Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DES DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2015-01-05(C)

 

DATE :

4 juin 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Me Christian Dumais, avocat et C.d’A.Ass.

Membre

Mme Céline Lachance, courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

ME KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

LUC NADEAU, C.d’A.Ass, courtier en assurance de dommages, inactif et sans mode d’exercice

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

 

[1]       Le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni le 5 mai 2015, pour procéder à l’audition d’une plainte portée contre l’intimé portant le no. 2015-01-05(C);

 

[2]       À cette occasion, la partie plaignante était représentée par Me Sébastien Tisserand et l’intimé se représentait seul;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       La plainte reproche à l’intimé les infractions suivantes :

 

1.   Entre octobre 2011 et novembre 2011, s’est approprié la somme de 1 500 $ constituant des paiements partiels de la prime pour l’émission d’une nouvelle police automobile émise par Jevco, sous le numéro JCQCAC7950, au nom de J. G., pour la période de couverture du 14 octobre 2011 au 14 octobre 2012, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 19, 37(1) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2.   Le ou vers le 22 décembre 2011, s’est approprié la somme de 3 879,89 $ constituant le paiement complet de la prime pour le renouvellement d’une police d’assurance des entreprises émise par South Western Group Ltd, sous le numéro SRQ-83488, au nom de N.I. pour la  période de couverture du 4 mars 2011 au 4 mars 2012, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 19, 37(1) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

3.   Le ou vers le 22 décembre 2011, a agi avec malhonnêteté en demandant au service de la comptabilité d’encaisser un chèque fait par sa cliente 2434-(…) Québec inc. au montant de 3 676,05 $ pour sa police d’assurance et de le déposer au compte client de N.I., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 19, 37(1) et 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

4.   Vers novembre 2011, a agi avec malhonnêteté en demandant au service de la comptabilité d’encaisser un chèque fait par sa cliente Antiquités C. au montant de 1 232,65 $ pour sa police d’assurance et de le déposer au compte client de l’Association C.-P., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 19, 37(1) et 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

5.   Le ou vers le 30 mai 2012, s’est approprié la somme de 817,50 $ constituant le paiement complet de la prime pour l’émission de la police d’assurance au nom de l’Association C.-P. pour un festival se tenant le 29 juillet 2012, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 19, 37(1) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

6.   Entre les ou vers les 11 mars 2011 et 20 janvier 2012, s’est approprié la somme de 1 733,10 $ constituant le paiement complet de la prime pour l’émission d’une nouvelle police d’assurance en responsabilité professionnelle erreurs et omissions par Trisura Garantie, sous le numéro MPL100546, au nom de S.B.I. inc. pour la période de couverture du 11 mars 2011 au 11 mars 2012, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 19, 37(1) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

7.   Entre les ou vers les 11 mars 2011 et 20 janvier 2012, s’est approprié la somme de 708,50 $ constituant le paiement complet de la prime pour l’émission d’une nouvelle police d’assurance en responsabilité civile générale par Trisura Garantie, sous le numéro MOP100075, au nom de S.B.I. inc. pour la période de couverture du 11 mars 2011 au 11 mars 2012, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 19, 37(1) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

8.   Le ou vers le 16 février 2012, a agi avec malhonnêteté en demandant au service de la comptabilité d’encaisser un chèque fait par sa cliente 9204 (…) Québec inc. au montant de 2 860,97 $ pour sa police d’assurance et de le déposer au compte client de 9172 (…) Québec inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 19, 37(1) et 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

L’intimé s’étant ainsi rendu passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à la loi.

 

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimé a plaidé coupable à l’ensemble des infractions reprochées, conformément au plaidoyer de culpabilité qu’il avait d’ailleurs déjà produit au dossier le 12 février 2015;

[5]       En conséquence, le Comité a déclaré coupable, séance tenante, l’intimé des huit (8) chefs d’accusation de la plainte no. 2015-01-05(C);

[6]       Les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction;

 

II.         Preuve sur sanction

 

A)        Par le syndic adjoint

 

[7]       Le procureur du syndic adjoint a déposé de consentement les pièces P-1 à P-13;

[8]       Cette preuve démontre essentiellement que l’intimé fut congédié le 18 juin 2012 par le cabinet Essor suite à la découverte d’un stratagème ayant permis à l’intimé de s’approprier plusieurs montants d’argent;

[9]       Cette preuve a permis également d’établir que le dossier d’enquête fut ouvert par la Chambre de l’assurance de dommages le 11 juillet 2012 et que la plainte disciplinaire ne fut déposée devant le Comité de discipline que trois (3) ans plus tard, soit le 23 janvier 2015;

 

B)       Par l’intimé

[10]    L’intimé a témoigné pour sa défense en insistant particulièrement sur les faits suivants :

 

      Il regrette amèrement les gestes qu’il a posés;

      Il a remboursé les sommes détournées pour un total de 22 000 $;

      Il a admis sa faute à son employeur dès qu’il a été confronté aux faits;

      Il a reconnu sa culpabilité dès le début de l’enquête du syndic;

 

[11]    Il se plaint surtout du délai encouru entre le début de l’enquête en juillet 2012 et le dépôt de la plainte disciplinaire en janvier 2015;

[12]    Il a tenté à plusieurs reprises de faire accélérer l’enquête mais sans succès[1];

[13]    Plus particulièrement, il s’est avoué coupable dès le début de l’enquête dans l’espoir d’avoir un procès rapide afin de ne pas vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête durant trop longtemps;

[14]    De plus, les délais entre l’enquête et les procédures disciplinaires ont imposé sur lui et sa famille un stress important;

 

 

III.        Argumentation

 

A)        Par le syndic adjoint

 

[15]    Me Tisserand plaide au nom de la poursuite que l’intimé devrait se voir imposer les sanctions suivantes:

 

      Une amende de 4 000 $ sur les chefs nos. 1, 2, 5, 6 et 7, pour un total de 20 000 $, et une radiation temporaire de 18 mois;

      Une amende de 2 000 $ sur les chefs nos. 3, 4 et 8, pour un total de 6 000 $, et une radiation temporaire de 12 mois;

      À ces différentes sanctions s’ajoutera une limitation d’exercice d’une durée de cinq (5) ans visant à interdire l’intimé de manipuler l’argent des clients;

 

[16]    À l’appui de ses prétentions, Me Tisserand produit un plan d’argumentation fort élaboré accompagné d’une série de jurisprudence, soit :

 

      Chambre de l’assurance de dommages c. Renaud, 2009 CanLII 74229 (QC CDCHAD);

      Chambre de l’assurance de dommages c. Renaud, 2010 CanLII 14182 (QC CDCHAD);

      Chambre de l’assurance de dommages c. Lessard, 2005 CanLII 63890 (QC CDCHAD);

      Chambre de l’assurance de dommages c. Boisjoli, 2006 CanLII 63936 (QC CDCHAD);

      Chambre de l’assurance de dommages c. Desrochers, 2008 CanLII 15293 (QC CDCHAD);

      Chambre de l’assurance de dommages c. Darkaoui, 2012 CanLII 6492 (QC CDCHAD);

      Chambre de l’assurance de dommages c. Asselin, 2006 CanLII 63938 (QC CDCHAD);

 

[17]    Essentiellement, la poursuite plaide que la gravité objective des infractions et la protection du public justifient l’imposition de fortes amendes accompagnées de périodes de radiation temporaires;

[18]    Parmi les facteurs aggravants, le syndic adjoint insiste particulièrement sur les suivants :

         L’importance des montants en cause;

         La durée et la répétition des infractions;

         Les préjudices subis par les clients et le cabinet de l’intimé;

         L’intention malhonnête de l’intimé;

         Le fait que les infractions sont au cœur même de l’exercice de la profession;

 

[19]    Parmi les facteurs atténuants, l’avocat du syndic adjoint souligne les suivants :

         Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

         L’absence d’antécédents disciplinaires;

         La collaboration de l’intimé à l’enquête du syndic;

         Le remboursement des sommes détournées;

 

[20]    Cela dit, il considère que les sanctions suggérées s’inscrivent parfaitement dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infraction;

 

B)       Par l’intimé

[21]    De son côté, l’intimé considère que le montant des amendes réclamées est astronomique;

[22]    Il plaide que son cas est différent de ceux soumis par Me Tisserand puisqu’à son avis, ses clients n’ont pas subi de préjudice et que ceux-ci ont toujours bénéficié d’une couverture d’assurance;

[23]    D’autre part, il estime que le délai entre le début de l’enquête et le dépôt des accusations disciplinaires lui a causé un important préjudice puisque si le dossier avait été traité en temps opportun, il serait déjà de retour sur le marché du travail;

[24]    Enfin, sa situation financière précaire ne lui permet pas d’assumer des amendes aussi élevées, sans compter qu’il a déjà tout remboursé;

[25]    Concernant les délais, il donne plusieurs exemples jurisprudentiels démontrant que ce type de dossier peut se régler à l’intérieur d’un délai de 12 mois :

         ChAD c. Faubert, 2010 CanLII 64056 (QC CDCHAD);

         ChAD c. Lévesque, 2013 CanLII 82449 (QC CDCHAD);

         ChAD c. Wistaff, 2010 CanLII 40043 (QC CDCHAD);

         ChAD c. Boucher, 2006 CanLII 53730 (QC CDCHAD)

 

[26]    Fort de cette jurisprudence, il demande au Comité de faire preuve de clémence considérant :

         Qu’il a admis les faits à ses supérieurs immédiats dès le début de la vérification comptable en 2012;

         Qu’il a reconnu sa culpabilité auprès de l’enquêteur et de l’avocat de ce dernier dès le début de l’enquête du syndic en 2013;

         Qu’il a même tenté à plusieurs reprises de faire accélérer l’enquête et le dépôt de la plainte disciplinaire, mais sans succès;

 

[27]    Bref, il demande au Comité de considérer les délais lors du choix des sanctions qui lui seront imposées;

 

 

IV.       Analyse et décision

 

A)   Infractions à caractère économique

 

[28]    La plainte reproche à l’intimé de s’être approprié divers montants d’argent à cinq (5) reprises et d’avoir agi avec malhonnêteté en détournant plusieurs chèques (chefs nos. 3, 4 et 8);

[29]    Tel que le soulignait le Tribunal des professions dans l’affaire Garneau[2], un tel comportement ne doit pas être toléré :

[61]   Il est inacceptable pour un professionnel auquel des sommes d’argent sont confiées à l’occasion de l’exercice de sa profession, de les détourner à son avantage même si l’argent est susceptible de représenter des honoraires dus pour ses services.

[30]    De plus, le remboursement des sommes détournées n’a pas pour effet d’effacer les infractions[3];

 

B)   Principes généraux

[31]    Lors de l’imposition de la sanction, le Comité a l’obligation de pondérer l’ensemble des circonstances tant aggravantes qu’atténuantes afin de déterminer la sanction appropriée au cas de l’intimé[4];

[32]    De plus, le Comité, par son expertise en la matière, est le mieux placé pour préciser les obligations incombant à un membre et pour déterminer les sanctions appropriées[5];

[33]    Cela dit, la sanction disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel mais elle doit néanmoins revêtir un certain caractère dissuasif, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’affaire Thibault c. Da Costa[6] :

[38]   Certains arguments d’interprétation législative militent en faveur de l’intention « punitive » du législateur. Ce dernier, en plus de renvoyer aux dispositions habituelles du Code, ajoute que le Comité de discipline doit tenir compte du préjudice causé aux clients et des avantages qui ont été tirés de l’infraction. Ces critères qui, dans un certain contexte, pourraient dénoter une intention de punir et de moduler la peine en fonction du caractère moralement blâmable du contrevenant, doivent cependant être pris en compte dans la poursuite de l’objectif général de la Loi sur la distribution, qui est la protection du public. Plus les gestes posés sont préjudiciables pour le public, plus la sanction doit être importante pour assurer de son effet dissuasif sur l’individu sujet à l’amende ou sur d’autres membres de la profession.

[39]   Plus généralement, le droit reconnaît que la sanction disciplinaire n’emporte pas une véritable conséquence pénale, mais qu’elle vise à maintenir la discipline dans le secteur concerné. Plusieurs arrêts, qui portent sur l’application de l’article 11 de la Charte, lequel accorde des protections de nature constitutionnelle à un « inculpé », se sont prononcés en ce sens. J’y reviendrai.

[40]   Il a été maintes fois reconnu par les tribunaux que le but d’un organisme d’encadrement professionnel est la protection du public. L’article 312 de la Loi sur la distribution témoigne, de façon explicite, de la mission particulière dévolue à la Chambre d’assurer la protection du public :

312. Une chambre a pour mission d'assurer la protection du public en maintenant la discipline et en veillant à la formation et à la déontologie de ses membres.

312. The mission of a Chamber shall be to ensure the protection of the public by maintaining discipline among and supervising the training and ethics of its members.

 

[45]  On peut donc conclure que la hausse des amendes poursuivait un objectif d’harmonisation avec d’autres lois connexes et avec les régimes applicables dans les autres provinces, et cela, pour que la loi produise ses effets dissuasifs. Son objectif n’était pas de transformer les amendes en outil de punition, mais de prévenir la commission d’infractions en imposant des amendes significatives. Une sanction suffisamment sérieuse est l’un des moyens susceptibles de freiner les fautes disciplinaires et, en conséquence, elle constitue un outil de protection du public.

[51]   Il est certain qu’une amende substantielle a un effet dissuasif, mais cela ne lui confère pas nécessairement une nature punitive. Dans Cartaway Resources Corp. (Re), la Commission des valeurs mobilières avait fixé l’amende à 100 000 $, soit le montant de l’amende maximale. La Cour suprême a examiné le pouvoir de la Commission de prendre en compte le critère de la dissuasion pour fixer l’amende. Le juge LeBel a écrit « […] l’intérêt public commande l’application de sanctions appropriées pour l’observation des règles, des règlements et des politiques […] ». Il fait sien le commentaire selon lequel « [l]a notion de dissuasion générale n’est ni punitive ni réparatrice. Une pénalité qui se veut généralement dissuasive est celle qui vise à décourager ou à empêcher les autres de se livrer à de tels comportements ». Le juge LeBel reconnaît aussi que « […] la réglementation des comportements sur les marchés ne donne des résultats valables que si les commissions des valeurs mobilières infligent après coup des peines qui dissuadent les participants au marché prudents de se livrer à de tels actes fautifs ».                                 (Nos soulignements)

 

[34]    C’est à la lumière de ces principes que le Comité verra à déterminer une sanction juste et raisonnable et, surtout, appropriée au cas de l’intimé;

 

C)   Circonstances aggravantes et atténuantes

[35]    Parmi les facteurs objectifs et particulièrement aggravants dans le présent dossier, le Comité retiendra les suivants :

      La gravité objective des infractions lesquelles se situent au cœur même de l’exercice de la profession;

      La mise en péril de la protection du public;

      L’importance des sommes détournées;

      La durée et la répétition des infractions;

      L’intention malhonnête de l’intimé;

 

[36]    Parmi les circonstances atténuantes qui militent en faveur de l’intimé, soulignons les suivantes :

         L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

         L’absence d’antécédents disciplinaires;

         Le remboursement des sommes détournées;

         Le repentir et la prise de conscience du professionnel;

         Les excellentes chances de réhabilitation de l’intimé;

         La collaboration de l’intimé à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire;

 

[37]    Le Comité tiendra compte de ces différents facteurs au moment du choix de la sanction appropriée;

 

D)   Les précédents jurisprudentiels

[38]    Le Comité tiendra compte également de l’autorité des précédents jurisprudentiels en semblables matières même si ceux-ci ne constituent pas une panacée, tel que le rappelait la Cour suprême dans l’affaire Nasogaluak[7] :

[44]  Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites.  Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants.  Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues.  Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine.  Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise. (Nos soulignements)

 

[39]    Cela dit, le Comité considère que les autorités fournies par la partie plaignante reflètent adéquatement le niveau des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infraction;

 

E)   Objectifs de la sanction

[40]    Par contre, il y a lieu de rappeler que la sanction disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel[8];

 

F)   Amendes, radiation et limitations d’exercice

[41]    Pour ces motifs, le Comité considère que, dans leur ensemble, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables, par contre, celles-ci ne tiennent pas suffisamment compte, d’une part, des délais imposés à l’intimé depuis ses aveux de culpabilité en 2012 et, d’autre part, du principe de la globalité des sanctions;

 

G)   Les délais

[42]    Depuis quelques années, le Tribunal des professions a reconnu, à plusieurs reprises[9], que les délais post-inculpatoires peuvent constituer, à certaines conditions, un facteur favorisant la réduction de la sanction;

[43]    En conséquence, il s’agit d’un autre facteur qui sera considéré par le Comité afin d’établir la sanction appropriée au cas de l’intimé;

 

H)   Le principe de la globalité

[44]    De l’avis du Comité, la partie plaignante sous-estime l’impact global de la sanction sur la personne de l’intimé;

[45]    Comme le préconisait le Tribunal des professions dans les arrêts Kenny[10] et Chénier[11], l’addition des sanctions ne doit pas devenir accablante pour l’intimé et ce, même si les sanctions imposées sur chacun des chefs peuvent être justes et appropriées aux circonstances de l’affaire;

 

I)     Conclusion

[46]    En tenant compte des délais subis par l’intimé et du principe de la globalité des sanctions, le Comité est d’opinion que les sanctions suggérées par le syndic adjoint devront être réduites comme suit :

         Une amende globale de 15 000 $;

         Une période de radiation temporaire d’une durée globale de 12 mois;

[47]    Quant à la limitation d’exercice d’une durée de cinq (5) ans, celle-ci sera entérinée, sans modification, par le Comité de discipline, vu l’importance d’assurer, pour l’avenir, la protection du public, en interdisant à l’intimé de manipuler l’argent des clients;

 

J)    L’avis de radiation

[48]    Tel que le rappelait le Tribunal des professions dans l’affaire Lambert[12] :

«Une radiation pour être efficace et utile, suppose nécessairement que celui qui en fait l’objet soit membre en règle de son ordre professionnel.»

[49]    Dans ces circonstances, les périodes de radiation et la publication de l’avis de radiation ne seront ordonnées qu’advenant la remise en vigueur du certificat de l’intimé;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

 

DÉCLARE l’intimé coupable de tous les chefs d’accusation de la plainte no. 2015-01-05(C) et plus particulièrement comme suit :

 

Chefs nos. 1, 2, 5, 6 et 7 :     pour avoir contrevenu à l’article 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9, r.5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos. 1, 2, 5, 6 et 7;

Chefs nos. 3, 4 et 8 :             pour avoir contrevenu à l’article 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9, r.5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos. 3, 4 et 8;

 

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

 

Chefs nos. 1, 2, 5, 6 et 7 :     une amende de 4 000 $ par chef, pour un total de 20 000 $;

 

une radiation temporaire de 18 mois sur chacun des chefs, lesdites périodes de radiation temporaire devant être purgées de façon concurrente;

 

une limitation d’exercice d’une durée de cinq (5) ans consistant en une interdiction de manipuler directement l’argent des clients; en conséquence, la facturation et  la perception des primes devront se faire directement par l’assureur ou par le cabinet;

 

 

Chefs nos. 3, 4 et 8 :             une amende de 2 000 $ par chef, pour un total de 6 000 $;

 

une radiation temporaire de 12 mois sur chacun des chefs, lesdites périodes de radiation temporaire devant être purgées de façon concurrente;

 

une limitation d’exercice d’une durée de cinq (5) ans consistant en une interdiction de manipuler directement l’argent des clients, en conséquence, la facturation et  la perception des primes devront se faire directement par l’assureur ou par le cabinet; ladite limitation d’exercice devant être purgée de façon concurrente à celle imposée sur les chefs nos. 1, 2, 5, 6 et 7;

 


Conclusions :

RÉDUIT le total des amendes à une somme de 15 000 $;

RÉDUIT les périodes de radiation temporaire à une période globale de 12 mois;

DÉCLARE que les périodes de radiation et de limitation d’exercice seront exécutoires à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé;

ORDONNE la publication d’un avis de radiation temporaire et de limitation d’exercice à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés incluant, le cas échéant, les frais de publication de l’avis de radiation temporaire et de limitation d’exercice;

ACCORDE à l’intimé un délai de 36 mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter de la signification de la présente décision;

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du Comité de discipline

 

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Me Christian N. Dumais, avocat et C.d’A.Ass.

Membre du Comité de discipline

 

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Mme Céline Lachance, courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

Me Sébastien Tisserand

Procureur  de la partie plaignante

 

M. Luc Nadeau (présent et agissant seul)

Partie intimée

 

Date d’audience :

5 mai 2015

 



[1]     Pièce I-1;

[2]     Garneau c. Notaires, 2002 QCTP 68;

[3]     Tribunal – Avocats – 4, [1988] D.D.C.P. 317;

[4]     Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QCCA);

[5]     O.C.R.C.V.M. c. Séguin, 2014 QCCA 247;

[6]     2014 QCCA 2347;

[7]     R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6 (CanLII);

[8]     Thibeault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII);

[9]     Lamarche c. Infirmières et infirmiers auxiliaires2013 QCTP 62 (CanLII);

     Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Gauthier2012 QCTP 151 (CanLII);

     Gamache c. Médecins vétérinaires2011 QCTP 145 (CanLII);

     Bélanger c. Infirmières2010 QCTP 78 (CanLII);

[10]    Kenny c. Dentistes, [1993] D.D.C.P.  214 (T.P.);

[11]    Chénier c. Comptables agréés, [1998] D.D.C.P. 238 (T.P.);

[12]    Lambert c. Agronomes2012 QCTP 39 (CanLII);

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