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Date : 20230215


Dossier : A-331-21

Référence : 2023 CAF 35

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

CFER-TV RIMOUSKI, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.; CJPM-TV CHICOUTIMI, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.; CHLT-TV SHERBROOKE, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.; CHEM-TV TROIS-RIVIÈRES, UNE DIVISION DU GROUPE TVA INC.; CFCM-TV, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.; GROUPE TVA INC.

demanderesses

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉ(E)S DE TVA, SECTION LOCALE 687, SCFP

défendeur

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE CJPM-TV (CSN)

défendeur

Audience tenue à Montréal (Québec), le 15 février 2023.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 15 février 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE ROUSSEL

 


Date : 20230215


Dossier : A-331-21

Référence : 2023 CAF 35

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

CFER-TV RIMOUSKI, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.; CJPM-TV CHICOUTIMI, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.; CHLT-TV

SHERBROOKE, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.; CHEM-TV TROIS-RIVIÈRES, UNE DIVISION DU GROUPE TVA INC.; CFCM-TV, UNE

DIVISION DE GROUPE TVA INC.; GROUPE TVA INC.

demanderesses

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉ(E)S DE TVA, SECTION LOCALE 687, SCFP

défendeur

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE CJPM-TV (CSN)

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 15 février 2023.)

LA JUGE ROUSSEL

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du Conseil canadien des relations industrielles rendue le 27 octobre 2021 (2021 CCRI 993), par laquelle le Conseil a fait droit à la demande de révision présentée par le Syndicat des employé(e)s de TVA, section locale 687 (Syndicat SCFP), au titre de l’article 18.1 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2.

[2] Le Groupe TVA détient et exploite six stations de télévision : CFTM-TV Montréal, CFCM-TV Québec, CHLT-TV Sherbrooke, CHEM-TV Trois-Rivières, CFER-TV Rimouski et CJPM-TV Chicoutimi. Le Syndicat SCFP est l’agent négociateur accrédité des salariés syndiqués des stations de Montréal, de Québec, de Sherbrooke, de Trois-Rivières, et de Rimouski. La station CJPM-TV Chicoutimi est représentée par le Syndicat CSN.

[3] Étant d’avis que les unités de négociation n’étaient plus habiles à négocier, le Syndicat SCFP a demandé la révision de la structure des unités de négociation du Groupe TVA en vertu de l’article 18.1 du Code et a proposé qu’une seule unité soit déclarée habile à négocier collectivement. Le Groupe TVA et le Syndicat CSN se sont opposés à cette demande.

[4] Après plus de 40 jours d’audience, pendant lesquels plus de 50 témoins ont été entendus et au-delà de 500 pièces déposées, le Conseil a conclu que les unités de négociation n’étaient plus habiles à négocier collectivement, conformément au paragraphe 18.1(1) du Code. Le Conseil a d’abord retenu que les changements technologiques et la centralisation des activités vers Montréal avaient changé de façon considérable la manière de travailler dans les stations régionales et que ces changements avaient mené à des suppressions de poste et à une diminution des effectifs parmi les employés syndiqués. Le Conseil a ensuite considéré que les demandes de Groupe TVA, lors des négociations collectives, se répétaient d’une station à l’autre, faisant en sorte que les petites unités régionales étaient à la remorque des avantages ou désavantages négociés par les unités précédentes. Conformément au paragraphe 18.1(2) du Code, le Conseil a accordé aux parties un délai de 90 jours pour tenter de s’entendre sur la détermination de la structure de négociation.

[5] Les demanderesses reprochent au Conseil de ne pas avoir suffisamment expliqué en quoi l’évolution technologique et la centralisation des activités vers Montréal rendent les unités de négociation inhabiles à négocier. Elles soutiennent que le Conseil a accordé une importance démesurée aux gains obtenus par le Groupe TVA lors des négociations en plus d’avoir adopté un raisonnement erroné à l’égard de la « clause QMI ». Elles ajoutent que le Conseil aurait dû traiter dans son analyse de leur argument voulant que les règlements de griefs de juridiction dans le passé démontrent que les relations de travail fonctionnent bien. Finalement, elles arguent que le Conseil aurait dû mentionner comment il a traité de la preuve relative aux cinq unités regroupant les représentants aux ventes.

[6] La seule question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si la décision du Conseil est raisonnable selon le cadre énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.

[7] Contrairement à ce que prétendent les demanderesses, le Conseil a expliqué dans sa décision comment les changements technologiques ont eu des conséquences sur les relations de travail. Il a considéré notamment la mise à profit des journalistes des stations régionales pour le réseau TVA et LCN (aux para. 195-197), la réduction des effectifs dans les différentes stations de Groupe TVA (aux para. 200-201), la suppression des postes de directeurs généraux aux stations régionales de Trois-Rivières, Sherbrooke et Saguenay (au para. 202), la centralisation des relations de travail pour toutes les stations régionales à la station de Montréal (aux para. 203-204), et le fait que le directeur des relations de travail à la station de Montréal négocie pour l’employeur le renouvellement de toutes les conventions collectives (au para. 205).

[8] Nous sommes d’avis qu’une interprétation globale et contextuelle des motifs du Conseil sur ce point permet amplement de comprendre le fondement sur lequel repose sa décision. Retenir la thèse des demanderesses imposerait au Conseil un degré de perfection au-delà des principes établis dans Vavilov. Le Conseil n’était pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque argument ou élément de preuve présenté par les demanderesses (Vavilov aux para. 91, 102, 103 et 128). Ce qui importe est la logique et la cohérence du raisonnement ayant mené à sa conclusion finale. En l’espèce, il n’y a pas selon nous, de faille telle qu’elle justifierait notre intervention.

[9] Nous ne pouvons souscrire à l’argument des demanderesses concernant les gains du Syndicat SCFP. Le Conseil a clairement indiqué qu’il ne pèserait pas le pour et le contre des négociations ni ne déterminerait qui en avait été le gagnant ou le perdant. Il a plutôt relaté les éléments de preuve présentés par les parties relativement aux renouvellements des conventions collectives pour ensuite conclure que les unités de négociation n’étaient plus habiles à négocier collectivement selon leur structure actuelle. Il a expliqué que la multiplication des unités de négociation, qui regroupent des employés dont le nombre varie d’une unité à l’autre, et la multiplication des conventions collectives, dont les dates d’échéances sont différentes, déséquilibraient le rapport de force entre l’employeur et le Syndicat SCFP, qui représente cinq des six unités de négociation. De plus, la répétition des demandes de l’employeur d’une unité à l’autre et son refus d’avoir une table de négociation concertée, faisaient en sorte que les petites unités des stations régionales seraient toujours à la remorque des avantages ou désavantages négociés par les unités précédentes.

[10] Quant à la clause QMI, ce n’est pas l’interprétation de la clause qui était l’enjeu pour le Conseil, mais plutôt la manière dont elle a été incorporée dans chacune des conventions collectives.

[11] Pour ce qui est des deux autres arguments soulevés par les demanderesses, le Conseil a indiqué d’emblée dans sa décision qu’il ne reprendrait pas en détail tous les témoignages et tous les arguments écrits des parties. Il est évident qu’il a tenu compte de l’argument concernant les griefs de juridiction, mais n’a pas jugé opportun d’en discuter dans son analyse. Quant à la preuve relative aux unités regroupant les représentants aux ventes, le Conseil a indiqué que ces unités avaient été retirées de la demande en vertu du paragraphe 18.1(1) du Code en cours d’instance (5 ordonnances de révocation) et le procureur des demanderesses a d’ailleurs reconnu à l’audience que la preuve relative aux unités des représentants aux ventes n’était pas vraiment pertinente pour la décision que devait rendre le Conseil. Il n’y a là aucune erreur, selon nous, qui rend la décision déraisonnable dans son ensemble.

[12] Enfin, nous estimons que les demanderesses dans leur mémoire dénaturent le fardeau de preuve qu’exige le paragraphe 18.1(1) du Code en alléguant qu’il faut démontrer que les unités sont invivables, ou que la structure existante des unités est devenue trop lourde. Le Conseil pouvait raisonnablement s’appuyer sur la jurisprudence antérieure du Conseil qui souligne que, bien que l’existence de raisons valables et sérieuses doive être démontrée dans le cadre d’une demande fondée sur le paragraphe 18.1(1) du Code, ce fardeau n’est pas insurmontable, et il n’est pas nécessaire d’attendre que des problèmes graves ou intolérables surgissent pour présenter une demande. Le Conseil devait envisager la situation globalement dans son contexte et c’est ce qu’il a fait en l’espèce (Société Radio-Canada, 2003 CCRI 218 (28 février 2003) aux para. 113-114; Décision en réexamen 2003 CCRI 253 (10 novembre 2003) au para. 74; Société Radio-Canada, 2014 CCRI 741 (19 septembre 2014) aux para. 122-124).

[13] Malgré les représentations habiles du procureur des demanderesses, nous sommes d’avis que les arguments des demanderesses se résument essentiellement à un désaccord avec les conclusions de fait du Conseil, les éléments de preuve qu’il a retenus ainsi que le poids qu’il leur a accordé. Or, le rôle de cette Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire n’est pas de procéder à sa propre évaluation de la preuve (Vavilov au para. 125). Ce rôle appartenait au Conseil, et comme mentionné, celui-ci n’était pas tenu de faire référence dans sa décision à tous les éléments de preuve qui lui avaient été présentés et il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82 au para. 10).

[14] Pour conclure, il incombait aux demanderesses de démontrer que la décision du Conseil est déraisonnable (Vavilov au para. 100). Nous sommes d’avis qu’elles ne se sont pas acquittées de leur fardeau.

[15] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

« Sylvie E. Roussel »

j.c.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-331-21

 

INTITULÉ :

CFER-TV RIMOUSKI, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.;, CJPM-TV CHICOUTIMI, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.;, CHLT-TV SHERBROOKE, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.;, CHEM-TV TROIS-RIVIÈRES, UNE DIVISION DU GROUPE TVA INC.;, CFCM-TV, UNE DIVISION DE GROUPE TVA INC.; GROUPE TVA INC. c. SYNDICAT DES EMPLOYÉ(E)S DE TVA, SECTION LOCALE 687, SCFP ET SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE CJPM-TV (CSN)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 février 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LA JUGE ROUSSEL

 

COMPARUTIONS :

Stéphanie Fillion

Déborah Furtado

 

Pour les demanderesses

 

Isabelle Leblanc

Pour le défendeur

SYNDICAT DES EMPLOYÉ(E)S DE TVA, SECTION LOCALE 687, SCFP

Benoît Laurin

 

Pour LE DÉFENDEUR

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE CJPM-TV (CSN)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

 

Pour les demanderesses

 

Roy Bélanger Avocats

 

Pour le défendeur

SYNDICAT DES EMPLOYÉ(E)S DE TVA, SECTION LOCALE 687, SCFP

 

Laroche Martin

Service Juridique de la CSN

 

Pour LE DÉFENDEUR

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE CJPM-TV (CSN)

 

 

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