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Date : 20230727


Dossier : A-29-22

Référence : 2023 CAF 169

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

 

 

WILLIAM PAGE

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

Audience par vidéoconférence tenue par le greffe, le 10 janvier 2023.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20230727


Dossier : A-29-22

Référence : 2023 CAF 169

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

 

 

WILLIAM PAGE

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1] Le demandeur, William Page, travaillait à un hôtel local et étudiait à temps plein en même temps. Il a été mis à pied en octobre 2020 en raison de la pandémie de COVID-19. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, et la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, dans sa décision W.P. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 803, a conclu que M. Page était admissible aux prestations pour la période durant laquelle il était sans emploi après sa mise à pied.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a interjeté appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Cette dernière, dans sa décision Commission de l’assurance-emploi du Canada c. W.P., 2021 TSS 802, a infirmé la décision de la division générale.

[3] M. Page sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel et en demande l’annulation.

[4] À l’audience devant la Cour, il est devenu évident que le Tribunal de la sécurité sociale avait rendu des décisions contradictoires sur l’admissibilité des étudiants aux prestations d’assurance-emploi et que ni le demandeur ni le défendeur n’avaient cité toute la jurisprudence pertinente dans leur mémoire. La formation leur a donc demandé de lui présenter, dans des représentations écrites supplémentaires, entre autres, la liste complète des décisions pertinentes visant des demandes de prestations d’assurance-emploi faites par des étudiants et l’historique législatif des dispositions applicables de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, c. 23 (la LAE).

[5] Après avoir pris connaissance des documents présentés après l’audience, de même que des documents déposés au départ et des plaidoiries des parties, j’accueillerais la présente demande et annulerais la décision de la division d’appel. Ainsi, la décision de la division générale serait rétablie, et M. Page serait admissible aux prestations d’assurance-emploi pour la période visée.

I. Dispositions légales et réglementaires pertinentes

[6] Il est utile de rappeler d’abord les dispositions applicables de LAE, du Règlement sur l’assurance-emploi, D.O.R.S./96-332 (le Règlement sur l’AE), et de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, c. 34 (la LMEDS), qui étaient en vigueur au moment des faits. Ces dispositions sont toujours en vigueur.

[7] En premier lieu, la LAE prévoit des dispositions qui traitent de l’exclusion du bénéfice des prestations et de l’inadmissibilité à celles-ci. Les deux notions sont définies ainsi au paragraphe 6(1) :

Définitions

Definitions

6 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

6 (1) In this Part,

[…]

disentitled means not entitled under section […] 18 […] or 50 or under the regulations; (inadmissible)

 

disqualified means disqualified under section 27 […]; (exclu du bénéfice des prestations)

exclu du bénéfice des prestations Exclu du bénéfice des prestations en vertu de [l’]articl[e] 27 […]. (disqualified)

[…]

inadmissible Qui n’est pas admissible au titre des articles […] 18 […] ou 50, ou au titre d’un règlement. (disentitled)

 

[…]

 

[8] L’alinéa 18(1)a), la principale disposition dont il est question dans la présente demande, traite de l’inadmissibilité au bénéfice des prestations. Elle est ainsi rédigée :

Disponibilité, maladie, blessure, etc.

Availability for work, etc.

18 (1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là :

18 (1) A claimant is not entitled to be paid benefits for a working day in a benefit period for which the claimant fails to prove that on that day the claimant was

a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;

(a) capable of and available for work and unable to obtain suitable employment;

[…]

[…]

[9] Le paragraphe 50(8) de la LAE confère à la Commission le droit d’exiger d’un prestataire qu’il prouve qu’il est à la recherche d’un emploi pour établir qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi convenable. Ce paragraphe est ainsi libellé :

Preuve

Proof of efforts to obtain employment

50 (8) Pour obtenir d’un prestataire la preuve de sa disponibilité pour le travail et de son incapacité d’obtenir un emploi convenable, la Commission peut exiger qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

50 (8) For the purpose of proving that a claimant is available for work and unable to obtain suitable employment, the Commission may require the claimant to prove that the claimant is making reasonable and customary efforts to obtain suitable employment.

[10] Les exceptions au paragraphe 50(8), qui sont prévues aux alinéas 25(1)a) et b) de la LAE, ne s’appliquent pas en l’espèce.

[11] La Commission est aussi habilitée à procéder à des vérifications par l’article 153.161, qui est ainsi rédigé :

Cours ou programme d’instruction ou de formation non dirigé

Course, program of instruction or non-referred training

153.161 (1) Pour l’application de l’alinéa 18(1)a), le prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé conformément aux alinéas 25(1)a) ou b) n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin.

153.161 (1) For the purposes of applying paragraph 18(1)(a), a claimant who attends a course, program of instruction or training to which the claimant is not referred under paragraphs 25(1)(a) or (b) is not entitled to be paid benefits for any working day in a benefit period for which the claimant is unable to prove that on that day they were capable of and available for work.

Vérification

Verification

(2) La Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire visé au paragraphe (1) est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

(2) The Commission may, at any point after benefits are paid to a claimant, verify that the claimant referred to in subsection (1) is entitled to those benefits by requiring proof that they were capable of and available for work on any working day of their benefit period.

[12] La LAE compte plusieurs dispositions portant sur l’exclusion. Les dispositions pertinentes, en l’espèce, sont les alinéas 27(1)a) et b), dont le libellé est le suivant :

Exclusions

Disqualification — general

27 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations prévues par la présente partie si, sans motif valable, depuis l’arrêt de rémunération qui est à l’origine de sa demande, selon le cas :

27 (1) A claimant is disqualified from receiving benefits under this Part if, without good cause since the interruption of earnings giving rise to the claim, the claimant

a) il n’a pas postulé un emploi convenable qui était vacant, après avoir appris que cet emploi était vacant ou sur le point de le devenir, ou a refusé un tel emploi lorsqu’il lui a été offert;

(a) has not applied for a suitable employment that is vacant after becoming aware that it is vacant or becoming vacant, or has failed to accept the employment after it has been offered to the claimant;

b) il n’a pas profité d’une occasion d’obtenir un emploi convenable;

(b) has not taken advantage of an opportunity for suitable employment;

[…]

[…]

[13] La notion d’emploi convenable est définie dans la LAE et le Règlement sur l’AE. Le paragraphe 6(4) de la LAE est ainsi rédigé :

Emploi non convenable

Employment not suitable

6 (4) Pour l’application des alinéas 18(1)a) et 27(1)a) à c) et du paragraphe 50(8), un emploi n’est pas un emploi convenable pour un prestataire s’il s’agit :

6 (4) For the purposes of paragraphs 18(1)(a) and 27(1)(a) to (c) and subsection 50(8), employment is not suitable employment for a claimant if

a) soit d’un emploi inoccupé du fait d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif;

(a) it arises in consequence of a work stoppage attributable to a labour dispute;

b) soit d’un emploi dans le cadre de son occupation ordinaire à un taux de rémunération plus bas ou à des conditions moins favorables que le taux ou les conditions appliqués par convention entre employeurs et employés ou, à défaut de convention, admis par les bons employeurs;

(b) it is in the claimant’s usual occupation and is either at a lower rate of earnings or on conditions less favourable than those observed by agreement between employers and employees or, in the absence of any such agreement, than those recognized by good employers; or

c) soit d’un emploi d’un genre différent de celui qu’il exerce dans le cadre de son occupation ordinaire, à un taux de rémunération plus bas ou à des conditions moins favorables que le taux ou les conditions qu’il pourrait raisonnablement s’attendre à obtenir, eu égard aux conditions qui lui étaient habituellement faites dans l’exercice de son occupation ordinaire ou qui lui auraient été faites s’il avait continué à exercer un tel emploi.

(c) it is not in the claimant’s usual occupation and is either at a lower rate of earnings or on conditions less favourable than those that the claimant might reasonably expect to obtain, having regard to the conditions that the claimant usually obtained in their usual occupation, or would have obtained if they had continued to be so employed.

[14] Les articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’AE précisent en quoi consistent des démarches « habituelles et raisonnables » à entreprendre pour trouver un emploi convenable, pour l’application du paragraphe 50(8) de la LAE, et en quoi consiste un « emploi convenable ». Voici le libellé de ces dispositions :

Démarches habituelles et raisonnables

Reasonable and Customary Efforts

9.001 Pour l’application du paragraphe 50(8) de la Loi, les critères servant à déterminer si les démarches que fait un prestataire pour trouver un emploi convenable constituent des démarches habituelles et raisonnables sont les suivants :

9.001 For the purposes of subsection 50(8) of the Act, the criteria for determining whether the efforts that the claimant is making to obtain suitable employment constitute reasonable and customary efforts are the following:

a) les démarches du prestataire sont soutenues;

(a) the claimant’s efforts are sustained;

b) elles consistent en :

(b) the claimant’s efforts consist of

(i) l’évaluation des possibilités d’emploi,

(i) assessing employment opportunities,

(ii) la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation,

(ii) preparing a resumé or cover letter,

(iii) l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement,

(iii) registering for job search tools or with electronic job banks or employment agencies,

(iv) la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi,

(iv) attending job search workshops or job fairs,

(v) le réseautage,

(v) networking,

(vi) la communication avec des employeurs éventuels,

(vi) contacting prospective employers,

(vii) la présentation de demandes d’emploi,

(vii) submitting job applications,

(viii) la participation à des entrevues,

(viii) attending interviews, and

(ix) la participation à des évaluations des compétences;

(ix) undergoing evaluations of competencies; and

c) elles sont orientées vers l’obtention d’un emploi convenable.

(c) the claimant’s efforts are directed toward obtaining suitable employment.

Emploi convenable

Suitable Employment

9.002 (1) Pour l’application des alinéas 18(1)a) et 27(1)a) à c) et du paragraphe 50(8) de la Loi, les critères servant à déterminer ce qui constitue un emploi convenable sont les suivants :

9.002 (1) For the purposes of paragraphs 18(1)(a) and 27(1)(a) to (c) and subsection 50(8) of the Act, the criteria for determining what constitutes suitable employment are the following:

a) l’état de santé et les capacités physiques du prestataire lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail;

(a) the claimant’s health and physical capabilities allow them to commute to the place of work and to perform the work;

b) l’horaire de travail n’est pas incompatible avec les obligations familiales du prestataire ou ses croyances religieuses;

(b) the hours of work are not incompatible with the claimant’s family obligations or religious beliefs; and

c) la nature du travail n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses du prestataire.

(c) the nature of the work is not contrary to the claimant’s moral convictions or religious beliefs.

[15] La notion de « jour ouvrable », pour l’application de l’article 18 (et d’une autre disposition dont il n’est pas question ici) de la LAE, est définie en ces termes à l’article 32 du Règlement sur l’AE : « […] chaque jour de la semaine sauf le samedi et le dimanche ».

[16] Sur le plan administratif, la LAE prévoit que les décisions initiales sont rendues par la Commission et peuvent faire l’objet d’une révision interne (LAE, art. 112), puis d’un appel au Tribunal de la sécurité sociale (LAE, art. 113).

[17] Constitué par la LMEDS, le Tribunal de la sécurité sociale se compose d’une division générale, qui se subdivise en une section de la sécurité du revenu et une section de l’assurance-emploi, et d’une division d’appel. Aux termes de l’article 54 de la LMEDS, la division générale peut rejeter l’appel; confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel; ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre. La division générale instruit donc l’affaire de novo et peut tenir (et, de fait, tient souvent) des audiences au cours desquelles les parties peuvent présenter une preuve, y compris des témoignages.

[18] Le paragraphe 58(1) de la LMEDS circonscrit le droit d’appel devant la division d’appel en matière d’assurance-emploi. Il est ainsi libellé :

Moyens d’appel — section de l’assurance-emploi

Grounds of appeal — Employment Insurance Section

58 (1) Les seuls moyens d’appel d’une décision rendue par la section de l’assurance-emploi sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal of a decision made by the Employment Insurance Section are that the Section

a) la section n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

[19] Le pouvoir limité qui habilite la division d’appel à réexaminer les conclusions de fait de la division générale dans les affaires d’assurance-emploi est cruciale dans la présente demande, comme il ressort de l’analyse ci-après.

II. Contexte factuel pertinent

[20] Il convient d’examiner les faits pertinents relatifs à la demande de M. Page qui étaient au dossier du Tribunal de la sécurité sociale dans la présente affaire.

[21] Pendant qu’il étudiait, M. Page travaillait comme chasseur au Manoir du Lac Delage (le Manoir), à Québec. Il a commencé son emploi en février 2018 et suivait des cours à temps plein dans le cadre d’un programme d’éducation pour adultes entre le 26 août 2019 et le 9 mars 2020. Selon les talons de paye qu’il a fournis pour cette période, M. Page travaillait souvent jusqu’à 30 heures par semaine au Manoir avant le début de la pandémie de COVID-19.

[22] M. Page a été mis à pied le 4 octobre 2020, lorsque le Manoir a dû fermer ses portes en raison de la pandémie. Celui-ci est demeuré fermé jusqu’au 31 mars 2021, la réouverture prévue ayant été plusieurs fois reportée entre octobre 2020 et mars 2021.

[23] M. Page a commencé une formation d’électricien le 28 septembre 2020. Cette formation devait se poursuivre jusqu’en octobre 2021. Exception faite des congés scolaires, il était tenu d’assister aux classes de 7 h 30 à 15 h 30, du lundi au vendredi.

[24] M. Page a commencé à chercher un autre emploi en février ou mars 2021, et il s’est trouvé du travail à temps partiel dans une épicerie et à la Société des alcools du Québec (la SAQ). En avril 2021, il a aussi repris du service au Manoir où il avait été rappelé pour un travail différent de ses tâches habituelles.

[25] M. Page a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi peu de temps après sa mise à pied. Il a indiqué dans sa demande qu’il ne cherchait pas alors à trouver un autre emploi, car il s’attendait à être rappelé au Manoir après l’allégement des restrictions sanitaires prises en raison de la COVID. Il a aussi mentionné qu’il était prêt à travailler jusqu’à 40 heures par semaine, les soirs et les week-ends.

[26] La Commission a initialement conclu que le demandeur était admissible aux prestations d’assurance-emploi, et M. Page a reçu des prestations après sa mise à pied, et ce jusqu’en février 2021.

[27] En mars 2021, la Commission a vérifié l’admissibilité de M. Page aux prestations, conformément à l’article 153.161 de la LAE. Elle a conclu que M. Page n’était pas admissible aux prestations du fait qu’il n’était pas disponible pour travailler, au sens de l’alinéa 18(1)a) de la LAE, comme il étudiait à temps plein. M. Page était donc tenu de rembourser au receveur général du Canada les prestations d’assurance-emploi excédentaires qu’il avait reçues, soit 9 943 $.

[28] Au terme de la révision interne demandée par M. Page, la Commission a maintenu sa décision. M. Page a ensuite interjeté appel de la décision quant à l’inadmissibilité au Tribunal de la sécurité sociale.

III. Décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale

[29] Comme je le mentionne plus haut, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a infirmé la décision de la Commission et a conclu que M. Page était admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[30] Quant à la question de la disponibilité de M. Page pour occuper un emploi convenable, la division générale a noté que, selon la jurisprudence de notre Cour et du Tribunal de la sécurité sociale, les étudiants à temps plein sont présumés ne pas être disponibles pour travailler au sens de l’alinéa 18(1)a) de la LAE.

[31] La division générale a poursuivi en indiquant que cette présomption peut être réfutée si le prestataire peut démontrer qu’il a l’habitude de travailler tout en suivant une formation (renvoyant à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Rideout, 2004 CAF 304, [2004] A.C.F. no 1487 (QL) [Rideout]) ou lorsqu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son cas (renvoyant à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Cyrenne, 2010 CAF 349, [2010] A.C.F. no 1605 (QL) [Cyrenne]).

[32] S’appuyant sur les décisions de notre Cour dans les affaires Canada (Procureur général) c. Lamonde, 2006 CAF 44, [2006] A.C.F. no 141 (QL) [Lamonde]; Cyrenne; Canada (Procureur général) c. Wang, 2008 CAF 112, 377 N.R. 237 [Wang]; Canada (Procureur général) c. Gagnon, 2005 CAF 321, [2005] A.C.F. no 1681 (QL) [Gagnon]; Rideout; Canada (Procureur général) c. Boland, 2004 CAF 251, [2004] A.C.F. no 1138 (QL) [Boland]; Canada (Procureur général) c. Loder, 2004 CAF 18, [2004] A.C.F. no 133 (QL) [Loder]; Canada (Procureure générale) c. Primard, 2003 CAF 349, [2003] A.C.F. no 1400 (QL) [Primard]; et Landry c. Canada (Sous-procureur général), [1992] A.C.F. no 965 (QL), 152 N.R. 164 (C.A.F.) [Landry], la division générale a affirmé que les facteurs suivants sont pertinents lorsqu’il s’agit de déterminer si les circonstances exceptionnelles suffisent à réfuter la présomption de non‑disponibilité :

  • les exigences de présence aux cours;

  • la volonté du prestataire à abandonner ses études pour accepter un emploi;

  • des antécédents de travail à des heures irrégulières; et

  • l’existence de circonstances exceptionnelles qui permettraient au prestataire de travailler tout en suivant son cours.

[33] La division générale a conclu que M. Page était parvenu à réfuter la présomption de non-disponibilité parce qu’il avait l’habitude de travailler pendant qu’il étudiait à temps plein et son historique de travail à temps partiel (en général, jusqu’à 30 heures par semaine) pendant ses études était assez pour réfuter la présomption. Selon la division générale, des décisions du Tribunal de la sécurité sociale, notamment J.D. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2019 TSS 438 (D.A.) [J.D. c. C.A.E.C.], et Y.A. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 238 (D.G.) [Y.A. c. C.A.E.C.], indiquent qu’un historique d’emploi à temps partiel similaire suffit à réfuter la présomption de non-disponibilité découlant des études à temps plein.

[34] Ayant conclu que la présomption avait été réfutée, la division générale a ensuite examiné, d’une part, si M. Page était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable au sens de l’alinéa 18(1)a) de la LAE et, d’autre part, s’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables, au sens du paragraphe 50(8) de la LAE, pour trouver un emploi convenable.

[35] La division générale a mentionné que, selon l’arrêt de notre Cour dans l’affaire Faucher c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1997] A.C.F. no 215 (QL), 215 N.R. 314 (C.A.F.) [Faucher], le prestataire doit démontrer qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable au sens de l’alinéa 18(1)a) de la LAE. Cette démonstration se fait à la lumière des facteurs suivants:

  • le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;

  • l’expression de ce désir par des efforts déployés pour se trouver un emploi convenable; et

  • le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[36] Selon la division générale, M. Page avait démontré qu’il répondait aux facteurs mentionnés ci-dessus.

[37] À l’égard du désir de M. Page de retourner sur le marché du travail, la division générale a conclu qu’il avait démontré vouloir recommencer à travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert parce qu’il « […] av[ait] cessé de travailler en raison de la fermeture des commerces non essentiels imposée par le gouvernement en raison de la pandémie. Il devait reprendre son emploi dès la réouverture des commerces, mais celle-ci a été [repoussée] » (décision de la division générale au para. 41). La division générale a en outre noté que M. Page, après avoir été rappelé au Manoir, a fait un travail différent que ses tâches habituelles et qu’il s’était aussi trouvé un emploi à la SAQ et dans une épicerie. Elle a ainsi conclu que, même si M. Page « […] a choisi de suivre une formation à temps plein, cette situation ne fait pas en sorte de compromettre son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert » (décision de la division générale au para. 44).

[38] Quant aux efforts déployés pour trouver un emploi convenable, la division générale estime, à la lumière des critères énoncés dans la LAE et le Règlement sur l’AE sur la recherche d’emploi, que M. Page « […] a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable » (décision de la division générale au para. 45).

[39] La division générale était d’avis que, pour décider si les efforts déployés étaient raisonnables, elle devait tenir compte du fait que M. Page occupait un emploi à temps partiel pendait qu’il suivait ses cours. Elle a déclaré ceci :

En me basant sur les caractéristiques énoncées dans la [LAE] pour décrire ce qu’est un emploi non convenable, je suis d’avis qu’un emploi convenable représente entre autres, un emploi du même genre (ex. : nature de l’emploi, rémunération et conditions d’emploi) que celui exercé par un prestataire dans le cadre de son occupation ordinaire ou habituelle.

Dans ce contexte, je suis d’avis que le fait que le prestataire occupe un emploi à temps partiel dans l’hôtellerie depuis plusieurs années pendant qu’il est aux études à temps plein représente l’emploi qu’il exerce dans le cadre de son occupation ordinaire puisqu’il s’agit de son emploi habituel.

(décision de la division générale aux paras. 53–54).

[40] La division générale a par ailleurs précisé que M. Page avait droit à un certain temps, après sa mise à pied au Manoir, pour chercher un autre emploi parce qu’il s’attendait « de semaine en semaine » à la réouverture du Manoir (décision de la division générale au para. 51). Elle a noté que, lorsque les fermetures imposées par le gouvernement se sont prolongées, M. Page a fait des efforts pour se trouver un autre emploi et y est parvenu. La division générale mentionne ce qui suit, aux paragraphes 60 à 62 de sa décision :

[60] Je considère que la situation créée par la pandémie a fait en sorte que contre sa volonté, le prestataire n’était plus en mesure d’occuper un emploi en hôtellerie, soit le domaine dans lequel il travaillait depuis plusieurs années. Ses chances de trouver un autre emploi dans un autre établissement similaire étaient d’ailleurs inexistantes puisque la raison ayant amené à la fermeture s’appliquait à l’ensemble de ces établissements.

[61] Étant donné cette situation, je suis d’avis que le prestataire devait pouvoir bénéficier d’un délai raisonnable pour évaluer dans quelle mesure il allait pouvoir reprendre son emploi avant d’entreprendre des démarches pour travailler dans un autre domaine d’emploi.

[62] Je considère qu’en tenant compte des obstacles auxquels le prestataire a été confronté en raison de la COVID-19, sa disponibilité à travailler s’est traduite par des recherches d’emploi concrètes et soutenues auprès d’employeurs potentiels, dans le but de trouver un emploi convenable. De plus, ses recherches ont débouché sur l’obtention de deux nouveaux emplois.

[41] Ainsi, la division générale était d’avis que M. Page avait fait des efforts suffisants pour trouver un emploi convenable.

[42] Quant au troisième élément énoncé dans l’arrêt Faucher, soit le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail, la division générale a rejeté l’argument de la Commission selon lequel M. Page n’avait pas réussi à prouver qu’il était disponible pour travailler parce qu’il avait restreint sa disponibilité à un emploi en dehors de ses heures de formation. La division générale a indiqué que M. Page avait travaillé selon des horaires irréguliers pendant plusieurs années. Elle a poursuivi en déclarant, au paragraphe 67 de sa décision, que la LAE « […] ne prévoit pas qu’un emploi soit uniquement effectué sur des heures dites “régulières”, de jour. Cela aurait pour effet d’exclure plusieurs types d’emplois qui offrent des heures de travail selon des horaires irréguliers ».

[43] La division générale a donc conclu que M. Page n’avait pas établi de conditions personnelles qui restreignaient indûment ses chances de retour sur le marché du travail.

[44] En conséquence, la division générale estimait que M. Page n’était pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi sous le régime de l’alinéa 18(1)a) ou du paragraphe 50(8) de la LAE et a donc infirmé la décision de la Commission.

IV. Décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale

[45] Comme je le mentionne plus haut, la division d’appel a infirmé la décision de la division générale. Elle a conclu que la division générale avait commis une erreur de droit dans son interprétation de l’alinéa 18(1)a) de la LAE et « […] a ignoré la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale concernant la question de disponibilité à travailler pendant un cours de formation non autorisée » (décision de la division d’appel au para. 32). À ce sujet, la division d’appel a déclaré qu’« […] il est de jurisprudence bien établie que la disponibilité doit être démontrée durant les heures régulières pour chaque jour ouvrable et ne peut se limiter à des heures irrégulières résultant d’un horaire de cours qui limite considérablement la disponibilité » (décision de la division d’appel au para. 30, renvoyant à Canada (Procureur général) c. Bertrand, [1982] A.C.F. no 423 (QL), 46 N.R. 527 (C.A.F.) [Bertrand]; Re N.Q., C.U.B. 74252A; Re Michaud, C.U.B. 68818; Re Tremblay, C.U.B. 37951; Re Stocola, C.U.B. 38251; et Re Kuronen, C.U.B. 25041). Puisque M. Page n’était pas disponible pendant les heures où il devait être en classe, la division d’appel a conclu que la division générale avait commis une erreur de droit en décidant qu’il était disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable au sens de l’alinéa 18(1)a) de la LAE.

[46] La division d’appel était en outre d’avis que la division générale avait commis une erreur en accordant à M. Page un délai raisonnable pour commencer sa recherche d’emploi. Elle a déclaré aux paragraphes 26 à 28 de sa décision que :

[26] […] la jurisprudence suivie par la division générale appuie la position selon laquelle un prestataire qui attend d’être rappelé par son employeur est exempté, au moins pour une période raisonnable, d’avoir à démontrer une recherche active d’emploi.

[27] Cependant, il existe une jurisprudence plus récente que celle suivie par la division générale qui établit qu’un prestataire ne peut pas simplement attendre d’être rappelé au travail et doit chercher un emploi pour avoir droit aux prestations. Il s’ensuit que le programme d’assurance-emploi est conçu de manière à ce que seuls ceux qui sont véritablement sans emploi et qui cherchent activement du travail reçoivent des prestations [renvoyant à Faucher; Canada (Procureur général) c. Cloutier, 2005 CAF 73; De Lamirande c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 311; Canada (Procureur général) c. Cornelissen-O’Neill, [1994] A.C.F. no 975 (QL) (C.A.F.); Commission de l’assurance-emploi du Canada c. G.S., 2020 TSS 1076; D.B. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2019 TSS 1277; Re G.T., C.U.B. 76450; Re Kumar, C.U.B. 69221; Re Tremblay, C.U.B. 64656; Re Desroches, C.U.B. 52936; et Re Huber, C.U.B. 35563].

[28] La preuve devant la division générale démontre clairement que le prestataire avait l’intention d’attendre de retourner travailler à temps partiel pour son employeur habituel pendant ses études. Même s’il fallait considérer qu’il cherchait du travail en dehors de son employeur habituel, sa recherche a débuté seulement en mars 2021, et était très limitée, ce qui va à l’encontre de sa disponibilité.

[47] La division d’appel a donc infirmé la décision de la division générale.

V. Discussion

[48] À la lumière de ce qui précède, je passe à l’examen au fond de la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Page. Dans sa demande, M. Page invite notre Cour à déterminer si la décision de la division d’appel est raisonnable, compte tenu de la norme de contrôle applicable qui se caractérise par la déférence (Quadir c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 21, [2018] A.C.F. no 46 (QL) au para. 9 [Quadir]; Bose c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 220, [2018] A.C.F. no 1215 (QL) au para. 6; et Stavropoulos c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 109, [2020] A.C.F. no 738 (QL) au para. 11).

[49] Même si la décision de la division d’appel commande la retenue dans le cadre du contrôle judiciaire, je suis d’avis qu’elle ne peut pas tenir, et ce, pour deux raisons. D’abord, la division d’appel a interprété de façon déraisonnable les précédents applicables. Contrairement à ce qu’elle a conclu, il n’y a pas de principe établissant l’inadmissibilité systématique de tous les étudiants à temps plein au bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’ils sont tenus d’être présents en classe à temps plein durant les jours ouvrables, soit du lundi au vendredi. De plus, la division d’appel est intervenue de manière déraisonnable à l’égard des conclusions de fait de la division générale et n’a ainsi pas respecté les limites prévues à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

A. Aucune inadmissibilité systématique des étudiants à temps plein

[50] En ce qui concerne la première des erreurs mentionnées plus haut, je note que les deux arrêts de notre Cour auxquels ont renvoyé la division d’appel et la division générale, à savoir les arrêts Faucher et Bertrand, datent d’il y a environ 26 et 41 ans respectivement. De plus, aucun des deux ne traite de l’admissibilité des étudiants aux prestations d’assurance-emploi (alors appelée assurance-chômage). Dans l’arrêt Faucher, notre Cour était d’avis que les prestataires en question étaient admissibles aux prestations d’assurance-chômage alors que, dans l’arrêt Bertand, elle est arrivée à la conclusion contraire.

[51] L’affaire Faucher portait sur le cas de prestataires qui avaient démarré leur propre entreprise d’installation et de réparation de toitures après avoir été mis à pied d’une entreprise de couverture. En concluant qu’ils étaient néanmoins admissibles aux prestations d’assurance-chômage, notre Cour a décidé que la disponibilité est une question de fait si la question en litige est l’application du critère de disponibilité à une situation factuelle particulière. La Cour a en outre déclaré qu’à défaut de définition prévue par la loi, la disponibilité doit se vérifier par l’analyse des trois facteurs suivants : « […] le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert, l’expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable, et le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail » (Faucher au para. 3).

[52] L’arrêt Faucher établit donc un critère qui nécessite l’évaluation de chacun des facteurs mentionnés ci-dessus lorsqu’il s’agit de déterminer la disponibilité. Cette démarche a été reconnue par notre Cour, par le Tribunal de la sécurité sociale et, avant la création du Tribunal, par les juges-arbitres, qui exerçaient des fonctions semblables à celles du Tribunal sous le régime des versions antérieures de la LAE. Qui plus est, le critère à trois volets tiré de l’arrêt Faucher est celui-là même que la division générale a appliqué dans la présente affaire. Ainsi, contrairement aux conclusions de la division d’appel, la division générale a respecté fidèlement les règles de droit applicables.

[53] L’affaire Bertrand portait sur le cas d’une mère, Mme Bertrand, qui avait quitté son emploi d’aide-comptable à temps plein pour s’occuper de son jeune enfant parce qu’elle n’arrivait pas à trouver des services de garde acceptables malgré ses recherches assidues. Mme Bertrand avait indiqué qu’elle était disponible pour travailler et qu’elle cherchait un emploi de soir. Elle avait par ailleurs refusé un emploi d’aide-comptable à temps plein parce qu’elle aurait eu à travailler de jour. De plus, elle convenait avec la Commission qu’il était peu probable qu’elle réussisse à trouver un emploi d’aide-comptable qui lui aurait permis de travailler de soir seulement. Notre Cour a déterminé que la question de la disponibilité de Mme Bertrand reposait, en partie du moins, sur une question de droit et que la question de la disponibilité était une question objective qui ne saurait être subordonnée aux raisons particulières pour lesquelles un prestataire impose des restrictions à sa disponibilité. En conséquence, la Cour a conclu que « […] l’impossibilité pour [Mme Bertrand] de trouver une gardienne, malgré ses efforts soutenus, signifiait, en droit, qu’elle n’était pas disponible pour prendre un emploi convenable […] » au sens de la disposition pertinente alors en vigueur, semblable à l’alinéa 18(1)a) de la LAE (Bertrand au para. 21).

[54] Il convient de souligner que l’affaire Bertrand aurait été décidée autrement de nos jours, compte tenu de l’adoption de l’alinéa 9.002(1)b) du Règlement sur l’AE, qui prévoit que l’emploi n’est pas convenable s’il est incompatible avec les obligations familiales du prestataire. En outre, comme l’a noté le Tribunal de la sécurité sociale dans la décision S.S. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 749 (D.A.) [S.S. c. C.A.E.C.], la nature du travail, au pays, a évolué au cours des 40 dernières années, et les emplois de soir ou sans horaire fixe sont maintenant beaucoup plus fréquents. Ainsi, au début des années 1980, restreindre sa recherche aux seuls emplois de soir n’aurait peut-être guère donné de résultat, et on pouvait en conclure alors que le prestataire n’était pas disposé à occuper un emploi convenable, mais on ne saurait en dire autant de nos jours. Bref, le contexte pertinent a considérablement changé au cours des quatre dernières décennies.

[55] Vu ces changements et les faits en cause dans l’affaire Bertrand, nul ne saurait affirmer que cet arrêt avance le principe portant que les étudiants à temps plein qui doivent être présents en classe durant la journée sont inadmissibles au bénéfice des prestations de l’assurance-emploi. Il était donc déraisonnable pour la division d’appel d’affirmer que l’arrêt Bertrand établissait un tel principe.

[56] Si l’on examine les affaires qui portent précisément sur des étudiants, les arrêts que notre Cour a rendus ultérieurement confirment l’absence d’un tel principe qui rendrait les étudiants à temps plein inadmissibles en toutes circonstances aux prestations d’assurance-emploi lorsqu’ils sont incapables de travailler durant la majeure partie de la journée parce qu’ils doivent être en classe.

[57] Dans l’arrêt Landry, le juge Hugessen, qui a rédigé les motifs au nom de la Cour, a confirmé l’existence d’une présomption réfutable voulant que les étudiants à temps plein ne soient pas disponibles pour occuper un emploi convenable au sens de l’alinéa 18(1)a) de la LAE. En outre, selon la Cour, déterminer si cette présomption est réfutée fait intervenir une question de fait, et le fait pour un prestataire de démontrer un dossier d’emploi à temps plein pendant ses études à temps plein n’est pas la seule façon de réfuter cette présomption. En fait, elle peut aussi l’être par ce que la Cour a qualifié de « circonstances exceptionnelles ».

[58] Dans l’affaire Landry, le juge-arbitre a déclaré ce qui suit :

Une jurisprudence abondante et constante a depuis longtemps confirmé qu’un étudiant suivant des cours à temps plein n’est pas disponible au travail au sens de la Loi sur l’assurance-chômage. Ce principe souffre deux exceptions. La première exception vise un étudiant qui a été dirigé vers un cours par la Commission. Tel n’est pas le cas de ce prestataire. La deuxième exception peut favoriser un étudiant qui, au cours des années, a établi un historique à l’effet qu’il occupait un travail régulier pendant qu’il était aux études. Ce n’est pas le cas de ce prestataire.

[59] Selon notre Cour, cet énoncé n’était pas exact. À cet effet, le juge Hugessen a fait les remarques suivantes :

[c]ette affirmation quant à l’état du droit est trop absolue. S’il est vrai qu’il existe une présomption que celui qui suit un cours d’études à temps plein n’est généralement pas disponible au travail au sens de la Loi, il faut en même temps admettre qu’il s’agit là d’une présomption de faits qui n’est sûrement pas irréfragable. Elle peut être repoussée par une preuve de « circonstances exceptionnelles ». L’historique de travail mentionné par le juge arbitre n’est qu’un exemple de ces cas d’exception, bien que, dans les faits, il soit peut-être celui que l’on rencontre le plus souvent. Il peut certainement y en avoir d’autres.

Cela étant dit, toutefois, il reste que la disponibilité au travail est au fond une question de faits. Sur cette question le requérant n’a pas été cru lorsqu’il a déclaré qu’il était disponible parce qu’il abandonnerait ses cours universitaires (pour lesquels il avait reçu des subventions importantes sous forme de bourse et de prêt d’étudiant) si on lui offrait un emploi. Dans ces circonstances, et malgré l’erreur de droit, il est évident que le juge arbitre avait raison de rejeter son appel.

[60] Dans l’arrêt Rideout, notre Cour a confirmé qu’un dossier d’emploi à temps plein pendant les études à temps plein permettait de réfuter la présomption de non-disponibilité (au para. 3). Notre Cour a aussi souligné que, même si la définition du critère de disponibilité sous le régime de l’alinéa 18(1)a) est une question de droit, son application est une question mixte de droit et de fait (Rideout au para. 2).

[61] Récemment, notre Cour est arrivée à une conclusion similaire dans l’arrêt Cyrenne : déterminer si le prestataire a réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité est une question de fait. Dans cette affaire, notre Cour, au terme d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, a confirmé la décision du juge-arbitre qui avait refusé d’infirmer la décision ayant accordé des prestations sur la foi des circonstances exceptionnelles démontrées par la prestataire.

[62] Dans l’arrêt Lamonde, notre Cour a souligné qu’« […] un historique de travail démontrant que le prestataire a occupé un emploi régulier pendant qu’il était aux études peut permettre de repousser la présomption » (au para. 12). À noter que, selon notre Cour dans cet arrêt, il fallait démontrer un dossier d’emploi régulier pendant les études à temps plein. Notre Cour n’a pas précisé si l’emploi régulier devait être à temps plein lors des études à temps plein.

[63] Dans l’arrêt Wang, notre Cour a confirmé la décision d’un juge-arbitre qui avait souscrit à la décision d’un conseil arbitral ayant accordé des prestations d’assurance-emploi à une prestataire, qui étudiait à temps plein, mais avait indiqué qu’elle cherchait un emploi à temps plein et abandonnerait ses études si elle en trouvait un. Notre Cour a conclu que le juge-arbitre n’avait commis aucune erreur en souscrivant à la conclusion selon laquelle la prestataire avait réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité.

[64] Notre Cour a rendu plusieurs arrêts suivant lesquels des étudiants à temps plein n’étaient pas admissibles aux prestations d’assurance-chômage ou d’assurance-emploi, mais les faits en jeu dans ces affaires diffèrent de ceux de l’espèce. Les prestataires, dans ces autres affaires, ne présentaient pas de dossier de travail pendant leurs études à temps plein (voir p. ex. : Primard; Canada (Procureur général) c. Gauthier, 2006 CAF 40, [2006] A.C.F. no 128 (QL) [Gauthier]; et Lamonde) ou, contrairement à M. Page, avaient restreint le genre d’emploi qu’ils cherchaient ou limité les heures où ils étaient disposés à travailler aux week-ends ou à quelques heures par semaine seulement (voir p. ex. : Canada (Procureur général) c. MacDonald, [1994] A.C.F. no 841 (QL), 48 A.C.W.S. (3d) 882 (C.A.F.); Loder; Boland; Rideout; Gagnon; et Gauthier). Par ailleurs, les arrêts Vézina c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 198, [2003] A.C.F. no 689 (QL), et Duquet c. Canada (Commission de l’assurance-emploi du Canada), 2008 CAF 313, [2008] F.C.J. No. 1482 (QL), sont si brefs qu’on peut difficilement dégager les faits en cause.

[65] L’examen de la jurisprudence de notre Cour qui précède fait ressortir les principes qui suivent.

[66] Premièrement, le critère applicable à la disponibilité à occuper un emploi convenable au sens de l’alinéa 18(1)a) de la LAE est énoncé dans l’arrêt Faucher. Il consiste à déterminer si le prestataire a démontré les facteurs suivants :

  • il souhaitait retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui était offert;

  • ce souhait s’est traduit par des démarches pour trouver un emploi convenable; et

  • il n’a pas fixé de conditions personnelles susceptibles de restreindre indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[67] Deuxièmement, les étudiants à temps plein qui ne sont pas visés par les alinéas 25(1)a) ou b) de la LAE sont présumés ne pas être disponibles pour occuper un emploi convenable au sens de l’alinéa 18(1)a) de la LAE.

[68] Troisièmement, cette présomption de non-disponibilité peut être réfutée par le prestataire. La question de savoir si la présomption est réfutée ou non en est une de fait.

[69] Quatrièmement, une analyse contextuelle est nécessaire lorsqu’il s’agit de déterminer si la présomption est réfutée. Les dossiers factuels où la présomption a été réfutée incluent celui d’un prestataire disposé à abandonner ses études pour accepter un emploi ou ayant démontré qu’il avait régulièrement occupé un emploi pendant ses études à temps plein et en cherchait un offrant la possibilité de travailler selon un horaire semblable à son emploi antérieur. Il se peut que d’autres considérations soient pertinentes, notamment la possibilité que le prestataire puisse suivre ses cours en ligne aux heures qui lui conviennent.

[70] Ces considérations, qui relèvent du troisième facteur du critère énoncé dans l’arrêt Faucher, sont conformes aux dispositions de la LAE et du Règlement sur l’AE qui définissent un emploi convenable. Comme l’a mentionné la division générale dans la présente affaire, l’emploi convenable est défini par rapport à l’emploi occupé par le prestataire, avant qu’il ne le perde. Aux termes de l’alinéa 18(1)a) de la LAE, le prestataire doit être disponible pour occuper un emploi convenable. Si le dossier d’un prestataire démontre qu’il a l’habitude de travailler de façon régulière en dehors des heures de classe pendant qu’il étudie à temps plein, ce n’est pas une erreur en droit (ou une conclusion de fait erronée au sens de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS) de conclure à la disponibilité du prestataire s’il est disponible pour occuper un emploi correspondant à son horaire de travail antérieur.

[71] L’octroi de prestations d’assurance-emploi à des étudiants comme M. Page est conforme aux dispositions de la LAE et des règlements applicables qui obligent ces étudiants à cotiser au régime d’assurance-emploi sur le salaire qu’ils tirent d’un emploi à temps partiel (LAE, arts. 5, 67, 82).

[72] En dernier lieu, il convient de faire brièvement état de la jurisprudence du Tribunal de la sécurité sociale et des juges-arbitres. Contrairement aux conclusions de la division d’appel dans la présente affaire, la jurisprudence en question n’établit pas que les étudiants à temps plein sont inadmissibles d’office au bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’ils ne sont pas disponibles pour travailler à temps plein durant la journée, du lundi au vendredi. Plusieurs décisions de juges-arbitres disent le contraire (voir p. ex. : Re White, C.U.B. 59766; et Re Crane C.U.B 59738), comme le font plusieurs décisions du Tribunal de la sécurité sociale (voir p. ex. : J.D. c. C.A.E.C.; Y.A. c. C.A.E.C.; A.L. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 250 (D.G.); E.M. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 498 (D.G.); B.N. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 69 (D.G.); H.S. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 92 (D.A.); et S.S. c. C.A.E.C.).

[73] Si certaines décisions du Tribunal de la sécurité sociale vont à contre-courant, bon nombre d’entre elles sont issues du membre du Tribunal qui a rendu la décision dans le cas de M. Page (p. ex. : D.B. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2019 TSS 1277 (D.A.); Commission de l’assurance-emploi du Canada c. G.S., 2020 TSS 1076 (D.A.); Commission de l’assurance-emploi du Canada c. A.P., 2021 TSS 295 (D.A.); et M.T. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 646 (D.A.)).

[74] Compte tenu de ce qui précède, il était déraisonnable à mon avis pour la division d’appel de conclure, dans la présente affaire, qu’« […] il est de jurisprudence bien établie que la disponibilité doit être démontrée durant les heures régulières pour chaque jour ouvrable et ne peut se limiter à des heures irrégulières résultant d’un horaire de cours qui limite considérablement la disponibilité » (décision de la division d’appel au para. 30). Au contraire, la jurisprudence appuie de tous autres principes et commande une analyse nuancée de la situation des prestataires. De plus, il est tout à fait conforme à la jurisprudence de notre Cour de conclure que les étudiants dans une situation semblable à celle de M. Page sont admissibles aux prestations d’assurance-emploi.

[75] Cette conclusion justifie à elle seule que notre Cour annule la décision de la division d’appel.

B. Réexamen déraisonnable des conclusions de fait de la division générale

[76] Par ailleurs, une autre raison justifie l’annulation de la décision de la division d’appel : la division d’appel a outrepassé la compétence que lui confère l’article 58 de la LMEDS.

[77] Comme je le mentionne plus haut, aux termes de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS, la division d’appel ne peut, en matière d’assurance-emploi, intervenir à l’égard des conclusions de fait de la division générale que si cette dernière a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale. L’alinéa 58(1)c) de la LMEDS ne confère donc à la division d’appel qu’une compétence limitée à l’égard des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de droit et de fait de la division générale.

[78] Dans l’affaire Quadir, qui portait sur le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel concernant une demande de prestations d’assurance-emploi, notre Cour a décidé que l’application de règles de droit bien établies aux faits est une question mixte de droit et de fait et ne constitue pas une question de droit. Notre Cour a par conséquent conclu que la décision de la division d’appel, dans cette affaire, était déraisonnable parce que la division générale n’avait commis aucune erreur de droit. La division d’appel n’avait donc pas compétence pour intervenir aux termes de l’article 58 de la LMEDS.

[79] Dans l’arrêt Walls c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 47, [2022] F.C.J. No. 399 (QL), qui concernait le contrôle judiciaire d’une autre décision du Tribunal de la sécurité sociale rendue à une époque où des dispositions identiques à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS s’appliquaient à toutes les décisions de la division générale, notre Cour a précisé ce en quoi consiste les conclusions de fait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale. Elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 41 :

Notre Cour a estimé qu’une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire est une conclusion qui contredit carrément les éléments de preuve ou qui n’est pas étayée par ces derniers (Garvey c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 118, [2018] A.C.F. no 626 (QL) au para. 6). Dans la décision récente intitulée Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Ltd., 2021 CAF 161 aux paragraphes 122 et 123, en renvoyant à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7 et à l’arrêt Rohm & Haas Canada Limited v. Canada (Anti-Dumping Tribunal), (1978), 22 N.R. 175, 91 D.L.R. (3e) 212, notre Cour s’est penchée sur le sens de l’expression « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à [l]a connaissance [du décideur] » dans un contexte similaire à la détermination de l’existence d’un fondement pour justifier une intervention par rapport à des conclusions factuelles erronées d’un décideur administratif. Dans ce passage, notre Cour explique que le critère de « l’absurdité » a été interprété comme le fait d’« avoir sciemment statué à l’opposé de la preuve ». Le critère du « caractère arbitraire » ou de la constatation des faits sans tenir compte des éléments de preuve comprendrait les circonstances « où la conclusion n’était rationnellement étayée d’aucun élément de preuve […] ou celles où le décideur a omis de tenir raisonnablement compte d’éléments de preuve importants qui étaient contraires à sa conclusion. »

[80] En l’espèce, comme je le mentionne plus haut, la division générale a appliqué à bon droit le critère énoncé dans l’arrêt Faucher. L’application de ce critère aux faits entourant la demande de M. Page appartient aux conclusions mixtes de droit et de fait qui ne peuvent être réexaminées que pour les motifs énoncés à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[81] Les faits au dossier de la division générale étayaient la conclusion selon laquelle M. Page souhaitait retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui était offert, qu’il avait démontré avoir fait des démarches pour trouver un emploi convenable et qu’il n’avait fixé aucune condition personnelle susceptible de limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Il était loisible à la division générale de tenir compte, comme elle l’a fait, de la situation particulière créée par la fermeture des commerces attribuable à la COVID et de conclure que M. Page pouvait attendre quelques mois avant de commencer ses recherches d’emplois vu cette situation particulière.

[82] Sur ce point, contrairement à ce qu’indique la division d’appel, il semblerait qu’il n’existe aucune règle absolue qui obligerait en toutes circonstances les prestataires à entreprendre sur-le-champ une recherche d’emploi. D’ailleurs, d’autres décisions reconnaissent qu’il y a lieu d’accorder aux prestataires un délai raisonnable avant le début de la recherche d’emplois pour voir s’ils seront rappelés au travail (voir p. ex. : Re Dufort, C.U.B. 21724, et les causes qui y sont citées; Re Watrich, C.U.B. 16505; et l’affaire mentionnée dans la décision de la division générale, Canada (Procureur général) c. MacDonald, [1994] A.C.F. no 841, 48 A.C.W.S. (3d) 882 (C.A.F.)).

[83] En fin de compte, la question de savoir si des démarches adéquates ont été faites pour trouver un emploi convenable est une question de fait ou une question mixte de droit et de fait qui ne saurait être réexaminée qu’en application de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[84] En l’espèce, pour les motifs mentionnés ci-dessus, il était loisible à la division générale de conclure que les démarches de M. Page étaient raisonnables.

[85] Par conséquent, la division d’appel n’était donc pas habilitée à réexaminer les conclusions de fait ou les conclusions mixtes de droit et de fait de la division générale parce que cette dernière ne les avait pas tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments qui avaient été portés à sa connaissance. Ainsi, la décision de la division d’appel n’est pas raisonnable à cet égard non plus.

VI. Dispositif proposé

[86] J’accueillerais ainsi la demande, annulerais la décision de la division d’appel et rétablirais la décision de la division générale, avec dépens.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A-29-22

 

INTITULÉ :

WILLIAM PAGE c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

le 10 janvier 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

la juge GLEASON

y ont souscrit :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

DATE des motifs :

LE 27 JUILLET 2023

COMPARUTIONS :

Me Frédérick-Alexandre Yao

pour le demandeur

Me Marcus Dirnberger

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lacoursière Avocats

Québec (Québec)

pour le demandeur

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

pour le défendeur

 

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