 $;

Sur le chef n6 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

Sur le chef n7 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 3 000 $;

Sur le chef n8 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

CONSIDÉRANT le principe de la globalité de la sanction, RÉDUIT le montant total des amendes susdites à une somme globale de 8 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les frais et déboursés;

RECOMMANDE au Conseil d’administration de la ChAD d’imposer à l’intimé l’obligation de suivre et de réussir, dans un délai de 18 mois, les deux cours suivants :

 

« C-11   : Principes et pratiques en assurance »

« C-130  : Le courtier et l’agent d’assurance »

 

DÉCLARE que lesdits cours ne donneront pas droit à des unités de formation continue (UFC), le tout conformément au deuxième alinéa de l’article 10 du Règlement sur la formation continue de la Chambre de l’assurance de dommages;

ACCORDE à l’intimé un délai de 18 mois pour acquitter les amendes, frais et déboursés, le tout en 18 versements mensuels, égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimé est en défaut de payer à échéance l’un ou l’autre des versements susdits, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Karoline Khelfa

Procureur de la partie plaignante

 

Me Sonia Paradis

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 17 avril 2019

 



[1] Pièce P-19;

[2] ChAD c. Fontaine, 2017 CanLII 38170 (QC CDCHAD), ChAD c. Barrette, 2019 CanLII 40792 (QC CDCHAD) et ChAD c. Huard, 2017 CanLII 47415 (QC CDCHAD);

[3]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 82189 (QC TP) et Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII);

[4] R. c. Anthony-Cook, [2016] 2 RCS 204, 2016 CSC 43 (CanLII);

[5]  Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[6]  2003 CanLII 32934 (QC CA), aux paragraphes 38 et suivants;

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