Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2018-11-02(C)

 

 

DATE :

12 septembre 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

M. Bruno Simard, courtier en assurance

de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

 

ANLY CHARLES, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX PIÈCES DÉPOSÉES

EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

[1]       Le 7 mai 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (ci-après « le Comité ») se réunit pour disposer de la plainte logée contre le courtier en assurance de dommages Anly Charles.

 

[2]       Me Valérie Déziel représente le syndic et Me Patrick Garneau représente l’intimé.

 

[3]       Dès le début de l’audition, nous sommes avisés que M. Charles entend plaider coupable au chef 4 de la plainte.

 

I.          La plainte et le plaidoyer de culpabilité sur le chef 4

 

 

[4]       Le 27 novembre 2018, le syndic dépose la plainte suivante contre l’intimé :

 

« 1. À Montréal, entre les ou vers les 8 mai et 29 août 2015, a exercé ses activités de manière négligente, en omettant de donner suite au mandat que lui avait confié l’assurée 9xxx-xxx9 Québec inc., soit de réduire le montant d’assurance pour le bâtiment au contrat d’assurance des entreprises Lloyd’s no WID15373 souscrit auprès de GroupAssur inc., en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

 

2. À Montréal, entre les ou vers les 24 août et 14 octobre 2015, a exercé ses activités de manière négligente, en omettant de traiter le renouvellement du contrat d’assurance des entreprises Lloyd’s no WID15373 souscrit auprès de GroupAssur inc. émis au nom de l’assurée 9xxx-xxx9 Québec inc. et venant à échéance le 14 octobre 2015, en contravention avec les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance des dommages;

 

3. À Montréal, vers mars et avril 2018, a représenté à l’assurée 9xxx-xxx9 Québec inc. que l’assureur avait refusé de réduire le montant d’assurance pour le bâtiment au contrat d’assurance des entreprises Lloyd’s no WID15373 souscrit auprès de GroupAssur inc. en cours de terme, alors que ce n’était pas le cas, en contravention avec les articles 25 et 37(4) Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

4. À Montréal, entre septembre 2014 et octobre 2015, a été négligent dans la tenue du dossier de l’assurée 9xxx-xxx9 Québec inc., en faisant défaut d’y inscrire l’ensemble de ses démarches et interventions, notamment les rencontres, les communications téléphoniques, les conseils donnés, les décisions prises et les instructions reçues, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ c. D-9.2), les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) et les articles 19 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (RLRQ c. 9.2, r.2); »

 

[5]       Séance tenante, l’intimé a reconnu les faits mentionnés au chef 4 de la plainte et a enregistré son plaidoyer de culpabilité sur ce chef.  

 

[6]       Le Comité a donc pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et a déclaré celui-ci coupable de l’infraction reprochée au chef 4.

 

[7]       L’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, lequel se lit comme suit :

 

 

« Art. 21. Les dossiers clients qu’un cabinet, un représentant autonome ou une société autonome inscrit dans la discipline de l’assurance de dommages doit tenir sur chacun de ses clients dans l’exercice de ses activités doivent contenir les mentions suivantes:

1°  son nom;

2°  le montant, l’objet et la nature de la couverture d’assurance;

3°  le numéro de police et les dates de l’émission du contrat et de la signature de la proposition, le cas échéant;

4°  le mode de paiement et la date de paiement du contrat d’assurance;

5°  la liste d’évaluation des biens de l’assuré transmise par celui-ci, le cas échéant.

Tout autre renseignement ou document découlant des produits vendus ou des services rendus recueillis auprès du client doit également y être inscrit ou déposé. »

 

[8]       Un arrêt conditionnel des procédures est en conséquence ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

 

[9]       Cela étant dit, le Comité procède par la suite à l’instruction de la preuve sur les chefs 1, 2 et 3.

 

 

II.         Le contexte

 

 

[10]    À l’automne 2014, Monsieur Zhang veut procéder à l’achat d’un immeuble de 42 logements situé sur la rue Sainte-Famille pour le compte d’une société par actions pour laquelle il agit à titre de gestionnaire.

 

[11]    Quant à l’assurance de dommages que l’acheteur doit obtenir avant d’acheter l’immeuble, le propriétaire vendeur réfère M. Zhang[1] à l’intimé.

 

[12]    M. Zhang rencontre donc l’intimé à son bureau. Ce dernier lui explique la règle proportionnelle. Le prix d’achat de l’immeuble est alors fixé à 7 100 000 $ et le montant de l’assurance à 6 750 000 $.

 

[13]    À la demande de l’intimé, une police d’assurance souscription Lloyd’s est émise par le cabinet GroupAssur inc. Cette police entre en vigueur le 14 octobre 2014 et expire le 14 octobre 2015[2].

 

[14]    Au mois de février 2015, la firme d’évaluateurs agréés Eximmo inc. est mandatée par M. Zhang afin de déterminer le coût de remplacement à neuf de l’immeuble pour fins d’assurance.

 

[15]    Un rapport d’évaluation est produit par Eximmo inc. en date du 24 mars 2015[3].

 

[16]    Les experts d’Eximmo inc. fixent la valeur de remplacement à neuf de l’immeuble à 4 807 000 $[4].

 

[17]    Le 8 mai 2015, l’intimé accuse réception par courriel du rapport d’évaluation d’Eximmo inc. et mentionne à M. Zhang par retour de courriel qu’il le rappellera sous peu pour lui dire ce qu’il entend faire[5].

 

[18]    Le 5 juin 2015, M. Zhang revient à la charge par courriel à l’intimé et ce dernier lui répond en date du 8 juin 2015 qu’il va faire un suivi auprès de la compagnie d’assurance[6].

 

[19]    Compte tenu de la valeur déterminée par Eximmo inc., M. Zhang veut que l’intimé fasse le nécessaire afin que le montant d’assurance de l’immeuble soit réduit.

 

[20]    Or, ce n’est qu’au moment du renouvellement, soit à l’automne 2015, que le coût de remplacement de l’immeuble fut ajusté à la baisse[7].

 

[21]    En 2016, M. Zhang décide de rompre sa relation d’affaires avec l’intimé.

 

[22]    En 2018, M. Zhang réussit à se faire rembourser une partie de la prime payée pour la période du 14 octobre 2014 au 14 octobre 2015, soit environ 2 000 $, en raison du défaut par l’intimé d’avoir fait modifier à la baisse et en temps utile le montant d’assurance sur l’immeuble.

 

[23]    En date du 8 août 2018, dans le cadre de l’enquête du syndic de la ChAD et à la demande de ce dernier, l’intimé exécute une déclaration écrite dans laquelle il explique ses agissements dans le présent dossier[8].

 

[24]    Aux pages 10 et 11 de sa déclaration écrite P-3, l’intimé écrit ce qui suit :

 

« (…) Le 5 juin 2015, le client m’a demandé par courriel de changer le montant des assurances.

Lorsque j’ai contacté Groupassur, on m’a fait comprendre qu’on ne pouvait pas diminuer avec Lloyds à cette date et qu’il n’y aurait aucun crédit pour le client, que la modification pourrait (sic) se faire uniquement qu’au (sic) renouvellement.

(…)

J’ai essayé tant bien que mal à expliquer à Mr Zhang que le crédit que je lui avais promis, n’était pas disponible, que d’après l’assureur, la modification ne peut être faite (sic) au renouvellement. »

 

[25]     Au cours de l’instruction du dossier, Mme Micheline Morency a témoigné. Elle est vice-présidente des opérations et de la souscription au cabinet GroupAssur inc.

 

[26]    Mme Morency a essentiellement nié la déclaration ci-haut reproduite de l’intimé.

 

[27]    Mme Morency a affirmé que l’assureur pouvait accepter une modification du montant d’assurance en tout temps et non uniquement lors du renouvellement comme le prétend l’intimé.

 

[28]    En réalité, l’assuré n’avait qu’à produire une évaluation professionnelle et le tour était joué.

 

[29]    Au cours de sa déposition, Mme Morency affirme également que ce n’est que le 29 août 2015 que l’intimé transmet à GroupAssur inc. le rapport d’évaluation d’Eximmo inc.

 

[30]    Bien plus, toujours selon Mme Morency, c’est uniquement le 14 octobre 2015 que GroupAssur inc. reçoit les instructions de l’intimé de renouveler la police d’assurance avec Lloyd’s[9].

 

[31]    Voilà l’essentiel de la preuve administrée devant nous.

 

 

 

III.        Analyse et décision

 

A)   Le chef 1

 

[32]    L’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages stipule ce qui suit :

 

 « Art. 26. Le représentant en assurance de dommages doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer. Il doit également informer son client lorsqu’il constate un empêchement à la continuation de son mandat. »

 

[33]    Or, nous sommes d’avis que la preuve administrée par le syndic sur ce chef est claire et convaincante. Manifestement, l’intimé a omis de donner suite au mandat que lui avait confié M. Zhang, soit de réduire le montant de l’assurance.

 

[34]    Bien plus, à la pièce P-3, page 3, question 9, l’intimé admet qu’il avait reçu un tel mandat de M. Zhang et le témoignage de Mme Morency nous confirme sans aucune équivoque que le montant d’assurance pouvait être modifié en cours de terme.

 

[35]    Nous n’avons aucune hésitation à accorder une grande crédibilité et fiabilité à la version de Mme Morency.

 

[36]    Vu ce qui précède, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[37]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

 

B)   Le chef 2

 

[38]    Le chef 2 reproche à l’intimé d’avoir traité le renouvellement de la police d’assurance Lloyd’s de manière négligente.

 

[39]    Sur ce chef, la preuve révèle que ce n’est que le 14 octobre 2015 à 15 :38 que l’intimé donne instruction à GroupAssur inc. de renouveler la police.

 

[40]    Ce chef d’accusation est bien fondé.

 

[41]    La preuve documentaire, et particulièrement les courriels P-9, démontrent sans l’ombre d’un doute que l’intimé a exercé ses activités de façon négligente.

 

[42]    À notre avis, un professionnel de l’assurance, dans le cadre de ses activités, a le devoir de répondre avec diligence à toute demande d’instructions relative à un renouvellement.

 

[43]    Il s’agit d’un devoir qui se situe au cœur de la profession et qui vise à protéger le public à l’encontre d’un découvert d’assurance.

 

[44]    En effet, nous sommes d’avis qu’un professionnel raisonnablement compétent placé dans des circonstances similaires n’aurait pas tardé à répondre à GroupAssur inc. afin de procéder au renouvellement de la police comme l’intimé l’a fait en l’espèce[10].

 

[45]    Pour les motifs ci-haut énoncés, l’intimé est reconnu coupable sur ce chef d’avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

[46]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

 

C)    Le chef 3

 

[47]    Sur ce dernier chef, Mme Morency nous confirme sans détour que GroupAssur inc. n’aurait pas refusé de réduire le montant de l’assurance en cours de terme.

 

[48]    De son côté, l’intimé soutient que le refus qu’il a essuyé proviendrait possiblement de Mme Patrycia Beaudry qui lui aurait affirmé au cours d’un entretien téléphonique que le montant d’assurance ne pouvait pas être réduit en cours de contrat.

 

[49]    À nos yeux, cette assertion en défense n’est pas prépondérante puisqu’elle n’est pas supportée par la preuve.

 

[50]    Toutefois, le témoignage de Mme Morency est non seulement prépondérant mais beaucoup plus vraisemblable dans les circonstances que la thèse soulevée par l’intimé.

 

[51]    Non seulement l’intimé écrit à la page 10 de sa déclaration écrite P-8 au syndic qu’il avait expliqué à M. Zhang que l’assureur lui avait dit que la modification ne pouvait être faite qu’au renouvellement mais cette affirmation de l’intimé est clairement contredite par Mme Morency qui occupe un poste important auprès de GroupAssur inc.. soit la fonction de vice-présidente des opérations et de la souscription chez GroupAssur inc.

 

[52]    Compte tenu du poste occupé par Mme Morency, nous accordons une plus grande fiabilité à son témoignage qu’à celui de l’intimé.

 

[53]    Il s’ensuit que nous venons à la conclusion que l’intimé a manqué de transparence envers son assuré en lui représentant à tort que la réduction du montant d’assurance ne pouvait être faite en cours de terme par l’assureur.

 

[54]     L’intimé est en conséquence déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

[55]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Anly Charles sur le chef 4 de la plainte;

DÉCLARE l’intimé Anly Charles coupable du chef 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé Anly Charles coupable du chef 2 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé Anly Charles coupable du chef 3 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé Anly Charles coupable du chef 4 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation 1, 2, 3 et 4 de la plainte;

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels contenus aux pièces déposées en preuve rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions;

DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

M. Bruno Simard, courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Valérie Déziel

Procureur de la partie plaignante

 

Me Patrick Garneau

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 7 mai 2019

 



[1] L'utilisation des noms de famille dans la décision a pour but d’alléger le texte et l’on voudra bien n’y voir aucune discourtoisie à l’égard des personnes concernées;

[2] Voir la pièce P-8;

[3] Voir la pièce P-5;

[4] P-5, à la page 23;

[5] L’intimé écrit à Zhang: « I got the report, I will call you later to see the way we will do that. »

[6] Voir la pièce P-6;

[7] P-10, à la page 1, le montant d’assurance est alors fixé à 3 417 000 $;

[8] Pièce P-3;

[9] Voir également la pièce P-9, soit le courriel de l’intimé à GroupAssur demandant le renouvellement de la police lequel est transmis le 14 octobre 2015 à 15:38;

[10] S. POIRIER, La discipline professionnelle au Québec, principes législatifs, jurisprudentiels, et aspects pratiques, Éd. Yvon Blais, 1998, p. 33;

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