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T-5512-80
Lount Corporation, Atpro Inc. et Satel Consul tants Limited (Demanderesses)
c.
Le procureur général du Canada, le ministre des Communications et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Défen- deurs)
Division de première instance, le juge Marceau— Ottawa, 26 et 27 mai 1981.
Pratique Requête en radiation des plaidoiries Les défendeurs cherchent à faire radier certains paragraphes de la déclaration des demanderesses aux motifs qu'ils ne sont pas essentiels et peuvent causer préjudice à l'instruction équitable de l'action Les demanderesses sollicitent un jugement déclaratoire reconnaissant que l'exploitation de leur station terrestre n'est pas subordonnée à l'obtention d'une licence sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur la radio Elles sollicitent également une ordonnance interdisant aux défendeurs de fermer la station ou d'entraver son exploi tation Requête accueillie Les allégations faites aux paragraphes contestés n'ont rien à voir avec les questions soulevées dans l'action Règle 419(1)6) et d) de la Cour fédérale.
REQUÊTE. AVOCATS:
Georges R. Thibaudeau pour les demanderes- ses.
E. A. Bowie, c.r. et C. Williamson pour les défendeurs le procureur général du Canada et le ministre des Communications.
Robert J. Buchan pour le défendeur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
PROCUREURS:
Doheny, Mackenzie, Grivakes, Gervais & LeMoyne, Montréal, pour les demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs le procureur général du Canada et le ministre des Communications.
Johnston & Buchan, Ottawa, pour le défen- deur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARCEAU: La présente requête, intro- duite pour le compte des défendeurs en vertu de la Règle 419(1)b) et d) des Règles générales de la Cour fédérale, tend au prononcé d'une ordonnance de radiation de cinq paragraphes de la déclaration aux motifs qu'ils ne sont pas essentiels et peuvent causer préjudice, gêner ou retarder l'instruction équitable de l'action.
Les demanderesses sont toutes, à divers titres, mêlées à l'exploitation et à l'utilisation, à l'hôtel Holiday Inn de Winnipeg, de ce qu'on appelle une station terrestre ou antenne parabolique servant à recevoir directement des signaux de télévision transmis par un satellite américain. En 1980, des représentants du ministère des Communications leur ont fait savoir que leur station terrestre devait être fermée, sous peine de poursuites et de saisie de l'équipement, au motif qu'une licence était néces- saire pour toute station terrestre de réception de signaux transmis par satellite, celle-ci étant une entreprise de radiodiffusion dont l'exploitation devait faire l'objet d'une autorisation en vertu soit de la Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, c. B-11, soit de la Loi sur la radio, S.R.C.1970, c. R-1. Les demanderesses ont donc interrompre l'utilisation de leur installation. Toutefois, elles ne se sont conformées à l'ordonnance que pour éviter la saisie et sous réserve de leurs droits, prétendant que l'exploitation d'une station terrestre n'allait pas à l'encontre de la Loi sur la radiodiffusion et n'était pas subordonnée à l'obtention d'une licence sous le régime de la Loi sur la radio, puisqu'il ne s'agissait pas d'une entreprise de réception de radiodiffusion au sens de ces Lois. Elles ont alors intenté la présente action précisant le fondement de leur contestation et tendant à l'obtention de trois redressements précis: a) un jugement déclara- toire reconnaissant que l'exploitation par les demanderesses de la station terrestre n'est pas subordonnée à l'obtention d'une licence sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion; b) une déclaration que cette exploitation n'est pas davan- tage subordonnée à l'obtention d'une licence sous le régime de la Loi sur la radio; et c) une ordon- nance interdisant aux défendeurs, à leurs manda- taires et à leurs représentants de fermer ladite station ou d'entraver de quelque autre façon son exploitation.
Les cinq paragraphes de la déclaration dont la radiation est demandée dans la présente requête sont ainsi rédigés:
[TRADUCTION] I1. Il ressort du discours prononcé par le ministre des Communications à Toronto, le 21 octobre 1980, et des mesures prises et menaces faites par le ministère des Communications, par l'entremise de ses représentants, à l'en- contre de la Lount relativement à l'exploitation de sa station terrestre, que le ministère et le ministre des Communications se sont engagés dans une politique d'interdiction générale de l'exploitation de stations terrestres par les hôteliers et proprié- taires d'appartements dans la partie sud du Canada, lesquelles stations reçoivent des signaux transmis par un satellite américain.
14. En conséquence, le ministère et le ministre des Communica tions, en ordonnant à leurs mandataires, à leurs employés et à leurs représentants, en application de cette politique, de fermer et de saisir la station terrestre exploitée par la Lount et de poursuivre celle-ci, agissent illégalement, arbitrairement, de façon discriminatoire et ne se fondent sur aucun pouvoir décou- lant d'une loi ou autre source de droit.
15. L'application de cette politique à la Lount est non seule- ment illégale pour les raisons susmentionnées, mais aussi arbi- traire et abusive en ce que le ministère des Communications, tout en reprochant à la Lount d'exploiter la station terrestre sans licence, a déclaré à la fois oralement et par écrit qu'il n'accorderait pas de licence à la station terrestre, du fait des accords internationaux auxquels le Canada était partie et qui interdisaient la réception des signaux transmis par un satellite américain.
16. En dépit de ces prétendues obligations imposées par des traités internationaux, le ministre des Communications a, dans le discours susmentionné, précisé que cette politique serait appliquée d'une façon sélective et discriminatoire, c'est-à-dire qu'elle serait appliquée aux hôteliers et aux propriétaires d'ap- partements des milieux urbains du sud du Canada, mais non aux particuliers qui reçoivent pour leur usage personnel des signaux de télévision transmis par satellite, ni à ceux qui exploitent de telles stations terrestres dans des communautés isolées.
17. Les demanderesses contestent en outre qu'il existe un traité ou accord international dont le Canada soit signataire, qui ait été promulgué comme partie du droit interne du Canada, qui soit légalement obligatoire ou exécutoire et qui interdise à un citoyen canadien ou à une entité exerçant ses activités au Canada d'utiliser du matériel de réception en général et une station terrestre en particulier qui reçoivent des signaux trans- mis par un satellite américain.
Il est bien établi en jurisprudence qu'une requête en radiation fondée sur la Règle 419 ne doit être accueillie que dans des cas parfaitement clairs. Or, à mon avis, il s'agit en l'espèce d'un tel cas.
Il me semble tout à fait clair que l'allégation faite au paragraphe 11 n'est pas essentielle. La «politique» du ministère et du ministre des Com-
munications n'a rien à voir avec la détermination de la question soulevée par l'action, savoir si la station terrestre exploitée par les demanderesses est une entreprise de radiodiffusion dont l'exploita- tion doit faire l'objet d'une autorisation sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion et d'une licence sous l'empire de la Loi sur la radio, et si ces Lois confèrent au Ministre et à ses représen- tants le pouvoir «de saisir et de fermer» la station, au motif que celle-ci est exploitée sans autorisation ni licence.
Il me semble également clair que les allégations faites aux paragraphes 15, 16 et 17 n'ont rien à voir avec les questions soulevées dans l'action, alors que celles du paragraphe 14 ne sont pas pertinentes dans la mesure elles se rapportent à quelque mesure prétendument arbitraire ou discri- minatoire de la part du Ministre ou de ses repré- sentants. Si je comprends bien, les demanderesses font valoir dans leur action que le Ministère et le Ministre ne tiennent de la Loi sur la radiodiffu- sion ou de la Loi sur la radio aucun pouvoir de faire obstacle à l'exploitation de leur station terres- tre. Leur prétention s'arrête et elles ne sauraient avancer quelque autre argument, puisqu'il ressort des faits allégués qu'elles n'ont jamais demandé de licence et, par conséquent, n'ont jamais donné au Ministre la possibilité d'agir envers elles d'une façon arbitraire ou discriminatoire, dans la mise en oeuvre d'une politique générale requise par quelque accord international. Aucun des redressements demandés ne se rapporte à ces prétentions.
Pour ces motifs, j'estime que la requête est bien fondée pour ce qui est des paragraphes 11, 15, 16, 17 et d'une partie du paragraphe 14. I1 y a donc lieu de rendre une ordonnance dans ce sens.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE la radiation des paragra- phes 11, 15, 16 et 17 de la déclaration dans la présente action, et des mots «arbitrairement» et «de façon discriminatoire» du paragraphe 14.
Les défendeurs auront droit aux dépens de la présente requête.
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