Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2017-08-04 (C)

 

 

DATE :

12 octobre 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme France Laflèche, C.d’A.A., courtier en

assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

SÉBASTIEN VAVAL, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX PIÈCES DÉPOSÉES

EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

[1]       Le 4 juillet 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour disposer de la plainte logée contre le courtier en assurance de dommages Sébastien Vaval.

 

[2]       Me Claude G. Leduc représente le syndic et Me Sonia Paradis représente l’intimé.

 

[3]       Dès le début de l’audition, les procureurs nous avisent que M. Vaval plaide coupable au chef 1 et que la preuve lors de l’instruction sur les chefs 2 et 3 sera limitée à l’écoute de deux conversations téléphoniques[1] entre l’intimé et l’assurée G.L. En défense, deux jugements de la Cour du Québec, division des petites créances seront introduits en preuve sous la cote I-1 et l’intimé témoignera.

 

I.          La plainte et le plaidoyer de culpabilité sur le chef 1

 

 

[4]       Le 30 août 2017, le syndic dépose la plainte suivante contre l’intimé :

 

« 1. Vers les mois de décembre 2014 et janvier 2015, (l’intimé) s’est placé dans une situation de conflit d’intérêts et a fait défaut de rendre compte à l’assuré A.B., en privilégiant les intérêts de l’assurée G.L., en acceptant de retenir les chèques émis en règlement d’une réclamation pour les remettre à l’assurée G. L., sans en informer et sans l’accord de l’assurée A.B., et ce, à la suite d’un sinistre survenu le ou vers le 3 novembre 2014 et d’une réclamation faite en vertu du contrat d’assurance habitation no 013216691 émis par l’Unique assurances générales inc., le tout en contravention avec les articles 10 (1), 26 et 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. Le ou vers le 29 décembre 2014, (l’intimé) a manqué de modération, de dignité et d’objectivité lors de sa conversation téléphonique avec l’assurée G.L., en faisant des commentaires inappropriés et déplacés à l’égard de l’assuré A.B. désigné au contrat d’assurance habitation no 013216691 émis par l’Unique assurances générales inc., le tout en contravention avec l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

3. Le ou vers le 29 décembre 2014, (l’intimé) a outrepassé son rôle de représentant en assurance de dommages en se permettant des conseils et commentaires pour lesquels il ne détient ni les connaissances ni les aptitudes lors de sa conversation téléphonique avec l’assurée G.L., dans le cadre du règlement d’une réclamation faite en vertu du contrat d’assurance habitation no 013216691 émis par l’Unique assurances générales inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 2, 16, 17 et 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages; »

 

[5]       Séance tenante, l’intimé a reconnu les faits mentionnés au chef 1 de la plainte susdite et a enregistré son plaidoyer de culpabilité sur ce chef.  

 

[6]       Le Comité a donc pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et a déclaré celui-ci coupable de l’infraction reprochée au chef 1.

 

[7]       L’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 10 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, lequel se lit comme suit :

 

 

« Art. 10. Le représentant en assurance de dommages doit éviter de se placer, directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, le représentant est en conflit d’intérêts:

1°  lorsque les intérêts en présence sont tels qu’il peut être porté à privilégier certains d’entre eux à ceux de son client ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés; »

 

[8]       Un arrêt conditionnel des procédures est en conséquence ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

 

[9]       Cela étant, le Comité procède par la suite à l’instruction de la preuve sur les chefs 2 et 3.

 

 

 

II.         Le contexte

 

 

[10]    Madame G.L. et monsieur A.B. sont un couple tous deux copropriétaires d’une résidence assurée par l’entremise du cabinet de l’intimé.

 

[11]    Au début du mois de janvier 2014, ces assurés cessent de faire vie commune mais ils continuent d’habiter, en alternance, une semaine sur deux, la résidence.

 

[12]    Le 1er novembre 2014, A.B. quitte la résidence. Quant à G.L., à compter de cette dernière date, elle a l’usage exclusif de la maison.

 

[13]    Le 3 novembre 2014 survient un sinistre dans la résidence. Il s’agit d’un dégât d’eau qui cause des dommages nécessitant des travaux et réparations évalués à environ 15 000 $.

 

[14]    Le 29 décembre 2014, l’intimé retourne un appel de Mme G.L.[2].  Cette dernière communiquait avec M. Vaval au sujet des chèques pour le règlement du sinistre du 3 novembre 2014.

 

[15]    G.L. informe alors l’intimé que les chèques de règlement auraient été transmis par erreur à la nouvelle adresse de son ex-conjoint A.B.

 

[16]    Mme G.L. informe également l’intimé que A.B. aurait l’intention de s’approprier la moitié du produit du chèque de règlement.

 

[17]    Or, selon Mme G.L., cette situation est complètement inacceptable puisque le produit de l’assurance doit servir à payer les travaux de réfection des dommages causés par le dégât d’eau du 3 novembre 2014.

 

[18]    M. Vaval est informé aussi que Mme G.L. est en litige avec A.B. puisque ce dernier refuse de payer sa juste part des dépenses afférentes à la résidence.

 

[19]    M. Vaval accepte alors d’intervenir auprès de l’assureur afin qu’un arrêt de paiement soit effectué sur le chèque en la possession de A.B. et aussi pour qu’un nouveau chèque soit émis, transmis au cabinet de l’intimé et retenu par M. Vaval afin qu’il puisse le remettre directement à G.L.

 

[20]    C’est d’ailleurs en raison des faits ci-haut décrits que l’intimé a plaidé coupable au chef 1 de la plainte.

 

[21]    Au cours de la deuxième conversation téléphonique[3] avec Mme G.L., l’intimé est informé plus en détail de la nature du conflit entre G.L. et A.B.

 

[22]    Mme G.L. traite son ex-conjoint A.B. de crosseur. De son côté, M. Vaval considère que A.B. est quasiment un voleur.

 

[23]    Tout en sympathisant avec la situation de Mme G.L., M. Vaval ne se gêne pas et critique le comportement de A.B.

 

[24]    Entre autres, l’intimé affirme ce qui suit à G.L. au cours de ce dernier entretien téléphonique :

 

      qu’elle pourrait possiblement faire une plainte pour détournement de fonds;

 

      qu’elle pourrait lui réclamer des dommages-intérêts;

 

      que A.B. fait le malin et ne prend pas ses responsabilités;

 

      que c’est peut-être une bonne chose qu’elle ne soit plus avec A.B.;

 

      que la fin de sa relation avec A.B. est un mal pour un bien;

 

      que dans le cadre de ses procédures judiciaires contre A.B., elle va avoir gain de cause à 99 %;

 

      il est en accord avec Mme G.L. lorsqu’elle dit que A.B. va avoir l’air d’un trou de cul à la Cour;

 

      que c’est peut-être bon que ça prenne du temps les procédures parce que A.B. va lui donner un méchant montant après;

 

      que A.B. fait le cave.

 

[25]    L’intimé témoigne pour sa défense. Quant au chef 1, il nous explique qu’il a plaidé coupable parce qu’il a privilégié Mme G.L.

 

[26]    Sur les chef 2 et 3, l’intimé déclare principalement ce qui suit :  

 

      lors de ses conversations avec G.L., il parle avec une amie;

 

      il tente de la soutenir et d’être positif envers elle durant cette période difficile;

 

      relativement aux propos tenus, il considère qu’il a toujours fait preuve de professionnalisme;

 

[27]    En contre-interrogatoire, Me Leduc fait ressortir ce qui suit :

 

      que Mme G.L. et M. A.B. sont avant toute chose des clients de son cabinet de courtage;

 

      qu’il n’a jamais communiqué avec A.B.

 

III.        Plaidoiries

 

 

A)        Par la partie plaignante

 

 

[28]    Me Leduc nous expose qu’il n’est pas pertinent de savoir ou de déterminer qui a raison dans le litige qui oppose G.L. et A.B.

 

[29]    Les clients de l’intimé sont G.L. et A.B. Bref, les deux sont des assurés du cabinet.

 

[30]    Il en découle que M. Vaval ne pouvait pas, selon le procureur de la partie plaignante, traiter son client notamment de voleur, de malin, d’être irresponsable et d’avoir effectué un détournement de fonds.

 

[31]    Aussi, Me Leduc est d’avis que l’intimé n’avait pas d’affaire à dire à G.L. que la rupture entre elle et A.B. était une bonne chose, qu’elle était pour avoir gain de cause en Cour à 99 % et de répondre par l’affirmative à G.L. lorsqu’elle affirmait que A.B. aurait l’air d’un trou de cul devant le tribunal.

 

[32]    Certains des propos susdits manquent de modération et les autres affirmations de l’intimé dépassaient son champ de compétence.

 

[33]    À l’appui de ses prétentions, l’avocat du syndic nous réfère aux précédents jurisprudentiels suivants :

 

 

        ChAD c. Gosselin, 2013 CanLII 23442 (QC CDCHAD)

 

      Ouellet c. Médecins (Ordre professionnels des), 2006 QCTP 74

 

 

[34]    Me Leduc conclut en nous disant que l’intimé a malheureusement manqué de discernement. Il devrait donc être déclaré coupable des chefs 2 et 3.

 

 

B)       Par la partie intimée

 

 

[35]    Me Paradis plaide qu’un professionnel peut avoir des entretiens privés avec ses clients.

 

[36]    L’avocate de l’intimé nous soumet que les propos tenus par un professionnel ne peuvent porter atteinte à la dignité de la profession ou manquer de modération lorsque ceux-ci sont tenus en dehors des activités du professionnel et lors d’une conversation privée.

 

[37]    Bien plus, Me Paradis est d’avis qu’en l’espèce, il ne peut y avoir d’atteinte à la dignité de la profession parce que la conversation n’a pas été diffusée. Elle était privée et non pas publique.

 

[38]    Il s’agit donc d’une conversation privée qui n’avait pas à être portée à la connaissance de A.B.

 

[39]    Selon la partie intimée, il en résulte qu’en l’absence de diffusion des propos, il ne pourrait y avoir commission d’une faute déontologique par M. Vaval.  

 

[40]    De plus, l’avocate de l’intimé plaide aussi que M. Vaval n’a pas à être l’incarnation de la perfection. Bref, selon Me Paradis, il peut arriver qu’un courtier en échappe une particulièrement dans un contexte comme celui qui a été mis en preuve.

 

[41]    La partie intimée est également d’avis que l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages doit être lu conjointement avec le premier alinéa de l’article 1 du même Code de déontologie qui stipule :

 

 « Art. 1. Les dispositions du présent code visent à favoriser la protection du public et la pratique intègre et compétente des activités du représentant en assurance de dommages. »

 

[42]    Forte de cette disposition qui prévoit que le Code de déontologie s’applique dans le cadre de l’exercice des activités du représentant en assurance, Me Paradis nous pose la question suivante : En quoi cette conversation entre l’intimé et Mme G.L. risque de mettre en péril la protection du public?

 

[43]    Sur le chef 3, le procureur de l’intimé nous fait la lecture des articles de rattachement allégués par le syndic au soutien de l’infraction. Or, ces articles n’auraient aucun rapport, ni pertinence avec le reproche décrit au chef 3. Il en résulte que l’intimé doit être acquitté des infractions reprochées dans ce chef.

 

[44]    À l’appui de ses prétentions, l’avocate de l’intimé nous réfère aux autorités suivantes :

 

 

        Osman c. Médecins, 1994 CanLII 10779 (QC TP)

 

      S. Poirier, La discipline professionnelle au Québec, principes législatifs, jurisprudentiels et aspect pratiques, Les Éditions Yvon Blais inc. 1998, p. 33

 

      S. Tisserand, Conférence sur la liberté d’expression de l’avocat, L’avocat(e) qui s’exprime en dehors de l’exercice de ses fonctions, Mercier Leduc

 

      Ordre des infirmières et infirmiers du Québec c. Barriault, 2003 CanLII 74307 (QC CDOII)

 

      Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec c. Gaudefroy, 2016 CanLII 15502 (QC CDPPQ)

 

      Gingras c. ChAD, 2006 QCCQ 288 (CanLII)

 

 

[45]    En terminant, Me Paradis nous dit que le standard de compétence que doit rencontrer l’intimé est celui qui serait suivi par un professionnel raisonnablement compétent placé dans les mêmes circonstances.

 

[46]    Or, à son avis, lorsque l’on écoute les conversations entre Mme G.L. et l’intimé, il n’est évident que l’intimé franchit clairement la norme acceptable.

 

[47]    Il en résulte que la partie plaignante ne se serait pas déchargée de son fardeau de preuve. L’intimé doit donc être acquitté.

 

 

IV.       Analyse et décision

 

A)   Le chef 2

 

[48]    L’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages stipule ce qui suit :

 

 « Art. 14. La conduite d’un représentant en assurance de dommages doit être empreinte d’objectivité, de discrétion, de modération et de dignité. »

 

[49]    Lors de l’audition du 4 juillet 2018, nous avons écouté les 2 conversations téléphoniques (P-2) du 29 décembre 2014 entre Mme G.L. et l’intimé.

 

[50]    Lors de notre délibéré, nous avons procédé à une réécoute de ces enregistrements.

 

[51]    Or, nous sommes d’avis que la preuve administrée par le syndic sur ce chef est claire et convaincante. Manifestement, l’intimé manque d’objectivité et de modération, entre autres, lorsqu’il affirme que l’assuré A.B. est quasiment un voleur et également lorsqu’il mentionne qu’il s’agit d’un détournement de fonds pour lequel Mme G.L. devrait porter plainte.

 

[52]    Ces commentaires de l’intimé sont complètement inacceptables.

 

[53]    D’une part, A.B. n’est pas, ni de près, ni de loin un voleur. Il est l’un des assurés de l’intimé. Dans de telles circonstances, le courtier ne peut pas et ne doit pas discréditer son client ou prendre parti contre lui  surtout lorsqu’il y a un litige entre ses assurés. Le courtier doit se placer au-dessus de la mêlée.

 

[54]    D’autre part, le 29 septembre 2014, il ne peut y avoir de détournement de fonds puisque le chèque est libellé et payable à G.L., A.B. et la Caisse Desjardins de Blainville.

 

[55]    Bien plus, M. Vaval n’a pas la version de son autre assuré puisqu’il n’a pas parlé à A.B. Il doit donc demeurer objectif et décliner tout commentaire négatif ou inapproprié à l’égard de l’un de ses clients.   

 

[56]    Me Paradis plaide qu’il s’agit d’une conversation privée entre amis et que dans un tel contexte il ne peut y avoir de faute déontologique. Bien plus, cette conversation n’a pas été diffusée. Il en résulte que rien ne saurait justifier une intervention du Comité.

 

[57]    Avec égard pour l’opinion contraire, il ne s’agit pas d’une conversation entre amis.

 

[58]    Premièrement, la preuve n’est pas prépondérante que Mme G.L. et l’intimé sont de véritables amis. Ces derniers nous apparaissent beaucoup plus comme des gens qui se côtoient à l’occasion avec des connaissances communes.

 

[59]    À nos yeux, les propos tenus par l’intimé constituent une critique en bonne et due forme d’un client du cabinet, A. B., qui lui n’en sait absolument rien.

 

[60]    Dans les circonstances, nous venons à la conclusion que la conversation en est une entre un courtier en assurance de dommages et l’un de ses assurés. Il ne s’agit pas d’un entretien entre amis.

 

[61]    Quant à l’argument soulevé par la partie intimée qu’en l’absence de diffusion de la conversation, il ne peut y avoir de faute déontologique, nous sommes d’avis que la conduite ou les propos du professionnel n’ont pas à être diffusés pour manquer d’objectivité ou de modération[4].

 

[62]    Enfin, sur ce chef, le Comité s’appuie également sur l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Dionne c. Tremblay[5]  où il a été décidé qu’une faute disciplinaire doit avoir un lien avec l’exercice de la profession. Dans le présent dossier, le lien avec la profession est manifeste.

 

[63]    Vu ce qui précède, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[64]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

 

B)   Le chef 3

 

[65]    Le chef 3 reproche à l’intimé d’avoir donné des conseils ou fait des commentaires pour lesquels il ne détenait ni les connaissances ni les aptitudes.

 

[66]    Ce chef est mal fondé et voici pourquoi.

 

[67]    À notre avis, il est évident qu’un professionnel de l’assurance, dans le cadre de ses activités, a le droit d’émettre son opinion et de faire des commentaires d’ordre général sur les sujets périphériques qui peuvent faire l’objet de discussions avec ses clients assurés.

 

[68]    Le courtier en assurance de dommages n’est pas une machine que l’on peut  désactiver au besoin ou qui se ferme automatiquement. Un courtier est un être humain qui peut demeurer professionnel tout en faisant des commentaires sur des sujets pour lesquels il ne détient pas de formation particulière.

 

[69]    Il peut aussi faire preuve de compassion et d’empathie au cours d’un entretien avec l’un de ses clients qui passe à travers une période difficile.

 

[70]    Évidemment, le courtier en assurance de dommages ne peut pas poser des actes ou émettre des opinions qui sont du ressort exclusif d’autres professionnels.

 

[71]    À ce sujet, certains principes du droit disciplinaire méritent d’être revisités :

 

        un professionnel ne commet pas nécessairement une faute déontologique s’il a une conduite qui s’écarte de la conduite souhaitable; il faut que sa conduite soit inacceptable[6];

 

        il en résulte que pour que le professionnel soit reconnu coupable, la preuve doit établir un écart significatif entre la norme de conduite généralement reconnue et la façon dont le professionnel a procédé[7];

 

        le fardeau de prouver la culpabilité du professionnel par prépondérance de preuve incombe à la partie plaignante[8].

 

[72]    Ainsi, un courtier pourrait de bonne foi raisonnablement affirmer, à l’un de ses clients qui vit une séparation, de s’entourer de ses proches durant cette période difficile ou lui donner un autre conseil pour lequel il n’a pas vraiment de compétence particulière.

 

[73]    Tout est une question de raisonnabilité et de contexte.

 

[74]    Lors de son deuxième entretien téléphonique du 29 décembre 2014 avec l’assurée G.L., M. Vaval fait certains commentaires qui peuvent paraître inusités et étonnants.

 

[75]    Sont-ils inacceptables? Nous ne le croyons pas.

 

[76]     Me Sylvie Poirier dans son livre « La discipline professionnelle au Québec, principes législatifs, jurisprudentiels et aspects pratiques », résume comme suit la nature de l’obligation d’un professionnel[9] :

 

« Les standards de compétence que doit rencontrer un professionnel sont ceux qui seraient suivis par un professionnel raisonnablement compétent placé dans des circonstances similaires. Il est attendu du professionnel qu’il détienne et applique le degré de connaissance et d’habileté technique requis d’un professionnel adéquatement formé et entrainé.

 

Néanmoins, le niveau de compétence exigé d’un professionnel n’est pas la perfection. »

 

(nos soulignements)

 

[77]    Bref, le droit disciplinaire n’exige pas que l’intimé soit l’incarnation de la perfection.

 

[78]    Pour les motifs ci-haut énoncés, l’intimé est acquitté de toutes les infractions reprochées au chef 3 de la plainte.

 

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Sébastien Vaval sur le chef 1 de la plainte;

DÉCLARE l’intimé Sébastien Vaval coupable du chef 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 10 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé Sébastien Vaval coupable du chef 2 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation 1 et 2 de la plainte;

ACQUITTE l’intimé de toutes les infractions reprochées au chef 3 de la plainte;

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels contenus aux pièces déposées en preuve rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions;

DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme France Laflèche, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Sonia Paradis

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 4 juillet 2018

 



[1] Pièce P-2;

[2] Pièce P-2, il s’agit d’un premier enregistrement d’une durée de 5 minutes et 4 secondes de la première conversation téléphonique du 29 décembre 2014 entre l’assurée G.L. et l’intimé;

[3] Pièce P-2, il s’agit du deuxième enregistrement d’une durée de 14 minutes et 16 secondes de la seconde conversation téléphonique du 29 décembre 2014 entre l’assurée G.L. et l’intimé;

[4]  ChAD c. Gosselin, 2013 CanLII 23442 (QC CDCHAD) et Gingras c. ChAD, 2006 QCCQ (CanLII);

[5] 2006 QCCA 1441 CanLII) ;

[6] Architectes c. Duval, 2008 QCTP 144 (CanLII);

[7] Malo c. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2003 QCTP 132 (CanLII);

[8] Gonshor c. Dentistes, 2001 QCTP (CanLII).

[9] S. POIRIER, La discipline professionnelle au Québec, principes législatifs, jurisprudentiels, et aspects pratiques, Éd. Yvon Blais, 1998, p. 33;

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