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Date : 20230511


Dossier : A-1-22

Référence : 2023 CAF 94

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

LA JUGE MACTAVISH

 

ENTRE :

 

 

SATNAM MAND

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

intimé

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 mai 2023.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 11 mai 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE WOODS

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20230511


Dossier : A-1-22

Référence : 2023 CAF 94

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

LA JUGE MACTAVISH

 

ENTRE :

 

 

SATNAM MAND

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1] L’appelant interjette appel de l’ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt dans la décision Mand c. Sa Majesté la Reine (6 décembre 2021), 2020-2117(IT)G (CCI) (la juge Lyons) (rendue après les motifs de vive voix prononcés le 30 novembre 2021). Dans l’ordonnance faisant l’objet du présent appel, la Cour canadienne de l’impôt a fait droit à la requête de l’intimé, a annulé les appels de l’appelant pour les années d’imposition 2007 et 2008, et a accordé à l’intimé des dépens de 7 500 $ sans avoir entendu les parties sur l’adjudication des frais.

[2] La question en litige dont était saisie la Cour canadienne de l’impôt était de savoir si les avis d’opposition avaient été signifiés dans les délais par l’appelant pour les années d’imposition 2007 et 2008. Il s’agit d’une condition préalable d’introduction d’un appel valable en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la LIR).

[3] La Cour canadienne de l’impôt a examiné les éléments de preuve présentés par les deux parties. L’appelant a présenté la déclaration sous serment d’une commis comptable qui a attesté qu’elle avait envoyé les avis d’opposition dans les délais prévus par la LIR. L’intimé a présenté la déclaration sous serment d’un agent de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), établie conformément au paragraphe 244(10) de la LIR, selon lequel il n’était pas en mesure de constater que les avis d’opposition pertinents avaient été déposés dans les délais impartis.

[4] La Cour canadienne de l’impôt a préféré les éléments de preuve présentés par l’intimé, lorsqu’elle a conclu que les éléments de preuve présentés par l’agent de l’ARC étaient fiables, alors que ceux de la commis comptable n’étaient pas crédibles. Par conséquent, la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il était plus probable qu’improbable que l’appelant n’a pas correctement signifié les avis d’opposition pour les années d’imposition en cause dans les délais impartis.

[5] La norme de contrôle applicable en appel s’applique au présent appel. Par conséquent, nous ne pouvons intervenir que si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante de fait ou de fait et de droit, sans question de droit isolable (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] RCS 262, aux paras. 25 à 37).

[6] En l’espèce, les parties conviennent que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur de droit en accordant les dépens sans avoir entendu les parties sur l’adjudication des frais. Elles conviennent en outre que, dans l’hypothèse où le présent appel serait rejeté sur le fond, l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt devrait néanmoins être modifiée pour prévoir un montant forfaitaire de 3 000 $ au titre des dépens.

[7] Je suis d’accord avec les parties pour dire que la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas la possibilité d’accorder des dépens de 7 500 $ sans donner aux parties la possibilité de présenter des observations sur la question en litige.

[8] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais le reste du présent appel et je modifierais par conséquent la décision de la Cour canadienne de l’impôt relative aux dépens afin de prévoir que des dépens devant la Cour canadienne de l’impôt d’un montant forfaitaire de 3 000 $ soient adjugés, ce qui, j’en conviens, est approprié compte tenu des questions en litige soulevées devant notre Cour.

[9] En ce qui concerne les moyens d’appel sur le fond, les conclusions de la Cour canadienne de l’impôt étaient essentiellement des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit, susceptibles de révision en cas d’erreur manifeste et dominante.

[10] La norme de l’erreur manifeste et dominante est très exigeante; « manifeste » signifie qui est clairement visible, et « dominante » signifie qui est déterminante pour la conclusion à laquelle est parvenue l’instance inférieure. Comme l’a affirmé notre Cour au paragraphe 46 de l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, [2012] ACF no 669 (QL), propos adoptés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 RCS 352, aux paras. 37 et 38, « [...] [l]orsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier ».

[11] Je ne vois aucune erreur manifeste et dominante dans la décision de la Cour canadienne de l’impôt. Contrairement à ce que prétend l’appelant, il n’était pas nécessaire que l’intimé apporte la preuve de ses pratiques en ce qui concerne la salle d’expédition. Elles n’étaient pas pertinentes en l’espèce, car il s’agissait de savoir si les avis d’opposition avaient été envoyés à l’ARC dans les délais impartis et il a été jugé que l’appelant n’avait fourni aucune preuve crédible de l’envoi des avis d’opposition.

[12] En outre, la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt sur le manque de crédibilité de la commis comptable est inattaquable, en particulier à la lumière du fait que celle-ci a signé des copies des avis, les antidatant dans les faits, et ne l’a pas divulgué à l’ARC lorsqu’elle a envoyé de nouveau les avis en 2014 avec ses observations selon lesquelles ils avaient été envoyés en 2012.

[13] Compte tenu de la décision de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle l’appelant n’avait fourni aucune preuve crédible que les avis avaient été postés dans les délais, il était loisible à la Cour canadienne de l’impôt de parvenir à une conclusion différente de celle à laquelle elle était parvenue dans la décision Carcone c. La Reine, 2011 CCI 550, [2012] 2 C.T.C. 2043 et Poulin c. La Reine, 2013 CCI 104 que l’appelant invoque.

[14] La Cour canadienne de l’impôt n’a pas non plus commis d’erreur susceptible de révision en procédant à une évaluation de la crédibilité en fonction des déclarations sous serment et de la transcription des contre-interrogatoires sur les déclarations sous serment.

[15] L’alinéa 53(3)b) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), D.O.R.S./90-688a, permet à une partie de demander l’annulation d’un appel au motif qu’une condition préalable à l’introduction d’un appel n’a pas été remplie, ce qui serait le cas si un avis d’opposition n’avait pas été déposé dans les délais. Les articles 71 à 76 disposent que, sauf décision contraire de la Cour canadienne de l’impôt, les requêtes doivent être examinées en fonction des déclarations sous serment et des transcriptions des contre-interrogatoires.

[16] L’appelant savait que l’intimé mettait en doute la crédibilité de la déposante de l’appelant, mais l’appelant n’a pas demandé à la Cour canadienne de l’impôt d’entendre sa preuve de vive voix. Compte tenu de ce qui précède, il était loisible à la Cour canadienne de l’impôt de poursuivre l’instruction du dossier comme elle l’a fait.

[17] En résumé, l’appelant n’ayant pas soulevé d’opposition devant la Cour canadienne de l’impôt quant à sa manière de procéder, elle ne peut prétendre avoir été privée de l’équité procédurale pour la première fois devant notre Cour. Comme le souligne notre Cour au paragraphe 17 de l’arrêt Canada c. Raposo, 2019 CAF 208, il est bien établi que les personnes qui estiment avoir été privées de l’équité procédurale doivent soulever la question à la première occasion, faute de quoi elles seront généralement considérées comme ayant renoncé à leur droit de soulever la question de l’équité procédurale.

[18] Je ferais donc droit au présent appel, mais uniquement dans la mesure où l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt a été modifiée pour prévoir des dépens devant notre Cour pour un montant forfaitaire de 3 000 $. Quant aux dépens du présent appel, je les attribuerais à l’intimé, qui a obtenu gain de cause sur le fond. Les parties proposent qu’ils soient fixés au montant forfaitaire de 2 000 $, ce qui, je le reconnais, est un montant approprié.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Judith Woods j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Anne L. Mactavish j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-1-22

APPEL D’UNE ORDONNANCE RENDUE LE 6 DÉCEMBRE 2021 PAR L’HONORABLE JUGE LYONS DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, NO DE DOSSIER 2020-2117(IT)G)

INTITULÉ :

SATNAM MAND c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mai 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE WOODS
LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :

Le 11 mai 2023

COMPARUTIONS :

Me Osborne G. Barnwell

Pour l’appelant

Me Benjamin Grant
Me Andrew Miller

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Osborne G. Barnwell

North York (Ontario)

Pour l’appelant

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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