Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2016-06-01(C)

 

DATE :

4 octobre 2016

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Chantal Yelle, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

JEAN-SÉBASTIEN DOMON (4a), courtier en assurance de dommages

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

[1]       Le 8 août 2016, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2016-06-01(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Claude G. Leduc et, de son côté, l’intimé assurait seul sa défense ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant cinq (5) chefs d’accusation, soit :

 

          Dans le cas de l’assurée C. D. :

 

1.   Le ou vers le 18 juin 2013, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile no A21178897LPA, alors que l’assurée, C. D., lui déclare qu’elle habite avec un conjoint qui a une suspension de permis de conduire pour alcool au volant et qu’elle entend l’ajouter comme conducteur au contrat d’assurance, en juillet 2013, conditionnellement à l’installation d’un éthylomètre :

 

a)   a abusé de la bonne foi et/ou n’a pas transmis ce renseignement à l’assureur Aviva;

b)   a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en recommandant à l’assurée de taire ce renseignement à ce stade;

 

le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 27, 29, 37(6) et 37(10) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;


Dans le cas de l’assuré S. C.
 :

 

2.   Le ou vers le 6 juin 2013, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile no A21178540LPA auprès de l’assureur Aviva, dans le cadre de l’achat d’un véhicule usagé Toyota Yaris 2009, a fait défaut d’éclairer son client, S. C., et/ou de lui donner tous les renseignements utiles et/ou d’agir en conseiller consciencieux, en ne faisant que valider les protections initialement demandées par S. C., par l’entremise du concessionnaire automobile, sans jamais offrir de conseil notamment quant aux protections d’assurance, aux franchises et à l’assurance de remplacement, le tout en contravention avec les articles 16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;


Dans le cas de l’assurée J. B.
 :

 

3.   Le ou vers le 22 mai 2013, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile no A21175539LPA auprès de l’assureur Aviva, dans le cadre de la location à long terme d’un véhicule neuf Toyota Matrix 2013, a fait défaut d’éclairer sa cliente, J. B., et/ou de lui donner tous les renseignements utiles et/ou d’agir en conseiller consciencieux, en ne faisant que valider les protections initialement demandées par J. B., par l’entremise du concessionnaire automobile, sans jamais offrir de conseil notamment quant aux protections d’assurance, aux franchises, à l’assurance de remplacement et à la valeur à neuf, le tout en contravention avec les articles 16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;


Dans le cas de l’assurée M. R.
 : 

 

4.   Le ou vers le 15 mai 2013, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile no A21172577LPA auprès de l’assureur Aviva, dans le cadre de la location à long terme d’un véhicule neuf Toyota Prius 2013, a exercé ses activités de façon négligente et/ou a fait défaut d’éclairer sa cliente, M. R., et/ou de lui donner tous les renseignements utiles et/ou d’agir en conseiller consciencieux, sans jamais ni valider ni offrir de conseil notamment quant aux protections d’assurance et aux franchises initialement demandées par M. R., par l’entremise du concessionnaire automobile, et quant à l’assurance de remplacement et à la valeur à neuf, le tout en contravention avec les articles 16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

          Dans le cas de l’assurée S. L. :

 

5.   Le ou vers le 27 mai 2013, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile no A21174612LPA auprès de l’assureur Aviva, dans le cadre de la location à long terme d’un véhicule neuf Toyota Corolla 2013, a exercé ses activités de façon négligente et/ou a fait défaut d’éclairer sa cliente, S. L., et/ou de lui donner tous les renseignements utiles et/ou d’agir en conseiller consciencieux, sans jamais ni valider ni offrir de conseil notamment quant aux protections d’assurance et aux franchises initialement demandées par S. L., par l’entremise du concessionnaire automobile, et quant à l’assurance de remplacement et à la valeur à neuf, le tout en contravention avec les articles 16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre de tous les chefs d’accusation de la plainte ;

[5]       Il fut donc reconnu coupable, séance tenante, des infractions reprochées à la plainte ;

[6]       Les parties ont alors procédé à leurs représentations sur sanction ;

 

II.         Preuve sur sanction

 

[7]       Au soutien de leurs suggestions communes, la partie plaignante a déposé quelques pièces documentaires et l’intimé a donné sa version des événements ;

[8]       Suivant l’intimé, il se fiait aux consignes reçues de son employeur et il reconnaît qu’il aurait dû être plus vigilant et ne pas suivre aveuglément les directives de son employeur ;

[9]       Depuis cette époque, il a modifié ses méthodes de travail ;

[10]    Concernant les sanctions suggérées, il précise que sa situation financière est précaire et il demande, par conséquent, au Comité de lui accorder la possibilité d’acquitter le montant des amendes en plusieurs versements ;

 

III.        Recommandations communes

 

[11]    Me Leduc suggère, de façon commune avec l’intimé, d’imposer les sanctions suivantes :

 

          Chef 1a) :         une amende de 2 000 $

          Chef 1b) :         une amende de 2 000 $

          Chef 2 :                        une amende de 2 000 $

          Chef 3 :                        une amende de 2 000 $

          Chef 4 :                        une amende de 2 000 $

          Chef 5 :                        une amende de 2 000 $

 

[12]    D’autre part, afin d’éviter d’imposer à l’intimé une sanction accablante, il suggère de décréter une suspension inconditionnelle des sanctions sur les chefs 2 et 3 pour ramener le total des amendes à une somme globale de 8 000 $ ;

 

[13]    À son avis, il s’agit de la seule façon de faire, vu l’amende minimale de 2 000 $ prévue par la Loi[1], à défaut de quoi, le Comité excéderait sa juridiction en imposant une sanction qui se situerait sous le seuil minimal prévu par la loi ;

[14]    D’autre part, la gravité objective des infractions commande l’imposition d’une amende et non d’une simple réprimande ;

[15]    Dans les circonstances, il plaide en faveur d’une suspension inconditionnelle des sanctions imposées sur les chefs 2 et 3 ;

[16]    Enfin, il souligne que les sanctions suggérées tiennent compte des facteurs suivants :

a)        Facteurs atténuants :

      Le plaidoyer de culpabilité à la première occasion ;

      L’intimé a modifié sa pratique professionnelle ;

      L’absence d’antécédents disciplinaires ;

      L’absence d’intention malhonnête ;

      Aucun préjudice subi par le public ;

      L’absence de risque de récidive, vu la volonté de s’amender ;

 

b)        Facteurs aggravants :

      La protection du public était en péril ;

      La gravité objective des infractions ;

      Le lien direct de l’infraction avec l’exercice de la profession ;

      La pluralité d’infractions commises ;

 

[17]    Par ailleurs, les sanctions suggérées sont conformes à la jurisprudence en semblables matières, soit :

      CHAD c. Minkoff, 2013 CanLII 66172 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Tardif, 2010 CanLII 66016 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Smith, 2010 CanLII 76382 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Proulx, 2015 CanLII 62646 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Jodoin, 2013 CanLII 23443 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Darkaoui, 2012 CanLII 6492 (QC CDCHAD);

[18]    Cela dit, il demande au Comité d’entériner les recommandations communes suggérées par les parties ;

 

IV.       Analyse et décision

 

A)        Le plaidoyer de culpabilité

 

[19]    Suivant la jurisprudence[2], un plaidoyer de culpabilité équivaut à une reconnaissance que les faits reprochés constituent une faute déontologique ;

[20]    D’ailleurs, dans l’affaire Castiglia c. Frégeau[3], la Cour du Québec écrivait :

[28]        Le Syndic a raison de soutenir que Frégeau, ayant plaidé coupable à l’audition sur culpabilité, il ne peut remettre en question ce plaidoyer qui constitue une admission des principaux faits allégués dans la plainte. À cet égard, le Syndic réfère le Tribunal à l’arrêt de principe de la Cour d’appel de Lefebvre c. La Reine, où la Cour d’appel conclut qu’un plaidoyer de culpabilité consiste à admettre l’ensemble des éléments de l’infraction et que sa peine doit être évaluée à partir de ce fondement.

[29]        Ce même principe a été reconnu par le Tribunal des professions dans Pivin c. Inhalothérapeutes, où le Tribunal confirme qu’un plaidoyer en droit disciplinaire, est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’ils constituent une faute déontologique. (Nos soulignements)

 

[21]    Dans l’arrêt Duquette c. Gauthier[4], la Cour d’appel va même plus loin en déclarant que :

[20]           Le Tribunal est conscient que la décision sur une demande de retrait de plaidoyer procède du pouvoir discrétionnaire du Comité et qu'il s'agit d'une question de droit. Le plaidoyer de culpabilité emporte en soi un aveu que l'accusé a commis le crime imputé, de même qu'un consentement à ce qu'une déclaration de culpabilité soit inscrite sans autre forme de procès. (Nos soulignements)

 

[22]    D’autre part, dans l’affaire Boudreau c. Avocats[5], le Tribunal des professions a reconnu qu’il s’agissait d’un facteur atténuant dont le Comité devait tenir compte :

[25]        Cela dit, d'autres reproches formulés méritent plus d'attention. Selon l'appelant, le Conseil a ignoré les conséquences atténuantes pouvant découler du plaidoyer de culpabilité, surtout lorsqu'il est enregistré, comme ici, à la première occasion. En reconnaissant sa culpabilité, l'appelant admet avoir commis des actes répréhensibles qui constituent une faute déontologique. Ce faisant, l'appelant a permis d'éviter l'instruction de la plainte disciplinaire, imposant notamment à son ex‑cliente les embûches d'un témoignage. L'appelant a raison de reprocher au Conseil d'avoir occulté ce facteur atténuant. (Nos soulignements)

 

B)        La recommandation commune

 

[23]    Compte tenu de la jurisprudence en matière de recommandations communes[6], le Comité entend entériner celles-ci ;

[24]    Encore récemment, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[7]:

[21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. (Nos soulignements)

 

[25]    Cela dit, le Comité estime que les sanctions suggérées reflètent adéquatement les particularités du présent dossier et que celles-ci assurent la protection du public sans pour autant punir outre mesure l’intimé ;

C)       Les directives de l’employeur

[26]    Lors de l’audition, l’intimé a fortement appuyé sur le fait qu’il ne faisait que suivre les directives reçues de son employeur et que malheureusement celles-ci se sont avérées inadéquates et l’ont mené à la commission de certaines des infractions reprochées à la plainte ;

[27]    Par contre, en tant que professionnel, l’intimé avait des obligations déontologiques qui allaient au-delà des directives qu’il pouvait recevoir de son employeur[8] ;

[28]    Il y a lieu de rappeler qu’un courtier en assurance de dommages doit sauvegarder, en tout temps, son indépendance professionnelle[9] et respecter la lettre et l’esprit de son code de déontologie, lequel est d’ordre public[10] ;

[29]    Ce principe fut très bien exposé par le Tribunal des professions dans l’affaire Couture[11] :

[101]      Le chef d'accusation soulève, comme le souligne le Comité, la délicate question des relations entre confrères d'un même ordre professionnel lorsque cette relation s'inscrit dans le cadre du lien employeur-employé.

[102]      L'ingénieur forestier est un professionnel qui doit pouvoir agir en toute indépendance dans l'exercice de sa profession.  Cette obligation résulte du Code de déontologie qui édicte :

« 32.  L'ingénieur forestier doit sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle […].

56.  L'ingénieur forestier appelé à collaborer avec un confrère doit préserver son indépendance professionnelle. Si on lui confie une tâche contraire à sa conscience ou à ses principes, il peut demander d'en être dispensé. »

[103]      Traitant de l'indépendance professionnelle dans son ouvrage L'ingénieur et son Code de déontologie, Me François Vandenbrock écrit :

« Sauvegarder son indépendance professionnelle, c'est conserver la capacité de poser les actes réservés à sa profession à l'abri de toute forme d'intervention, tant réelle qu'apparente, de la part de toute personne, employeur et client inclus. […] sans cette indépendance à l'égard des clients, de l'employeur et des tiers, l'ingénieur ne pourrait respecter ses obligations envers le public. De plus, l'indépendance professionnelle aide les ingénieurs à conserver la confiance de leurs clients ainsi que l'estime du public.

[…]

Apparaît donc un conflit entre l'obligation d'indépendance imposée par le Code de déontologie et l'obligation de subordination imposée par le contrat de travail.  Le droit du travail québécois s'est fait heureusement à la réalité des ingénieurs salariés. Au sujet de l'évolution de la notion de subordination, l'Office des professions écrit : « À la pratique privée, s'est substitué comme indicateur de l'autonomie professionnelle LE FAIT D'ÊTRE AUTONOME DANS L'ACCOMPLISSEMENT DE SES TÂCHES ».  Bien que subsiste une certaine forme de subordination de l'ingénieur salarié à l'égard de son employeur, cette subordination doit par contre laisser à l'ingénieur toute son indépendance professionnelle :

« […] l'état de subordination du salarié se constate maintenant de façon relativement souple.  Ainsi le médecin, l'avocat ou l'ingénieur salarié […] TRAVAILLENT SELON LES RÈGLES DE LEUR ART, SANS INTERVENTION IMMÉDIATE DE L'EMPLOYEUR, tout en demeurant des salariés. »

N'oublions pas que l'interprétation du contrat de travail de l'ingénieur doit se faire de façon à respecter tout texte législatif d'ordre public, y compris le Code de déontologie des ingénieurs. Un employeur ne peut donc exiger d'un ingénieur salarié qu'il renonce à son indépendance professionnelle. »  

[104]      Bien que l'ouvrage de Me Vandenbroek s'adresse aux ingénieurs, ces propos ont leur pertinence pour les ingénieurs forestierscomme l'indique d'ailleurs le Comité.

[105]      Marie-France Bich, aujourd'hui juge à la Cour d'appel, dans son ouvrage Le défi du droit nouveau pour lesprofessionnels traite du conflit entre l'obligation d'indépendance imposée par le Code de déontologie et l'obligation de subordination imposée par le contrat de travail dans les termes suivants :

« Mais la superposition des qualités de professionnel et de salarié a d'autres effets.  Par exemple, il est important de souligner que, les codes de déontologie étant d'ordre public, ils doivent être pris en considération aux fins de définir le contenu obligationnel du contrat d'emploi qui unit l'employeur à celui ou à celle qui a choisi d'exercer sa profession dans le cadre d'un contrat de travail.  D'une certaine façon, on pourrait dire que l'employeur qui embauche un professionnel pour oeuvrer à ce titre hérite en même temps du faisceau des exigences et des contraintes qui entourentl'exercice de la profession en cause.  L'employeur ne peut donc exiger d'un professionnel que celui-ci se comporte d'une façon contraire aux prescriptions de son code de déontologie, à celles du Code des professions lui-même ou, le cas échéant, à celles de la loi particulière et des règlements qui gouvernent son ordre et sa profession. »

[106]      Comme l'écrit le Comité, on doit retenir de ce qui précède que les relations entre confrères qui s'inscrivent dans le cadre d'une relation employeur-employé ou cadre-professionnel doivent être exemptes de pressions indues, de façon à préserver l'autonomie et l'indépendance professionnelle de chacun.

[107]      Il en est ainsi d'un ingénieur forestier qui a un lien d'autorité vis-à-vis un confrère ingénieur forestier, que ce soit à titre d'employeur, de supérieur hiérarchique ou autrement; il doit nécessairement tenir compte du cadre professionnel dans lequel s'inscrivent leurs relations. La norme déontologique constitue la norme supérieure, elle est d'ordre et d'intérêt public. Elle n'est pas subordonnée à la relation hiérarchique employeur-employé.  D'ailleurs, l'article 1434 du Code civil du Québec prévoit :

« 1434.  Le contrat valablement formé oblige ceux qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi. » (Nos soulignements)

 

D)       La suspension inconditionnelle

[30]    Lors des plaidoiries, le procureur du syndic a souligné au Comité qu’à son avis, il était possible de suspendre de façon inconditionnelle l’application d’une sanction;

[31]    À cet égard, Me Leduc s’appuie sur le 4e alinéa de l’article 156 du Code des professions  (R.L.R.Q., c. C-26), lequel stipule :

« La décision du conseil de discipline imposant une ou plusieurs de ces sanctions peut comporter des conditions et modalités. Elle peut également prévoir que les sanctions, le cas échéant, sont consécutives. » (Nos soulignements)

 

[32]    À notre connaissance, il n’y a que deux (2) décisions disciplinaires qui portent sur le même sujet, soit les affaires Lévesque[12] et Tremblay[13] ;

[33]    Cependant, aucune de ces décisions ne comporte une analyse exhaustive de la question;

[34]    Dans l’affaire Tremblay[14], le Comité se réfère à certains passages de la décision Lévesque pour finalement conclure comme suit :

[16]        Rappelons que dans l’affaire Lévesque, cette intimée ne s’était pas présentée lors de l’audience à laquelle elle avait été assignée parce qu’elle craignait pour sa sécurité, la preuve démontrant même qu’un corps policier lui avait accordé un service de protection vingt-quatre (24) heures sur vingt-quatre (24) en rapport, justement, avec certains individus faisant l’objet du dossier pour lequel elle devait témoigner. La sanction dans le dossier Lévesque fut d’une suspension d’une période d’un (1) mois, mais cette sanction fit l’objet d’une suspension inconditionnelle, de sorte qu’elle ne serait jamais purgée.

 

[35]    Dans les circonstances, le Comité estime qu’il est préférable de s’en référer aux enseignements du Tribunal des professions ;

[36]    À cet égard, la jurisprudence[15], sans se prononcer spécifiquement sur ce point, indique tout de même que le Comité possède une large discrétion pour établir « les conditions et modalités » de la sanction, à l’exception du fait qu’une période de radiation ne peut jamais être rétroactive[16] ;

[37]    Cela dit, le Comité exercera sa discrétion dans le sens suggéré par les parties en suspendant de façon inconditionnelle les sanctions imposées sur les chefs 2 et 3 afin de réduire le total des amendes à un montant de 8 000 $ ;

 

E)        Conclusion

[38]    Pour l’ensemble de ces motifs, les sanctions suggérées par les parties seront entérinées par le Comité ;

[39]    De l’avis du Comité, celles-ci reflètent adéquatement la gravité objective des infractions tout en tenant compte des facteurs propres au dossier de l’intimé ;

[40]    Enfin, tel que le soulignait récemment la Cour d’appel dans l’arrêt Ordre des ingénieurs du Québec c. Gilbert[17] :

[34]        La justice disciplinaire a certes pour but de protéger le public mais elle doit également « traiter équitablement ceux dont le gagne-pain est placé entre ses mains »  (…)

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1 à 5 de la plainte, plus particulièrement comme suit :

 

Chef 1a) :      pour avoir contrevenu à l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 1b) :     pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 2 :         pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 3 :         pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 4 :         pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 5 :         pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 5;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1a) :      une amende de 2 000 $

Chef 1b) :     une amende de 2 000 $

Chef 2 :         une amende de 2 000 $

Chef 3 :         une amende de 2 000 $

Chef 4 :         une amende de 2 000 $

Chef 5 :         une amende de 2 000 $

PRONONCE une suspension inconditionnelle des sanctions imposées sur les chefs 2 et 3, réduisant ainsi le total des amendes à une somme globale de 8 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les frais;

PERMET à l’intimé d’acquitter le montant des amendes et des déboursés en 30 versements mensuels, égaux et consécutifs, débutant le premier jour du mois suivant la signification de la présente décision, en cas de défaut, l’intimé perdra le bénéfice du terme et toutes les sommes seront alors dues et exigibles immédiatement.

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre        

 

____________________________________

Mme Chantal Yelle, courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

M. Jean-Sébastien Domon (personnellement)

Partie intimée

 

Date d’audience : 8 août 2016

 



[1]        Art. 376 LDPSF ;

[2]        Pivin c. Inhalothérapeutes2002 QCTP 32 (CanLII);

     Lemire c. Médecins, 2004 QCTP 59 (CanLII);

     Mercier c. Médecins, 2014 QCTP 12 (CanLII);

[3]        2014 QCCQ 849 (CanLII);

[4]        2007 QCCA 863 (CanLII);

[5]        2013 QCTP 22 (CanLII);

[6]        Chan c. Médecins2014 QCTP 5 (CanLII);

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP);

[7]        Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[8]        CHAD c. Légaré, 2010 CanLII 64055 (QC CDCHAD);

[9]        CHAD c. Bernier, 2008 CanLII 30833 (QC CDCHAD) ;

[10]      Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922 (CanLII);

[11]      Couture c. Ingénieurs-forestiers, 2005 QCTP 95 (CanLII);

[12]      OACIQ c. Lévesque, CD no. 33-10-1299, décision sur culpabilité et sanction, 26 septembre 2012 ;

[13]      OACIQ c. Tremblay, 2013 CanLII 77825 (QC OACIQ) ;

[14]      Ibid. ;

[15]      O.I.I.Q. c. Labelle, 2005 CanLII 31276 (QCTP);

     Lambert c. Agronomes, 2012 QCTP 39 (CanLII);

[16]      Latulippe c. Médecins, 1998 QCTP 1687 (CanLII);

     Comptables agréés c. Latraverse, 2010 QCTP 25 (CanLII) ;

[17]      2016 QCCA 1323 (CanLII) ;

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