Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-958-80
MacMillan Bloedel Limited et Kingcome Naviga tion Company Limited (Demanderesses)
c.
Pan Ocean Bulk Carrier Limited, le navire Yu Kong et A. MacKinnon (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, 11 février; Ottawa, 26 février 1981.
Droit maritime Nomination d'assesseurs Les deman- deresses sollicitent, en vertu de la Règle 492(2), une ordon- nance portant nomination d'assesseurs Action en indemni- sation des dommages qu'auraient subis les demanderesses à la suite d'un heurt Les demanderesses prétendent que la nomination d'assesseurs exclut la présentation, à l'instruction, du témoignage d'experts en matière de navigation et de manoeuvre et matelotage Il a été rendu une ordonnance portant nomination de deux assesseurs Cette ordonnance n'interdisait pas à une partie de citer comme témoins, en vertu de la Règle 482, des experts en matière de manoeuvre et matelotage et de navigation Règles 482, 492(2) de la Cour fédérale.
REQUÊTE. AVOCATS:
J. R. Cunningham et Marc MacEwing pour
les demanderesses.
Nils Daugulis pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Macrae, Montgomery & Cunningham, Van- couver, pour les demanderesses.
Bull, Housser & Tupper, Vancouver, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Les demanderesses sollici- tent, en vertu de la Règle 492(2), une ordonnance portant nomination de deux assesseurs qui assiste- ront la Cour en matière de navigation et de manoeuvre et matelotage.
La seconde demanderesse était propriétaire d'un remorqueur qui, à l'époque en cause, remorquait un train de bois appartenant à la première deman- deresse. Le navire Yu Kong aurait, par négligence, heurté ce train de bois dans le détroit de Géorgie, à l'embouchure du bras nord du Fraser. Une action
en indemnisation des dommages qu'auraient subis les demanderesses a été intentée.
L'avocat des défendeurs estime non, nécessaire en l'espèce la présence d'assesseurs. Toutefois, il ne s'oppose pas vraiment à leur nomination, pourvu que les défendeurs ne soient pas, du fait de cette nomination, empêchés de présenter à l'instruction quant aux faits et points litigieux le témoignage d'experts en matière de navigation et de manoeuvre et matelotage.
L'avocat des demanderesses fait valoir que la présence d'assesseurs exclut la présentation du témoignage d'experts en matière de navigation et de manoeuvre et matelotage. Il s'appuie sur une décision récemment rendue par mon collègue le juge Dubé dans l'affaire Egmont Towing & Sor ting Ltd. c. Le «Telendos» (no de greffe: T - 219 - 79, décision non publiée rendue le 17 novembre 1980), et sur les causes citées à la première note en bas de page de ces motifs. Le juge Dubé dit ceci aux pages 2 et 3:
Au début du procès, l'avocat de la demanderesse demanda la radiation des affidavits de plusieurs des experts que voulaient citer le défendeur, motif pris que le témoignage d'experts en matière de science nautique et de navigation n'est pas admis lorsque siègent des assesseurs.
On reporta le débat sur ce point au moment le défendeur citerait chacun des témoins proposés. Éventuellement il y eut débat en bonne et due forme à ce sujet et on cita abondamment de la doctrine et de la jurisprudence tant anglaise que cana- dienne. J'ai statué que lorsque la Cour bénéficie de l'aide d'assesseurs maritimes, dont le devoir est de la conseiller en matière de connaissances maritimes, le témoignage de person- nes présentées comme expertes en ces matières n'est pas admissible.
J'ai donc rejeté le témoignage des personnes dont les déclara- tions sous serment, les affidavits, révélaient manifestement que leur compétence et le témoignage qu'elles allaient donner con- cernaient exactement le champ de compétence des deux asses- seurs, soit la manœuvre des navires dans le port de Vancouver. Comme je l'ai rappelé aux avocats à l'époque, les deux capitai- nes qui siégeaient avec moi ont eux-mêmes fait, des centaines de fois, entrer et sortir du port de Vancouver aussi bien des bâtiments de mer que des remorqueurs.
J'ai toutefois autorisé le témoignage, à titre d'expert, d'un capitaine dont les compétences relèvent du domaine de l'archi- tecture navale, domaine étranger aux deux assesseurs.
Je ne saurais accepter la proposition générale selon laquelle «le témoignage d'experts en matière de science -nautique et de navigation n'est pas admis lorsque siègent des assesseurs».
J'ai fait connaître mes vues sur ce point dans une annexe à la décision Le Sun Diamond» c. L'«Erawan» (1975) 55 D.L.R. (3 0 ) 138. J'ai exa- miné les usages anglais et ceux de l'ancienne Cour de l'Échiquier, qui suivaient le principe anglais voulant que le témoignage d'experts ne soit pas recevable lorsque siègent des assesseurs. Aucun de ces usages anciens ne lie, à mon avis, la Division de première instance de la présente Cour. J'ai exposé, dans l'affaire Sun Diamond, l'utilisation limitée qui devrait être faite des assesseurs; j'ai aussi exprimé l'avis que la nomination d'assesseurs ne devrait pas exclure le témoignage d'experts en matière de navigation et de manoeuvre et matelo- tage. Je n'ai pas l'intention de répéter ici mes motifs. Je les réaffirme en l'espèce.
Dans l'affaire Nord-Deutsche Versicherungs- Gesellschaft c. La Reine [1969] 1 R.C.É. 117, le juge Noël (devenu plus tard juge en chef adjoint de la Cour fédérale) a siégé avec un assesseur dans un cas il s'agissait essentiellement de questions maritimes, notamment de navigation et de manoeuvre et matelotage. Plusieurs experts en matière de navigation ont été cités comme témoins. On a fait valoir, pour les mêmes raisons que celles avancées en l'espèce par les demanderesses, que le témoignage d'experts était irrecevable. Le juge Noël a rejeté cette objection et autorisé les experts cités comme témoins à déposer. (Voir pages 144 à 146, 148, 155.)
La question dont il s'agit en l'espèce a été soulevée dans une cause récente devant la présente Division soit Misener Transportation Limited c. Le «George N. Carleton» (n° de greffe: T-5952-78, jugement rendu par le juge Marceau le 6 mai 1980, non publié). Un navire, qu'un remorqueur était en train d'aider, avait heurté la paroi d'un quai à Thunder Bay, en Ontario. Une partie avait demandé la nomination d'un assesseur pour aider la Cour. Le juge Mahoney ordonna la nomination, sous condition toutefois que celle-ci n'exclue pas le témoignage d'experts en matière de navigation et de manoeuvre et matelotage. Le juge Marceau, qui a instruit l'affaire, dit ceci à la page 8:
Quelle est donc la cause de ce mouvement de l'arrière du navire dans la mauvaise direction? Un assesseur, le capitaine Storey, m'a assisté pendant ce procès, mais, conformément à une ordonnance de la Cour, sa présence ne devait pas empêcher les parties de recourir à des dépositions d'experts. Les défen- deurs ont cité trois témoins experts dont deux m'ont beaucoup
impressionné par leurs titres et la manière d'exprimer leurs avis, à savoir Jack Augustus Potter, ancien capitaine hauturier, à présent expert maritime, et Cyril Harrison, ancien capitaine et pilote des Grands Lacs qui vient de prendre sa retraite. D'après ces experts, les trois raisons suivantes expliquent la dérive du navire à bâbord:
A la fin des débats en l'espèce, j'ai dit que je rendrais une ordonnance portant nomination de deux assesseurs, et que cette ordonnance n'interdi- rait pas à une partie de citer comme témoins, en vertu de la Règle 482, sur des questions pertinen- tes à la présente action, des experts en matière de manoeuvre et matelotage et de navigation. J'ai également déclaré que je donnerais de brefs motifs écrits au cas les demanderesses voudraient en appeler de mon ordonnance.
Les présentes constituent ces motifs écrits.
Les dépens de la présente requête suivront l'is- sue de la cause.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.