Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20140527

 

Dossier : A‑357‑13

 

Référence : 2014 CAF 136

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

COMPAGNIE AMWAY CANADA et AMWAY GLOBAL

appelantes

et

KERRY MURPHY

intimé

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 13 mai 2014.

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 mai 2014.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                               LE JUGE SCOTT

 

 


 


Date : 20140527

 

Dossier : A‑357‑13

 

Référence : 2014 CAF 136

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

COMPAGNIE AMWAY CANADA et AMWAY GLOBAL

appelantes

et

KERRY MURPHY

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]               La Cour est saisie de l'appel d'une décision interlocutoire de la Cour fédérale par laquelle le juge Boivin (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) (ci-après le juge de la Cour fédérale) a accueilli la requête présentée par M. Kerry Murphy (l'intimé) visant à lever la suspension de son recours collectif proposé (le recours collectif ou le recours) contre Compagnie Amway Canada et Amway Global (les appelantes), en vertu du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F‑7.

 

[2]               Voici les extraits pertinents de l'article 50 de la Loi sur les Cours fédérales :

50. (1) La Cour d'appel fédérale et la Cour fédérale ont le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

 

50. (1) The Federal Court of Appeal or the Federal Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter

 

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

 

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

 

b) lorsque, pour quelque autre raison, l'intérêt de la justice l'exige.

 

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.

 

[...]

 

. . .

 

(3) Le tribunal qui a ordonné la suspension peut, à son appréciation, ultérieurement la lever.

 

(3) A court that orders a stay under this section may subsequently, in its discretion, lift the stay.

 

[3]               En levant la suspension, le juge de la Cour fédérale a tenu compte de la réduction du montant réclamé par l'intimé, de sorte que le litige échappait à l'application de la clause d'arbitrage obligatoire et de la clause de renonciation aux recours collectifs qui interdit à l'intimé d'intenter un recours collectif pour des réclamations individuelles supérieures à 1 000 $ (la clause d'arbitrage). Les appelantes soutiennent que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur en levant la suspension sur cette base, essentiellement parce qu'à leur avis le recours avait été suspendu définitivement ou rejeté, et qu'il ne pouvait donc pas être réactivé.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que l'appel ne peut être accueilli.

 

LE CONTEXTE FACTUEL

[5]               Le 23 octobre 2009, l'intimé, un distributeur de Compagnie Amway Canada en vertu d'un contrat, a introduit une action contre les appelantes sur le fondement de l'article 36 de la Loi sur la concurrence, L.R.C., 1985, ch. C‑34, dans laquelle il allègue que les pratiques commerciales de cette entreprise contreviennent aux articles 52, 55 et 55.1 de cette loi. Dans sa déclaration, l'intimé réclamait des appelantes des dommages‑intérêts de 15 000 $ (dossier d'appel, vol. I, à la page 18). Il a par la suite déposé une requête en autorisation de recours collectif (dossier d'appel, vol. II, à la page 349).

 

[6]               Le 31 mars 2010, les appelantes ont présenté une requête en suspension de l'instance et en renvoi à l'arbitrage au motif que la Cour fédérale n'avait pas compétence à l'égard de l'action de l'intimé, celle‑ci étant visée par la clause d'arbitrage (dossier d'appel, vol. I, à la page 61, modifié le 1er juin 2011).

 

[7]               Le 5 mai 2010, le juge Mainville (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale), qui était le juge responsable de la gestion de l'instance, a ordonné, par suite d'une requête déposée par l'intimé alléguant que la requête des appelantes en suspension et en renvoi était prématurée, que la requête des appelantes soit entendue au début de l'instance (Rhodes c. Compagnie Amway Canada, 2010 CF 498).

 

[8]               La décision qui en a résulté, rendue le 2 juillet 2010, porte exclusivement sur la question de savoir si la Cour fédérale ou le tribunal d'arbitrage était habilité à se prononcer sur l'applicabilité de la clause d'arbitrage. Le juge Mainville a confirmé la compétence de la Cour fédérale à cet égard et a décidé que la requête en suspension de l'instance et en renvoi à l'arbitrage serait tranchée sur le fond ultérieurement, au même moment que la requête en autorisation de recours collectif (Rhodes c. Compagnie Amway Canada, 2010 FC 724).

[9]               Ces requêtes ont été entendues les 3, 4 et 5 octobre 2011 par un juge de la Cour fédérale. Dans des motifs rendus le 23 novembre 2011, le juge a conclu à l'applicabilité de la clause d'arbitrage, a déclaré que la Cour fédérale n'avait pas compétence à l'égard de la réclamation de 15 000 $ de l'intimé, et a suspendu les procédures en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Les motifs confirment également que la Cour fédérale a compétence à l'égard des réclamations qui n'excèdent pas 1 000 $ (Murphy c. Compagnie Amway Canada, 2011 CF 1341, aux paragraphes 28, 31 et 75).

 

[10]           L'appel que l'intimé a interjeté de la décision susmentionnée a été rejeté (Murphy c. Amway Canada Corporation, 2013 CAF 38, motifs du juge Nadon, auxquels ont souscrit les juges Gauthier et Trudel). Tout comme l'a conclu le juge de la Cour fédérale, notre Cour a estimé que la clause d'arbitrage interdit à l'intimé de présenter une requête en autorisation de recours collectif pour des réclamations individuelles de 15 000 $.

 

[11]           Le 28 février 2013, l'intimé a présenté, en vertu du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales, une requête visant à faire lever la suspension, vu son intention déclarée de réduire le montant de sa réclamation de 15 000 $ à 1 000 $ (dossier d'appel, vol. II, à la page 223). Le juge de la Cour fédérale a accueilli la requête de l'intimé et a levé la suspension sous réserve que la modification annoncée soit effectuée. La modification en question a depuis été faite (dossier d'appel, vol. II, à la page 360).

 

[12]           C'est cette décision qui fait l'objet du présent appel.

 

LES MOTIFS DE LA LEVÉE DE LA SUSPENSION

[13]           Le juge de la Cour fédérale a levé la suspension en application du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales, sous réserve que soit remplie la condition préalable que la réclamation de l'intimé soit réduite à 1 000 $ et que celui‑ci renonce aux 14 000 $ restants.

 

[14]           Pour parvenir à cette conclusion, le juge de la Cour fédérale a tenu compte du fait que le paragraphe 50(3) l'autorisait expressément à lever la suspension qu'il avait ordonnée antérieurement et a tenu compte de sa propre décision confirmant la compétence de la Cour fédérale à l'égard des recours collectifs d'un montant non supérieur à 1 000 $, comme l'a confirmé ultérieurement notre Cour. Il a aussi noté que les appelantes avaient admis que la Cour fédérale avait compétence à l'égard des réclamations de 1 000 $ ou moins.

 

LES ERREURS ALLÉGUÉES

[15]           Les appelantes contestent la compétence de la Cour fédérale à l'égard de la requête de l'intimé ainsi que la décision du juge de la Cour fédérale, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, d'y faire droit.

 

[16]           Premièrement, elles font valoir que le juge de la Cour fédérale ne pouvait, sous le régime du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales, être saisi de la requête de l'intimé visant à lever la suspension, puisqu'il avait été dessaisi de l'affaire par suite de sa décision, confirmée par notre Cour, de la suspendre.

 

[17]           Selon les appelantes, le juge de la Cour fédérale n'avait pas le pouvoir, aux termes du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales, d'annuler la décision qu'il avait rendue antérieurement. Cette décision était définitive et ne pouvait donc pas être annulée ultérieurement par une ordonnance levant la suspension (mémoire des appelantes, aux paragraphes 14 et 15).

 

[18]           Dans la même veine, le juge de la Cour fédérale ne pouvait soustraire les parties à leur obligation de soumettre le différend à l'arbitrage, comme notre Cour l'a ordonné. Cette ordonnance est de la nature d'une injonction, de sorte qu'elle échappe à l'application du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales (mémoire des appelantes, au paragraphe 16).

 

[19]           Selon les appelantes, la décision antérieure du juge de la Cour fédérale, confirmée par notre Cour, avait l'effet de [TRADUCTION] « suspendre de façon permanente » l'action de l'intimé. C'est de cette manière qu'il convient selon elles d'interpréter ces décisions, au regard de l'ordonnance provisoire rendue par la juge Gauthier le 24 décembre 2013 (Compagnie Amway Canada c. Murphy, A‑357‑13, à la page 2) (mémoire des appelantes, aux paragraphes 17 à 19).

 

[20]           De plus, les appelantes prétendent que dans l'hypothèse où la suspension pourrait être levée aux termes du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales, il n'a pas été satisfait au critère applicable à cet égard.

 

[21]           Le paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales oblige le requérant à démontrer que « le fondement factuel de la suspension initiale a tellement changé qu'il justifie une levée [...] de cette suspension » (mémoire des appelantes, au paragraphe 25, citant l'arrêt Del Zotto c. Canada (Ministre du Revenu national), [1996] A.C.F. no 294 (QL) (C.A.F.) (Del Zotto)). Les appelantes font valoir que rien ne s'est produit hormis la modification apportée à la déclaration de l'intimé, et que cette modification ne peut être considérée comme un fait nouveau, puisque l'intimé savait dès le départ qu'il lui était interdit de présenter une demande de recours collectif relativement à une réclamation supérieure à 1 000 $ (mémoire des appelantes, aux paragraphes 27 et 28).

 

ANALYSE

La norme de contrôle

[22]           La question de savoir si le juge de la Cour fédérale pouvait lever la suspension des procédures compte tenu de sa décision antérieure est une question de droit contrôlable selon la norme de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 8). Cependant, une fois établi le pouvoir du juge de lever la suspension, la décision rendue dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge de la Cour fédérale en application du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales commande la déférence (Elders Grain Co. c. Ralph Misener (Le), 2005 CAF 139, [2005] 3 R.C.F. 367, au paragraphe 13).

 

La question de la compétence

[23]           L'argument des appelantes repose principalement sur les conséquences de la décision du juge de la Cour fédérale, confirmée par notre Cour, reconnaissant l'applicabilité de la clause d'arbitrage, et établissant que la Cour fédérale n'avait pas compétence pour entendre l'action de l'intimé. La position des appelantes, selon ce que j'en comprends, est que cette décision avait l'effet de suspendre de façon permanente l'action de l'intimé ou de la rejeter. Par conséquent, la Cour fédérale en était dessaisie et l'intimé ne pouvait porter à nouveau l'action en justice.

[24]           À mon sens, ces arguments reposent sur une interprétation erronée de la décision du juge de la Cour fédérale, confirmée par notre Cour, laquelle vise uniquement le recours collectif de l'intimé décrit dans la déclaration initiale, à savoir un recours relatif à des réclamations individuelles de 15 000 $. Compte tenu de l'historique des procédures, il est clair que le débat entre les parties part de la prémisse que le litige vise des réclamations individuelles de ce montant et que l'intimé n'a jamais été empêché de modifier la déclaration en vue d'abaisser ce montant sous le seuil prévu à la clause d'arbitrage.

 

[25]           Par exemple, dans la décision de gestion de l'instance rendue le 5 mai 2010 (2010 CF 498), le juge Mainville a reconnu au paragraphe 26 que : « Les demanderesses reconnaissent elles‑mêmes que, si les défenderesses réussissent à faire déclarer la convention d'arbitrage applicable à leur demande, elles pourraient être obligées de demander, dans un recours collectif, des dommages‑intérêts égaux ou inférieurs à 1 000 $ » [non souligné dans l'original]. Le juge Mainville a fait une observation semblable dans sa décision subséquente rendue le 2 juillet 2010 (2010 FC 724), au paragraphe 22, où il écrit : [TRADUCTION] « Le paragraphe 7(5) de la Loi de 1991 sur l'arbitrage de l'Ontario permettrait tout de même à notre Cour de donner suite au recours collectif à l'égard des réclamations égales ou inférieures à 1 000 $, même si la renonciation limitée au recours collectif est jugée exécutoire et applicable » [non souligné dans l'original] (voir aussi les paragraphes 20 à 27).

 

[26]           De plus, une interprétation objective de la décision du juge de la Cour fédérale reconnaissant l'applicabilité de la clause d'arbitrage (2011 CF 1341) ne laisse aucun doute sur la portée de sa conclusion :

[28]      La Cour estime que la convention d'arbitrage conclue par les parties est claire. Premièrement, l'article 11.3.9 des Règles de la déontologie autorise les recours collectifs pour les montants inférieurs à 1 000 $. Deuxièmement, les réclamations supérieures à 1 000 $ sont visées par la renonciation aux recours collectifs. Troisièmement, comme cela est mentionné à l'article 11.3.10, les recours collectifs ne peuvent en aucune circonstance faire l'objet d'un arbitrage aux termes des Règles de la déontologie. Enfin, pour ce qui est des réclamations inférieures à 1 000 $, dans le cas où le tribunal refuse d'autoriser un recours collectif, chacun des demandeurs doit soumettre ses autres réclamations à l'arbitrage.

 

[...]

 

[31]      Dans ce contexte, et compte tenu du libellé clair des articles 11.3.9 et 11.3.10, la Cour rejette la prétention du demandeur selon laquelle la Cour a compétence à l'égard du recours collectif et conclut par conséquent que la réclamation de 15 000 $ présentée par le demandeur doit être entendue par (i) un arbitre et (ii) sur une base individuelle conformément à la convention d'arbitrage conclue par les parties.

 

 

[27]           Pareillement, dans sa décision du 14 février 2013 (2013 CAF 38), notre Cour a souscrit aux conclusions du juge de la Cour fédérale et a formulé le commentaire suivant (au paragraphe 38) :

[...] les Règles de la déontologie comprennent une convention d'arbitrage et une renonciation aux recours collectifs. En fait, les recours collectifs sont autorisés si le montant en cause est inférieur à 1 000 $. Par contre, les recours collectifs de plus de 1 000 $ sont expressément interdits par la Convention d'arbitrage. À cause de cette disposition, l'appelant, qui a une réclamation de 15 000 $, ne peut présenter une requête en autorisation de recours collectif.

 

 

[28]           Ces décisions reposent sur la prémisse que la réclamation s'élevait à 15 000 $ parce que la thèse avancée par les appelantes reposait sur cette distinction (requête en suspension de l'instance et en renvoi à l'arbitrage (modifiée), observations écrites des appelantes, 1er juin 2011, dossier d'appel, vol. I, aux pages 76 et 77) :

[TRADUCTION]

 

23.       Pour ces motifs, M. Murphy prétend qu'il a subi des dommages de 15 000 $ et se dit fondé de réclamer des dommages‑intérêts de ce montant en vertu de l'article 36 de la Loi.

 

24.       Amway Canada nie vigoureusement chacune de ces allégations.

 

25.       Il ressort de ce qui précède que la réclamation de M. Murphy doit être soumise à l'arbitrage en vertu de la convention d'arbitrage, puisqu'elle se rapporte au commerce indépendant de M. Murphy, au plan de compensation des PCI et aux règles de la déontologie, et découle de ceux‑ci; elle concerne le matériel de support commercial et elle vise Amway Global. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l'instance ou de la suspendre de façon permanente.

 

25.1     De plus, étant donné que la réclamation de M. Murphy est supérieure à 1 000 $, elle ne peut, en raison de la renonciation au recours collectif figurant à l'article 11.3.9 des règles de la déontologie, faire l'objet d'un recours collectif ou de groupe ou d'un recours représentatif.

 

25.2     Ainsi, l'intention des parties est claire : la réclamation de M. Murphy étant de 15 000 $, elle doit être entendue a) par un arbitre, b) de façon individuelle. En violation flagrante de la procédure de règlement des différends convenue entre les parties, M. Murphy cherche plutôt à faire entendre la demande a) par une cour de justice établie par l'État, b) en vertu d'un recours collectif.

 

 

[29]           Le fait qu'il n'a pas été mis fin définitivement à l'action de l'intimé est compatible avec le fait que les appelantes se sont appuyées sur le paragraphe 50(1) de la Loi sur les Cours fédérales pour faire suspendre l'action de l'intimé (voir le paragraphe 27 de la requête en suspension de l'instance et en renvoi à l'arbitrage des appelantes, dossier d'appel, vol. I, à la page 68). Aux termes du paragraphe 50(3), « la suspension » ordonnée en vertu du paragraphe 50(1) peut être subséquemment levée lorsque les circonstances qui y ont donné lieu n'existent plus. Le juge de la Cour fédérale s'est fondé sur l'article 50 dans les deux cas : pour ordonner la suspension au départ et pour l'annuler par la suite.

 

[30]           Durant l'audition de l'appel, les avocats des appelantes ont fait grand état d'une ordonnance provisoire, délivrée par la juge Gauthier le 24 décembre 2013, qui suspendait la décision du juge de la Cour fédérale en attendant qu'il soit statué sur le présent appel. Les avocats relèvent un passage de l'ordonnance qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

 

Vu le contexte général, notamment le fait qu'une suspension permanente a été ordonnée par la Cour fédérale et confirmée par notre Cour, j'estime que le sursis devrait être accordé [...].

 

[31]           Les avocats insistent sur le fait que la juge Gauthier était membre de la formation qui a entendu l'appel de la décision du juge de la Cour fédérale et sur le fait qu'elle a elle‑même souligné le mot « permanente ». Selon les avocats, l'ordonnance de la juge Gauthier mène à la conclusion incontournable que la suspension ordonnée par le juge de la Cour fédérale, confirmée par notre Cour, se voulait permanente.

 

[32]           Je note que la juge Gauthier siégeait seule et, comme il ressort clairement de la jurisprudence à laquelle elle s'est référée, sa tâche ne consistait qu'à déterminer s'il y avait une question sérieuse à juger (Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, aux pages 127 et 128). De fait, elle devait s'abstenir de se prononcer sur le fond de l'appel (RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, à la page 337). Je rejette donc l'allégation des appelantes selon laquelle la juge Gauthier prétendait exprimer une opinion définitive sur la question dont nous sommes saisis.

 

[33]           Je pense plutôt qu'elle prenait simplement acte du fait que la décision de la Cour fédérale, confirmée par notre Cour, jugeant qu'une action de 15 000 $ ne relevait pas de la compétence de la Cour fédérale, était définitive. Elle s'en est tenue à reconnaître que les appelantes avaient soulevé une question sérieuse à juger, et elle ne s'est nullement prononcée sur l'effet de la réduction du montant de la réclamation.

 

[34]           Compte tenu de ce qui précède, l'argument des appelantes selon lequel l'intimé ne pouvait présenter une demande de dommages‑intérêts d'un montant réduit à 1 000 $ en raison de l'ordonnance de suspension antérieure ne peut être accueilli.

 

L'exercice du pouvoir discrétionnaire

[35]           Le principal argument des appelantes quant à ce deuxième point est que le juge de la Cour fédérale a mal appliqué le critère juridique prévu au paragraphe 50(3) lorsqu'il a levé la suspension en l'absence de « faits nouveaux ».

 

[36]           Les appelantes insistent sur le caractère sans précédent de l'ordonnance portée en appel et soulignent le fait que l'intimé [TRADUCTION] « n'a pu citer ne fût‑ce qu'une seule décision où notre Cour ou la Cour fédérale a accepté que le fait qu'un requérant modifie sa déclaration — sans qu'il ne se soit produit quelque chose de nouveau hormis la modification elle‑même — constituait un “fait nouveau” en vertu du paragraphe 50(3) [de la Loi sur les Cours fédérales] » (mémoire des appelantes, au paragraphe 28). Toutefois, les appelantes ne citent aucun principe ou précédent qui empêcherait que la modification de la déclaration soit considérée comme un fait nouveau en vertu du paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[37]           Le paragraphe 50(3) n'exige pas explicitement qu'il existe des faits nouveaux. Toutefois, comme l'a expliqué notre Cour dans l'arrêt Del Zotto :

[...] une fois prononcée une ordonnance de suspension d'instance, c'est le paragraphe 50(3) de la Loi qui, comme nous l'avons fait remarquer, confère à la Cour la compétence de la lever, et, sauf en cas de circonstances extraordinaires ou à caractère non litigieux, cette compétence doit être exercée sur requête avec preuve appropriée à l'appui établissant que le fondement factuel de la suspension initiale a tellement changé qu'il justifie une levée totale ou partiale [sic] de cette suspension. [...]

 

[38]           En l'espèce, les circonstances ne portaient pas à controverse puisque la réduction annoncée de 15 000 $ à 1 000 $ de la réclamation la faisait passer sous le seuil prévu à la clause d'arbitrage, et éliminait en conséquence le motif sur lequel la suspension était fondée. Il semble que la seule véritable préoccupation des appelantes est que ce changement factuel dépendait entièrement de la volonté de l'intimé. C'est certes le cas. Toutefois, je n'y vois rien d'irrégulier, étant donné que l'historique des procédures démontre qu'il est en tout temps demeuré possible de réduire le montant de la réclamation.

 

[39]           Je rejetterais l'appel, avec dépens.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

            Pierre Blais, juge en chef »

 

« Je suis d'accord.

            A. F. Scott, j.c.a. »

 

 

Traduction

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

A‑357‑13

 

(APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE RICHARD BOIVIN DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA (MAINTENANT JUGE À LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE) DU 9 OCTOBRE 2013, DOSSIER NUMÉRO T‑1754‑09.)

 

INTITULÉ :

COMPAGNIE AMWAY CANADA et AMWAY GLOBAL c. KERRY MURPHY

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 13 mai 2014

 

motifs du jugement :

le juge NOËL

 

y ont souscrit :

LE JUGE EN CHEF BLAIS

LE JUGE SCOTT

 

DATE DU JUGEMENT :

LE 27 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Claude Marseille

Adam T. Spiro

 

POUR LES APPELANTES

 

André Lespérance

 

 

POUR L'INTIMÉ

 

Bruce W. Johnston

 

POUR L'INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BLAKE, CASSELS & GRAYDON S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LES AppelantEs

 

LAUZON BÉLANGER LESPÉRANCE inc.

Montréal (Québec)

 

POUR L'INTIMÉ

 

TRUDEL & JOHNSTON

Montréal (Québec)

 

POUR L'INTIMÉ

 

 

 

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