Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. William J. Henry & Associés inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2017-019

 

 

 

DÉCISION N° :

2017-019-001

 

 

 

DATE :

Le 9 avril 2018

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me ELYSE TURGEON

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

WILLIAM J. HENRY & ASSOCIÉS INC.

 

et

 

ÉDOUARD GUAY

 

Parties intimées

 

 

 

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DÉCISION

 

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HISTORIQUE DU DOSSIER

 

[1]   Le 11 juillet 2017, l’Autorité des marchés financiers (ci-après « l’Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers (ci-après « Tribunal ») une demande à l’encontre des intimés William J. Henry & Associés Inc. et monsieur Édouard Guay afin d’obtenir des pénalités administratives, une ordonnance de nomination d’un nouveau dirigeant responsable, une ordonnance de nomination d’un vérificateur pour procéder à l’examen du compte séparé, une ordonnance de mesures de contrôle et de surveillance, une ordonnance d’interdiction d’agir comme dirigeant responsable et des conditions d’inscription et à défaut des ordonnances de suspension s’inscription et de certificat et de remise des dossiers clients, livres et registres du cabinet.

[2]   Cette demande est formulée en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[1] (ci-après « LAMF ») ainsi que des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2] (ci-après « LDPSF »).

[3]   Une audience au mérite a été fixée les 5 et 6 avril 2018.

[4]   Or, avant la date prévue pour l’audience, les parties ont informé le Tribunal qu’une entente était intervenue entre elles et seule la date du 6 avril 2018 fut maintenue pour la présentation de cette entente au Tribunal.

CONTEXTE

[5]   Dans sa demande et à la suite d’une inspection de suivi du cabinet intimé, effectuée par la Chambre de l’assurance de dommages (ci-après la « ChAD ») le 9 juin 2016, en vertu d’une délégation de ce pouvoir d’inspection octroyée par l’Autorité, cette dernière allègue avoir été informée que les intimés ont commis certains manquements à la LDPSF et ses règlements, notamment en ce qui a trait à la gestion du compte séparé du cabinet.

[6]   Cette inspection de suivi faisait suite à une première inspection réalisée en 2011 par la ChAD, laquelle avait donné lieu à des procédures devant le Tribunal, lesquelles se sont soldées par le dépôt d’une entente comportant des engagements.

[7]   En conséquence, le 17 avril 2014, le Tribunal a rendu une décision[3] eu égard au cabinet intimé relativement à cette entente et a pris acte d’engagements du cabinet relativement au compte séparé et a ordonné la nomination d’un nouveau dirigeant-responsable à l’intérieur d’un certain délai.

AUDIENCE

 

[8]   L’audience du 6 avril 2018 s’est déroulée en présence des procureures des parties au dossier et à l’occasion de cette audience une entente a été déposée par ces dernières.

[9]   La procureure de l’Autorité a déposé au Tribunal l’entente
intervenue entre les parties laquelle comporte les engagements souscrits par les intimés, soit le document intitulé « Transaction et engagements ».

[10]        La procureure de l’Autorité a indiqué le consentement des intimés au dépôt de l’ensemble des pièces de l’Autorité au soutien de sa demande ce qui fut confirmé par la procureure des intimés.

[11]        La procureure de l’Autorité a aussi demandé la mise sous scellé de la pièce D-12 en raison de la nature des informations qu’elle contenait ce qui fut accordé par le Tribunal séance tenante.

[12]        Par la suite, la procureure de l’Autorité a présenté au Tribunal les termes de l’entente intervenue et la procureure des intimés y a ajouté certaines précisions tout en indiquant être en accord avec les représentations faites.

[13]        Par la suite, les procureures ont répondu à quelques questions du Tribunal et ce dernier a pris le tout en délibéré.

FAITS

La demande de l’Autorité

[14]        Tel que mentionné ci-haut, dans sa demande l’Autorité indique qu'une inspection de suivi du cabinet intimé a été réalisée en 2016.

[15]        L'inspection de suivi aurait démontré qu’il y avait au cabinet intimé certaines irrégularités non conformes à la LDPSF et ses règlements, le tout tel que le décrit le rapport d'inspection déposé en preuve[4].

[16]        Ces irrégularités ont trait à l’utilisation et la gestion du compte séparé du cabinet ainsi qu’à d’autres manquements dont le fait pour le cabinet d’avoir une politique de traitement des plaintes incomplète ainsi que l’absence de plan de continuité des affaires.

[17]        Selon la demande, ces irrégularités persistaient malgré qu’elles aient déjà été constatées dans l’inspection antérieure ayant donné lieu à la décision 2013-030-001 de ce Tribunal qui prenait acte d’une entente à cet égard et de la prise d’engagements par le cabinet intimé visant à corriger la situation à la satisfaction de l’Autorité.

[18]        En conséquence, l’Autorité demande au Tribunal de rendre les ordonnances énumérées au premier paragraphe du présent jugement.

L’entente intervenue

[19]        Or, les parties en étant venues à une entente, cette dernière a été déposée devant le Tribunal et signée en date du 5 avril 2018.

[20]        Cette entente prévoit notamment ce qui suit :

        L’Autorité, en vertu des pouvoirs lui étant attribués par la Loi, a le pouvoir d'effectuer une inspection à l'égard d'un cabinet d'assurances afin de s'assurer de l'application et du respect des dispositions de la Loi.

        En tout temps pertinent à l’entente, le cabinet intimé est un cabinet qui détenait une inscription auprès de l'Autorité portant le numéro 501362 lui permettant d'agir dans la discipline de l'assurance de dommages en vertu de la Loi.

        L'intimé Édouard Guay détenait un certificat émis par l'Autorité portant le numéro 115625 lui permettant d'agir à titre de représentant dans la discipline de l'assurance de dommages pour le compte de William J Henry & associés inc. jusqu'au 25 janvier 2018.

        L'intimé Édouard Guay prévoit prendre sa retraite et en date du 25 janvier 2018, le cabinet a procédé à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable.

        Suivant une première inspection réalisée en 2011, le cabinet intimé s'est engagé notamment à se conformer à la LDPSF et à ses règlements concernant le compte séparé et le Tribunal a rendu une décision à cet égard portant le numéro 2013-030-001.

        Le 9 juin 2016, la ChAD a procédé à une inspection de suivi du cabinet intimé relativement à la tenue de son compte séparé.

        Lors de cette inspection, les inspecteurs de la ChAD ont constaté certains manquements commis par les intimés et notamment que ces derniers ne se conforment toujours pas à la LDPSF et ses règlements en ce qui a trait à la gestion du compte séparé applicables aux cabinets de courtage.

        Or, le cabinet intimé déclare effectuer en exclusivité des activités de souscription et qu'il se voit impartir, par des assureurs, de telles activités de souscription et qu'ainsi, il ne pose aucun geste relatif aux cabinets de courtage.

        Cependant, les actes de souscription, impartis par un assureur et posés dans les limites établies par un contrat d'impartition avec l'assureur, ne constituent pas une offre de produits d'assurance ni des actes réservés aux représentants au sens de la Loi, le tout tel que précisé dans l'avis de l’Autorité du 8 octobre 2010 intitulé « Avis relatif aux grossistes en assurances de dommages et à leurs employés ».

        Malgré tout, le cabinet intimé se serait inscrit auprès de l'Autorité à titre de cabinet de courtage en assurances de dommages et a maintenu une telle inscription depuis le 1er octobre 1999, croyant devoir le faire malgré qu'il déclare effectuer en exclusivité des activités de souscription.

        Le cabinet intimé a confirmé à l'Autorité son désir de ne plus être inscrit à titre de cabinet de courtage étant donné les activités de souscription qu'il réalise en exclusivité et qu'il entend entreprendre les démarches en ce sens dans un avenir rapproché.

        Les intimés admettent qu'une inspection de suivi a été réalisée en 2016 auprès du cabinet intimé compte tenu que ce dernier était inscrit auprès de l'Autorité et qu’il croyait devoir maintenir une telle inscription, suite aux informations que les intimés avaient reçues.

        L'inspection de suivi réalisée en 2016 a démontré des irrégularités en vertu de la Loi et ses règlements applicables aux cabinets de courtage, telles qu’elles sont décrites dans le rapport d'inspection D-11.

        Les intimés consentent au dépôt des pièces invoquées par l'Autorité.

        Le cabinet intimé s'engage, en vertu des présentes, à payer à l'Autorité un montant de 18 000 $ à titre de pénalité administrative en lien avec les irrégularités notées lors de l'inspection de suivi et en lien avec l'engagement souscrit antérieurement auprès de l'Autorité, payable à raison de 750 $ par mois pendant vingt-quatre (24) mois, débutant dans les trente (30) jours de la décision à intervenir entérinant les présentes.

        Vu ce qui précède, l'Autorité retire ses demandes à l'égard d'Édouard Guay ainsi que toute autre demande à l'égard de William J. Henry.

        Les parties reconnaissent que la présente transaction et les engagements sont conclus dans l'intérêt du public en général.

        Les Intimés consentent donc à ce que le TMF entérine la présente transaction et les engagements, les rendent exécutoires en plus d'ordonner aux parties de s'y conformer par une décision à être rendue dans le présent dossier.

ANALYSE

[21]        Le Tribunal a pris connaissance de la demande de l’Autorité ainsi que du contenu de l’entente conclue entre les parties.

[22]        En raison des admissions faites par les intimés contenues à l’entente, le Tribunal constate qu’il y a eu contravention à la LDPSF et aux règlements qui en découlent, notamment, à l’article 10 du Règlement relatif à l'inscription d'un cabinet, d'un représentant autonome et d'une société autonome[5] et aux articles 4, 5, 6 et 7 du Règlement sur la tenue et la conservation des livres et registres[6].

[23]        Le Tribunal considère que ces manquements sont graves et contraires à l’intérêt public provenant d’un cabinet inscrit.

[24]        En effet, même si le cabinet intimé n’exerçait pas d’activités considérées comme étant une offre de produits d'assurance ni des actes réservés aux représentants au sens ou l’entend l'avis de l’Autorité du 8 octobre 2010 intitulé « Avis relatif aux grossistes en assurances de dommages et à leurs employés », il n’en demeure pas moins qu’en tant qu’inscrit, le cabinet intimé et son dirigeant-responsable doivent se soumettre à la réglementation applicable aux inscrits.

[25]        Dans son évaluation des manquements et des recommandations qui lui ont été faites d’un commun accord par les parties, le Tribunal a tenu compte des admissions faites par le cabinet intimé et consignées à l’entente intervenue.

[26]        Dans son évaluation, le Tribunal a aussi tenu compte de la collaboration dont les intimés ont fait preuve afin de trouver avec l’Autorité, sur une base consensuelle, un règlement à la présente affaire qui assure une protection adéquate au public investisseur et le maintien de l’intégrité de la place financière.

[27]        En particulier, le Tribunal a pris en compte le fait que les intimés ont, dans le cadre de l’entente susmentionnée, souscrit à des engagements spécifiques envers l’Autorité.

[28]        Le Tribunal a considéré la substance de l’entente qui lui a été présentée par les parties au regard des objectifs primordiaux de protection du public et de dissuasion qu’il est essentiel de rencontrer.

[29]        Le Tribunal a également examiné les précédents en la matière[7] où d’autres cabinets ont commis des manquements semblables à ceux décrits et admis par les intimés dans des circonstances similaires.

[30]        Le Tribunal rappelle que chaque dossier doit être évalué au mérite à la lumière de ses particularités et rappelle qu’il n’est jamais tenu aux suggestions communes qui lui sont présentées par les parties.

[31]        Dans la présente affaire, après avoir considéré l’ensemble de la preuve et l’argumentation qui lui été présentée, le Tribunal en est venu à la conclusion que l’entente intervenue entre les intimés et l’Autorité est dans l’intérêt public.

[32]        À cet égard, le Tribunal rappelle, qu’en vertu de l’article 115 de la LDPSF, le Tribunal peut :

« après l’établissement de faits portés à sa connaissance qui démontrent qu’un cabinet, qu’un de ses administrateurs ou dirigeants, ou qu’un représentant a, par son acte ou son omission, contrevenu ou aidé à l’accomplissement d’une contravention à une disposition de la présente loi ou de ses règlements, ou que la protection du public l’exige, à l’égard du cabinet ou du représentant, selon le cas, radier ou révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions son inscription ou son certificat. »

[33]        En vertu de ce même article, le Tribunal peut également, « dans tous les cas, imposer une pénalité administrative pour un montant qui ne peut excéder 2 000 000$ pour chaque contravention ».

[34]        De même, le Tribunal est d’avis que les sommes suggérées par les parties à titre de pénalité administrative rencontrent adéquatement les critères de dissuasion spécifique et générale et sont raisonnables eu égard aux précédents analysés.

[35]        Le Tribunal est satisfait des représentations qui lui ont été faites.

[36]        Enfin, le Tribunal a entendu les représentations communes de la procureure de l’Autorité et de celle des intimés, en particulier, à l’égard des mesures qu’il convient d’imposer dans la présente affaire et est prêt, dans l’intérêt public, à prononcer une décision conforme à la proposition des procureurs des parties en vertu des articles 93 et 94 de la LAMF et en vertu des articles 115, 115.1 et 115.9 de la LDPSF.

DISPOSITIF

 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers ainsi que des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

 

PREND ACTE de l’entente intervenue entre les parties au présent dossier, laquelle est consignée dans le document intitulé « Transaction et engagements»;

 

ENTÉRINE l’entente intervenue entre les parties intitulée « Transaction et engagements », la rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

 

IMPOSE à William J. Henry & Associés inc. une pénalité administrative de 18 000 $ en lien avec les irrégularités notées lors de l’inspection de suivi et en lien avec l’engagement souscrit antérieurement auprès de l’Autorité, payable à raison de 750 $ par mois pendant vingt-quatre (24) mois, débutant dans les trente (30) jours de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Elyse Turgeon, juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Me Annie Parent

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

 

Me Sonia Paradis

(Donati Maisonneuve s.e.n.c.r.l.)

Procureure des intimés

 

Date d’audience :

6 avril 2018

 






[1]     RLRQ, c. A-33.2.

[2]     RLRQ, c. D-9.2.

[3]     Autorité des marchés financiers c. William J. Henry & associés inc., 2014 QCBDR 63.

[4]     Pièce D-11.

[5]     RLRQ, c. D-9.2, r. 15.

[6]     RLRQ, c. D-9.2, r. 19.

[7]     Autorité des marchés financiers c. Gour Assurances inc., 2013 QCBDR 74, Autorité des marchés financiers c. Groupe d'assurances Royale York inc., 2017 QCTMF 82, Autorité des marchés financiers c. Assurexperts Pierre Auchu inc., 2014 QCBDR 102

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