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606 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1964] 1962 ENTRE juin 5 FRONTENAC SHOE LTÉE APPELANTE; 1963 avril 3 ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ....INTIMÉ. RevenuImpôt sur le revenuDroit d'auteurVente d'un droit d'auteur Somme déboursée en vue de gagner ou produire un revenuPaiement à compte de capitalMontant raisonnable dans les circonstances Mauvaise créanceLoi de l'impôt sur le revenu, 1948, ch. 52, arts. 12(1)(a et b) et (2), 11(1)(f) Appel accueilli en partie. Propriétaire d'un droit d'auteur dans un vendeur-catalogue dont l'objet est de vendre la chaussure directement par correspondance sans les services d'un agent vendeur, Gingras, qui était à la fois le président, gérant général et actionnaire majoritaire de la compagnie appelante, le lui céda pour le prix de $200,000 payable hebdomadairement ou mensuelle-ment sur une base de 31% des ventes directes de la compagnie et ce jusqu'au parfait paiement du prix ou au décès de Gingras. Conformé-ment au contrat, l'appelante lui versait certains montants au cours des années 1952, 1953, 1954, 1955 et 1956 Réclamés comme dépenses d'opéra-tion par l'appelante ces versements lui furent refusés par le Ministre, pour le motif qu'ils n'avaient pas été faits en vue de gagner ou produire un revenu mais constituaient des paiements à compte de capital, et qu'au surplus ils n'étaient pas raisonnables dans les circon-stances; le tout au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, 1948, ch. 52, art. 12(1) (a) (b) et (2) qui se lit comme suit: 12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard a) d'une somme déboursée ou dépensée sauf dans la mesure elle l'a été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable, b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplacement de capital, d'un paiement à compte de capital d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie, * * * (2) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard d'une somme déboursée ou dépensée, autrement déductible, sauf dans la mesure cette somme était raisonnable dans les circonstances. Par ailleurs, la compagnie appelante réclamait, à titre de mauvaises créances, certains montants payés en 1954 et 1955 à une compagnie manufac-turière de cuirs, une subsidiaire, pour se procurer des cuirs à meilleur compte, et, en 1951 et 1952 mais réclamés qu'en 1956, à une société qui devait agir comme agent vendeur, déductions qui lui furent, aussi, refusées par le Ministre. Sur pourvoi en appel à la Commission d'appel de l'impôt celle-ci accueillit l'appel en ce qui concerne les montants ainsi versés par la compagnie pour l'utilisation du vendeur catalogue mais le rejeta quant à ceux réclamés à titre de mauvaises créances. D' le présent appel à cette Cour. Jugé: Les sommes ainsi déboursées par la` compagnie appelante pour l'usage du vendeur-catalogue le furent en vue de gagner ou de produire un
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19641 607 revenu de l'entreprise dans le sens large donné à ces termes par la 1963 Cour Suprême du Canada, British Columbia Electric Railway Company EuN C v. M.N.R. [1958] S.0 R. 133, à lpa.1 37. SHOoE LTÉ E 2°. La question de savoir si une dépense est d'une nature capitale ou d'opération dépend des circonstances de chaque cas (Cf. British In- D L U E R M E IN V I E S N Ta U E sulated and Helsby Cables, Limited v. Atherton [1926] A.C. 205; British NATIONAL Columbia Electric Railway Company v. M.N.R. [1958] S.C.R. 133; W. R. Bannerman v. M.N.R. [1959] S C.R. 562; M.N.R. v. Haden Realty Inc. [1962] S.0 R. 109). Ici il ne s'agit pas d'un montant global versé une fois mais de montants annuels qui sont fixés suivant une proportion des ventes directes de la compagnie et ne sont dûs que si celle-ci continue à vendre directement à ses clients, à défaut de quoi l'obligation de payer cesse. Dans de telles circonstances, la transaction, quant à la compagnie, n'a aucun caractère de permanence. Il s'en suit que la dépense n'en est une que d'opération. 3°. Les cotisations du Ministre lui sont cependant déférées pour plus ample étude et en vue d'une nouvelle cotisation, celle-ci devant représenter la valeur annuelle du vendeur-catalogue compte tenu des commissions payées aux agents vendeurs de la compagnie dans les années précédant l'utilisation du catalogue, et de l'addition d'un léger supplément en prévision de la hausse probable du coût de vente du produit. 4°. Les avances faites par la compagnie à sa subsidiaire en 1954 et 1955 pour se procurer des cuirs à meilleur compte constituent un investissement de capital et ne sont pas déductibles pour établir ses profits (Cf. English Crown Apelter Co. Ltd. v. Baker-5 T.C. 327.) 5°. Les dépenses administratives payées en 1951 et 1952 par la compagnie à l'acquit d'un agent-vendeur mais réclamées à titre de mauvaises créances qu'en 1956, sont inadmissibles en vertu des dispositions de l'art. 11(1) (f ) de la même loi. APPEL d'une décision de la Commission d'appel de l'impôt. L'appel fut entendu par l'Honorable Juge Noël à Québec. Henri Gingras, président de l'appelante, pour celle-ci. Paul Boivin, c.r. pour l'intimé. Les faits et questions de droit sont exposés dans les motivés de la décision que rend maintenant (3 avril 1963) monsieur le JUGE NoËL: La compagnie Frontenac Shoe Ltée, de Québec (P.Q.), excipe devant cette Cour d'une décision de la Commission d'appel de l'impôt, datée du 24 août 19611 par laquelle cette dernière admettait la déduction des sommes payées chaque année par l'appelante à son président et gérant général, M. Henri Gingras, sur une base de 32 pour-cent des ventes directes qu'elle a faites en utilisant un système de vente par 128 Tax AB C. 1. 90136-1la
608 R C de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1964] 1963 catalogue pour lequel ledit Henri Gingras détenait un droit FRONTENAC d'auteur mais refusait de déduire comme mauvaises créances SHOÿLTÉE les montants de $3,500 en 1954 et $3,433.29 en 1955 que le LE R M EV I E N N I U S TRE contribuable a payés à Tannerie Loretteville Ltée pour se DU NATIONAL procurer des cuirs à meilleur compte ainsi qu'une somme de Noël J. $2,819.31 que lui devait Québec Boot & Shoe Regd. et que l'appelante avait déduite de son revenu pour l'année 1956. Le président et gérant général de l'appelante a déclaré à l'audience qu'il s'en remettait quant à la preuve des faits à celle présentée devant la Commission d'appel de l'impôt ainsi qu'aux exhibits versés au dossier et que l'appelante plaiderait par écrit. Cette plaidoirie écrite fut versée au dossier vers la fin d'août 1962 et n'est à peu de choses près que la répétition de ce que le contribuable avait déjà pré-senté devant la Commission d'appel. Comme il s'agit d'une instance de novo, il me faut examiner la cotisation de l'appelante non seulement quant aux montants dont la Commission d'appel a refusé la déduc-tibilité mais aussi quant aux montants payés par l'appelante à son président et gérant général, M. Henri Gingras, pour l'utilisation de son vendeur-catalogue dont la Commission d'appel a permis la déductibilité. L'appelante, Frontenac Shoe Ltée, manufacture des chaussures dans la ville de Québec. M. Henri Gingras en est le président et gérant général et aussi l'actionnaire majori-taire puisque sur 39,900 actions ordinaires émises en 1956 il en détient 38,900. En 1950, nous dit M. Gingras, il conçut l'idée de remplacer les voyageurs de l'appelante par un catalogue et il y travailla à la maison en dehors de ses heures de travail le dimanche et les fêtes. Ce catalogue comprend un code des numéros de semelles, des dessus de chaussures, des talons, des prix et des illustrations qui permettent aux magasins et aux individus qui achètent de l'appelante de le faire directement par correspondance sans passer par un agent vendeur. M. A. Brown en explique l'utilité aux pages 40 et 41 des notes sténographiques: D. Voulez-vous dire si vous jugez ce système comme un système efficace pour l'écoulement de la production d'une manufacture de chaussures? R. C'est à peu près ce que j'ai vu de mieux. La plupart des manufac-turiers ont des catalogues. Il y a une chaussure et c'est avec un numéro, tandis qu'ici un type au courant de son affaire peut bâtir sa chaussure comme il veut et il y a des voyageurs dans la chaussure qui sont vendeurs dans n'importe quoi.
Ex C R EXCHEQUER COURT OF CANADA 1-19641 609 D. Qui vendent autre chose? 1963 R. Non, ils ne connaissent pas ça. Tandis qu'un type qui est au courant FR ONTENAC de son affaire peut bâtir sa chaussure. SHOE LTÉE V. En 1951, soit un an avant la période en cause dans cet LE MINISTRE DU REVENII appel, il en fit faire un essai par l'appelante de ce catalogue N ATIONAL et le 12 février 1952 un contrat intervint entre l'appelante Noël J. et son président et gérant général, M. Henri Gingras, par lequel ce dernier vendait à sa compagnie un droit d'auteur désigné «vendeur Frontenac utilisé pour la fabrication de toutes chaussures de travail dans le Canada entier». Cette vente fut faite pour et en considération de la somme de $1,500,000 que l'appelante s'engageait à payer, heb-domadairement ou mensuellement, sur une base de 32 pour-cent des ventes directes de l'appelante et ce jusqu'à parfait paiement de la somme totale ou de l'extinction du droit d'auteur. La validité du contrat était sujette à ce que M. Gingras, le vendeur, fasse enregistrer à ses frais le droit d'auteur ci-haut mentionné dans le plus court délai, ce qu'il fit, et il obtint, le 13 mai 1953, en vertu de la Loi concernant les droits d'auteur, un certificat sous le numéro 102,000. Le 13 juin 1959, soit subséquemment aux années d'imposition, après les avis d'opposition mais avant les avis d'appel dans la présente cause, un nouveau contrat intervint entre l'appelante et ledit Henri Gingras annulant et remplaçant celui du 12 février 1952 relativement à la vente du même droit d'auteur mais comportant cette fois un prix de $200,000 au lieu de $1,500,000 et fixant la période des paie-ments au paiement complet du prix ou à la mort de son propriétaire, au lieu de jusqu'à l'extinction des droits d'auteur, ce qui aurait été une période s'étendant à cinquante ans après la mort de son auteur. Le président et gérant général de l'appelante, M. Gingras, à la page 23 des notes sténographiques, explique comment ce montant de $1,500,000 fut déterminé : D. Comment avez-vous déterminé le montant de $1,500,000 comme prix de vente? R. Je vous ai dit tantôt que ça été mis à ce montant-là à cause que j'avais été renseigné que je pourrais faire profiter la succession avec du revenu j'avais été informé par un gars sur un droit d'auteur, que on pouvait continuer un certain temps après sa mort, pour con-tinuer à retirer des montants. D. En d'autres mots, si je comprends bien, le prix de $1,500,000 était basé sur des considérations qui n'étaient pas directement reliées avec la valeur de l'objet que vous vendiez mais c'était en considé-ration de succession future.
610 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1964] 1963 R. Oui, monsieur, ça été fait de même. Après ça j'ai eu une informa- tion que pour question de succession, c'était mieux de changer de FRONTENAC SHOE LTÉE montant parce que ça n'aurait pas été la même chose. v. I R vExIIE Et c'est comme nous l'avons vu, qu'un nouveau contrat NATIONAL intervint cette fois pour un montant de $200,000. Quant à la Noël J. fixation de ce prix de $200,000 pour la vente du droit d'auteur d'Henri Gingras, elle aussi semble avoir été faite à peu près sans qu'on sache trop sur quoi on se soit basé pour en arriver à ce montant. En effet, M. Gingras, en réponse à une question du procureur de l'intimé déclare: D. Le montant que la compagnie a payé pour les droits d'auteur se situe avec votre succession, mais elle n'a pas l'air à donner de valeur en elle-même si vous pouvez passer de $1,500,000 à $200,000 simplement parce que vous pensez aux droits de succession, ce que ça valait ou ce qui aurait été ? R. C'était assez difficile à déterminer et il n'y avait personne. D. Vous avez mentionné un prix tout de même? R. Oui. D. Et c'était un prix de vente? R. Oui et j'ai pensé que ce n'était pas correct. On a suggéré au gouvernement de le changer s'il ne trouvait pas ça correct, s'il trouvait le montant déraisonnable et alors on était prêt à mettre un autre montant. Conformément au contrat intervenu entre l'appelante et son principal actionnaire, elle lui versait les montants suivants : 1952 $10,730.53 1953 $10,210.05 1954 $ 7,355.90 1955 $ 7,686.82 1956 $ 8,611.61 L'appelante chargea ces montants comme dépenses d'opé-rations et les déduisit du revenu découlant de ses ventes pour les années ci-haut mentionnées. L'intimé refusa d'admettre ces montants comme dépenses d'opérations pour le motif qu'il ne s'agissait pas de somme déboursées et dépensées par le contribuable aux fins de gagner ou produire le revenu au sens de l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 12 de la Loi de l'impôt sur le revenu mais bien de paiements à compte de capital au sens de l'alinéa b) dudit paragraphe (1) de l'article 12; qûe de toute façon lesdits paiements n'étaient pas raisonnables dans les circonstances au sens du para-
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1964] 611 graphe (2) de l'article 12 de la Loi de l'impôt sur le revenu. 1963 Cet article se lit comme suit: FRONTENAC SHOE LTÉE 12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à v. l'égard LE MINISTRE DU REVENU a) d'une somme déboursée ou dépensée sauf dans la mesure elle l'a NATIONAL été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu Noël J. tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable, b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplacement de capital, d'un paiement à compte de capital d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie, * * * (2) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard d'une somme déboursée ou dépensée, autrement déductible, sauf dans la mesure cette somme était raisonnable dans les circonstances. Cette question de paiements déductibles comme dépenses d'opérations ainsi que de dépenses capitales a été étudiée par la Cour Suprême dans British Columbia Electric Railway Company Limited v. M.N.R 1 et plus particulièrement par le juge Abbott qui, en cette circonstance, parlait au nom de la majorité de la Cour. Après avoir noté et comparé les articles 12(1)a) et b) de l'article correspondant de la Loi de l'impôt de guerre il disait, 'à la page 137: Since the main purpose of every business undertaking is presumably to make a profit, any expenditure made "for the purpose of gaining or producing income" comes within the terms of s. 12(1)a) whether it be classified as an income expense or as a capital outlay. Once it is determined that a particular expenditure is one made for the purpose of gaining or producing income, in order to compute income tax liability it must next be ascertained whether such disbursement is an income expense or a capital outlay. The principle underlying such a distinction is, of course, that since for tax purpose income is determined on an annual basis, an income expense is one incurred to earn the income of the particular year in which it is made and should be allowed as a deduction from gross income in that year. Most capital outlays on the other hand may be amortized or written off over a period of years depending upon whether or not the asset in respect of which the outlay is made is one coming within the capital cost allowance regulations made under s. 11(1)a) of The Income Tax Act. Si l'on s'en tient aux faits de la présente cause, il me semble bien que les montants payés par l'appelant à son président et gérant général pour l'usage de son vendeur Frontenac ont été déboursés en vue de gagner ou de produire un revenu de son entreprise dans le sens large que lui donne le juge Abbott dans la décision précitée, et l'on doit main- 1 [1958] S.C.R. 133.
612 R C de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19641 1963 tenant se demander si ces montants sont des paiements à FRONTENAC compte de capital selon l'article 12(1)b) de la Loi. SHOE LIÉE V. Dans cette même décision le juge Abbott, à la page 137, LE MINISTRE OU REVENU disa i t : NATIONAL The general principles to be applied to determine whether an expendi- Noël J. ture which would be allowable under s 12(1)a) is of a capital nature, are now fairly well established. As Kerwin J., as he then was, pointed out in Montreal Light, Heat & Power Consolidated v. Minister of National Revenue, applying the principle enunciated by Viscount Cave in British Insulated and Helsby Cables, Limited v. Atherton, the usual test of whether an expenditure is one made on account of capital is, was it made "with a view of bringing into existence an advantage for the enduring benefit of the 'appellant's business". Une décision au même effet fut celle de M.N.R. v. Haden Realty Inc.' à la page 110. Dans une cause de W. R. Bannerman v. M.N.R. 2 le Juge en Chef Kerwin, tel qu'il était à ce moment, en rendant la décision majoritaire de la Cour disait à la page 564: .. Under s 12(1)a) of the present Act it is sufficient that an outlay be made or expense incurred with the object or intention that it should earn income, but since in one sense it might be said that almost every outlay or expense was made or incurred for that purpose, a line must be drawn in the individual case depending upon the circumstances and bearing in mind the provisions of s. 12(1)b). Ces principes proviennent tous d'une décision de la Chambre des Lords, soit celle de British Insulated and Helsby Cables, Limited v. Atherton 3 dans laquelle le Lord Chancelier Cave disait: When an expenditure is made, not only once and for all, but I think with a view to bringing into existence an asset or an advantage for the enduring benefit of a trade, I think that there is a very good reason (in the absence of special circumstances leading to an opposite conclusion) for treating such an expenditure as properly attributable not to revenue but to capital En principe, un droit d'auteur constitue un actif qui donne à son propriétaire un avantage durable. Dans le présent cas, comme le souligne M. Boisvert, de la Commission d'appel de l'impôt, l'appelante n'a pas acheté le droit d'auteur de Gingras dans le vendeur Frontenac dans le but de l'exploiter en le vendant à d'autres. Elle ne l'a en fait acheté que pour remplacer partiellement ses agents-vendeurs ou ses jobbers. 1 [1962] S C.R. 109. 2 [1959] S C R 562. 3 [1926] A.C. 205.
Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1964] 613 Elle devra donc payer à M. Gingras chaque année pour 1 9 63 l'usage de son système de vendeur un certain pourcentage F RONTENAC des ventes directes de l'appelante. SHo LTÉE v LE MINISTE Il ne s'a g i ~ t pas ici d'un montantglobal p p a y Y é ' u ne fois mais DII REVENU de montants qui reviennent chaque année et qui sont fixés, NATIONAL comme nous l'avons vu, suivant une proportion des ventes Noël J. directes de l'appelante. Enfin ces paiements ne sont dus que si l'appelante continue à vendre directement à ses clients. Si elle cesse de vendre directement, elle ne devra rien à Henri Gingras. Cette transaction ne donne, par conséquent, rien de permanent à l'appelante. La question de savoir si une dépense est d'une nature capitale ou est une dépense d'opération dépend des circon-stances de chaque cas. Dans la décision du Conseil Privé (supra) le Chancelier Lord Cave a en effet qualifié sa défini-tion d'une dépense à compte de capital en tenant compte comme il le dit de «special circumstances leading to an opposite conclusion» et il faut donc dans chaque cas appli-quer les principes reconnus dans le monde des affaires et de la comptabilité aux faits et circonstances de chaque cas. C'est ce que j'ai tenté de faire ici et ce faisant, il me faut décider que pour les raisons ci-haut mentionnées, ces mon-tants constituent des paiements que la Loi permet à l'appe-lante de déduire de son revenu. En effet il faut toujours examiner de quelle façon un droit acheté a été en fait utilisé par l'acheteur pour décider si le montant payé est déductible ou non comme dépenses d'opérations. Dans le présent cas il ne s'agit pas d'un mon-tant payé une fois poùr toutes mais de montants qui revien-nent chaque année et qui sont fixés d'ailleurs sur un pour-centage des ventes directes de l'appelante et à condition que celle-ci continue à vendre directement à ses clients. Je ne puis voir dans les circonstances autre chose qu'une dépense d'opération déductible. L'on doit cependant se demander si la totalité de ces montants peut être déduite dans la présente cause vu les prescriptions de l'article 12(2) de la Loi qui exigent, comme nous l'avons vu, que ces mon-tants soient «raisonnables dans les circonstances». En effet, les montants payés par l'appelante durant les années en cause pour l'usage du vendeur Frontenac étaient-ils raisonnables? Ce système Frontenac avait-il une grande valeur, a-t-il en fait révolutionné le système de vente de
614 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA 1963 l'appelante comme le déclare M. Gingras et surtout lui a-t-il FRONTENAC permis d'éliminer les dépenses payées aux voyageurs tel qu'il ssoE LTE V le prétend. LE MINISTRE U Du n examen des rapports de l'appelante, confirmé d'ailleurs REVENU NATIONAL par son témoignage, révèle que depuis l'acquisition du ven- Noël J. deur Frontenac, soit depuis 1952, les sommes payées à titre de commissions à certains vendeurs qu'elle a quand même gardés ainsi que les montants payés à M. Gingras en vertu du contrat de vente de son droit d'auteur excèdent de beau-coup ce que la compagnie payait auparavant, à tel point que, sauf pour l'année 1955, depuis l'utilisation du système Frontenac et après paiement des montants dus à M. Gingras, la compagnie est déficitaire tel qu'il appert à l'Ex. I-1 dont une partie est reproduite ci-dessous. FRONTENAC SHOE CO. 1952 Revenu net revisé 10,703.89 Déduire : Copyright 10,730 53 10,210.05 Achat O. Ratté .... Dépréciation 26 64 1,753.12 1,586 66 Mauvaises créances .... 26.64 1,753.12 1,586.66 De plus, il appert que pour chacune des années la compagnie s'est servie du vendeur Frontenac, il lui en a coûté plus cher en commissions et paiements qu'il ne lui en coû-tait auparavant, soit avant l'acquisition dudit vendeur tel que le révèlent les chiffres qui suivent: Avant le vendeur Frontenac Année 1945 1946 1947 1948 1949 1950 1951 Depuis le vendeur Frontenac Année Ventes brutes 1952 $357,758 99 1953 $293,190.33 1954 $241,256 60 1955 $245,155 36 1956 $299,675.00 [1964] LTD. 1953 1954 1955 1958 8,456.93 5,759 24 13,971.44 7,074.66 7,355 90 7,686 82 8,611.61 .... .... 1,016.50 .... 21160 5,056.52 1,706 23 .... .... .... 750 87 5,056.52 955.36 Ventes Commissions $186,140.73 $1,809.17 $217,185 28 $3,434.08 $195,246 05 $3,861.93 $425,046.05 $2,783.75 $290,643.71 $4,838 88 $321,276 27 $4,565.06 $299,306.61 $2,805.77 Paiements à Commissions Gingras $ 931.62 $ 10,730.53 .... $ 10,210.05 $ 955 55 $ 7,355.90 $ 817.62 $ 7,686 82 $1,796.00 $ 8,611.61
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1964] 615 Le président de l'appelante donne cependant, quant aux 1963 commissions payées avant et après l'utilisation du vendeur FaoNTENA c Frontenac, certaines précisions qui nous permettent, je crois, SBovLTEE de mieux apprécier la valeur de ce vendeur. En effet, il LE / tNIST$E explique la différence du coût de vente de $299,000 de DNATTIONALi j chaussures pour l'année 1951 avec l'année 1956 pour à peu Noël J. près le même montant, en disant qu'en 1951 le vendeur Frontenac avait été mis à l'essai, sans cependant qu'il ne retire quoi que ce soit pour son utilité tandis qu'en 1956 il en recevait $8,611.61. Quant à l'année 1948, le chiffre d'affaires de l'appelante était de $425,046.05 et les commissions payées n'étaient que de $2,783.75, il l'explique en disant que l'appelante avait en 1947 obtenu un contrat du Gouvernement hollandais d'environ $600,000 qui a été exécuté en 1948 sur une période de huit mois et l'appelante n'aurait pas vendu à d'autres cette année-là. Il ne peut cependant expliquer les excédents du coût de vente des marchandises de l'appelante pour les autres années et il me semble qu'en tenant compte de ces chiffres ainsi que des circonstances mentionnées par le président de l'appelante, l'on pourrait fixer comme valeur raisonnable de l'usage du vendeur Frontenac une somme annuelle raison-nable qui serait moindre- que les montants payés par l'appe-lante à son président et gérant général et qui seule serait déductible comme dépenses d'opérations. En effet, en tenant compte des montants payés aux agents-vendeurs de l'appe-lante dans les années précédant l'utilisation du vendeur Frontenac par l'appelante et en y ajoutant un léger supplé-ment pour prévoir la hausse probable du coût de vente de ses produits, on peut en arriver à un chiffre pour chacune des années en cause qui représente la valeur annuelle réelle de ce vendeur. J'en viens donc à la conclusion que la cotisation sur ce point doit être déférée au Ministre conformément à l'article 100(5) (c) (iv) de la Loi pour plus ample étude et une nouvelle cotisation. Examinons maintenant les montants de $3,500 et $3,433.29 que l'appelante a payés en 1954 et 1955 respective-ment à Tannerie Loretteville Ltée (compagnie contrôlée par l'appelante et Henri Gingras) pour se procurer des cuirs à meilleur compte qu'elle a déduits du revenu de ces ventes pour les années ci-haut mentionnées comme mauvaises créances en vertu de l'article 11(1) f) de la Loi mais que
616 R C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1964] 1963 l'intimé refuse d'admettre vu les dispositions de l'article FRONTENAC 12(1)b) de la Loi qui se lit comme suit : Sa« LTÉE V. 12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à LE MINISTRE DU REVENU g a rd NATIONAL b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplacement de Noël J. capital, d'un paiement à compte de capital ou d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie Les montants proviennent d'une transaction intervenue entre l'appelante et Tannerie Loretteville Ltée et relatée à l'Ex. A-1, soit le procès-verbal d'une assemblée spéciale des actionnaires de l'appelante, en date du 12 novembre 1949 et qui comporte la résolution suivante: Il est mis à la connaissance des actionnaires présents par M. Henri Gingras que la condition financière de Tannerie Loretteville Ltée qui est le principal fournisseur de la compagnie, n'est pas des plus satisfaisantes. M. Henri Gingras informe les actionnaires que pour protéger les intérêts de la compagnie afin de continuer la réception du cuir fourni par Tannerie Loretteville Ltée, il serait sage d'aider financièrement la compagnie Tannerie Loretteville Ltée pour une certaine période, car par ce moyen d'approvision-nement la compagnie économise en achetant de Tannerie Loretteville Ltée. A la suite de ces remarques il est proposé par Joseph Adjutor Latulippe et secondé par Maurice Gingras que la compagnie soit autorisée sous le surveillance de M. Henri Gingras de prendre connaissance des besoins financiers de Tannerie Loretteville Ltée. Et s'il y a lieu d'aider financièrement Tannerie Loretteville Ltée, ce qui permettra à cette dernière de continuer ses opérations afin de procurer à la compagnie le cuir dont elle a besoin pour sa production. Il est proposé par Maurice Gingras et secondé par Joseph Adjutor Latulippe que les montants qui pourraient être déboursés pour Tannerie Loretteville Ltée soient inscrits dans les livres de la compagnie et considérés comme paiement en acompte des achats qui se feront après que Tannerie Loretteville Ltée aura stabilisé sa finance. M. Gingras relate que l'appelante acheta du cuir de Tannerie Loretteville Ltée jusqu'en 1951. A un certain moment cette compagnie eut des difficultés financières. C'est que l'appelante aurait consenti par la résolution ci-dessus à lui venir en aide en lui faisant des avances «comme acompte sur des factures à venir». Le témoin ajoute que malgré ces avances, Tannerie Loretteville Ltée a quand même cesser ses opérations en 1950 et à ce moment ils étaient endettés envers l'appelante et envers des tiers. Quant aux tiers, c'est l'appelante qui a payé les montants pour le compte de la compagnie. Elle aurait déboursé comme avance à Tannerie Loretteville Ltée pour payer ses dettes une
Ex C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1964] 617 somme de- $6,933.29 dont elle a déduit $3,500 en 1954 et 1963 $3,433.29 en 1955. Il s'agit ici, de l'aveu de M. Gingras, d'une FRONTENAC créance qui ne peut être récupérée. Notons également que S HOÿLTÉE ces déboursés ont été faits en 1950, 1951 et 1952, mais LE MINIsTRE ~ I I RE VENII suivant M. Gingras, c'est soit en 1953 ou en 1954 que l'appe- DNATIONAL lante s'est rendu compte qu'il n'y avait rien à faire avec Noël J. cette créance et comme il le dit à la page 52 des notes sténographiques Mais après ça on a gardé ça dans nos livres, excepté qu'on a décidé de fermer ça dans deux années comme mauvaises créances. Ces montants déboursés à titre d'avances, tel que le pré-tend Henri iGingras, par l'appelante à Tannerie Loretteville Ltée et maintenant irrécouvrables, sont-ils déductibles ou s'agit-il d'un investissement de capital qui ne le serait pas. Dans une cause de English Crown Apelter Co. Ltd. y. Baker" la compagnie appelante s'occupait de smeltage de zinc et à cette fin elle avait besoin de grandes quantités de «blende». Elle forma une nouvelle compagnie pour fournir ce «blende» et de temps en temps recevait des prêts de l'appelante sous forme d'avances. Cette nouvelle compagnie n'eut aucun succès et fut liquidée. Le montant qu'elle devait à l'appelante fut alors rayé par cette dërnière comme mau-vaise créance. Il fut décidé que lesdites avances étaient un investisse-ment de capital et que la perte de ces avances n'était pas déductible pour établir les profits de l'appelante sur cotisation. Il me faut bien décider ici aussi, quant aux deux montants de $3,500 et $3,433.29 qu'il s'agit bien de dépenses impu-tables au capital et par conséquent ils ne peuvent être déduits dans l'établissement des profits de l'appelante. Le troisième item est, comme nous l'avons vu, un mon-tant de $2,219.31 que Quebec Boot & Shoe Regd. devait à l'appelante et que cette dernière a déduit de son revenu pour l'année 1956, comme étant une mauvaise créance. Quebec Boot & Shoe Regd. est une raison sociale appar-tenant à un M. Paul Gingras un des frères de M. Henri Gingras et qui devait agir comme agent-vendeur ou jobber des produits de l'appelante. En l'année 1950 l'appelante a vendu à cette société des produits pour une somme de 1 5 T.C. 327.
618 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1964] 1963 ,,—,_..• $5,187.79. Après la livraison des marchandises, le proprié- FRONTENAC Sam taire de la société, M. Paul Gingras, tomba malade et il LTÉE V. fallut alors que l'appelante reprenne sa marchandise. Si LE MINISTRE DII REVENII l 'o n s 'en tient au témoignage de M. Henri Ging â r r a ~ s, elle p a Y y a NATIONAL en 1951 et 1952 le loyer, les comptes de téléphone et d'élec-Noël J. tricité de la société ainsi que l'entreposage et l'assurance de ses marchandises et les montants ainsi payés se chiffrent à la somme de $2,819.31. Remarquons que bien que ces mar-chandises aient été récupérées en 1951 et que les divers comptes de la société aient été payés au cours des années 1951 et 1952, ce n'est qu'en 1956 que l'appelante réclame ces montants comme mauvaise créance. Ce montant de $2,819.31 ne peut être, par conséquent, déduit comme mauvaise créance en vertu de l'article 11(1) f) de la Loi en l'année 1956. Il me faut donc conclure que la cotisation des montants de $10,730.53 pour l'année 1952, de $10,210.05 pour l'année 1953, de $7,355.90 pour l'année 1954, de $7,686.82 pour l'année 1955 et $8,611.61 pour l'année 1956 soit déférée au Ministre conformément à l'article 100(5) (c) (iv) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour plus ample étude et une nouvelle cotisation basée sur une valeur réelle annuelle du vendeur Frontenac qui soit raisonnable et que les montants de $3,500 pour l'année 1954 et $3,433.29 pour l'année 1955 et $2,819.31 pour l'année 1956 ne sont pas déductibles du revenu de l'appelante. Le présent appel est donc maintenu en partie le tout, cependant, sans dépens étant donné que l'appelante n'était pas représentée par procureur à l'audition de cette cause et n'a fait que présenter à peu de chose près les mêmes motifs qu'elle avait soulevés devant la Commission d'appel de l'impôt. Jugement conforme.
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