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Date : 20230621


Dossier : A-99-22

Référence : 2023 CAF 144

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

KATHRYN CHIN

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 21 juin 2023.

Jugement rendu à l’audience à Calgary (Alberta), le 21 juin 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

 

 


Date : 20230621


Dossier : A-99-22

Référence : 2023 CAF 144

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

KATHRYN CHIN

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l’audience à Calgary (Alberta), le 21 juin 2023.)

LA JUGE MONAGHAN

[1] En mars 2021, l’appelante, Kathryn Chin, a présenté une demande de communication de renseignements personnels au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Dans sa réponse, le SCRS a informé Mme Chin qu’il refusait de confirmer ou de nier l’existence de renseignements personnels dans le fichier PPU 045 du SCRS (dossier d’enquête du SCRS), désigné fichier inconsultable, et que, si des renseignements existaient, ils seraient soustraits à la communication en application de l’article 21 ou des alinéas 22(1)a) ou b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21.

[2] Après que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a déterminé que la plainte de Mme Chin concernant cette décision du SCRS n’était pas fondée, Mme Chin a demandé un contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

[3] La Cour fédérale a conclu que le SCRS avait déterminé de façon raisonnable que les documents réels ou hypothétiques dans le fichier PPU 045 étaient soustraits à la communication et a rejeté sa demande de contrôle judiciaire (2022 CF 464, sous la plume du juge Fothergill). Mme Chin interjette appel de cette décision auprès de notre Cour.

[4] Avant de rendre notre décision dans le présent appel, nous devons nous pencher sur une question préliminaire. Mme Chin a déposé une requête en production de nouveaux éléments de preuve qui démontrent, selon elle, que la recherche du SCRS ayant mené à la décision visée par le contrôle judiciaire n’était ni complète ni opportune et qu’elle était par conséquent déraisonnable.

[5] Mme Chin n’a pas satisfait au critère régissant l’admission de nouveaux éléments de preuve : Palmer c. la Reine, [1980] 1 R.C.S. 759, [1979] A.C.S. no 126. En effet, les nouveaux éléments de preuve n’ont aucune incidence sur une question décisive ou potentiellement décisive et, même s’ils étaient admis, ils n’auraient pas d’effet sur l’issue du présent appel. Il en est ainsi parce que la seule décision faisant l’objet du contrôle judiciaire est la décision du SCRS traitant des renseignements personnels qui pourraient se trouver dans le fichier PPU 045. Les nouveaux éléments de preuve concernent la réponse du SCRS à la demande de Mme Chin en vue de la communication de renseignements personnels susceptibles de figurer dans un fichier de renseignements différent, soit le fichier PPU 035 (plaintes contre le SCRS ou ses employés). Cette réponse ne faisait pas l’objet de la demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale et n’est pas visée par le présent appel. Par conséquent, la requête en production de nouveaux éléments de preuve sera rejetée.

[6] Passons maintenant au présent appel. Lorsqu’une décision de la Cour fédérale concernant un contrôle judiciaire est portée en appel, nous devons déterminer si la Cour fédérale a employé la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, par. 45.

[7] À notre avis, c’était le cas. Autrement dit, nous convenons avec la Cour fédérale que la décision du SCRS concernant le fichier PPU 045 doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable. Nous convenons également, essentiellement pour les motifs énoncés par la Cour fédérale, que le SCRS a raisonnablement conclu que, si des documents existaient, ils étaient soustraits à la communication et que le SCRS n’était pas tenu d’indiquer si le fichier PPU 045 contenait ou non des documents concernant Mme Chin.

[8] En appel, Mme Chin prétend également qu’il y a eu violation de son droit à l’équité procédurale, car l’audience n’a pas été tenue à huis clos. Les procédures judiciaires sont présumées accessibles au public : Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, [2021] A.C.S. n 25. La Cour suprême du Canada a réitéré que le pouvoir d’imposer des limites à la publicité des débats judiciaires doit être utilisé avec circonspection et modération : Rémillard c. Canada (Revenu national), 2022 CAF 63, au paragraphe 49, et la jurisprudence qui y est citée. Les audiences à huis clos sont exceptionnelles.

[9] Nous convenons avec Mme Chin que la Loi sur la protection des renseignements personnels exige que la Cour fédérale prenne des précautions raisonnables pour éviter de communiquer certains renseignements. Toutefois, pour ce faire, la Loi sur la protection des renseignements personnels permet la tenue d’une audience à huis clos dans les circonstances appropriées, sans pour autant l’exiger. Cela n’a pas pour effet de limiter les moyens qui s’offrent aux cours de révision pour respecter leur obligation de prévenir la communication des renseignements pertinents. En l’espèce, la Cour fédérale a rempli son obligation en acceptant les éléments de preuve secrets du SCRS, que l’appelante n’a pas pu consulter. L’article 51 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prescrit la tenue d’une audience à huis clos dans des circonstances très limitées. Le contrôle judiciaire en l’espèce n’est pas l’une de celles-ci. Nous ne constatons pas d’erreur ou de manquement au droit à l’équité procédurale.

[10] Enfin, comme elle l’a fait à la Cour Fédérale, Mme Chin soutient devant nous que le SCRS a violé les droits que lui garantit la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11 [la Charte].

[11] La Cour fédérale a mentionné que toute contestation fondée sur la Charte d’actes ou d’omissions du gouvernement doit être étayée par des éléments de preuve (motifs, par. 28). Bien que la Cour fédérale ait expressément déclaré qu’elle ne confirmait ni ne niait l’existence de documents en cause dans le fichier PPU 045, elle a également indiqué qu’elle ne disposait d’aucun élément de preuve lui permettant de penser que le SCRS avait participé ou consenti à des tentatives visant à nuire à Mme Chin (motifs, par. 26). Pour tirer cette conclusion, la Cour fédérale s’est basée sur les éléments de preuve secrets déposés par le SCRS concernant les résultats de recherche dans le fichier PPU 045. Nous souscrivons aux motifs de la Cour fédérale expliquant le rejet de la contestation de Mme Chin fondée sur la Charte.

[12] En conclusion, même si nous sommes sensibles aux problèmes de Mme Chin, nous rejetterons la requête en production de nouveaux éléments de preuve et l’appel. Dans les circonstances, nous n’accorderons pas de dépens.

«K.A. Siobhan Monaghan»

j.c.a.

 

 

 

Traduction française certifiée

Sébastien D’Auteuil, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE PAR MONSIEUR LE JUGE FOTHERGILL LE 5 AVRIL 2022, DOSSIER NOT-1219-21

DOSSIER :

A-99-22

 

INTITULÉ :

KATHRYN CHIN c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 juin 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MONAGHAN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE MONAGHAN

COMPARUTIONS :

Kathryn Chin

 

l’appelante

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Jennifer Lee

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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