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A-359-80
Bernard W. Evans (Requérant) c.
Le Comité d'appel de la Commission de la Fonc- tion publique (Intimé)
Cour d'appel, les juges Ryan et Le Dain et le juge suppléant Kerr—Ottawa, 29 janvier et 21 mai 1981.
Examen judiciaire Fonction publique Demande de contrôle judiciaire de la décision du Comité d'appel rejetant l'appel du requérant formé contre les nominations faites au poste d'agent correctionnel principal Le requérant, autrefois agent correctionnel, fut jugé par le jury de sélection n'être pas qualifié parce qu'il n'avait pas obtenu la note de passage pour
le facteur «Possibilités de rendement» L'évaluation du jury de sélection était fondée sur une directive du commissaire aux services correctionnels qui voulait que le requérant ne soit pas affecté à un établissement carcéral ni mis en contact avec des détenus Le requérant aurait été la cause d'une émeute Il échet d'examiner si le jury de sélection ne se serait pas écarté des principes du mérite et de l'équité Demande rejetée Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 21 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp.), c. 10, art. 28.
Cette espèce est une demande de contrôle judiciaire de la décision du Comité intimé qui rejetait l'appel du requérant formé contre les nominations faites selon des listes d'admissibi- lité au poste d'agent correctionnel principal. Lors du premier appel du requérant, le Comité d'appel statua que le jury de sélection n'avait pas fait une évaluation régulière de ses «Possi- bilités de rendement». Le jury de sélection fut réuni à nouveau, mais confirma sa décision antérieure. Le requérant, un agent correctionnel, avait été affecté à d'autres fonctions en 1977 par suite de la publicité donnée à l'accusation portée à son égard par un sous-comité parlementaire d'avoir été responsable d'une émeute à l'établissement carcéral Millhaven en 1976. Le jury de sélection décida de ne lui allouer aucun point au niveau du rapport d'évaluation; le requérant n'obtint donc pas la note de passage pour le facteur «Possibilités de rendement» et fut donc jugé non qualifié. L'évaluation du jury de sélection était fondée sur une directive du commissaire aux services correctionnels, consécutive à l'émeute, selon laquelle le requérant ne devait pas être affecté à un établissement carcéral ni mis en contact avec des détenus. Le requérant fait valoir que le jury de sélection n'a pas agi conformément au principe du mérite et ne l'a pas traité conformément aux principes fondamentaux d'équité en ne lui fournissant pas la possibilité de se faire entendre au sujet de la note de service du commissaire sur laquelle il a fondé son évaluation.
Arrêt: la demande est rejetée. Le jury de sélection n'a pas manqué au principe du mérite lorsque, dans les circonstances fort spéciales de l'espèce, il a fondé son évaluation globale des «Possibilités de rendement» du requérant sur le jugement du commissaire sur l'effet probable de la perception publique de la responsabilité du requérant dans les troubles de Millhaven en 1976. Cette évaluation ne pouvait être ignorée par le jury de
sélection. L'avoir fait aurait constitué une entorse au principe du mérite; cela aurait été conclure sur quelque autre fonde- ment, sans lien avec l'ensemble des faits pertinents, qu'il y avait des possibilités de rendement alors qu'il y avait des raisons de croire qu'il n'y en avait point. La limitation imposée au requé- rant quant au lieu de son emploi par le commissaire avait son importance pour l'ensemble de la question des possibilités de rendement ou des aptitudes. Quant à la question de l'équité, un jury de sélection n'est pas obligé d'entendre les candidats d'un concours dans la mesure cela impliquerait un droit d'admi- nistrer des preuves et de débattre des questions litigieuses de fait ou de droit. Sa tâche est d'établir une procédure d'examen ou d'évaluation, d'y procéder et de décider des résultats. Ce n'est pas la fonction d'un jury de sélection de réviser les rapports d'évaluation: il doit prendre le rapport comme il le trouve. La note de service du commissaire relative aux affecta tions du requérant relevait de la même catégorie.
Arrêt mentionné: Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police [1979] 1
R.C.S. 311.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Maurice W. Wright, c.r. et A. J. Raven pour
le requérant.
Walter L. Nisbet, c.r. pour l'intimé.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour le requérant. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Cette espèce est une demande selon l'article 28 de contrôle judiciaire de la décision du 16 mai 1980 d'un Comité d'appel, sur le fondement de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, qui reje- tait l'appel du requérant, selon l'article 21 de cette Loi, formé contre les nominations qui devaient être faites selon deux listes d'admissibilité qu'avait éta- blies un jury de sélection ou de notation pour le poste d'agent correctionnel principal (CX-COF-3 et CX-COF-4) pour les établissements de la région ontarienne du Service correctionnel du Canada, relevant du ministère du Solliciteur général.
La décision entreprise est liée à celle d'un autre Comité d'appel, prononcée le 7 janvier 1980, qui accueillait l'appel du requérant à l'encontre des candidats choisis motif pris que dans son cas on
avait mal évalué un des facteurs de notation. Par suite de cette décision, le jury de sélection s'est réuni à nouveau mais il a confirmé sa première évaluation. C'est de ce choix réaffirmé qu'il y a eu de nouveau appel.
Le choix contesté fut fait par suite d'un con- cours restreint tenu sur le fondement de l'article 5(1)b)(i) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, C.R.C. 1978, Vol. XIV, c. 1337. Le requérant, qui était agent correctionnel au sein du Service des pénitenciers depuis plusieurs années, avait été l'un des candidats retenu après la sélection initiale comme répondant aux [TRADUC- TION] «Exigences fondamentales» décrites dans l'avis de concours comme suit:
[TRADUCTION] Aptitude, confirmée par les antécédents profes- sionnels, à remplir d'une manière satisfaisante les fonctions d'agent correctionnel dans un établissement à sécurité mini mum, moyenne ou maximum. Cette aptitude s'acquiert norma- lement après plusieurs années d'expérience comme agent correctionnel.
Il obtint aussi la note de passage pour ce qui est des qualités essentielles ou facteurs de notation, des [TRADUCTION] «Connaissances» et [TRADUC- TION] «Aptitudes». Le jury de sélection estima cependant qu'il n'était pas qualifié et, en consé- quence, il ne fut pas inscrit sur les listes d'admissi- bilité, parce qu'il n'avait pas obtenu la note de passage pour le facteur de notation [TRADUCTION] «Possibilités de rendement» décrit comme suit dans l'énoncé des qualités:
[TRADUCTION] Possibilités de rendement
Vue d'ensemble de l'aptitude générale—
Parmi les traits requis, on peut citer les suivants:
Aptitude à établir et à maintenir de bonnes relations de travail.
Stabilité, fiabilité, assurance et maturité.
Bon jugement, initiative, discrétion et persuasion.
Attitude manifestement positive vis-à-vis le programme de
formation et de réhabilitation des détenus.
Aptitude à s'adapter à un nouveau milieu.
Ce facteur devait faire l'objet d'une évaluation en partie par entrevue, à laquelle était alloué un total de 50 points sur 70, et en partie sur la base des renseignements fournis par le rapport d'évaluation du candidat, les 20 derniers points y étant alloués. Quinze de ces 20 points étaient alloués pour ce que le rapport d'appréciation appelait [TRADUCTION] «les responsabilités et compétences» et les cinq autres pour [TRADUCTION] «les chances d'avance- ment». Le requérant obtint 36 points sur 50 pour
l'entrevue mais aucun au niveau du rapport d'éva- luation, avec pour résultat qu'il n'obtint pas la note de passage, 42 sur 70, soit 60%, pour le facteur «Possibilités de rendement».
Le comité de sélection fonda son évaluation du requérant, pour ce qui est du rapport d'évaluation, sur le fait que, pour des motifs qui seront donnés ultérieurement, le commissaire aux services correc- tionnels avait ordonné que le requérant, tout en conservant son poste d'agent correctionnel (CX-COF-2), ne soit plus affecté aux fonctions qui y étaient attachées. Le requérant, agent correc- tionnel à Millhaven pendant plusieurs années, avait quitté l'établissement en 1977 sur directive du commissaire et été affecté à d'autres fonctions au centre de l'administration régionale. En réponse à la demande du dernier [TRADUCTION] «Rapport d'évaluation de rendement» du requérant, lequel devait être rédigé sur le formulaire approuvé par le Service correctionnel, on a soumis à l'examen du jury de sélection, un rapport daté du 16 août 1979 et intitulé [TRADUCTION] «Évaluation du rende- ment de M. B. Evans», signé par M. R. Surgenor, chef régional de la sécurité préventive, le supérieur immédiat du requérant, de la Division du Service correctionnel il avait été affecté. Dans le rap port, il est dit que personne dans cette Division n'est qualifié pour évaluer le requérant en tant qu'agent correctionnel car il n'a exécuté aucune des fonctions de ce poste depuis son affectation au personnel de la Division. Au sujet de l'affectation du requérant à des fonctions autres que celles d'agent correctionnel, le rapport dit: [TRADUC- TION] «Le commissaire aux services correctionnels a restreint ses fonctions en interdisant de l'affecter à un établissement carcéral ou de le mettre en contact avec des détenus.» Le rapport décrit ensuite l'attitude du requérant et son rendement dans ses nouvelles fonctions puis fait l'évaluation suivante:
[TRADUCTION] J'évalue M. Evans comme étant de belle pres- tance, intelligent et, j'en suis sûr, fort capable. Je ne doute pas qu'il soit apte à donner un rendement de haut niveau lorsque affecté à un poste qui l'intéresse suffisamment pour qu'il s'y applique. J'éprouve une grande sympathie pour M. Evans à cause de la situation dans laquelle il se trouve mais je dois reconnaître que j'en ai fort peu pour son attitude à ce sujet. M. Evans possède le potentiel nécessaire, cela j'en suis certain. Je dois dire à regret que dans les circonstances actuelles, ce potentiel n'est pas et ne sera pas réalisé.
Lors du premier appel du requérant, le Minis- tère avait pris comme position que la décision du jury de sélection de n'accorder au requérant aucun point au sujet du rapport d'évaluation reposait entièrement sur la phrase du rapport Surgenor selon laquelle «Le commissaire aux services correc- tionnels a restreint ses fonctions en interdisant de l'affecter à un établissement carcéral ou de le mettre en contact avec des détenus.» Le Comité d'appel statua que le jury de sélection n'avait pas fait une évaluation régulière des «Possibilités de rendement» du requérant dans la mesure elle était fondée sur cette limitation des affectations du requérant. Le président déclara:
[TRADUCTION] Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si la lettre de M. Surgenor constitue ou non une évalua- tion valide pour les fins de ce concours puisque le jury de notation a choisi d'en ignorer la plus grande partie et a fondé sa décision de faire échouer l'appelant au niveau des «Possibilités de rendement» sur une phrase unique de celle-ci. Je note que le représentant de l'appelant Evans n'a administré aucune preuve qui réfute l'argument du Ministère voulant que le Ministre ait interdit de mettre M. Evans en contact avec des détenus et donc, par la prépondérance de preuve, je suis prêt à accepter qu'il en est ainsi. Que le Ministre ait eu ou non le pouvoir de prescrire cette restriction, et je considère qu'il n'est pas néces- saire de statuer sur ce sujet, il n'est pas raisonnable à mon avis de conclure qu'un candidat n'a pas de «Possibilités de rende- ment» simplement parce que le Ministre a déclaré qu'il ne peut être mis en contact avec des détenus. La responsabilité d'éva- luer les candidats lors d'un concours appartient au jury de notation, non au Ministre. Le jury de notation doit faire une évaluation indépendante-des compétences des candidats et pro- céder aux nominations aux postes ouverts en fonction du mérite. Ce qui ne restreint en rien tout pouvoir que pourrait avoir le Ministre en vertu de l'article 8(2) de la Loi sur les pénitenciers du Canada de suspendre les fonctionnaires nommés par voie de concours.
Si le jury de notation avait cherché à connaître les raisons de la restriction imposée aux affectations de l'appelant Evans et avait découvert la preuve, valide, que M. Evans n'avait pas les aptitudes personnelles pour être mis en contact avec des déte- nus, je ne sanctionnerais pas le jury pour avoir conclu que l'appelant Evans n'avait pas de «Possibilités de rendement». Toutefois, d'après les déclarations ministérielles lors de l'audi- tion de l'appel, le jury de notation n'a fait aucune tentative pour établir pourquoi une telle limitation à la mobilité de M. Evans avait été imposée. Il est possible que le Ministre l'ait fait pour des raisons n'ayant aucun rapport avec les «Possibilités de rendement» de l'appelant Evans; par exemple, il peut avoir jugé que M. Evans n'avait pas les «Connaissances» lui permettant d'être mis en contact avec des détenus. A mon avis, c'est à tort que le jury de notation a évalué le facteur «Possibilités de rendement» de M. Evans de cette manière.
Postérieurement à la décision du premier Comité d'appel, qui avait accueilli l'appel du re- quérant, pour les , motifs indiqués ci-dessus, M.
Bruce Marsh, conseiller régional en dotation de la Commission de la Fonction publique, écrivit, le 11 janvier 1980, M. Conrad Weck, chef régional de la Dotation en personnel et de la planification de la main-d'oeuvre du Service canadien des péniten- ciers, ce qui suit:
[TRADUCTION] La présente confirme notre conversation télé- phonique du 10 janvier 1980 au sujet de l'appel, accueilli, formé par M. B. Evans à l'encontre des résultats du concours 79-CPS-ONT-CC-5.
La portée de la décision du Comité d'appel serait que le Ministère n'a pas su démontrer ses raisons pour avoir bloqué l'appelant conformément aux normes de sélection (c'est-à-dire au mérite). Il s'impose donc de réévaluer M. Evans au chapitre du facteur possibilités de rendement et de justifier pleinement la notation du Ministère et ses motifs. De nouveaux droits d'appel devront alors être accordés.
Le 8 février 1980, M. A. M. Trono, directeur général régional (Ontario) du Service correction- nel, écrivit une note de service à M. Weck, laquelle incluait une note de service du commissaire aux services correctionnels, à laquelle il se référait comme suit:
[TRADUCTION] Cette note fut écrite par suite des commen- taires de l'agent des appels et des instructions de la CFP au sujet du récent concours CX 3-4. Elle devrait être envoyée au jury de sélection avec instruction de réexaminer la candidature de M. Evans après avoir pris connaissance de la déclaration du commissaire. Advenant que le jury, après examen de tous les renseignements pertinents, à nouveau n'accorde pas ses points à M. Evans, le candidat pourra, cette fois encore, former appel.
La note de service du commissaire adressée à M. Trono doit, je pense, vu son importance en l'es- pèce, être citée entièrement, la voici:
[TRADUCTION] Je désire confirmer la directive que je vous ai donnée au sujet des affectations du fonctionnaire ci-dessus et les nombreuses conversations que nous avons eues à ce sujet. Comme vous le savez, M. Evans fut accusé par un sous-comité parlementaire sur le régime d'institutions pénitentiaires au Canada d'avoir causé une émeute à Millhaven le 5 octobre 1976 par suite des «remarques insultantes« proférées par méga- phone à l'endroit des détenus alors dans la cour des prome nades. Le fait que l'accusation soit l'eeuvre d'un groupe de parlementaires a inévitablement avoir fortement impressioné les détenus. Dans leur esprit, je suis certain que le sous-comité a confirmé leurs allégations, dénuées auparavant de fondement, quant à la façon dont Evans les traitait. Je dois en déduire qu'il existe une forte possibilité que naissent des troubles chez les détenus, avec danger pour Evans d'être blessé, ou pour quelque autre membre du personnel, ou pour les détenus eux-mêmes, s'il devait continuer à exercer les fonctions d'agent correctionnel dans un pénitencier. En outre, je tiens pour certain que les détenus blâmeront Evans pour tout incident qui pourrait se produire qu'il y soit ou non impliqué. Ce qui non seulement aggrave les risques de blessures pour Evans personnellement
mais aussi rendra plus difficile de découvrir la source réelle de ces incidents éventuels. En conséquence, j'estime que continuer d'affecter M. Evans à des fonctions carcérales causerait un risque inacceptable compte tenu des meilleurs intérêts du Ser vice, des fonctionnaires et de la population carcérale elle-même.
Je sais bien qu'Evans n'a pas eu la possibilité de répondre formellement aux accusations du sous-comité. Je crois que s'il avait eu cette possibilité, il aurait pu, comme il dit, «s'exonérer.» Toutefois, je suis d'avis que nous ne sommes pas confronté à une situation que l'on peut changer par des preuves, la persua sion ou une argumentation rationnelle. La couverture que la presse a faite de l'incident et l'accusation du sous-comité au sujet du rôle qu'il y a joué ont placé Evans en évidence; toute réponse qu'il pourrait faire n'aurait vraisemblablement aucun impact significatif sur l'attitude ou les réactions éventuelles des détenus à son affectation à un établissement carcéral. Je vous ai donc ordonné de ne pas l'affecter à des fonctions qui l'obligent à travailler en établissement y inclus au périmètre de sécurité.
Je comprends la situation dans laquelle la directive place M. Evans, qui a été nommé agent correctionnel et qui désire poursuivre une carrière en ce sens. Malheureusement, ses inté- rêts ne sont pas les seuls à prendre en compte. Je vous ai demandé et je lui ai personnellement conseillé de faire tous les efforts possibles pour lui fournir un autre emploi et l'y former. S'il accepte de coopérer en ce sens, je suis sûr qu'il y parviendra.
Ce que la note de service sous-entend, que le requérant a pu être accusé à tort, par le Rapport du sous-comité parlementaire sur le Régime d'ins- titutions pénitentiaires, comme ayant été l'auteur des remarques insultantes considérées comme la cause de l'émeute qui eut lieu à l'établissement Millhaven, est corroboré par le contenu des lettres qu'écrivirent l'honorable Allan Lawrence, lorsqu'il était Solliciteur général, et l'honorable Mark Mac- Guigan, le président du sous-comité. Dans sa lettre à M. B. C. Rutherford du Toronto Star, M. Lawrence déclare: [TRADUCTION] «Je puis vous donner l'assurance que si le Service correctionnel du Canada ou moi-même, en tant que nouveau Solliciteur général, disposaient de preuves qui indi- quent que M. Evans peut avoir été responsable de l'émeute de Millhaven en 1975*, ce dernier ne serait plus membre du Service.» Dans sa lettre du 28 mars 1980 M. Evans, M. MacGuigan écrit: [TRADUCTION] «Que nous ayons eu tort ou raison dans notre description des événements lors des troubles de Millhaven, il n'existe aucune procédure parlementaire qui permette de rectifier le Rapport. Vous disposez cependant d'autres recours.» Lors de l'instruction du second Comité d'appel, le requé-
* [Il faut lire 1976—Voir les Notes du Comité d'appel, p. I 1—Dossier: 80-21-C.S. C.- I 0—l'arrêtiste. ]
rant a déposé; il a dit qu'il n'avait pas proféré les remarques insultantes en cause, qu'il pouvait faire
comparaître plusieurs autres agents du Service, y inclus son supérieur, présents à ce moment-là, pour
confirmer ses dires; il n'avait pas été questionné ni appelé à témoigner devant le sous-comité parle- mentaire et rien dans la preuve administrée devant le sous-comité ne pouvait laisser présumer qu'il était l'auteur de ces remarques insultantes.
Conformément aux instructions de M. Marsh à M. Weck, le jury de sélection s'est réuni à nou- veau; il a pris connaissance de la note de service que le commissaire aux services correctionnels avait adressé à M. Trono et a confirmé sa décision antérieure de n'accorder au requérant aucun point au niveau des «Possibilités de rendement», sur le fondement du rapport d'évaluation. Lors de l'audi- tion devant le second Comité d'appel, M. Pyke, président du jury de sélection, déclara que les membres du jury, à titre de fonctionnaires expéri- mentés du sytème carcéral, partageaient l'avis du commissaire: les risques en cause rendaient impos sible de permettre au requérant d'être mis en présence des détenus. Les membres du jury, insis- tait-il, s'étaient fait leur propre opinion, indépen- dante, des possibilités de rendement ou des aptitu des du requérant à la lumière de l'accusation portée par le sous-comité parlementaire, soit qu'il était le responsable de l'émeute. Voici certains des passages de son témoignage à ce sujet:
[TRADUCTION] ... le jury a conclu qu'indépendamment de toute autre considération, M. Evans ne pouvait travailler dans un milieu carcéral et qu'en conséquence il échouait pour ce qui est du facteur possibilités de rendement. (Dossier conjoint, vol. I, p. 134)
... d'après l'expérience, encore une fois, du jury de sélection, les déclarations et inquiétudes de la direction supérieure étaient jugées valides, pertinentes et réalistes; elles amenaient le jury à tirer ses propres conclusions et à en arriver à une décision indépendante sur les aptitudes personnelles de M. Evans .... (Dossier conjoint, vol. I, p. 134)
Q. Quelles que soient les preuves, d'après ce que vous dites, quelles que soient les preuves que l'appelant aurait pu adminis- trer pour démontrer qu'il n'était aucunement impliqué dans l'émeute, cela n'aurait eu aucune conséquence sur la décision du jury de sélection?
R. En effet. Si M. Evans pouvait se présenter demain devant un tribunal quelconque et être reconnu 100% innocent et recevoir toutes les excuses du monde, cela ne saperait nullement le fondement de la décision. Il a été désigné comme responsable, à tort ou à raison, et le fait qu'il puisse être reconnu innocent
demain ne changera jamais l'opinion des détenus. Ils ne chan- geront tout simplement pas d'opinion. C'est par suite des délibérations du jury, fondées sur notre expérience du travail en régime carcéral et, encore une fois, je dois citer ... M. Done ... au sujet de l'expérience personnelle. J'ai travaillé avec M. Evans. Nous avons travaillé en régime carcéral ensemble. Je sais ce qui arriverait si M. Evans devait pénétrer dans un établissement carcéral. Le jugement des trois membres du jury est valide; oui, sa sécurité personnelle constitue un facteur en cause et c'est ce facteur, la sécurité personnelle, dont nous avons à tenir compte. (Dossier conjoint, vol. I, p. 137)
Et, en conscience, nous ne pouvons concevoir que M. Evans travaille .en-dedansu avec cela au-dessus de sa tête, en régime carcéral, en présence des détenus et de ses collègues agents correctionnels. 11 y avait tout simplement carence d'aptitude personnelle. (Dossier conjoint, vol. I, pp. 139 et 140)
Les moyens invoqués par le requérant devant le second Comité d'appel peuvent être résumés comme suit: (1) le premier jury de sélection n'avait pas le pouvoir de se réunir à nouveau et de rééva- luer le requérant au niveau des «Possibilités de rendement»; (2) ce faisant, il a enfreint deux prin- cipes de justice naturelle—(a) il n'a pas entendu le requérant au sujet de la nouvelle preuve dont il était saisi, et (b) il a agi comme juge et partie en sa propre cause; (3) il a irrégulièrement évalué le requérant au chapitre des «Possibilités de rende- ment» en se fondant entièrement sur une phrase unique du rapport Surgenor: «Le commissaire aux services correctionnels a restreint ses fonctions en interdisant de l'affecter à un établissement carcé- ral ou de le mettre en contact avec des détenus», et en ignorant le reste de ce rapport, présenté comme rapport d'évaluation du rendement du requérant; (4) M. Trono est intervenu irrégulièrement dans le processus de sélection en donnant la directive sui- vante à M. Weck: «Elle [la note] devrait être envoyée au jury de sélection avec instruction de réexaminer la candidature de M. Evans après avoir pris connaissance de la déclaration du commis- saire»; et (5) le jury de sélection a irrégulièrement évalué le requérant au chapitre des «Possibilités de rendement» lorsqu'il s'est référé à l'opinion ou au jugement du commissaire aux services correction- nels dans sa note de service adressée à M. Trono sans procéder à une évaluation indépendante.
Le Comité d'appel rejeta ces moyens. La lettre de M. Marsh à M. Weck constituait un fondement suffisant pour le jury de sélection de se réunir et de réévaluer les «Possibilités de rendement» du re- quérant à la lumière de la note de service du
commissaire. D'après un arrêt de notre juridiction, les règles de la justice naturelle ne s'appliquent pas à un jury de sélection. Le jury de sélection avait-il régulièrement évalué les «Possibilités de rende- ment» du requérant? Certes, il avait fait usage d'un [TRADUCTION] «outil de sélection» différent des rapports d'évaluation utilisés pour les autres candidats mais ce n'était pas un motif, compte tenu des circonstances particulières, pour tenir que le requérant avait été irrégulièrement évalué à cet égard. Le Comité d'appel a jugé que le jury de sélection avait fondé sa première évaluation sur la phrase unique du rapport Surgenor: «Le commis- saire aux services correctionnels a restreint ses fonctions en interdisant de l'affecter à un établisse- ment carcéral ou de le mettre en contact avec des détenus» et sa réévaluation sur la note de service du commissaire. En fait l'évaluation et la réévalua- tion du requérant n'avaient pas été fondées sur le rapport d'évaluation pour les 20 des 70 points attribuables à cette forme d'évaluation mais plutôt sur l'opinion du commissaire, que partageait le jury de sélection, que les possibilités de rendement du requérant en tant qu'agent correctionnel avaient été réduites à néant par les remous provo- qués par le Rapport du sous-comité. A ce sujet, le Comité d'appel déclarait:
[TRADUCTION] Le jury de sélection n'a pu obtenir le Rap port d'évaluation de rendement (PEN 1416) de l'appelant puisque ce formulaire n'est rempli que pour les agents de sécurité et que le requérant n'exerce pas les fonctions d'un agent de sécurité. Il s'ensuit que le jury n'avait pas de notation dans le cas de l'appelant aux niveaux «Responsabilités et com- pétences» à titre d'agent de sécurité et, en l'absence de cette notation, il ne pouvait lui accorder de point à cet égard. D'autre part, le jury de sélection connaissait les vues du commissaire aux services correctionnels sur le pourquoi qui interdisait au requérant personnellement d'occuper le poste pour lequel le concours était ouvert. Après avoir soigneusement considéré le fait que le jury de sélection avait fait usage d'un outil de sélection pour évaluer en partie le requérant, au niveau du facteur de notation «Possibilités de rendement,,, différent de celui utilisé pour les autres candidats, je ne juge pas, dans les circonstances, que cet accroc aux pratiques normales a été déraisonnable. Je dois souligner que j'en suis venu à cette conclusion à la lumière des faits particuliers de l'espèce et que je ne désire pas être interprété comme étant d'opinion qu'un jury de sélection peut, en général, faire usage d'outils de sélection différents, à volonté, pour évaluer les candidats. Les faits de chaque espèce doivent, je pense, être pris en compte avant d'en arriver à la conclusion que l'emploi d'outils de sélection différents, pour l'évaluation de candidats différents, s'impose; en l'espèce j'estime que cette procédure s'imposait.
Quant à la question de savoir si le jury de sélection était en droit d'accorder du poids à l'opi- nion ou au jugement qu'exprimait dans sa note de service le commissaire, le Comité d'appel dit:
[TRADUCTION] Les commentaires que le commissaire aux ser vices correctionnels fait dans sa note de service du 4 février 1980 peuvent fort bien être qualifiés «d'opinion». Toutefois, je considère raisonnable pour le jury de sélection d'avoir jugé que cette «opinion» constituait un «élément de preuve valide» sur lequel on pouvait fonder l'évaluation de l'appelant au niveau du facteur de notation «Possibilités de rendement», compte tenu de la position qu'occupe l'auteur de «l'opinion» et de la nature de ses commentaires. En outre, je dois ajouter qu'aucune preuve n'a été administrée pour démontrer qu'on ne s'était pas fait cette «opinion» en toute «bonne foi». En conséquence, je ne puis conclure, vu les informations que le jury de sélection a pris en compte, que l'appelant a été irrégulièrement évalué au niveau du facteur de notation «Possibilités de rendement».
L'argument du requérant dans la présente demande selon l'article 28 est en essence que lors de sa réévaluation au niveau du facteur «Possibili- tés de rendement», le jury de sélection n'a pas agi conformément au principe du mérite et ne l'a pas traité conformément aux principes d'équité fonda- mentaux nécessairement reliés à ce principe et qu'en conséquence, le Comité d'appel a, à tort en droit, débouté le requérant.
Le requérant fait valoir son droit d'être évalué ou d'être réévalué au niveau du facteur «Possibili- tés de rendement» sur la base de son rapport d'évaluation, comme les autres candidats, plutôt que sur la base d'une opinion du commissaire selon laquelle il pouvait ou non être affecté à un poste d'agent correctionnel dans un établissement car- céral par suite de la publicité donnée à l'accusation ou constatation qu'il avait été responsable de l'é- meute de Millhaven en 1976. A l'appui de ce moyen, les avocats du requérant ont aussi fait valoir que le jury de sélection avait le devoir d'évaluer les compétences du requérant pour le poste et non de décider si pour quelque autre raison il ne devait pas ou ne pouvait pas être nommé à ce poste. L'évaluation des compétences appartient au jury de sélection; la question de savoir si un individu par ailleurs compétent ne devrait pas, pour quelque motif spécial, être nommé à un poste particulier appartient à la Com mission de la Fonction publique. Par ses agisse- ments, le jury de sélection a privé le requérant d'une évaluation réelle de ses compétences pour le poste d'agent correctionnel principal. Il a évalué ses «Possibilités de rendement» sur une base diffé-
rente de celle des autres candidats et ainsi s'est écarté ou a enfreint le principe du mérite.
D'après la déposition faite devant le Comité d'appel, le jury de sélection avait demandé le dernier en date des rapports d'évaluation des can- didats. On a affirmé, sans que cela ne soit contre- dit, lors de l'instruction de la demande selon l'arti- cle 28 que le dernier en date des rapports d'évaluation du requérant comme agent correc- tionnel (CX-COF-2), remontait à 1977, environ deux ans avant le concours. En 1977, on déplaça le requérant de l'établissement Millhaven pour l'af- fecter, selon la directive du commissaire, à des fonctions «d'agent de sécurité» au centre de l'admi- nistration régionale. Le rapport du 16 août 1979 de M. Surgenor, quoique intitulé «Évaluation du rendement» révèle que personne dans la Division avait été réaffecté le requérant après 1977 n'était qualifié pour soumettre un «Rapport d'éva- luation de rendement» à son sujet comme agent correctionnel (CX-COF-2) et je déduis du rapport et de la déposition faite devant le Comité d'appel qu'il n'a pas été jugé possible, vu la mesure dans laquelle le requérant a été à même ou a voulu exécuter les fonctions «d'agent de sécurité» au centre de l'administration régionale, de soumettre un «Rapport d'évaluation de rendement» au sujet du requérant en tant qu'«agent de sécurité» selon la formule approuvée par le Service correctionnel du Canada, formulaire apparemment annexé au rap port de M. Surgenor. La preuve administrée démontre clairement, comme l'a constaté le Comité d'appel, que le jury de sélection n'a pas fait reposer son évaluation du requérant, au sujet du facteur «Possibilités de rendement», sur ce qui était dit dans le rapport de M. Surgenor si ce n'est sur cette phrase unique: «Le commissaire aux ser vices correctionnels a restreint ses fonctions en interdisant de l'affecter à un établissement carcé- ral ou de le mettre en contact avec des détenus.»
L'argumentation qu'a fait valoir le requérant à ce sujet devant le premier Comité d'appel a été résumée par celui-ci comme suit: [TRADUCTION] «Le jury de notation, en conséquence, aurait obtenir un rapport d'évaluation régulier d'un supé- rieur de l'appelant au niveau CX 2 ou, advenant que cela ne soit pas possible, le jury aurait faire reposer son évaluation de l'appelant pour ce qui est des `Possibilités de rendement' uniquement sur les
résultats de l'entrevue.» Le premier Comité d'appel n'a pas exprimé d'opinion quant à savoir si le rapport Surgenor était conforme aux exigences des rapports d'évaluation apparemment parce que le jury de sélection ne s'était pas fondé sur le rapport en son entier mais seulement sur cette phrase unique précitée relative à la limitation imposée aux affectations du requérant. Mais le premier Comité d'appel a jugé que le jury de sélection pouvait fort bien fonder son évaluation des «Possibilités de rendement» sur cette limitation s'il constatait, après enquête régulière, qu'il y avait [TRADUC- TION] «preuve, valide, que cela était relié aux `Possibilités de rendement'.» Selon les termes du premier Comité d'appel: «Si le jury de notation avait cherché à connaître les raisons de la restric tion imposée aux affectations de l'appelant Evans et avait découvert la preuve, valide, que M. Evans n'avait pas les aptitudes personnelles pour être mis en contact avec des détenus, je ne sanctionnerais pas le jury pour avoir conclu que l'appelant Evans n'avait pas de `Possibilités de rendement'». La faute du jury de sélection, constatée par le premier Comité d'appel, n'était pas de s'être fondé sur la limitation plutôt que sur un rapport d'évaluation mais de n'avoir pas fait enquête ni procédé à une évaluation indépendante des motifs de cette limitation.
Dans la mesure le jury de sélection devait, ou était justifié, d'agir conformément aux motifs donnés par le premier Comité d'appel pour rééva- luer le requérant au chapitre des «Possibilités de rendement» selon les instructions de la Commis sion, je ne pense pas qu'il était requis de se fonder sur un rapport d'évaluation rédigé en la forme habituelle; il pouvait avoir recours à la limitation du commissaire s'il la jugeait bien fondée, comme à un facteur prépondérant ou péremptoire qui interdisait d'accorder une note de passage au cha- pitre des «Possibilités de rendement». Je ne vois pas comment, vu cette limitation et l'opinion sur laquelle elle reposait, si reconnues bien fondées par le jury de sélection, celui-ci aurait pu évaluer le requérant comme satisfaisant aux exigences mini mums en matière de «Possibilités de rendement». Le devoir du jury de sélection était de procéder à une évaluation globale en matière de «Possibilités de rendement» y compris, selon les termes de l'énoncé des qualités du poste, à une «Vue d'en- semble de l'aptitude générale» du candidat et non
pas de déterminer quelles auraient été les «Possibi- lités de rendement» du requérant si elles n'avaient pas été diminuées pour les raisons données par le commissaire. L'opinion du commissaire était clai- rement reliée au rendement. Ce n'était pas un motif de ne pas nommer le requérant n'ayant aucun rapport avec les compétences que devait évaluer le jury de sélection. En vérité, comme l'a soutenu d'ailleurs l'avocat de l'intimé, il y avait un lien non seulement avec ce facteur spécifique des «Possibilités de rendement» mais aussi avec l'exi- gence fondamentale dite d'«aptitude ... à remplir d'une manière satisfaisante les fonctions d'agent correctionnel dans un établissement à sécurité minimum, moyenne ou maximum.» Le fait essen- tiel sur lequel l'opinion du commissaire était fondée, soit la publicité qu'avait reçue la constata- tion ou accusation du Rapport du sous-comité parlementaire selon laquelle le requérant était res- ponsable des remarques insultantes qui avaient provoqué les troubles à la prison Millhaven, avait été soumis au jury de sélection. Certes, une enquête du jury de sélection pour savoir si l'accu- sation du sous-comité était fondée aurait aidé à satisfaire le désir compréhensible du requérant d'obtenir justice; mais je ne pense pas que cela eût été une attribution ou fonction du jury de sélection d'y procéder. Il ne s'agissait pas d'un tribunal compétent pour procéder à une semblable enquête. Ce qui était en cause, comme l'indique l'opinion du commissaire, opinion à laquelle les membres du jury de sélection ont souscrit en s'appuyant sur leur propre expérience du système carcéral, c'était l'effet probable de l'accusation, avec la publicité qui lui fut donnée, sur l'attitude des détenus, indé- pendamment de toute tentative postérieure de rétablir les faits ou d'en présenter une vue diffé- rente. C'était là, nul doute, une opinion, un juge- ment; mais il était fondé sur des faits et sur l'expérience, sans différence essentielle des autres aspects de l'évaluation personnelle. Il avait un certain fondement. C'est le sens, je pense, qui doit être donné à cette exigence de «preuve valide» qu'on retrouve dans les motifs du premier Comité d'appel.
L'espèce en cause ne laisse pas d'être troublante car la preuve administrée suggère fortement que le requérant a subi une injustice et qu'il a cherché en vain un forum on y aurait remédié. Le commis- saire et le jury de sélection ont été d'avis que
compte tenu de la mentalité des détenus et de leur comportement, on ne saurait y remédier, du moins pour ce qui est des possibilités pour le requérant d'être mis en contact avec eux. On ne peut accep- ter cette conclusion qu'à regret mais c'est le jugement de personnes ayant l'expérience du sys- tème carcéral. Ni le Comité d'appel ni la Cour ne sauraient substituer leur jugement à cet égard au leur.
En conséquence, je reconnais avec le Comité d'appel que le jury de sélection n'a pas manqué au principe du mérite lorsque, dans les circonstances fort spéciales de l'espèce, il a fondé son évaluation globale des «Possibilités de rendement» du requé- rant sur le jugement du commissaire, qu'il parta- geait, quant à l'effet probable de la perception publique de la responsabilité du requérant dans les troubles de Millhaven en 1976. C'était une évalua- tion sur des critères différents de ceux appliqués dans- le cas des autres candidats parce qu'elle était particulière au cas du requérant. Le jury de sélec- tion ne pouvait ignorer cette particularité. L'avoir fait aurait constitué une entorse au principe du mérite; cela aurait été conclure sur quelque autre fondement, sans lien avec l'ensemble des faits per- tinents, qu'il y avait des possibilités de rendement alors qu'il y avait des raisons de croire qu'il n'y en avait point. La limitation imposée par le commis- saire a été portée à l'attention du jury de sélection à un stade particulier du processus sélectif—en réponse à la demande d'un rapport d'évaluation— mais cela ne veut pas dire que la limitation n'avait d'importance qu'à ce stade de l'évaluation. Elle avait son importance pour l'ensemble de la ques tion des possibilités de rendement ou des aptitudes.
Le moyen principal qu'invoque le requérant en matière d'équité est que le jury de sélection ne lui a pas fourni la possibilité de se faire entendre au sujet de la note de service du commissaire sur laquelle il a fondé sa réévaluation. L'avocat du requérant a reconnu que le jury de sélection n'exerçait pas une fonction juridictionnelle, judi- ciaire ou quasi judiciaire, soumise aux règles de justice naturelle, mais il a fait appel à la doctrine dite de l'équité, reconnue par la Cour suprême du Canada dans Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police [1979] 1 R.C.S. 311. A mon avis, un jury de sélection n'est pas obligé d'entendre les candidats
d'un concours dans la mesure cela impliquerait un droit d'administrer des preuves et de débattre de questions litigieuses de fait ou de droit. Il est comme tout organisme enquêteur. Sa tâche est d'établir une procédure d'examen ou d'évaluation, d'y procéder et de décider des résultats. Il n'est pas obligé, par exemple, d'offrir aux candidats la pos- sibilité de se faire entendre sur les mérites d'un rapport d'évaluation. Des procédures administrati- ves internes peuvent bien prévoir la révision des rapports d'évaluation mais ce n'est pas la fonction d'un jury de sélection; il doit prendre le rapport comme il le trouve. La note de service du commis- saire relative aux affectations du requérant relevait à mon avis de la même catégorie.
Par ces motifs, je rejetterais donc la demande
fondée sur l'article 28.
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LE JUGE RYAN y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
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