Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2018-02-01(C)

 

DATE :

11 juillet 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Vice-président

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Maryse Pelletier, C.d’A.A., courtier en

assurance de dommages

Membre

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

PASCAL LACHAPELLE-COUTURIER, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

 

[1]          Le 10 janvier 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») rendait sa décision sur culpabilité dans le présent dossier[1] et acquittait l’intimé du chef no 5 de la plainte modifiée tout en le déclarant coupable des chefs nos 1, 2 et 3.

[2]          Il est utile ici de reproduire les chefs de la plainte modifiée pour lesquels l’intimé a été reconnu coupable, à savoir : 

« 1. Le ou vers le 30 mai 2016, a agi avec négligence et n’a pas agi en conseiller consciencieux en n’identifiant pas les besoins de M.L. et en ne lui fournissant pas tous les renseignements nécessaires ou utiles quant à l’assurance des biens de son commerce en cours de transport, couverts par le contrat d’assurance des entreprises émis par Groupe Ledor inc., Mutuelle d’assurance sous le no E33513976401, en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2);

2. Le ou vers le 30 mai 2016 et par la suite, a agi avec négligence en ne donnant pas suite à l’instruction reçue de M.L. de vérifier la possibilité de résilier le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès des Lloyd’s sous le no 1763 9667, compte tenu que son entreprise avait cessé ses opérations, en contravention avec les articles 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

3. Le ou vers le 30 mai 2016 et par la suite, a fait défaut de rendre compte à N.G., assurée additionnelle au contrat d’assurance des entreprises émis par Groupe Ledor inc., Mutuelle d’assurance sous le no E3313976401, de la suppression de la garantie couvrant ses biens, en contravention avec l’article 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5); »

[3]          Le 28 mars 2019, le Comité procède à l’audition sur sanction du présent dossier.

[4]          Lors de l’audition, Me Marie-Josée Belhumeur, ès qualités de syndic, est présente et représentée par Me Sylvie Poirier. L’intimé Pascal Lachapelle-Couturier est absent mais représenté par Me Philippe Charlebois.

[5]           Les procureurs des parties nous informent qu’ils auront une recommandation commune à nous soumettre sur l’ensemble des chefs.

 

I.          Recommandation commune

[ 9 ]        Les parties suggèrent au Comité d’imposer les sanctions suivantes à l’intimé :

o        Chef 1 : une amende de 3 500 $;

o        Chef 2 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 3 : une amende de 2 500 $.

[ 10 ]     Bref, des amendes totalisant la somme de 8 000 $.

[ 11 ]     Sur le chef 1, Me Poirier nous indique que l’amende est plus élevée pour tenir compte du préjudice subi par Mme Lacoste.

[ 12 ]     Quant aux frais et déboursés de l’instance, vu son acquittement sur le chef 5, l’intimé devra en assumer une proportion de 75 %.

[ 13 ]     Me Poirier n’a pas d’objection à ce que l’intimé puisse bénéficier d’un délai de 12 mois pour acquitter les amendes et frais et ce, en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs. Toutefois, si l’intimé devait être en défaut de faire un versement, il perdra le bénéfice du terme, et tout solde alors dû, deviendra immédiatement dû et exigible.

[ 14 ]     Me Poirier nous fait part des facteurs subjectifs et objectifs afin de justifier la recommandation commune.

[ 15 ]     Quant aux facteurs atténuants, elle souligne :

o        l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;

o        l’absence d’intention malveillante;

o        qu’il s’agit d’un acte isolé;

o        que l’intimé n’a tiré aucun avantage de son comportement;

o        et qu’il a offert une bonne collaboration à l’enquête du syndic.

[ 16 ]     Eu égard aux facteurs aggravants, Me Poirier nous indique :

o        qu’il s’agit d’infractions au cœur de la profession;

o        que le courtier a l’obligation de bien conseiller son client afin qu’il puisse obtenir la garantie d’assurance disponible;

o        que l’intimé avait environ 10 ans d’expérience au moment des faits;

o        un préjudice financier important aurait été causé à Mme Lacoste;

o        sans compter tout le stress pouvant résulter de cette affaire.

[ 17 ]     Relativement au risque de récidive, nous n’avons aucune preuve. Toutefois, selon Me Charlebois, il appert que M. Lachapelle-Couturier n’aurait plus l’intention d’œuvrer dans le domaine du courtage en assurance de dommages et qu’il entend réorienter ses activités dans le domaine de la construction.

[ 18 ]     Me Charlebois réitère que son client a besoin d’un délai de 12 mois pour payer et qu’il est juste et approprié qu’il soit uniquement condamné à payer 75 % des déboursés.

 

[ 19 ]     Les parties concluent à la justesse de leur recommandation commune en nous référant aux critères de détermination et objectifs de la sanction disciplinaire tels qu’établis par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[2] et par la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[3].

III.      Analyse et décision

[ 20 ]     Le Tribunal des professions a établi l’importance et l’utilité des recommandations communes dans l’affaire Ungureanu[4] :

« [21]   Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. »

(nos soulignements)

 

[ 21 ]     Considérant la jurisprudence en matière de recommandations communes[5] et plus particulièrement les enseignements récents de la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook, notre marge de manœuvre est plutôt restreinte lorsque nous sommes saisis d’une recommandation commune présentée par des procureurs d’expérience.

[ 22 ]     En fait, pour écarter une suggestion commune, il faudrait conclure que la sanction proposée est contraire à l’intérêt public.

[ 23 ]     Certes, la sanction dans sa globalité, soit le paiement d’une somme de 8 000 $ peut paraître sévère, mais pour paraphraser la Cour d’appel, « la sanction infligée n'est pas déraisonnable du simple fait qu'elle est (…) sévère; elle le devient lorsqu'elle est si sévère (…) qu'elle est injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et à l'ensemble des circonstances, atténuantes et aggravantes, du dossier[6]. »

[ 24 ]     Pour l’ensemble de ces motifs, la recommandation commune des parties est entérinée par le Comité.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes sur chacun des chefs d’accusation       pour lesquels il a été reconnu coupable, soit :

            Chef no 1 :     une amende de 3 500 $;

            Chef no 2 :     une amende de 2 000 $;

            Chef no 3 :     une amende de 2 500 $

 

            CONDAMNE l’intimé au paiement de 75 % des frais et déboursés;

 

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour acquitter le montant des amendes, frais et des déboursés, en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision.

 

DÉCLARE que si l’intimé est en défaut de payer à échéance l’un ou l’autre des versements, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Vice-président du comité de discipline

 

 

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.

courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

 

__________________________________

Mme Maryse Pelletier, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Philippe Charlebois

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

28 mars 2019

 



[1] ChAD c. Lachapelle-Couturier, 2019 CanLII 12917 (QC CDCHAD).

[2]    2003 QCCA 32934;

[3]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII);

[4]    Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII) ;

[5]    Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII) ;

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP) ;

[6]   Ibid., note 2, au paragraphe 36;

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