Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2014-10-01(C)

 

DATE :

14 septembre 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A.

Membre

Me Christian N. Dumais, avocat et C.d’A.Ass.

Membre

______________________________________________________________________

 

ME KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

MARIE-FRANCE PROULX, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]       Les 4 juin et 18 août 2015, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2014-10‑01(C);

 

[2]       Le syndic adjoint était alors représenté par Me Olivier Charbonneau et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Pierre Archambault;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant quatre (4) chefs d’accusation, soit :

 

1.     Au mois de juin 2011, à l’occasion de l’émission d’une nouvelle police d’assurance bateau de plaisance, a fait défaut de recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins de l’assuré, M. S... L…, afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convenait le mieux, notamment quant à la valeur du bateau, des équipements amovibles et du matériel électronique, le tout en contravention avec les articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment à son article 37(6o);

2.     Au mois de juin 2011, a fait défaut de décrire, avant la conclusion d’une nouvelle police d’assurance bateau de plaisance, le produit proposé à l’assuré, M. S... L..., en relation avec les besoins identifiés, de lui préciser la nature de la garantie offerte, de lui indiquer clairement les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés et de lui fournir les explications requises sur ces exclusions, notamment quant à la nature et à l’étendue de l’assurance relativement au bateau, aux équipements amovibles et au matériel électronique en cas de perte ou de dommages, le tout en contravention avec les articles 16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment à son article 37(6o);

3.     Au mois de juillet 2011, à l’occasion de la modification d’une police d’assurance bateau de plaisance, a fait défaut de recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins de l’assuré, M. S... L…, afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convenait le mieux, notamment quant à la valeur du bateau, des équipements amovibles et du matériel électronique, le tout en contravention avec les articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment à son article 37(6o);

4.     Au mois de juillet 2011, a fait défaut de décrire, avant la conclusion d’une modification à une police d’assurance bateau de plaisance, le produit proposé à l’assuré, M. S... L..., en relation avec les besoins identifiés, de lui préciser la nature de la garantie offerte, de lui indiquer clairement les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés et de lui fournir les explications requises sur ces exclusions, notamment quant à la nature et à l’étendue de l’assurance relativement au bateau, aux équipements amovibles et au matériel électronique en cas de perte ou de dommages, le tout en contravention avec les articles 16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment son article 37(6o);

[4]       Le 4 juin 2015, l’intimée, par la voie de son procureur, a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des quatre (4) chefs d’accusation de la plainte;

[5]       Les représentations sur sanction ont alors été fixées au 18 août 2015;

 

II.         Preuve sur sanction

 

[6]       Me Charbonneau dépose de consentement avec son confrère de la défense les pièces P-1 à P-6;

[7]       D’autre part, les parties ont convenu des admissions suivantes :

1)    Un règlement hors cour est intervenu avec l’assuré et un montant de 20 000 $ lui fut versé;

2)    L’intimée reçoit actuellement un salaire annuel d’environ 40 000 $;

[8]       L’intimée a également témoigné en défense;

[9]       Essentiellement, son témoignage a permis d’établir les faits suivants :

      Depuis les faits reprochés, le cabinet de l’intimée a pris soin de modifier ses pratiques afin d’éviter la répétition d’une telle situation (P-3, p. 110);

      Dorénavant, l’intimée pose beaucoup plus de questions à l’assuré afin de bien cibler ses besoins en assurance;

      Elle a également suivi deux (2) formations spécialisées portant sur l’assurance relative aux bateaux;

      Elle prend soin de bien vérifier chacune des informations fournies par le client et elle cherche à mieux le conseiller

[10]    Par ailleurs, il convient de reproduire le résumé des faits tel que préparé par le procureur du syndic adjoint :

a)      Premier bateau (30 pieds)

7.          Le 3 juin 2011, vers 15h00, M. S.L. (« M. L. ») contacte le cabinet Assurances Provencher Verreault afin d’obtenir une nouvelle police d’assurance bateau de plaisance pour son bateau Baja Outlaw 2007 de 30 pieds, étant insatisfait du service reçu de son courtier actuel;

  Pièce P-4 : Disque compact, fichier « Track04.cda »

8.         C’est l’Intimée qui servira M. L.;

9.         Au cours de cette conversation, l’Intimée n’a obtenu aucun renseignement concernant la valeur des équipements amovibles et du matériel électronique qui se trouverait sur le bateau pendant la période de couverture;

10.       Quant au bateau, l'Intimée a demandé le prix payé, sans chercher à savoir si ce prix était représentatif de la valeur réelle du bateau;

11.       Suite à cet appel, l’Intimée transmet la proposition à Aldego (grossiste pour l’assureur Jevco) et obtient une soumission;

  Pièce P-4, p. 92 et 93

12.       Vers 16h00, l’Intimée rappelle M. L. et lui dresse la liste des montants d’assurance des différentes protections et la prime indiqués à la soumission;

  Pièce P-4 : Disque compact, fichier « Track02.cda »


13.       Lors de cet appel, l’Intimée indique à M. L. que l’équipement amovible et le matériel électronique sont « inclus » et qu’il n’y a donc pas de montant maximum, ce qui est faux, le montant de ces protections étant plutôt « inclus » dans le montant d’assurance fixé pour le bateau;

14.       Le 27 juin 2011, à la demande de M. L., l’Intimée lui transmet un courriel résumant la soumission;

  Pièce P-4, p. 90-91

15.       En réponse, M. L. transmet un courriel à l’Intimée demandant notamment :

« Y a-t-il des clauses spéciales qui soudainement apparaitront au contrat en petits caractères? […]

S’il n’y a pas d’autres clauses cachées pouvons-nous émettre la police aujourd’hui et me fournir une copie par courriel avant que j’avise mon assureur actuel? »

 

  Pièce P-4, p. 89-90

16.       L’intimé le rassure en répondant : « il n’y a pas de clauses spéciales qui apparaitront au contrat »;

  Pièce P-4, p. 89

17.       Le 30 juin 2011, M. L. signe la soumission et l’Intimée lui confirme par courriel qu’il est désormais couvert;

  Pièce P-4, p. 67 (soumission signée)

  Pièce P-4, p. 59 (courriel de confirmation d'assurance)

18.       Le 21 juillet 2011, Aldego confirme à l’Intimée l’émission de la police en indiquant qu’une copie avec libellé lui sera envoyée par courrier pour M. L.;

  Pièce P-4, p. 52 (courriel)

  Pièce P-4, p. 54 (conditions particulières)

  Pièce P-4, p. 77 (libellé)

19.       Bien qu’un courriel du 27 juin 2011 de l’Intimée décrit la couverture comme :

« Tous risques / valeur au jour du sinistre (avec dépréciation sur perte partielle) »

  Pièce P-4, p. 90 (courriel décrivant la soumission)

L’Intimée n’en a jamais expliqué la signification à M. L.;

20.       En résumé, l’Intimée :

a.    N’a recueilli aucun renseignement lui permettant de déterminer si le prix payé pour le bateau était représentatif de sa valeur réelle;

b.    N’a recueilli aucune information concernant la valeur des équipements amovibles et du matériel électronique;

c.    A fixé le montant d’assurance « [s]elon le montant d’assurance qu’il avait sur son renouvellement avec Nautimax », l'ancien assureur;

  Pièce P-4, p. 28 (lettre-questionnaire, réponse 9B)

d.    N’a jamais expliqué que la valeur au jour du sinistre était limitée au montant d’assurance (fixé sur la base du prix payé, sans équipements);

e.    A donné des explications erronées sur l’étendue de la couverture en indiquant qu’il n’y avait pas de montant maximum pour les équipements amovibles et le matériel électronique;

21.       Bref, M. L. n’a pas été mieux conseillé que s’il avait lui-même rempli un formulaire de proposition et a été induit en erreur sur la garantie offerte;

b)      Deuxième bateau (35 pieds)

22.       Le 25 juillet 2011, M. L. fait parvenir un courriel à l’Intimée l’informant qu’il a vendu le bateau Baja Outlaw 2007 30 pieds et qu’il est sur le point d’acheter un  bateau Baja Outlaw 2007 de 35 pieds;

23.       Outre les numéros de série du bateau 35 pieds, des moteurs et de la remorque, ce courriel indique :

« PRIX INCLUANT BATEAU, REMORQUE, TAUX DE CHANGE, TAXES ET TRANSPORT 95 000 $ »

  Pièce P-4, p. 90

24.       L’Intimée reconnait avoir effectué la substitution de bateau et fixé le montant d’assurance uniquement sur la base de ce courriel;

  Pièce P-4, p. 29 (lettre-questionnaire, réponse 9B)

25.       L’avenant de substitution émis par Aldego indique donc un montant d’assurance de 95 000 $ pour le bateau;

  Pièce P-4, p. 115

26.       Vers le 25 septembre 2011, le bateau 35 pieds de M. L. est volé;

  Pièce P-4, p. 115 (courriel)

27.       La valeur marchande du bateau volé a été évaluée à 131 725 $;

  Pièce P-6, p. 104 (à la page 5 du rapport)

28.       À ce montant s’ajoutent les équipements amovibles et le matériel électronique à bord lors du vol totalisant 4 148,37 $ (total de 135 873,37 $);

  Pièce P-4, p. 155 (liste d’équipements)

29.       Ce n’est qu’après le sinistre que M. L. a reçu les explications du cabinet sur l’étendue et les limites de sa couverture;

  Pièce P-4, p. 172 (courriel de l’Intimée)

  Pièce P-4, p. 171 (réponse de M. L.)

  Pièce P-4, p. 147 (courriel de Mme Sylvie Hébert, directrice assurance des particuliers)

30.       L’Intimée ne sera d’ailleurs jamais en mesure d’expliquer clairement la couverture applicable aux équipements amovibles et au matériel électronique, donnant à nouveau à M. L. des informations erronées et contradictoires;

  Pièce P-4, p. 172 et 169 (courriel de l’Intimée à M. L.)

  Pièce P-4, p. 153 (courriel de M. L. à l’expert en sinistre)

  Pièce P-4, p. 78 (libellé, art. 3(a) et (b))

31.       Ayant reçu une indemnité de 95 000 $ de Jevco, M. L. a entrepris des procédures civiles afin de réclamer la portion des dommages non couverte;

  Pièce P-4, p. 138 et 126 (chèque)

  Pièce P-3, p. 105, 79 et 62 (2 mises en demeure; RII)

32.       M. L. a également porté plainte à la ChAD;

  Pièce P-3, p. 89

33.       Les procédures civiles ont été réglées hors cour et M. L. a reçu une partie du montant réclamé dans ses procédures;

34.       Les conditions particulières d’Aldego précisent désormais que la valeur au jour du sinistre est limitée au montant d’assurance et le cabinet Assurances Provencher Verreault a ajouté un encadré aux lettres envoyées aux assurés indiquant :

« Comme votre police bateau est en valeur au jour du sinistre, est-ce que le montant d’assurance stipulé aux conditions particulières reflète la valeur réelle de votre bateau (incluant les équipements amovibles et le matériel électronique)? Si tel n’est pas le cas, il est primordial de nous contacter afin d’éviter une perte financière en cas de sinistre couvert. » (soulignements ajoutés)

  Pièce P-3, p. 110 (lettre avec encadré)

  Pièce P-3, p. 107 (conditions particulières D.L.)

[11]    C’est à la lumière de cette trame factuelle que le Comité décidera de la sanction juste et appropriée au cas de l’intimée;

 

III.        Argumentation

 

A)        Par le syndic adjoint

 

[12]    Me Charbonneau, de concert avec l’avocat de la défense, suggère d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

 

          Chef 1 :     une amende de 2 000 $

          Chef 2 :     une amende de 2 500 $

          Chef 3 :     une amende de 2 000 $

          Chef 4 :     une amende de 2 500 $

 

[13]    Les parties recommandent que les amendes soient réduites à une somme globale de 4 000 $;

[14]    À l’appui de cette suggestion commune, Me Charbonneau souligne plusieurs facteurs aggravants:

 

      La mise en péril de la protection du public;

      Le fait que l’assuré était un profane dans le domaine de l’assurance;

      Le manque de vérification de l’intimée;

      La négligence de l’intimée;

      Le manque de connaissance de l’intimée;

      L’atteinte à l’image de la profession et au niveau de confiance du public envers la profession;

      La cueillette incomplète des informations;

[15]    À cela s’ajoute le fait que les infractions se situent au cœur même de l’exercice de la profession, sans compter les conséquences financières et les inconvénients subis par l’assuré;

[16]    Enfin, Me Charbonneau rappelle que la sanction doit revêtir un caractère d’exemplarité en plus d’être dissuasive;

[17]    Parmi les facteurs atténuants, il note les suivants :

      Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

      L’absence d’antécédents disciplinaires;

      Le fait que l’intimée n’a retiré aucun bénéfice personnel de cette situation;

      L’absence de mauvaise foi ou d’intention malhonnête;

[18]    Au soutien des recommandations communes, le procureur du syndic adjoint cite plusieurs décisions, soit :

      CHAD c. Lachapelle, 2011 CanLII 67607 (QC CHAD);

      CHAD c. Rimock, 2010 CanLII 9222 (QC CHAD);

      CHAD c. Vézina, 2008 CanLII 52345 (QC CHAD);

      CHAD c. Royer, 2013 CanLII 46533 (QC CHAD);

[19]    Cela dit, il conclut à la justesse et au caractère approprié des sanctions suggérées par les parties;

 

B)       Par l’intimée

 

[20]    De son côté, Me Archambault souligne que l’assuré avait déjà acheté plusieurs bateaux et que l’on ne peut véritablement le qualifier de profane;

[21]    À son avis, l’assuré cherchait avant tout à obtenir une assurance à prix abordable;

[22]    Enfin, il demande au Comité d’accorder à sa cliente un délai de paiement de six (6) mois, vu sa situation financière;


IV.       Analyse et décision

 

[23]    Sauf circonstances exceptionnelles, une recommandation commune formulée par deux avocats d’expérience doit être acceptée par le Comité[1];

[24]    Conformément à la jurisprudence en semblables matières[2], le Comité a informé les parties qu’il n’avait pas l’intention de suivre la recommandation commune au motif que les sanctions suggérées étaient accablantes compte tenu des nombreux facteurs atténuants dont devait bénéficier l’intimée;

[25]    De l’avis du Comité, l’intimée doit bénéficier des facteurs atténuants suivants :

      Son plaidoyer de culpabilité enregistré dès la première occasion;

      L’indemnité de 20 000 $ versée à l’assuré en dédommagement des inconvénients causés;

      Les remords exprimés par l’intimée et sa volonté de s’amender, notamment en suivant deux formations spécialisées sur le sujet;

      Le caractère isolé des infractions;

      Sa collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire;

      Les modifications apportées par son cabinet pour éviter la répétition d’une telle situation;

      Son absence d’antécédents disciplinaires;

      Le faible risque de récidive;

[26]    Mais il y a plus, le Comité tient à rappeler que la valeur attribuée au bateau fut celle indiquée par l’assuré;

[27]    Il s’agit d’un facteur non négligeable, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’affaire Waterloo[3] :

  Sur le plan des principes j'estime que le premier devoir d'un courtier d'assurances à l'égard de la personne qui lui confie la tâche de transiger avec un assureur consiste essentiellement à prendre les instructions de son client et à s'y conformer. Il n'a pas à tordre le bras de celui-ci pour l'inciter à protéger ce que d'ores et déjà l'assuré ne veut pas couvrir. Par contre le devoir de celui qui veut s'assurer consiste, c'est le moins qu'on puisse exiger, à informer son courtier d'une façon précise et non équivoque de la marchandise qu'il entend recevoir par son intermédiaire, soit une protection dont il détermine lui-même la nature et l'extension. L'importance du devoir de conseil doit par ailleurs varier selon les circonstances de chaque cas. L'une d'elles est en rapport avec l'ignorance ou la connaissance relative de l'assuré en semblable matière; ce dernier élément est singulièrement pertinent dans l'affaire en litige. [4] (Nos soulignements)

[28]    Ce principe fut appliqué à plusieurs reprises par les tribunaux, notamment dans l’affaire 125057 Canada inc. (Tricots LG Ltée) c. Rondeau[5]:

[49]  Ainsi, un assuré peut choisir de s'assurer pour une valeur inférieure à la valeur réelle. Dans un tel cas, il choisit de supporter lui-même une partie du risque et ne peut, en cas de sinistre, demander plus que la valeur assurée; cette dernière étant en relation avec la prime exigée. (Nos soulignements)

[29]    Dans le même ordre d’idées, il convient de citer l’affaire Croteau[6] dont les passages suivants :

[45]  Dans l’arrêt 2164-6930 Québec inc. c. Agence J.L.Paillé Cie Ltée, la Cour d’appel, sous la plume de monsieur le juge Rothman, explicite ainsi les limites aux obligations du courtier d’assurance :

«But if the insurance broker, in principle, has a duty of reasonable care in advising his client, this duty must be examined in the context of the mandate he receives and the information he is given by his client. He cannot be expected to foresee every contingency and he cannot be expected to examine every possible factor which might affect the adequacy of the coverage, particularly where the client gives him no reason to believe that the amount of the coverage stipulated in the policy is inadequate

(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)

 [46] En d’autres termes, on ne peut demander à l’agent d’assurance de prévoir l’imprévisible, d’une part et d’exiger, à tout prix, que son client augmente le montant de la garantie d’assurance lorsque ce dernier ne lui indique pas que celle-ci est possiblement insuffisante, d’autre part. Le Tribunal doit aussi prendre en considération, dans l’analyse de la conduite du représentant en assurances, la nature du mandat que lui confie le client et les informations que celui-ci lui fournit. (Nos soulignements)

 

 

[30]    Ayant  à l’esprit ces principes, le Comité a demandé aux parties de réviser à la baisse leur suggestion commune;

[31]    Après une courte interruption, les procureurs ont convenu de modifier leur recommandation commune en suggérant une amende globale de 3 000 $;

[32]    Cette nouvelle recommandation fut acceptée d’emblée par le Comité puisqu’elle reflète plus adéquatement l’ensemble des circonstances particulières du présent dossier;

[33]    Par ailleurs, il ne s’agit pas de minimiser la faute commise par l’intimée;

[34]    Celle-ci a clairement manqué à son devoir de conseil et à son obligation de recueillir tous les renseignements pertinents;

[35]    À cet égard, il convient de se référer, encore une fois, à l’affaire Rondeau[7] dans laquelle Mme la juge Marie-Anne Paquette écrit :

[44]    Il est bien établi qu'un courtier d'assurances a l'obligation d'informer et de conseiller son client, afin de lui permettre de prendre des décisions éclairées et réfléchies.  Il n'est pas un simple vendeur ou courroie de transmission entre l'assuré et l'assureur, mais un professionnel de l'assurance.

[45]    À ce titre, il se doit d'agir avec probité, compétence et professionnalisme pour accomplir son devoir de renseignement et de conseil. Tant la législation spécifique à ce domaine que la jurisprudence vont dans ce sens. La juge Wilson, écrivant pour la Cour dans Fletcher, s'exprime ainsi au sujet des obligations des agents et courtiers d'assurances:

Il est tout à fait légitime, à mon sens, d'imposer aux agents et aux courtiers d'assurances privés une obligation stricte de fournir à leurs clients des renseignements et des conseils. Ils sont, après tout, des professionnels agréés qui se sont spécialisés dans l'évaluation des risques au profit des clients et dans la négociation de polices personnalisées. Ils offrent un service très personnalisé, axé sur les besoins de chaque client. La personne ordinaire a souvent de la difficulté à comprendre les différences subtiles entre les diverses protections offertes. Les agents et les courtiers ont reçu une formation qui les rend aptes à saisir ces différences et à fournir des conseils adaptés à la situation de chaque individu. Il est à la fois raisonnable et opportun de leur imposer l'obligation non seulement de fournir des renseignements mais encore de conseiller les clients. [Soulignements ajoutés]

[46]   Ainsi, le courtier ne peut se contenter d'attendre des questions qui ne viennent pas, mais qu'il aurait lui-même dû susciter. Les recommandations formulées doivent aussi être raisonnables et données clairement, pour éviter une méprise chez l'assuré

[47]   Cependant, comme en matière de courtage de valeurs mobilières, les courtiers ne sont pas tenus de donner les recommandations qui se révèlent idéales, en rétrospective. L'intensité des obligations varie en fonction des circonstances, dont la nature du mandat confié par l'assuré et les informations qu'il fournit. (Nos soulignements)

 

[36]    Enfin, il y a lieu de rappeler que le courtier a une obligation de moyen et non pas de résultat[8];

[37]    Ainsi, le droit disciplinaire n’exige pas que chaque professionnel soit l’incarnation même de la perfection[9];

[38]    Il demeure néanmoins que le courtier doit être proactif et faire preuve de curiosité professionnelle afin de s’assurer que la couverture d’assurance réponde aux besoins réels de l’assuré[10];

[39]    Cela étant dit, la recommandation commune formulée par les parties sera entérinée par le Comité puisque celle-ci reflète les circonstances particulières du présent dossier et elle constitue, dans ce cas précis, une sanction juste et raisonnable;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs nos. 1 à 4 et plus particulièrement comme suit:

Chefs 1 et 3 :     pour avoir contrevenu à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

Chefs 2 et 4 :     pour avoir contrevenu à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos. 1 à 4;

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef no. 1 :     une amende de 2 000 $

Chef no. 2 :     une amende de 2 500 $

Chef no. 3 :     une amende de 2 000 $

Chef no. 4 :     une amende de 2 500 $

Considérant le principe de la globalité des sanctions, RÉDUIT le montant des amendes à une somme globale de 3 000 $;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés;

ACCORDE à l’intimée un délai de six (6) mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter de la date de signification de la présente décision.

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

__________________________________

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A.

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

Me Christian N. Dumais, avocat et C.d’A.Ass.

Membre du comité de discipline

 

Me Olivier Charbonneau

Procureur de la partie plaignante

 

Me Pierre Archambault

Procureur de la partie intimée

 

Dates d’audience:

4 juin 2015 et 18 août 2015

 



[1]    Langlois c. Dentistes, 2012 QCTP 52;

[2]    Acupuncteurs c. Zhang, 2009 QCTP 139 (CanLII);

     Pépin c. Avocats, 2008 QCTP 152 (CanLII);

[3]    Les Marbres Waterloo Ltée c. Gérard Parizeau Ltée, 1987 CanLII 773 (QCCA);

[4]    Ibid., p. 5;

[5]    2011 QCCS 94 (CanLII);

[6]    Croteau c. Promutuel Bois-Franc, 2005 CanLII 23659 (QCCS);

[7]    Op. cit., note 5;

[8]    Nova Construction CP inc. c. Giroux, 2015 QCCS 466 (CanLII);

[9]    CHAD c. Hébert, 2013 CanLII 10706 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Toussaint, 2004 CanLII 57016 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Cloutier, 2007 CanLII 54103 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Sigouin, 2004 CanLII 57017 (QC CDCHAD);

[10]   Ferme Forcier et Fils c. Promutuel Lac St-Pierre, 2006 QCCS 5231, par. 39 à 42;

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.