Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Dastous (Services financiers Pierre Dastous)

 

BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2013-001

 

DÉCISION N° :

2013-001-001

 

DATE :

Le 12 décembre 2013

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me CLAUDE ST PIERRE

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

PIERRE DASTOUS, représentant autonome, faisant affaires sous Les services financiers Pierre Dastous

Partie intimée

 

 

 

pénalité administrative

[art. 93 et 94, Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2, art. 115 et 146.1, Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2]

 

 

Me Caroline Néron

(Girard et al.)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Carolyne Mathieu

(Cabinet de services juridiques inc.)

Procureure de Pierre Dastous

 

Dates d’audience :

13 et 14 juin 2013

 

 

DÉCISION

 

[1]   Le 10 janvier 2013, l’Autorité des marchés financiers (l’ « Autorité ») a saisi le Bureau de décision et de révision (le « Bureau ») d’une demande visant l’imposition d’une pénalité administrative, de conditions à l’inscription et de radiation d’inscription à l’encontre de Pierre Dastous, représentant autonome, faisant affaires sous Les services financiers Pierre Dastous (l’ « intimé »), le tout en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[1] et des articles 115 et 146.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2] (la « LDPSF »).

[2]   Plus spécifiquement les conclusions recherchées par l’Autorité sont à l’effet :

    imposer une pénalité de 5 000 $ pour des manquements constatés lors d’une inspection en avril 2012;

    assortir le certificat de Pierre Dastous de la condition suivante, à savoir le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable ni l’administrateur pour une période de 2 ans; et

    radier l’inscription du représentant autonome Pierre Dastous, faisant affaires sous Les services financiers Pierre Dastous, dans les trente (30) jours de la décision.

[3]   La demande de l’Autorité prévoit qu’à défaut par l’intimé d’être rattaché à un cabinet dans les 30 jours de la décision, son certificat d’exercice sera suspendu et il devra remettre tous ses dossiers clients, livres et registres à l’Autorité. L’audience dans ce dossier a eu lieu les 13 et 14 juin 2013.

LA DEMANDE

[4]   Les faits et les allégations de la demande de l’Autorité apparaissent ci-après :

Les parties 

 

1.    La demanderesse est l’organisme chargé de l’administration de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 (ci-après la « LDPSF »), et exerce les fonctions qui y sont prévues conformément à l’article 7 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33-2 (ci-après la « LAMF »);

 

2.    Pierre Dastous détient un certificat émis par l’Autorité portant le numéro 108983 dans les disciplines de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de personnes et de la planification financière, tel qu’il appert de l’attestation de droit de pratique du représentant autonome Pierre Dastous;

 

3.    Pierre Dastous fait affaire sous la raison sociale (« F.A.S. ») Les services financiers Pierre Dastous, entreprise individuelle légalement constituée, tel qu’il appert du rapport sur l’état des informations sur une personne morale émis par le Registraire des entreprises;

 

4.    Pierre Dastous est inscrit à titre de représentant autonome (numéro 506379) dans les mêmes disciplines, soit en assurance de personnes, en assurance collective de personnes et en planification financière;

 

Faits spécifiques aux manquements reprochés :

 

Manquements constatés lors de l’inspection

 

5.    Par sa décision numéro 2012-INSP-0061, le Service de l’inspection de l’Autorité a décidé de procéder à l’inspection du représentant autonome Pierre Dastous F.A.S. Les services financiers Pierre Dastous, conformément à l’article 107 de la LDPSF, tel qu’il appert d’une copie de la décision numéro 2012-INSP-0061;

 

6.    Le 4 avril 2012, le représentant autonome Pierre Dastous a fait l’objet d’une inspection relativement à ses activités au cours de laquelle diverses irrégularités ont été constatées, tel qu’il appert d’une copie de la lettre transmise à Pierre Dastous le 14 mai 2012 et du rapport d’inspection;

 

7.    Entre le 8 juin et le 27 juin 2012, Pierre Dastous a transmis à l’Autorité ses commentaires et a fait état des mesures nécessaires qui seraient prises pour se conformer à la Loi, tel qu’il appert de la lettre de Pierre Dastous en date du 8 juin 2012, de la lettre de réponse de l’Autorité en date du 20 juin 2012 et de la lettre de réponse de Pierre Dastous en date du 27 juin 2012;

 

8.    Le rapport d’inspection fait notamment état des manquements ci-après cités :

 

Tenue des dossiers clients

 

9.    Lors de l’inspection, vingt-six (26) formulaires signés en blanc tels que des propositions, des questionnaires et des avis de transfert direct de fonds ont été retrouvés dans les dossiers clients du représentant autonome, tel qu’il appert de l’annexe intitulée « Formulaires signés en blanc » du rapport d’inspection et des dossiers clients;

 

10.  De surcroit, certains dossiers clients contenaient des documents originaux alors qu’ils auraient dû être transmis au client au moment de la vente, tel qu’il appert de l’annexe intitulée « Formulaires originaux » du rapport d’inspection et des dossiers clients;

 

11.  Or, un représentant autonome doit respecter les exigences relatives à la tenue des dossiers conformément aux articles 12 à 17 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, R.R.Q., D-9.2, r.2[3];

 

Analyse de besoins financiers

 

12.  La vérification aléatoire d’un certain nombre de dossiers en assurance de personnes a permis de démontrer que la totalité de ceux-ci ne contenait pas d’analyse de besoins financiers;

 

13.  En effet, sept (7) dossiers clients ont été vérifiés et aucun d’entre eux ne comportait d’analyse de besoins financiers, tel qu’il appert de l’annexe intitulée « Dossiers assurance de personnes (vie) » du rapport d’inspection, étant entendu que les dossiers clients visés par l’inspection sont disponibles pour examen par la partie intimée;

 

14.  En omettant de compléter des analyses de besoins financiers, le représentant autonome contrevient à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentants, R.R.Q. D-9.2, r.10[4] (le « Règlement sur l’exercice ») et à l’article 17 (8) du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome[5];

 

Dossiers de fonds distincts

 

15.  Des manquements ont également été constatés dans trois (3) des quatre (4) dossiers vérifiés constitués à la suite de la vente d’un contrat individuel à capital variable afférent à un fonds distinct, tel qu’il appert de l’annexe « Dossiers fonds distincts » du rapport d’inspection et des dossiers clients;

 

16.  En effet, les trois (3) dossiers ne contenaient aucun profil de risque;

 

17.  Or, une offre de produit inadéquate peut occasionner un risque réel pour le client et le représentant doit agir dans les meilleurs intérêts de son client en déterminant le niveau de tolérance au risque;

 

18.  Compte tenu de ce qui précède, les pratiques du représentant autonome sont en contravention avec l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière[6] et les articles 27 et 28 de la LDPSF;

[5]   L’Autorité a soumis les arguments suivants à l’appui de sa demande :

Ordonnances recherchées

 

19.  L’Autorité soumet que Pierre Dastous a contrevenu à la LDPSF et ses règlements, en faisant défaut de tenir adéquatement les dossiers clients et également étant donné l’absence d’analyse de besoins financiers et de profil de risque constatés lors de l’inspection;

 

20.  En l’espèce, les manquements constatés sont de nature à occasionner un risque pour le public, les clients risquant de ne pas obtenir les produits adaptés à leur situation personnelle et financière;

 

21.  L’analyse de besoins financiers constitue l’une des pierres angulaires de l’industrie de l’assurance de personnes et un manquement à ce niveau justifie l’intervention de l’Autorité;

 

22.  De plus, une offre de produit inadéquate peut occasionner un préjudice monétaire pour le consommateur s’il n’est pas protégé correctement ou s’il doit verser une prime plus élevée que sa situation financière ne le permet ou ne l’exige;

 

23.  L’Autorité soumet que les manquements démontrent que le représentant autonome Pierre Dastous n’a pas agi avec soin et compétence dans l’exercice de ses fonctions;

 

24.  Compte tenu de ce qui précède, l’Autorité soumet respectueusement au Bureau de décision et de révision que l’inscription du représentant autonome Pierre Dastous doit être suspendue et que son certificat doit être assortie d’une condition, soit celle d’exercer ses activités à titre de représentant rattaché à un ou des cabinets dont il n’est pas le dirigeant responsable;

 

25.  Considérant le pouvoir de l’Autorité, en vertu de l’article 93 de la LAMF, de demander au Bureau d’imposer une pénalité administrative;

 

26.  Considérant le pouvoir de l’Autorité en vertu de l’article 94 de la LAMF de prendre toutes mesures propres à assurer le respect des dispositions de la loi;

 

27.  Considérant les pouvoirs conférés en vertu de l’article 115 de la LDPSF;

 

28.  Considérant les pouvoirs du Bureau d’imposer une pénalité administrative jusqu’à concurrence de 2 000 000,00 $ à toute personne ayant fait défaut de respecter une disposition d’un règlement adopté en vertu de la Loi;

 

29.  Considérant les manquements constatés dans les dossiers clients vérifiés lors de l’inspection d’avril 2012;

L’AUDIENCE

[6]    À l’audience du 13 juin 2013, la procureure de l’intimé a indiqué que ce dernier admet tous les faits à la demande de l’Autorité et consent au dépôt des pièces. Le tribunal a pris acte de l’admission des faits par l’intimé.

[7]   La procureure de l’intimé a indiqué que son client est disposé à payer la pénalité demandée, mais qu’il s’objecte à la conclusion visant le rattachement à un cabinet; il souhaite pouvoir continuer ses activités à titre de représentant autonome et suggère qu’un représentant externe soit nommé pour la conformité. Elle a souligné que son client ne représente pas un danger pour le public.

La preuve de Pierre Dastous

[8]   Elle a fait entendre le témoignage de l’intimé et de quatre personnes au soutien de ses représentations sur les sanctions. Le premier est une notaire. Elle connaît monsieur Dastous depuis 1992. Ce dernier lui demande parfois des conseils et lui réfère également des clients. Il lui est arrivé d’assister avec monsieur Dastous à des rencontres avec ses clients; elle a souligné qu’il est respectueux envers ses clients et met toujours de l’avant leur intérêt, même à son détriment. Il fait preuve de dévouement dans ses relations avec ses clients et il est très consciencieux.

[9]       Le second témoin pratique dans le domaine de l’assurance de personnes. Il connaît monsieur Dastous depuis 1977. Il l’a recruté à ses débuts. Il a découvert que ce dernier avait l’aptitude pour faire de la formation. Tout le monde allait voir monsieur Dastous pour des informations et des conseils. Il était souvent impliqué dans la formation des gens. Le témoin l’a décrit comme un homme honnête et sincère; il en faisait beaucoup pour aider les autres. En 2008, monsieur Dastous est devenu son conseiller financier et il lui a référé toute sa famille.

[10]    Le troisième témoin connaît l’intimé depuis 1973. Monsieur Dastous est son conseiller. Il a souligné qu’il n’était pas « vendeur ». Il lui vendait seulement ce qu’il avait besoin et il était très disponible. Avec monsieur Dastous, les choses se déroulaient de manière informelle et il n’était pas insistant. Il faisait son travail et lui donnait des comptes rendus. Il lui expliquait bien les produits et il ne passait pas son temps à modifier le programme choisi.

[11]    Le quatrième témoin est président d’un cabinet d’assurance et il connaît monsieur Dastous depuis 1996. Il donne des formations pour le cabinet. Il a noté que c’est important pour le cabinet que les formateurs soient irréprochables dans leur pratique. Il a souligné qu’un mandat a été conclu avec monsieur Dastous pour s’assurer que les cours donnés soient en conformité avec les exigences de l’Autorité. Il a indiqué qu’il regardera avec monsieur Dastous si ses dossiers clients sont faits en bonne et due forme.

[12]    Il a accepté de regarder son manuel de conformité et de faire des commentaires. Pour son rattachement à un cabinet, il a souligné qu’il serait préférable d’avoir un cabinet qui se spécialise dans le domaine dans lequel agit monsieur Dastous. Il ne peut donc pas prendre la responsabilité des dossiers clients de ce dernier. Ce témoin a indiqué qu’un cabinet n’acceptera pas un rattachement; il offrira plutôt de racheter la clientèle de monsieur Dastous.

[13]    L’achat de la clientèle peut se faire pour une fois et demie les commissions. Pour un cabinet c’est intéressant mais pour monsieur Dastous, cela le sera moins. Il a indiqué que monsieur Dastous a toujours agi avec rigueur. Il est reconnu après des conseillers. Il a été très surpris de voir les allégations de l’Autorité, mais il a souligné que personne n’est parfait. S’il y a un doute sur sa rigueur, il ne pourra plus avoir de relation au niveau de la formation donnée par monsieur Dastous.

[14]    Il a aidé monsieur Dastous à réviser ses dossiers clients pour qu’ils soient conformes. Monsieur Dastous y a mis beaucoup d’heures. Il l’a aussi aidé à préparer un manuel de conformité.

[15]    Le dernier témoin est l’intimé. Il pratique depuis 1977 dans le domaine de l’assurance. Durant la moitié de sa carrière, il a pratiqué dans la direction au niveau du courtage ou à titre de directeur des ventes. Il a repris du service en 1995 à titre de représentant autonome; il exerce à ce titre depuis ce temps. Il est formateur depuis 1995. Il a donné beaucoup de formation dans les dernières années. Il a été invité a donner des formations pour des sections de la Chambre.

[16]    Il a déposé en preuve la liste des formations qu’il a données. Il est membre d’un organisme sans but lucratif qui prête assistance à ses membres relativement à des réclamations. Il a participé pendant 15 ans à l’association professionnelle précurseure de la Chambre. Il s’est impliqué également au niveau de la fibrose kystique. Il s’est également impliqué dans la vérification des cabinets sur une base volontaire. Il a fait part de ses nombreuses expériences à titre de bénévole.

[17]    Après l’inspection, il a repris conscience à quel point la conformité est importante. Il était content de faire l’objet d’une inspection. Il a été étonné du résultat. Il a une petite clientèle d’environ 300 dossiers clients. Pour lui, ces gens sont sa deuxième famille. Il les connaît pour la plupart depuis 15 à 20 ans. Souvent l’analyse des besoins financiers était effectuée de façon verbale. Il connaît bien la situation financière de ses clients. Il lui arrivait de faire leur rapport d’impôt,

[18]    Il a indiqué qu’il n’a jamais eu un client qui s’est plaint de sa pratique. Il a mentionné qu’il perdu sa plus grosse cliente, qui avait plusieurs centaines de milliers de dollars en placement. Il a fait un signalement au curateur public qui a pris le dossier de cette personne en charge. Malgré tout, il continue d’aller la visiter sa cliente à sa résidence.

[19]    Il a indiqué avoir pris la décision de revoir tous ses dossiers un par un. Les ventes qu’il a effectuées dans l’année ont été faites selon les règles, avec une analyse des besoins financiers et un profil d’investisseur, le cas échéant, au moyen de notes manuscrites. Quant aux formulaires signés en blanc, il a indiqué qu’il s’agissait d’une façon faite avec l’accord du client. Sa clientèle pouvait venir de loin.

[20]    Lorsqu’il arrivait le temps de faire des demandes d’assurance, il devait obtenir des renseignements. Si le client n’est pas accepté par l’assureur, cela laisse des traces. Il faisait une étude préliminaire du client avant de choisir l’assureur. Il pouvait regarder de façon informelle avec l’assureur le dossier et certaines propositions n’étaient pas utilisées. Tout a été fait avec la confirmation des données du client. Il faisait cela pour éviter des délais pour assurer une protection à ses clients.

[21]    Quant à un transfert entre institutions financières, c’était fait à la demande de la cliente pour activer les sorties d’argent dans son compte. Cela fait plus de vingt ans qu’il ne fait plus affaire avec elle; il s’agit de l’ex-épouse de son père dont il a gardé le dossier malgré tout. La plupart des formulaires étaient périmés et pour les propositions retrouvées dans certains cas, les assureurs n’existent plus et pour les autres, les formulaires ne sont plus les bons.

[22]    Il a mentionné qu’il ne fait plus de formulaire de cette façon. Il ne fait plus de prospection active. Il s’occupe de ses clients actuels et se concentre sur la formation. Il a mentionné qu’il choisit le produit qui est le mieux pour le client. Il a mentionné que dans les années 1992 et 1993, il a eu une période difficile au niveau familial. Il a consulté des gens pour préparer sa politique de conformité; il y a passé beaucoup de temps.

[23]    Il a pris une entente avec le témoin précédent à l’effet qu’une fois par semaine, il puisse le consulter pour discuter de ses activités hebdomadaires au niveau de la vente et discuter des entrevues de la semaine avec sa clientèle, afin d’assurer un suivi de l’application de la politique de conformité. En ce qui concerne le rattachement à un cabinet, cela équivaut pour lui à mettre la clé dans la porte. Il s’agit pour lui d’une sentence de mort professionnelle.

[24]    C’est qu’il devra alors se départir de sa clientèle et en perdre le contrôle. Après un délai de deux ans proposé par l’Autorité, il serait obligé de payer pour ravoir ses clients. Mais à quel prix, se demande-t-il. Il a ajouté que les cabinets trouveront qu’ils peuvent faire une bonne affaire alors qu’il se retrouvera perdant.

[25]    Le jugement du Bureau aura pour lui un impact majeur sur la formation qu’il donne, alors que c’est exactement ce qu’il aime faire. C’est fini pour lui les cours donnés en lien avec la Chambre de la sécurité financière. Il reconnaît ses fautes et a indiqué avoir corrigé les erreurs. Il est prêt à payer la pénalité, mais il souhaite pouvoir continuer d’agir à titre de représentant autonome.

Les représentations des parties

                         Les représentations de l’Autorité

[26]    La procureure de l’Autorité a plaidé que la LDPSF doit s’interpréter largement et libéralement. Son objectif est la protection du public. Lorsqu’une personne choisit de participer à une activité réglementée, elle doit accepter de se conformer à un ensemble de règles. Dans le cadre de sa mission, l’Autorité a le pouvoir de procéder à l’inspection des cabinets et des représentants autonomes.

[27]    La procureure de l’Autorité a mentionné que le représentant autonome doit s’inscrire à ce titre pour confirmer son mode d’exercice. Il doit respecter les mêmes obligations que les cabinets et les sociétés autonomes. Il doit agir avec honnêteté, loyauté, compétence et professionnalisme. L’approche du représentant autonome auprès de ses clients n’est pas remise en question ni son honnêteté.

[28]    Elle a rappelé les manquements constatés par l’inspection, a indiquant que ceux-ci militent en faveur des sanctions demandées. Elle a indiqué que la signature en blanc de formulaires va à l’encontre d’une saine pratique professionnelle et met en péril la protection du public. De plus, elle a souligné que l’absence d’analyse de besoins financiers a été considérée par la Chambre de la sécurité financière[7] comme étant la pierre d’assise de la profession de représentant en assurance de personnes.

[29]    L’analyse des besoins financiers doit être consignée par écrit. Il n’y a aucune exception de prévue par le législateur. Elle a indiqué qu’il appert de la preuve qu’aucune analyse de besoins financiers n’était complétée pour la totalité des sept dossiers clients vérifiés. Il s’agit d’un manquement important, dont la répétition constitue un facteur aggravant dont il faut tenir compte dans l’imposition de la sanction.

[30]    Pour les fonds distincts, la procureure de l’Autorité a mentionné que trois des quatre dossiers vérifiés ne contenaient aucun profil de l’investisseur et que les quatre dossiers ne contenaient aucune information financière. Le représentant autonome ne pouvait donc faire une recommandation éclairée concernant le choix des fonds du client sans posséder toutes les informations nécessaires à cette fin.

[31]    Elle a plaidé que les pratiques de l’intimé sont en contravention à la LDPSF et à ses règlements. Par conséquent, l’Autorité demande une pénalité d’un montant de 5 000 $. De plus, l’Autorité demande que le représentant autonome intimé soit rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable ni l’administrateur, pour une période de deux ans.

[32]    Considérant son mode d’exercice à titre de représentant autonome et considérant que l’intimé doit superviser lui-même la conformité à la législation, l’Autorité estime qu’il ne peut plus agir à ce titre et qu’il doit être rattaché à un cabinet afin d’obtenir la supervision nécessaire. Les manquements constatés sont importants et la dissuasion générale doit être également prise en compte dans la détermination de la sanction.

                         Les représentations de l’intimé

[33]    La procureure de l’intimé a rappelé que l’intimé reconnaît les faits reprochés. Pour elle, le débat se situe au niveau de la sanction. L’intimé est d’accord pour le paiement de la pénalité administrative de 5 000 $. La question essentielle est celle du rattachement à un cabinet.

[34]    Pour les formulaires signés en blanc, la procureure de l’intimé rappelle que ceux-ci datent de très longtemps; ils remontent à 1992 alors que le plus récent est de 2005. Elle a souligné qu’il n’y a aucune preuve que des clients ont subi un préjudice. L’écoulement du temps permet de constater que le public n’a pas été mis en danger. Pierre Dastous a reconnu que cela était défaillant et a corrigé sa pratique.

[35]    L’intimé a invoqué des problèmes personnels pour cette période de temps. La procureure de ce dernier a souligné que la situation est différente des autres cas cités par la procureure de l’Autorité en relation avec la Chambre de la sécurité financière, où de toute façon, la sanction imposée pour des formulaires en blanc était d’un mois de radiation. L’Autorité pour sa part demande le rattachement pour une durée de 2 ans.

[36]    En ce qui a trait à l’analyse des besoins financiers, les cas cités par la procureure de l’Autorité concluent à des amendes pour des manquements semblables. Il connaissait ses clients; c’est plutôt une erreur administrative. Pierre Dastous a fait les efforts pour modifier sa pratique. Relativement aux documents originaux, il n’y a pas de conséquence réelle pour les clients.

[37]    Il a fait le nécessaire pour que cela ne se reproduise plus. Il s’agissait de remplacements pour lui-même; il était le vendeur dans les deux cas. Quant aux dossiers de fonds distincts, la procureure de l’intimé a souligné que la notion de profil de risque n’est pas mentionnée spécifiquement à la réglementation. L’intimé a cependant reconnu le manquement à cet égard.

[38]    L’obligation de convenance en matière d’assurance de personnes n’est pas clairement définie dans la législation. Pour les facteurs atténuants, elle a souligné les points suivants, à savoir que l’intimé a reconnu les manquements, qu’il a 37 ans d’expérience, qu’il n’a jamais eu de plainte auparavant, qu’il a offert sa collaboration, qu’il a mis sur place un système de conformité et qu’il s’est adjoint une personne pour consultation en matière de conformité.

[39]    Il a également une bonne réputation, il est professionnellement impliqué dans le domaine, il travaille en mettant l’intérêt des clients de l’avant, il a démontré qu’il pouvait s’amender et qu’il n’est pas un danger, il perdrait la propriété de sa clientèle par le rattachement à un autre cabinet et il est susceptible de perdre des contrats en matière de formation. Les risques de récidive sont inexistants. Des corrections ont été apportées à sa pratique.

[40]    La procureure de l’intimé soumet que son client ne représente pas un risque pour le public. La question du rattachement à un cabinet est prématurée. L’intimé a fait l’objet d’une inspection une seule fois et il devrait pouvoir bénéficier de la chance de pouvoir prouver qu’il peut gérer sa pratique conformément aux règles. Il pourra se référer à une autre personne au niveau de la conformité. La difficulté principale de transférer la clientèle est à l’effet que Pierre Dastous perdra sa clientèle par le rattachement.

La réplique de l’Autorité

[41]    La procureure de l’Autorité a répliqué qu’une plainte ou un préjudice ne sont pas nécessaires pour justifier une intervention. L’Autorité souhaite s’assurer que monsieur Dastous ait la supervision nécessaire dans sa pratique et cela ne sera pas assuré par le fait qu’il continuerait d’agir à titre de représentant autonome. Relativement à la perte de sa clientèle, il pourrait se rattacher à un cabinet, en ayant toujours sa clientèle avec lui.

L’ANALYSE

[42]    Pierre Dastous, intimé en l’instance, détient un certificat émis par l’Autorité dans les disciplines de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de personnes et de la planification financière. Il est inscrit à titre de représentant autonome dans les mêmes disciplines. Une inspection des activités de ce représentant autonome a eu lieu le 4 avril 2012; diverses irrégularités ont alors été constatées.

[43]    Ces manquements, tels qu’ils sont repris dans la demande de l’Autorité, sont les suivants :

   Une tenue des dossiers clients déficiente :

o      vingt-six formulaires étaient signés en blanc, tels que des propositions, des questionnaires et des avis de transfert direct de fonds;

o      certains dossiers clients contenaient des documents originaux alors qu’ils auraient dû être transmis au client au moment de la vente;

   Aucune analyse de besoins financiers n’était complétée pour la totalité des dossiers clients vérifiés; et

   Trois des quatre dossiers vérifiés en fonds distincts ne contenaient aucun profil de l’investisseur.

[44]    Ces manquements ont été admis par l’intimé. Mais il est en désaccord avec la sanction demandée par l’Autorité. Le Bureau constate que tous les manquements qui lui sont reprochés ont été admis et qu’ils sont soutenus par la preuve déposée à l’audience. Il convient donc de se pencher sur les sanctions.

[45]    L’intimé consent au paiement d’une pénalité administrative de 5 000 $ pour l’ensemble des manquements. Cependant, il conteste les conclusions visant à ce que son inscription soit rattachée à un cabinet pour une période de deux ans et que son inscription à titre de représentant autonome soit radiée. Ces conclusions viendraient changer le mode d’exercice de ses activités en assurance.

[46]    L’Autorité recherche par ces conclusions à introduire une supervision plus accrue des activités de monsieur Dastous. Mais dans l’imposition d’une sanction, le Bureau a antérieurement prononcé un certain nombre de décisions pour mieux la baliser, en prenant en considération les facteurs suivants :

         La gravité des gestes posés par le contrevenant;

         La conduite antérieure du contrevenant;

         La vulnérabilité des clients sollicités;

         Les pertes subies par les clients;

         Les profits réalisés par le contrevenant;

         L’expérience du contrevenant;

         La position et le statut du contrevenant lors de la perpétration des faits reprochés;

         Le caractère intentionnel des gestes posés;

         Les dommages causés à l’intégrité des marchés par la conduite du contrevenant;

         Le fait que la sanction peut, selon la gravité du geste posé, constituer un facteur dissuasif pour le contrevenant mais également à l’égard de ceux qui seraient tentés de l’imiter;

         Le degré de repentir du contrevenant;

         Les facteurs atténuants; et

         Les sanctions imposées dans des circonstances semblables[8].

[47]    Il convient de plus de noter que les ordonnances rendues par le Bureau ne sont ni réparatrices ni punitives. Elles visent plutôt la protection et la prévention des risques pour les marchés. Une ordonnance peut avoir un caractère prospectif en ce qu’elle vise à empêcher certaines conduites nuisibles de se reproduire pour éviter que la protection du public soit mise à risque.

[48]    Le Bureau s’emploie ci-après à réviser la conduite de Pierre Dastous à la lumière de certains des facteurs énumérés plus haut.

-           La gravité objective des manquements

[49]    La signature en blanc de formulaire pour un client est un manquement qui va à l’encontre d’une saine pratique professionnelle. Les décisions du Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière vont dans ce sens :

« [50]   Néanmoins, ses fautes vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à porter atteinte à l’image de celle-ci.

Chef numéro 1

[51]   À ce chef, l’intimé s’est reconnu coupable d’avoir fait signer en blanc à sa cliente un formulaire « d’instruction de placement et de réinvestissement des intérêts en parts permanentes ».

[52]   Bien que le document n’ait jamais été utilisé par l’intimé, ce dernier y a obtenu la signature d’une cliente vraisemblablement vulnérable « qui ne pouvait prendre aucun risque sur ses placements ».

[53]   Si en l’occurrence les agissements de l’intimé n’ont pas causé de préjudice à cette dernière, il aurait pu en d’autres circonstances en être autrement.

[54]   Même si le degré de faute peut différer d’un cas à l’autre, faire signer en blanc un ou des documents à ses clients est une pratique malsaine.

[55]   Compte tenu de ce qui précède et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs propres au dossier, le comité est d’avis que l’imposition sur ce chef d’une période de radiation de un (1) mois serait une sanction juste et appropriée. »[9]

[50]    Dans le même sens et dans une autre affaire, le comité de discipline s’est prononcé ainsi sur la signature en blanc de formulaire :

« [34]   Même si la preuve présentée au comité n’a pas révélé une intention malicieuse ou une intention de délibérément nuire à ses clients, les fautes de l’intimée exposaient ces derniers à des risques élevés de préjudice.

[35]   La signature en blanc de documents par les clients est une pratique malsaine que le comité a condamnée à de multiples occasions, et ce, notamment parce qu’elle met en péril « la protection du public ». »[10]

[51]    L’absence d’analyse des besoins financiers est un manquement important. Même si le représentant connaît bien la situation de son client, il doit consigner par écrit les informations recueillies auprès de son client qui lui permettent de conseiller adéquatement son client sur le produit qui lui convient le mieux. L’analyse des besoins financiers est la pierre angulaire du travail du représentant[11].

[52]    Pour ce qui est de l’absence de profil d’investisseur dans les dossiers de fonds distincts, il convient de noter que le représentant doit chercher à avoir une connaissance complète des faits avant de renseigner ou de faire une recommandation à son client. Il doit s’assurer d’avoir une connaissance du profil de ce dernier, afin de lui recommander le produit qui convient le mieux à ses besoins.

[53]    Or, pour les fonds distincts, s’agissant d’un type d’investissement, le représentant doit s’informer de la situation financière de son client, de ses objectifs de placement et de son niveau de tolérance aux risques. Toutes ces informations s’avèrent utiles pour le représentant dans la détermination de la convenance du produit.

[54]    Le Comité de discipline a noté comme suit l’importance de l’établissement d’un profil d’investisseur dans le contexte de la souscription d’un contrat de fonds distincts :

« [39]   Soulignons d'abord que si la préparation d’un « profil d’investisseur » du client est la pierre d’assise du travail du représentant, la preuve qui nous a été présentée a démontré que l'intimé a fait défaut de procéder à un tel exercice.

[…]

[42]   Il ressort donc de la preuve qui a été présentée au comité que l'intimé a fait défaut de véritablement s'assurer d'obtenir une connaissance complète de la situation, de la volonté, des intentions, des exigences et des besoins de ses clients. »[12]

-           La conduite antérieure, l’expérience et l’expression de repentir du contrevenant

[55]    Il s’agissait pour Pierre Dastous de la première inspection de ses activités; il a fait le nécessaire pour corriger les éléments soulevés. Il a démontré une volonté ferme d’apporter les correctifs à sa pratique. Il a fait preuve de collaboration et il semble regretter la situation. Il a reconnu les manquements et a présenté des explications. Son mode d’exercice est en jeu et s’il doit se rattacher à un cabinet il perdra le contrôle de sa clientèle qu’il a pris plusieurs années à bâtir.

[56]    Il a pris les mesures nécessaires pour corriger sa pratique. Il a mis en place une politique de conformité et il pourra consulter une autre personne dans le domaine pour l’aider au niveau de la conformité. Il pratique dans le domaine depuis plus d’une trentaine d’années. Il exerce ses activités en assurance à titre de représentant autonome. Il doit donc veiller à assurer par lui-même la conformité de sa pratique. Il peut toutefois consulter d’autres personnes pour l’épauler à cet égard.

-           La vulnérabilité des clients, les pertes subies et les profits réalisés par le contrevenant

[57]    Les clients ont été mis dans une position de vulnérabilité par la signature de formulaire en blanc, par l’absence d’analyse de besoins financiers consignée par écrit et l’absence de profil d’investisseur. Cependant, l’intimé a mentionné avoir remédié à ces situations. On n’a pas devant le Bureau la preuve d’aucune perte qu’auraient subie les clients de l’intimé. Il n’a tiré aucun profit de la situation et aucun client ne s’est plaint. Au contraire, à l’audience le Bureau a entendu des commentaires à l’effet que l’intimé était une personne de confiance et honnête, ayant à cœur l’intérêt de ses clients.

-           Le caractère intentionnel des manquements

[58]    Les manquements commis sont importants, mais aucune intention malicieuse ou frauduleuse n’est présente de la part de l’intimé.

-           La dissuasion générale et spécifique

[59]    Les présentes procédures ont déjà entraîné pour l’intimé une révision de ses pratiques dans un souci important de se rendre conforme à la réglementation. Il a révisé l’ensemble de ses dossiers et a agi de manière diligente pour mettre en place les procédures nécessaires. La présente décision aura certainement des conséquences à l’égard de son rôle de formateur qu’il semble beaucoup apprécier.

[60]    Il a mentionné que de lui imposer le rattachement à un cabinet reviendrait à signer son arrêt de mort. Il devrait se départir de sa clientèle à un prix pas très intéressant pour lui et après le délai de deux ans, il devrait la racheter, mais sans savoir à quel prix.

Les commentaires

[61]    Les faits reprochés à l’intimé sont importants. Ils sont au cœur de la pratique d’un représentant en assurances, comme l’indique la jurisprudence citée. Formulaires signés en blanc, analyse de besoins financiers manquantes et absence de profils d’investisseurs dans les dossiers clients, voilà autant de manquements fondamentaux par rapport à des gestes qui sont au cœur d’une pratique conforme à la réglementation. Dans de tels cas, la Chambre de la sécurité financière a parlé de pratiques malsaines qui vont à l’encontre des intérêts de la clientèle.

[62]    Le Bureau se réjouit qu’aucun des clients de l’intimé n’ait subi de préjudice résultant de ses pratiques, mais cela ne les rend pas plus acceptables pour autant. Cette conduite doit être sanctionnée par une pénalité administrative conséquente. Le Bureau s’étonne en même temps qu’un personnage engagé dans la formation en assurances n’ait pas songé à pratiquer ce qu’il devait pourtant enseigner quant à l’usage de pratiques saines et conformes à la réglementation.

[63]    En effet, l’intimé a déposé une liste des formations qu’il a dispensées dans les dernières années. À sa lecture, le Bureau constate que certaines d’entre elles toucheraient les domaines pour lesquels il est en audience devant le Bureau. Cela ne semble pourtant pas avoir influencé la pratique exercée par Pierre Dastous. Il est en fait du sentiment du Bureau que selon la preuve présentée et le témoignage de l’intimé, ce dernier pratiquait l’assurance comme dans le bon vieux temps.

[64]    Il s’agit quasiment d’une pratique organique et internalisée où la tête de l’agent d’assurance lui servait de classeur. Il connaissait tous ses clients personnellement, était au courant de leurs besoins particuliers et en connaissait l’évolution d’une manière instinctive. Ses clients n’en étaient pas plus mal servis pour autant mais là n’est pas le problème. C’est que les méthodes de l’intimé n’étaient plus adaptées à la réalité actuelle de la réglementation qui a profondément évolué ces dernières années.

[65]    Pierre Dastous avait le devoir de par son inscription comme représentant autonome de se rendre compte de cette évolution, d’en apprendre le détail et de l’appliquer à sa pratique, dans le meilleur intérêt de sa clientèle. Il a hélas trop traîné à le faire. Ceci étant dit, le Bureau reconnaît en même temps qu’il a bien réagi à la situation. L’inspection du personnel de l’Autorité lui a ouvert les yeux et a eu un effet salutaire sur sa pratique.

[66]    Il s’est appliqué à rapidement corriger ses erreurs et à adapter sa pratique aux réalités réglementaires. Il a cherché conseil autour de lui pour corriger ses erreurs. Il a immédiatement corrigé les manquements précis reprochés par la demanderesse. Le Bureau constate également que pour ce qui est des formulaires en blanc, cela remontait à 1992 mais que cette pratique a cessé en 2005, soit depuis 8 ans.

[67]    Au moment de l’audience, il terminait d’établir une politique de conformité pour l’aider à mettre sa pratique à jour. Pour ce faire, il s’est adressé à un spécialiste de la conformité dans l’industrie; cette personne a d’ailleurs témoigné pendant l’audience. Il a aussi consulté la politique de conformité de cabinets d’assurances. De plus, Pierre Dastous a conclu une entente avec ce même spécialiste pour le consulter à chaque semaine sur ses activités de vente. Le Bureau l’engage d’ailleurs fermement et fortement à persister dans cette voie.

[68]    Le Bureau a entendu les témoins introduits par l’intimé, dont une notaire. Il s’agit de gens habitués à traiter avec lui. Ils sont manifestement satisfaits de ses services et estiment que c’est un homme intègre et un bon travailleur. Certains ont évoqué qu’il était rigoureux, dévoué et consciencieux. D’ailleurs son honnêteté n’a jamais été mise en doute. Il n’y avait aucune intention malicieuse derrière ses gestes. Ses clients n’ont pas subi de pertes et personne n’a déposé de plainte à son encontre. Il n’a pas fait de victimes.

[69]    L’Autorité demande au Bureau de radier l’inscription de représentant autonome de l’intimé et de rattacher ce dernier à un cabinet pour une période de deux ans. Mais Pierre Dastous a évoqué que cette sanction constituerait pour lui une sentence de mort professionnelle car cela signifierait qu’il serait obligé de céder sa clientèle à ce cabinet et qu’après deux ans de rattachement, il serait obligé de la racheter à grand prix. Il a d’ailleurs témoigné qu’il avait déjà placé une partie de sa clientèle auprès d’un cabinet pour une période de cinq ans, car il désirait dispenser plus de formation.

[70]    Mais à la fin de cette période, ce cabinet a refusé de remettre les dossiers clients en question car il considérait que ces clients étaient devenus les siens. Pierre Dastous a dû engager des recours judiciaires contre ce cabinet, recours qui n’étaient pas encore réglés au moment de l’audience dans le présent dossier. Le Bureau estime que les craintes quant à la perte de sa clientèle de l’intimé sont fondées.

[71]    Sont également fondées ses craintes que les présentes procédures et la décision qui s’ensuivra risquent fort de mettre fin à ses activités de formation, malgré le fait qu’il y tient beaucoup. Si le Bureau accède à la totalité des demandes de l’Autorité, il risque de mettre fin à la carrière de Pierre Dastous. Or, le tribunal n’est pas prêt à aller si loin. L’intimé a contrevenu à la réglementation mais s’est rapidement amendé. Il a corrigé ses erreurs et a établi des pratiques saines qui sont conformes à la réglementation applicable. Il a collaboré pleinement avec l’Autorité.

[72]    En cours d’audience, il n’a pas contesté les faits reprochés et a fait la preuve des efforts consentis. Puis, il ne semble pas tant vouloir faire de la sollicitation pour augmenter sa clientèle que gérer celle qu’il a déjà. Ses activités de formateur ont souffert et souffriront encore de ses déboires. Le Bureau estime qu’il a déjà amplement payé pour ses fautes et que la pénalité administrative demandée, à laquelle il consent d’ailleurs, est suffisante en l’espèce.

[73]    Ce faisant, le Bureau suit l’attitude qu’il avait déjà adoptée dans le dossier Assurances Céline Émond[13]; l’Autorité y demandait que le Bureau remplace la dirigeante responsable d’un cabinet pour cause de manquements à la réglementation[14]. Mais le Bureau a préféré rejeter la demande de l’Autorité du fait des considérations suivantes :

« [49]   Il appert du témoignage de madame Émond qu’elle a compris l’importance du rôle de dirigeante responsable d’un cabinet inscrit en vertu de la LDPSF et il ne serait pas raisonnable d’imposer à cette dernière de se trouver un nouveau dirigeant responsable à défaut de quoi l’inscription de son cabinet serait radiée. Elle a déjà tenté l’expérience de déléguer ses fonctions à quelqu’un d’autre et cela l’a menée aux présentes procédures. Il s’agit d’un petit cabinet ayant deux représentantes inscrites comprenant madame Émond. Lui ordonner de désigner un autre dirigeant responsable sans lui donner une autre chance de diriger son cabinet, risquerait de mettre un terme à la pratique du cabinet de madame Émond laquelle exerce ses activités depuis 10 ans à son compte. »[15]

[74]    Le tribunal estime qu’en imposant la pénalité administrative demandée, il assure correctement la protection du public et la prévention des risques pour les marchés, tout en empêchant certaines conduites nuisibles de se reproduire pour éviter que cette protection soit mise à risque. Ce sont les raisons pour lesquelles le Bureau entend accueillir, mais en partie seulement, la demande de l’Autorité. Les autres demandes sont rejetées.

LA DÉCISION

[75]    Le Bureau de décision et de révision a pris connaissance de la demande l’Autorité et de la preuve qui l’accompagnait. Il a pris note des admissions de l’intimé et de la preuve qu’il a présentée en défense. Il a entendu les arguments des procureurs des parties. Il est prêt à rendre la décision apparaissant ci-après, pour les motifs exposés tout au long de la présente décision, le tout en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[16] et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[17].


PAR CES MOTIFS, LE BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION :

ACCUEILLE en partie la demande de l’Autorité des marchés financiers;

IMPOSE au représentant autonome Pierre Dastous, faisant affaires sous Les services financiers Pierre Dastous, une pénalité administrative au montant de cinq mille dollars (5 000 $) relativement aux manquements constatés lors de l’inspection du 4 avril 2012.

Fait à Montréal, le 12 décembre 2013.

 

 

 

(S) Claude St Pierre

 

Me Claude St Pierre, vice-président

 

 



[1]     L.R.Q., c. A-33.2.

[2]     L.R.Q., c. D-9.2.

[3]     (1999) 131 G.O. II, 3073.

[4]     (1999) 131 G.O. 3047.

[5]     Précité, note 3.

[6]     (1999) 131 G.O. II, 4135.

[7]     Chambre de la sécurité financière c. Bégin, CD00-0827 (31 mars 2011)

[8]     Voir Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM, 17; Autorité des marchés financiers c. 9135-2799 Québec inc. (Assurances Céline Émond), 2011 QCBDR, 124; Autorité des marchés financiers c. Avro services de gestion de risques inc., 2012 QCBDR, 139.

[9]     Chambre de la sécurité financière c. Côté, 2011 CanLII 99528 (QC CDCSF).

[10]    Chambre de la sécurité financière c. Cossette, 2013 CanLII 43429 (QC CDCSF).

[11]    Chambre de la sécurité financière c. Bégin, 2011 CanLII 99460 (QC CDCSF).

[12]    Chambre de la sécurité financière c. Lamadeleine, 2009 CanLII 30991 (QC CDCSF).

[13]    Autorité des marchés c. 9135-2799 Québec inc. (Assurances Céline Émond), 2011 QCBDR 124.

[14]    Id., par. 1.

[15]    Id., par. 49.

[16]    Précitée, note 2.

[17]    Précitée, note 1.

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