NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
Juges et Tribunaux
Sujet connexe : Pratique
Appel de la décision de la Cour fédérale (2023 CF 31) rejetant la demande présentée par les appelants en vue de contester le processus de nomination des juges prévu aux articles 96 et 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 — Les appelants ont allégué que le processus de nomination est soumis au pouvoir discrétionnaire, à l’influence et à l’ingérence politiques du ministre fédéral de la Justice et du Cabinet — Ils ont soutenu que ce pouvoir, cette influence et cette ingérence minent l’indépendance institutionnelle de la magistrature, en violation des articles 7 et 24 et de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés et de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 — Les appelants ont prétendu que la Cour fédérale a commis des erreurs susceptibles de révision tant dans ses décisions en matière de preuve, dans lesquelles elle a jugé inadmissible une grande partie de la preuve qu’ils avaient présentée, que dans son traitement de leur demande au fond — La Cour fédérale a radié plusieurs paragraphes des deux affidavits de l’un des appelants, ainsi que plusieurs pièces jointes à ces affidavits — Elle a conclu que ces paragraphes et ces pièces constituaient soit une preuve par ouï-dire inadmissible, soit un témoignage d’opinion inadmissible qui n’avait pas été présenté par un témoin expert compétent — Une grande partie des éléments de preuve radiés par la Cour fédérale consistait en des articles de journaux, des éditoriaux et des articles d’opinion publiés dans des journaux ou sur les sites Web de journaux — En outre, la Cour fédérale a radié une lettre du Conseil canadien de la magistrature (le CCM), un rapport de 2016 de la section canadienne de la Commission internationale de juristes (la CIJ), un article rédigé par un professeur de droit ainsi que des observations du président de l’Association du Barreau canadien (l’ABC) — Notamment, les appelants ont prétendu que la Cour fédérale a commis des erreurs manifestes et déterminantes en concluant à l’inadmissibilité de certains de ces éléments de preuve — Plus précisément, ils ont fait valoir que la Cour fédérale aurait dû conclure que deux des articles de journaux et la lettre du CCM, qu’elle a radiés au motif qu’il s’agissait d’une preuve par ouï-dire inadmissible, satisfaisaient au double critère de la fiabilité et de la nécessité, et qu’elle a commis une erreur en concluant le contraire — Il s’agissait de déterminer si la Cour fédérale a commis une erreur en tirant cette conclusion — Il n’y avait pas d’erreur dans les décisions en matière de preuve de la Cour fédérale — Les articles de journaux ne sont généralement pas admissibles, car ils constituent une preuve par ouï-dire et ne satisfont pas au critère de fiabilité nécessaire pour être admis en preuve devant la cour — Rien ne permettait d’annuler la conclusion de la Cour fédérale concernant l’inadmissibilité des articles de journaux qui, selon les appelants, auraient dû être admis — Bien que la Cour fédérale ait qualifié à tort une pièce jointe à un affidavit d’article de journal quand il s’agissait plutôt d’une lettre, cette pièce contenait bel et bien une preuve par ouï-dire inadmissible comme l’a affirmé la Cour fédérale — Le fait qu’un membre de l’appareil judiciaire ait reconnu avoir fourni le nom des candidats au poste de magistrat, tel qu’il est décrit dans la lettre du CCM, constituait du ouï-dire — Quant aux articles d’opinion parus dans des journaux ou sur des sites Web, ils ne portaient pas sur des faits et, s’ils contenaient des déclarations factuelles, ils constituaient du ouï-dire inadmissible — Les parties du rapport de la section canadienne de la CIJ que les appelants cherchaient à invoquer constituaient du ouï-dire puisqu’elles rendaient compte d’enquêtes confidentielles menées par ses membres — Les appelants n’ont pas démontré la fiabilité ou la nécessité de ces déclarations relatées — Ces opinions n’ont pas été données par un expert et n’ont pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire — La preuve par sondage d’opinion, lorsqu’elle est pertinente, doit être présentée par un expert compétent qui peut être contre-interrogé au sujet de la conception et de la conduite du sondage — Il n’y avait aucune erreur dans la décision de la Cour fédérale d’écarter les articles d’opinion, le rapport de la section canadienne de la CIJ et la déclaration du président de l’ABC — Les éléments de preuve dont disposait la Cour fédérale après coup, et dont disposait la Cour d’appel fédérale en l’espèce, reposaient sur de simples conjectures quant à des facteurs non pertinents qui pourraient être pris en compte dans le processus de nomination judiciaire — Les appelants ont présenté leurs arguments sous l’angle de ce qui « pourrait arriver » dans ce processus et de la possibilité qu’un parti au pouvoir considère les allégeances politiques antérieures des candidats comme un critère de nomination important — Or, rien ne prouvait que c’était déjà arrivé — Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en rejetant la demande des appelants — Appel rejeté.
Démocratie en Surveillance c. Canada (Procureur général) (A-31-23, 2024 CAF 75, juge Gleason, J.C.A., motifs du jugement en date du 18 avril 2024, 7 p.)