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Date : 20230130


Dossiers : A-97-22

A-98-22

Référence : 2023 CAF 18

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

Dossier : A-97-22

ENTRE :

CLINTON WUTTUNEE

appelant

et

MARY LINDA WHITFORD ET ALICIA MOOSOMIN

intimées

Dossier : A-98-22

ET ENTRE :

GARY NICOTINE

appelant

et

MARY LINDA WHITFORD ET ALICIA MOOSOMIN

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 29 novembre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MONAGHAN


Date : 20230130


Dossiers : A-97-22

A-98-22

Référence : 2023 CAF 18

CORAM :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

Dossier : A-97-22

ENTRE :

CLINTON WUTTUNEE

appelant

et

MARY LINDA WHITFORD ET ALICIA MOOSOMIN

intimées

Dossier : A-98-22

ET ENTRE :

GARY NICOTINE

appelant

et

MARY LINDA WHITFORD ET ALICIA MOOSOMIN

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MACTAVISH

[1] Les deux présents appels soulèvent la question de savoir s’il est loisible à la Cour fédérale d’annuler l’élection de deux personnes qui ont été reconnues coupables de fraude électorale grave en l’absence d’une conclusion que ces personnes ont influé sur le résultat de l’élection du chef et des conseillers de la Première Nation Red Pheasant (PNRP).

[2] Cependant, la Cour fédérale a effectivement conclu que Clinton Wuttunee et Gary Nicotine ont commis plusieurs infractions à la Loi sur les élections au sein de premières nations, L.C. 2014, ch. 5 (LEPN) et se sont livrés à de la fraude électorale grave au point de porter atteinte à l’intégrité de leur élection. Pour les motifs exposés ci-dessous, j’estime, après examen des conclusions de la Cour fédérale, qu’il était loisible à cette cour d’annuler l’élection du chef et du conseiller de la PNRP et que celle-ci n’a pas commis d’erreur ce faisant, vu les circonstances de l’espèce. Par conséquent, je rejetterais les présents appels.

I. Exposé des faits

[3] La PNRP a tenu une élection pour les postes de chef et de conseillers le 20 mars 2020. Clinton Wuttunee était chef titulaire et était l’un des candidats au poste de chef de la PNRP et Gary Nicotine était candidat au poste de conseiller. Les deux faisaient partie de la liste de candidats appelée [traduction] « l’équipe Clinton » et ont réussi à se faire élire aux postes brigués.

[4] Au poste de chef, ce sont 1084 bulletins de vote qui ont été déposés et six bulletins qui ont été rejetés à l’urne. Le chef Wuttunee a reçu 648 votes et le candidat en deuxième position en a reçu 424. Au poste de conseiller, ce sont 1084 bulletins qui ont été déposés et un bulletin qui a été rejeté. Le conseiller Nicotine a reçu 599 votes et les deux autres candidats qui ont été élus ont reçu 597 et 585 votes respectivement. Les candidats finissant en deuxième position ont reçu 252, 238 et 234 votes. Par conséquent, le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine ont chacun remporté leur élection par une marge substantielle sur les candidats non élus.

[5] Les intimées Mary Linda Whitford et Alicia Moosomin sont électrices et membres de la PNRP. Elles ont contesté l’élection du chef Wuttunee et celle du conseiller Nicotine, notamment en alléguant que ces derniers avaient commis diverses infractions à la LEPN et d’autres formes de fraude électorale, dont l’achat de votes. La Cour fédérale leur a donné gain de cause en annulant l’élection du chef Wuttunee et celle du conseiller Nicotine dans la décision publiée sous la référence 2022 CF 436.

[6] Le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine ont tous les deux interjeté appel de ce jugement de la Cour fédérale (dossiers A-97-22 et A-98-22) et les présents motifs concernent ces appels. Mme Whitford et Mme Moosomin ont également contesté l’élection des autres membres de l’équipe Clinton et, même si la Cour fédérale a conclu que la plupart de ces personnes ont fait preuve d’inconduite électorale, l’élection de ces personnes n’a pas été annulée. Ce volet de la décision de la Cour fédérale fait l’objet d’un appel distinct (A-94-22) et d’une décision distincte (2023 CAF 17).

[7] Les faits de l’espèce ne sont plus contestés. Dans sa longue et minutieuse décision, la Cour fédérale a conclu que le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine avaient participé à plusieurs cas de fraude électorale grave et commis plusieurs infractions à la LEPN, dont l’achat de votes et des activités connexes, au point de porter atteinte à l’intégrité de leur élection.

a) Inconduite du chef Wuttunee

[8] En ce qui concerne le chef Wuttunee, la Cour fédérale a conclu qu’il était un témoin non sincère et qu’il a menti à plusieurs reprises au sujet de sa participation à des manœuvres électorales frauduleuses. En outre, la Cour fédérale a conclu que le chef Wuttunee a contrevenu deux fois à l’alinéa 16 f) de la LEPN, qui dispose que « nul ne peut, relativement à une élection [...] offrir de l’argent, des biens, un emploi ou toute autre contrepartie valable en vue d’inciter un électeur à voter ou à s’abstenir de voter, ou encore à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat donné ». Le texte intégral de l’alinéa 16 f) de la Loi et celui des autres dispositions législatives mentionnées dans les présents motifs sont joints en annexe à la présente décision.

[9] La Cour fédérale a conclu en outre que le chef Wuttunee est mêlé directement à cinq cas de fraude électorale grave concernant l’achat de votes ou des tentatives d’achat de votes et que, dans certains cas à tout le moins, les fonds ayant servi à acheter des votes étaient la propriété de la PNRP.

[10] De plus, la Cour fédérale a conclu que le chef Wuttunee avait eu accès à des renseignements électoraux confidentiels provenant du président d’élection de la PNRP ou de fonctionnaires du bureau électoral, notamment les listes électorales sur lesquelles figurait le nom d’électeurs dont la demande de bulletins de vote postaux avait été acceptée ou refusée et en avait fait un usage abusif.

[11] Vu ces conclusions, la Cour fédérale a conclu que l’élection du chef Wuttunee devrait être annulée. En parvenant à cette conclusion, la Cour fédérale a mentionné que le chef d’une première nation devait être un « gardien de la démocratie » chez les premières nations et que le chef Wuttunee, qui était appelé à jouer un rôle de direction à titre de chef de la PNRP, avait failli à sa tâche. La Cour fédérale a en outre conclu que le président d’élection de la PNRP avait le droit d’accepter de bonne foi les demandes de bulletins de vote postaux présentées par le chef de la PNRP et que le chef Wuttunee avait été « très décevant » à cet égard.

[12] La Cour fédérale a également pris en considération le fait que le chef Wuttunee, en plus d’enfreindre deux fois la Loi, avait participé à cinq cas de fraude électorale grave au point de corrompre et de compromettre gravement l’intégrité et son élection. En outre, la Cour fédérale a jugé que puiser dans l’argent de la bande pour payer le vote de membres de la bande constituait une « fraude électorale particulièrement grave ».

[13] La Cour fédérale a admis que le nombre de bulletins de vote qui, selon la preuve, avait été viciés par l’inconduite du chef Wuttunee n’aurait pas suffi à changer le vainqueur de l’élection et que l’annulation de l’élection du chef avait pour conséquence de priver ceux qui avaient appuyé le chef de leur droit de vote. La Cour fédérale a néanmoins conclu que l’inconduite du chef Wuttunee avait porté atteinte à l’intégrité du processus électoral à tel point que la Cour fédérale devait annuler l’élection.

b) Inconduite du conseiller Gary Nicotine

[14] La Cour fédérale était convaincue que la conduite du conseiller Nicotine était telle que son élection devait elle aussi être annulée.

[15] Pour parvenir à cette conclusion, la Cour fédérale a conclu que le conseiller Nicotine a commis trois infractions à l’alinéa 16 f) de la LEPN et qu’il est mêlé directement à sept cas de fraude électorale grave concernant l’achat de votes.

[16] Comme elle l’a constaté dans le cas du chef Wuttunee, la Cour fédérale a fait remarquer que les conseillers de la PNRP sont appelés à remplir un rôle de direction dans les élections et à agir comme gardiens de la démocratie des premières nations et le conseiller Nicotine n’a pas rempli ses obligations qui viennent avec l’importance de ce rôle. De même, le président d’élection avait le droit d’accepter de bonne foi les demandes de bulletins de vote postaux provenant du conseiller Nicotine et, à cet égard, le conseiller Nicotine a été « très décevant » aux yeux de la Cour fédérale.

[17] En outre, la Cour fédérale a tenu compte du nombre de cas de fraude électorale grave et du nombre d’infractions à la Loi visant le conseiller Nicotine et aussi du fait que celui-ci est impliqué dans l’achat d’au moins un vote à l’aide des fonds de la PNRP. La Cour en a conclu que l’inconduite du conseiller Nicotine était « comparable à celle du chef Wuttunee et à peine moins odieuse » et que le conseiller avait gravement porté atteinte à l’intégrité de son élection. Elle a fait remarquer que « [c]ette conduite ne [devait] pas demeurer impunie » et que l’élection du conseiller Nicotine devait par conséquent être annulée.

II. Question en litige et norme de contrôle

[18] Comme je l’ai fait remarquer précédemment, le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine n’ont pas contesté les conclusions de fait tirées par la Cour fédérale. Leur inconduite n’ayant probablement pas eu une incidence sur les vainqueurs de l’élection, selon les conclusions de la Cour fédérale, ils ont fait valoir pour tout argument qu’il n’était pas loisible à la Cour fédérale d’annuler leur élection.

[19] Comme nous sommes en présence de deux appels d’une décision de la Cour fédérale, la norme de contrôle est celle énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 : Rodney Brass c. Papequash, 2019 CAF 245, au para. 11 (arrêt Papequash CAF). En d’autres termes, les questions de droit doivent être examinées selon la norme de la décision correcte. Les conclusions de fait et les inférences de fait doivent être examinées selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, à moins qu’une erreur de droit isolable puisse être démontrée, auquel cas cette erreur doit être examinée selon la norme de la décision correcte.

[20] Je suis d’accord avec les parties que la question en litige soulevée dans les présents appels est une de droit et que c’est la norme de la décision correcte qui s’applique par conséquent.

III. Cadre législatif

[21] La LEPN a été adoptée en 2014, créant un code législatif régissant l’élection de chefs et de conseillers des premières nations participantes. Entre autres, cette loi visait à s’écarter du modèle « désuet et paternaliste » de gouvernance des premières nations qui prévalait dans la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5. Sous le régime de la Loi sur les Indiens, les appels en matière d’élections contestées étaient entendus par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et, en dernier ressort, tranchés par le gouverneur en conseil : Débats du Sénat (Hansard), 2e session, 41e législature, vol. 149, no 29 (29 janvier 2014), pages 269a et 270a.

[22] La LEPN ne s’applique pas automatiquement à toutes les élections tenues au sein des premières nations; chacune des premières nations doit accepter d’être régie par ce régime. Une première nation adhère à ce régime lorsque son conseil de bande présente au ministre des Services aux Autochtones une résolution demandant son ajout à la liste des premières nations participantes, laquelle est jointe en annexe à la Loi. La PNRP est une première nation participante.

[23] La LEPN dispose d’un mécanisme qui permet de contester une élection. À ce sujet, l’article 30 de cette loi est particulièrement pertinent en l’espèce, car il dispose que la validité de l’élection d’un chef ou d’un conseiller d’une première nation participante ne peut être contestée que sous le régime des articles 31 à 35 de la Loi. L’article 31 de la Loi est également pertinent, car il dispose que les électeurs d’une première nation participante peuvent contester l’élection d’un chef ou d’un conseiller d’une première nation « pour le motif qu’une contravention à l’une des dispositions de la présente loi ou des règlements a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection » [Non souligné dans l’original]. Enfin, le paragraphe 35(1) de la LEPN dispose qu’un tribunal peut invalider l’élection contestée « si le motif visé à l’article 31 est établi ».

[24] La question à trancher consiste à déterminer le sens de l’expression « a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection » de l’article 31 de la LEPN. Autrement dit, faut-il, selon la Loi, que le nombre de votes viciés en raison de l’inconduite du chef Wuttunee et celle du conseiller Nicotine dépasse vraisemblablement la pluralité des votes exprimés de façon à jeter un doute sur le vainqueur de l’élection pour faire annuler leur élection? Ou suffirait-il que l’inconduite électorale ait influé sur le décompte des votes pour faire annuler l’élection?

[25] Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’examiner la jurisprudence concernant la LEPN et les lois similaires. Il sera préalablement nécessaire d’approfondir notre compréhension de l’argument du chef Wuttunee et du conseiller Nicotine.

IV. Argument du chef Wuttunee et du conseiller Nicotine

[26] Selon le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine, la LEPN ne confère pas de pouvoir discrétionnaire au juge de révision pour annuler une élection à moins qu’il ne soit d’abord établi que les infractions à la Loi (ou au Règlement sur les élections au sein de premières nations, DORS/2015-86) ont vraisemblablement altéré le vainqueur d’une élection.

[27] La Cour fédérale n’ayant pas conclu que les infractions commises à la LEPN ont vraisemblablement altéré le vainqueur des élections en litige, le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine avancent que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en procédant à l’annulation de leur élection à titre de chef et de conseiller de la PNRP.

[28] Établir que le nombre de votes rejetés est égal ou supérieur à la marge de victoire du candidat élu (ce qu’on appelle le critère du « nombre magique ») serait une façon de démontrer que le résultat d’une élection a été altéré par l’inconduite en cause. Cependant, le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine admettent que ce n’est pas la seule façon de satisfaire aux exigences de l’article 31 de la LEPN.

[29] Ils soulignent que la Cour fédérale a admis dans la décision Papequash CF qu’il est parfois nécessaire d’adopter une approche moins rigoureuse dans les cas de corruption ou de fraude lorsqu’il est impossible de confirmer l’ampleur exacte de l’inconduite ou lorsqu’il est possible que la conduite soit mal interprétée. Cela est particulièrement vrai lorsque des allégations d’achat de votes sont soulevées et lorsque les deux parties à l’opération sont coupables et ont souvent tendance à agir secrètement : au para. 34.

[30] Selon le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine, l’une des constatations dans la décision Papequash était l’existence d’une fraude généralisée qui a sans doute altéré les résultats d’une élection, même si le critère formel du « nombre magique » n’a pas été satisfait. Les appelants soutiennent en outre que la Cour fédérale n’établissait pas un fondement indépendant ou « autonome » permettant d’annuler une élection en cas de fraude, peu importe l’incidence de cette fraude sur le résultat de l’élection.

[31] Pour appuyer leur prétention selon laquelle l’annulation d’une élection n’est indiquée que lorsque le résultat de l’élection est incertain, le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine invoquent la décision Cyr v. McNabb, 2016 SKQB 357, confirmée en partie par 2017 SKCA 27 (arrêt Cyr). Dans cette décision, la Cour du banc de la Reine a souligné que l’annulation priverait de leur droit de vote tous ceux qui ont voté à l’élection. Un juge ne devrait donc exercer son pouvoir discrétionnaire d’annulation d’une élection que si le demandeur réussit à convaincre le tribunal que les résultats auraient vraisemblablement été différents, n’eût été l’inobservation de la Loi ou du Règlement : au para. 40.

[32] Le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine font également valoir que les cours devraient éviter de s’attribuer trop de pouvoir relativement à l’annulation d’élections. En plus de priver les électeurs de leur droit de vote, l’annulation « augmente le risque de litiges futurs; ébranle la certitude des résultats démocratiques; et peut provoquer une désillusion et une apathie chez les électeurs »: Flett c. Première Nation de Pine Creek, 2022 CF 805, au para. 17.

[33] Selon les appelants, c’est particulièrement le cas s’il s’agit d’une élection au sein des premières nations, puisqu’on demande à une institution externe d’intervenir dans le processus démocratique au sein d’une première nation. Même s’ils reconnaissent que la LEPN autorise cette intervention, le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine soutiennent tout de même que la Loi ne l’autorise que lors de circonstances limitées, à savoir une réfutation de la présomption de régularité, de façon à respecter l’autonomie des premières nations en matière de gouvernance.

[34] C’est avec cette compréhension de la thèse du chef Wuttunee et du conseiller Nicotine que j’examine à présent la jurisprudence pertinente.

V. Jurisprudence relative à la Loi électorale du Canada

[35] Nous nous devons de commencer par l’examen de l’arrêt de la Cour suprême du Canada intitulé Opitz c. Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55. Même s’il s’agit, dans l’arrêt Opitz, de la contestation d’une élection selon les dispositions de la Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9 (LEC), la formulation de cette loi ressemble à celle des textes qui s’appliquent en l’espèce. En d’autres termes, l’alinéa 524(1)b) de la LEC dispose qu’un électeur ou un candidat peut contester une élection pour l’un des motifs suivants : « irrégularité, fraude, manœuvre frauduleuse ou acte illégal ayant influé sur le résultat de l’élection ».

[36] Il convient de mentionner que la contestation de l’élection dans l’arrêt Opitz reposait sur des erreurs administratives. Il n’y avait aucune allégation de fraude, de manœuvre frauduleuse ou d’acte illégal ni de méfait commis par un candidat ou un parti politique, et il faut comprendre les commentaires de la Cour suprême dans cette optique.

[37] La Cour suprême a affirmé dans l’arrêt Opitz qu’un tribunal compétent peut annuler l’élection lorsque des irrégularités, de la fraude, des manœuvres frauduleuses ou des actes illégaux ont influé sur le résultat de l’élection. Dans cette situation, le tribunal doit décider si l’élection qui a été tenue a été compromise à un point tel que son annulation est justifiée : au para. 22.

[38] Pour déterminer s’il y a lieu de prononcer l’annulation d’une élection, il faut tenir compte, selon la Cour suprême, « d’une considération importante, soit celle de savoir si le nombre de votes contestés est suffisant pour jeter un doute sur l’identité du véritable vainqueur de l’élection ou si les irrégularités sont telles qu’elles mettent en question l’intégrité du processus électoral »: voir Opitz, au para. 23 [Non souligné dans l’original].

[39] En examinant le sens à conférer aux mots « ayant influé sur le résultat de l’élection », la Cour suprême considère que ces mots soulèvent la question de savoir si une personne a voté sans en avoir le droit. Elle ajoute ceci : « De toute évidence, le vote jugé invalide doit être écarté, ce qui a pour effet de modifier le décompte du scrutin et, en ce sens, d’influer sur le résultat de l’élection » : voir Opitz, au para. 25.

[40] Après avoir tenu compte de l’importance du droit de vote garanti par la Constitution et de l’objet de la LEC, du libellé et du contexte de l’article 524 et aussi des valeurs démocratiques opposées en jeu, la Cour suprême a conclu qu’une « irrégularité [...] ayant influé sur le résultat d’une élection est un manquement à la procédure prescrite par la loi qui fait en sorte qu’une personne a voté sans en avoir le droit ». La Cour a fait remarquer que « [d]e tels manquements sont graves, parce qu’ils peuvent entacher l’intégrité du processus électoral » : citations provenant toutes de l’arrêt Opitz, au para. 51. La Cour a cependant admis que l’annulation d’une élection peut être considérée comme « la conséquence la plus grave pour le public d’une violation de la Loi » et qu’elle « devrait donc être réservée aux cas graves » : voir Opitz, au para. 70.

[41] La Cour suprême fait remarquer également que le critère utilisé par les tribunaux canadiens saisis d’une contestation d’élection était celui du « nombre magique ». Comme je l’ai mentionné précédemment, il faudrait selon ce critère annuler l’élection si le nombre de votes rejetés égale ou dépasse la majorité du vainqueur : voir Opitz, au para. 71. C’est là l’approche soutenue par le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine.

[42] La Cour suprême a néanmoins reconnu la déficience du critère du « nombre magique » du fait que la contestation de l’élection est favorisée par l’hypothèse selon laquelle les votes rejetés avaient tous été exprimés pour le candidat élu, ce qui est très peu probable. Cela dit, aucun autre critère qui soit fiable et qui ne compromettrait pas le caractère confidentiel du scrutin n’a été élaboré : voir Opitz, au para. 72. Par conséquent, même après avoir appliqué le critère du « nombre magique » dans l’arrêt Opitz, la Cour suprême n’écarte pas la possibilité « qu’un tribunal adopte à l’avenir une méthode plus réaliste pour trancher les requêtes en contestation d’élection » : voir Opitz, au para. 73.

[43] Tout comme l’arrêt Opitz, la décision McEwing c. Canada (Procureur général), 2013 CF 525, touche à la contestation d’une élection en application de la LEC. Les requérants dans McEwing demandaient l’annulation des résultats d’une élection générale dans six circonscriptions électorales en raison de tentatives de suppression de votes.

[44] La Cour fédérale a affirmé dans la décision McEwing que les mots « ayant influé sur le résultat de l’élection » supposaient qu’au moins un vote ait été exprimé de façon irrégulière ou n’ait pas pu être exprimé dans une circonscription et que ce fait ait influé sur le résultat dans cette circonscription : au para. 71. Lorsqu’une élection est entachée d’irrégularités procédurales ou de fraude électorale, même un seul vote non valide ou éliminé pourrait en principe influer sur le résultat. Cependant, ce fait à lui seul pourrait ne pas suffire pour justifier l’annulation de l’élection : McEwing, au para. 72.

[45] Après avoir relevé que la Cour suprême n’a pas exclu l’adoption d’un critère autre que celui du « nombre magique » dans l’arrêt Opitz, la Cour fédérale a noté qu’une question restait en suspens, soit celle de savoir si la présence d’irrégularités mettant en doute l’intégrité du processus électoral pouvait justifier l’annulation de l’élection. Selon la Cour fédérale, il serait plus facile de le déterminer si une fraude électorale, une manœuvre frauduleuse ou un acte illégal était avéré : McEwing, au para. 76.

[46] La Cour a ajouté que l’examen de la question de savoir si l’effet de la fraude sur les résultats d’une élection est suffisamment important pour justifier l’annulation des résultats d’une élection relève du pouvoir discrétionnaire du juge : McEwing, au para. 79. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la Cour fédérale fait remarquer que la Cour suprême du Canada a, dans l’arrêt Opitz, renvoyé au paragraphe 62 de l’arrêt Cusimano v. Toronto (City), 2011 ONSC 7271, [2011] OJ no 5986 (QL), pour soutenir la proposition selon laquelle une élection ne peut être annulée que lorsque l’irrégularité [traduction] « viole un principe démocratique fondamental ou permet de se demander si le résultat recueilli reflète la volonté des électeurs » : voir Opitz, au para. 43 [Non souligné dans l’original].

[47] Enfin, la Cour fédérale a noté dans la décision McEwing que la Cour suprême avait fait remarquer dans l’arrêt Opitz que l’annulation d’une élection priverait de leur droit de vote les personnes dont les votes sont rejetés (dans le contexte d’une allégation d’irrégularités), mais aussi toutes celles qui ont voté dans la circonscription : voir McEwing, au para. 82, renvoyant au para. 43 de l’arrêt Opitz. Par conséquent, la Cour fédérale a déclaré que les tribunaux ne devraient exercer leur pouvoir discrétionnaire pour annuler une élection que lorsqu’il existe une raison sérieuse de croire que les résultats auraient été différents en l’absence de fraude ou lorsque la participation d’un candidat ou de son agent officiel à de la fraude est avérée : voir McEwing, au para. 83.

VI. Jurisprudence relative à la Loi sur les élections au sein de premières nations

[48] Le sens des mots « a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection » fait partie des considérations des tribunaux devant trancher les contestations d’élections tenues sous le régime de la LEPN. Pour nos besoins, les jugements les plus pertinents sont ceux de la Cour fédérale, la décision Papequash c. Brass, 2018 CF 325 (Papequash CF) et de notre Cour, l’arrêt Papequash CAF.

[49] La décision et l’arrêt Papequash relèvent d’une demande de contrôle judiciaire interjetée en application des articles 31 et 35 de la LEPN. Les requérants demandaient l’annulation de l’élection tenue par la première nation de Key au motif que les pratiques électorales contraires à l’éthique étaient répandues, notamment l’utilisation abusive des fonds de la bande pour acheter des votes ou convaincre certains candidats de ne pas se présenter à l’élection.

[50] Pour statuer sur la question de l’annulation de l’élection, la Cour fédérale a fait remarquer que ce ne sont pas toutes les infractions à la Loi ou au Règlement qui justifient l’annulation d’une élection tenue par une bande et qu’il est important de distinguer les irrégularités techniques en matière de procédure d’une part et la fraude et les manœuvres frauduleuses d’autre part. Il peut convenir d’appliquer une méthode de type mathématique (le critère du « nombre magique ») pour établir que l’élection aurait eu un résultat différent en raison d’irrégularités de procédure. Par contre, lorsque le résultat d’une élection est altéré par une fraude au point de remettre en question l’intégrité du processus électoral, l’annulation peut être justifiée, peu importe le nombre de votes invalides prouvé : voir Papequash CF, au para. 34.

[51] La Cour fédérale a expliqué qu’il convient d’adopter une approche plus rigoureuse en cas de corruption électorale, car l’ampleur exacte de l’inconduite pourrait ne pas pouvoir être confirmée et il serait possible de mal interpréter les pratiques observées. C’est particulièrement le cas lorsque des allégations d’achat de votes sont soulevées et que les deux parties à l’opération sont coupables et ont souvent tendance à agir secrètement : voir Papequash CF, au para. 34, renvoyant à la décision Gadwa c. Kehewin Première Nation, 2016 CF 597 (décision Gadwa CF), confirmée par l’arrêt Joly c. Gadwa, 2017 CAF 203 (décision Gadwa CAF). De plus, il convient de traiter plus sévèrement les manœuvres frauduleuses commises par un candidat ou un agent lors du processus électoral : voir Papequash CF, au para. 37. Voir également Gadwa CF au para. 88.

[52] Dans la décision Papequash CF, la Cour fédérale relève aussi que la Cour suprême a conclu qu’un tribunal peut annuler une élection en cas de fraude, de manœuvres frauduleuses ou de pratiques illégales influant sur le résultat de l’élection ou lorsque des irrégularités violent un principe démocratique fondamental : voir Opitz, au para. 43.

[53] Selon la Cour fédérale, les tentatives d’achat de vote d’électeurs par les candidats d’une élection « constituent une pratique insidieuse qui affaiblit et compromet l’intégrité d’un processus électoral » : voir Papequash CF, au para. 38. En pareil cas, le tribunal doit décider si l’élection qui a été tenue a été compromise à un point tel que son annulation est justifiée : voir Papequash CF, au para. 35, renvoyant à l’arrêt Opitz, au para. 22.

[54] La Cour fédérale en a conclu qu’une fraude électorale grave pouvait fausser le résultat d’une élection. L’annulation d’une élection en particulier doit dépendre des faits de l’affaire : voir Papequash CF, au para. 36, renvoyant à la décision McEwing, au para. 81.

[55] Pour le déterminer, cependant, le tribunal doit se rappeler que l’annulation d’une élection prive de leur droit de vote les personnes dont le vote a été rejeté (ou acheté, comme en l’espèce) et aussi tous les autres électeurs de l’élection. Par conséquent, le tribunal ne devrait exercer son pouvoir discrétionnaire lui autorisant d’annuler une élection que lorsqu’il existe une raison sérieuse de croire qu’un candidat ou son agent sont directement impliqués dans la fraude : voir Papequash CF, au para. 36, renvoyant à la décision McEwing, au para. 82. Voir également l’arrêt Opitz, au para. 48.

[56] Dans la décision Papequash CF, la Cour fédérale a conclu qu’il y avait une preuve manifeste de l’achat de votes, une activité répandue et menée ouvertement par plusieurs personnes. La Cour a été en outre convaincue que l’intégrité de l’élection de la Première Nation de Key avait été entachée par l’inconduite de candidats à tel point que l’annulation de l’élection et la tenue d’une nouvelle élection s’imposaient : aux paras. 39 et 40. Il est important de mentionner que nulle part dans ses motifs la Cour fédérale n’a conclu que le nombre de votes contestés en raison de pratiques frauduleuses en cause suffisait à renverser le résultat de l’élection.

[57] Notre Cour a par la suite conclu que la Cour fédérale avait pris en considération les articles pertinents de la LEPN dans la décision Papequash CAF et que son application de la jurisprudence à la cause entendue était justifiée. Par conséquent, notre Cour a rejeté l’appel interjeté par les candidats dont la conduite était en cause : voir Papequash CAF.

[58] Il convient de rappeler que l’un des principes que la Cour fédérale a appliqués dans la décision Papequash CF et que notre Cour a approuvés dans l’arrêt Papequash CAF était la nécessité de distinguer les affaires d’irrégularités procédurales techniques de celles liées à la fraude et aux manœuvres frauduleuses. Même si une approche purement mathématique peut convenir aux cas d’irrégularités procédurales, l’annulation peut se justifier, peu importe le nombre avéré de votes non valides lorsque la fraude entache une élection au point de porter atteinte à l’intégrité du processus électoral : voir Papequash CF, au para. 34.

[59] Avant de passer à la prochaine section des présents motifs, il est également utile de rappeler une observation de la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Cyr, un autre jugement sous le régime de la LEPN. La Cour d’appel de la Saskatchewan y citait une affirmation de la Cour suprême tirée de l’arrêt Opitz, selon laquelle il faut tenir compte, pour déterminer s’il y a lieu de prononcer l’annulation d’une élection, d’une considération importante, soit celle « de savoir si le nombre de votes contestés est suffisant pour jeter un doute sur l’identité du véritable vainqueur de l’élection ou si les irrégularités sont telles qu’elles mettent en question l’intégrité du processus électoral » : au para. 44 [Non souligné dans l’originale].

[60] Dans l’arrêt Cyr, il était question d’irrégularités dues à de la négligence ou à de l’inadvertance; or, il n’y avait aucune preuve de fraude ni de mauvaise foi dans cette affaire et l’intégrité du processus électoral n’était pas remise en question. Il s’ensuit que la Cour d’appel de la Saskatchewan a conclu qu’il convenait d’appliquer le critère du « nombre magique ». Néanmoins, dans l’arrêt Cyr, la Cour d’appel de la Saskatchewan a par la suite tiré de l’arrêt Opitz la citation figurant dans le paragraphe précédent, tout en notant que les juges majoritaires avaient également affirmé dans l’arrêt Opitz que la question de savoir si la présence d’irrégularités avérées mettait en doute l’intégrité du processus électoral était une importante considération d’un tribunal devant se prononcer sur une demande d’annulation. Cependant, ayant déjà conclu dans l’arrêt Cyr qu’il convenait d’appliquer le critère du « nombre magique », la Cour d’appel de la Saskatchewan a conclu que cette deuxième considération [traduction] « n’avait aucun rapport avec l’exercice du pouvoir discrétionnaire » dans cette affaire : au para. 49.

[61] Il semble donc que la Cour d’appel de la Saskatchewan ait relevé dans son interprétation du paragraphe 23 de l’arrêt Opitz deux considérations distinctes qui sont pertinentes à l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un tribunal pour annuler une élection. La première consiste à savoir si le nombre de votes contestés est suffisant pour jeter un doute sur l’identité du véritable vainqueur de l’élection et la deuxième, à savoir si les irrégularités sont telles qu’elles remettent en cause l’intégrité du processus électoral.

[62] De tout cela, je crois comprendre que le résultat d’une élection a sans doute été altéré lorsque l’inconduite en cause est grave au point d’éroder ou de compromettre irrémédiablement l’intégrité de l’élection.

VII. Application de ces principes en l’espèce

[63] Le paragraphe 35(1) de la LEPN confère à la Cour fédérale le pouvoir discrétionnaire nécessaire à l’annulation d’une élection lorsque celle-ci est d’avis qu’il convient de la prononcer, pourvu que la ou les infractions à la Loi ou au Règlement aient vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection. Comme il ressort de l’examen de la jurisprudence pertinente, il n’est pas nécessaire que les votes contestés soient en nombre suffisant pour renverser le résultat de l’élection. En cas de fraude électorale grave, il suffit que la conduite des candidats ait influé sur le décompte des voix et ait compromis l’intégrité globale de leur élection.

[64] En l’espèce, la Cour fédérale savait qu’elle détenait ce pouvoir discrétionnaire et elle a réfléchi avec attention s’il convenait d’annuler l’élection du chef Wuttunee et celle du conseiller Nicotine. Ce faisant, la Cour fédérale a dégagé les règles de droit pertinentes et donné les motifs pour lesquels elle concluait qu’il convenait d’annuler l’élection de ces deux personnes.

[65] La Cour fédérale comprend que la présomption de régularité est utile à la tenue d’une élection et que, par conséquent, ceux qui contestent une élection doivent démontrer qu’il existe des faits justifiant l’annulation, car le fardeau de la preuve leur incombe en droit : voir Opitz, aux paras. 52 et 53; voir Cyr, au para. 23.

[66] La Cour fédérale a admis explicitement que le nombre de bulletins de vote qui, selon la preuve, ont été viciés par l’inconduite du chef Wuttunee et du conseiller Nicotine ne saurait satisfaire au critère du « nombre magique » en ce qui concerne l’élection du chef et celle du conseiller. La Cour fédérale a en outre admis que l’annulation de l’élection du chef Wuttunee et de celle du conseiller Nicotine aurait pour effet de priver de leur droit de vote les électeurs qui avaient légitimement soutenu ces candidats.

[67] Parallèlement, la Cour fédérale a relevé plusieurs facteurs aggravants ayant rendu la conduite du chef Wuttunee et du conseiller Nicotine encore plus odieuse.

[68] La Cour fédérale a conclu que les gestes posés par le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine ont dépassé de loin les comportements acceptables et que les deux ont été mêlés directement à plusieurs cas de fraude électorale grave. De plus, la Cour fédérale a conclu qu’ils avaient contrevenu plusieurs fois à la LEPN, notamment par l’achat de votes et d’activités semblables, et contrevenu au Règlement sur les élections au sein de premières nations en ce qui concerne les votes postaux.

[69] La Cour fédérale a en outre conclu que la conduite du chef Wuttunee et celle du conseiller Nicotine avaient porté atteinte à l’intégrité de leur élection.

[70] Qui plus est, la Cour fédérale a conclu que le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine ont tous les deux utilisé les fonds de la PNRP pour acheter des votes, un geste que la Cour fédérale a qualifié de fraude électorale particulièrement grave.

[71] La Cour fédérale a également noté que le chef Wuttunee et le conseiller Nicotine occupaient des postes de direction au sein de la PNRP et que, à ce titre, ils étaient censés montrer l’exemple. Au lieu d’agir comme des « gardiens de la démocratie » d’une première nation, ils ont plutôt tenté de corrompre le processus démocratique.

VIII. Conclusion

[72] Aucun des faits énoncés ci-dessus n’a été contesté par le chef Wuttunee ou le conseiller Nicotine et ils n’ont pas non plus démontré que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en procédant à l’annulation de leur élection à titre de chef et de conseiller de la PNRP. Comme j’ai déjà conclu qu’il était loisible à la Cour fédérale d’annuler l’élection du chef Wuttunee et celle du conseiller Nicotine sans avoir à conclure que le critère du « nombre magique » avait été respecté, il s’ensuit que je rejetterais les présents appels. Conformément à la demande des parties, je ne me prononcerais pas sur la question des dépens à ce moment-ci, mais j’autorisais les parties à présenter des observations écrites sur cette question.

[73] Conformément au paragraphe 35(2) de la Loi sur les élections au sein de premières nations, précitée, la Cour fera parvenir une copie de la présente décision au ministre des Services aux Autochtones.

« Anne L. Mactavish »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Le juge Locke »

« Je suis d’accord.

La juge Monaghan »


ANNEXE

Loi sur les élections au sein de premières nations

First Nations Elections Act

L.C. 2014, ch. 5

S.C. 2014, c. 5

[…]

Interdictions générales

Prohibition — any person

16 Nul ne peut, relativement à une élection :

16 A person must not, in connection with an election,

a) voter ou tenter de voter sachant qu’il est inhabile à voter;

(a) vote or attempt to vote knowing that they are not entitled to vote;

b) inciter une autre personne à voter sachant que celle-ci est inhabile à voter;

(b) attempt to influence another person to vote knowing that the other person is not entitled to do so;

c) faire sciemment usage d’un faux bulletin de vote;

(c) knowingly use a forged ballot;

d) déposer dans une urne un bulletin de vote sachant qu’il n’y est pas autorisé par règlement;

(d) put a ballot into a ballot box knowing that they are not authorized to do so under the regulations;

e) par intimidation ou par la contrainte, inciter une autre personne à voter ou à s’abstenir de voter, ou encore à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat donné;

(e) by intimidation or duress, attempt to influence another person to vote or refrain from voting or to vote or refrain from voting for a particular candidate; or

f) offrir de l’argent, des biens, un emploi ou toute autre contrepartie valable en vue d’inciter un électeur à voter ou à s’abstenir de voter, ou encore à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat donné.

(f) offer money, goods, employment or other valuable consideration in an attempt to influence an elector to vote or refrain from voting or to vote or refrain from voting for a particular candidate.

[…]

Mode de contestation

Means of contestation

30 La validité de l’élection du chef ou d’un conseiller d’une première nation participante ne peut être contestée que sous le régime des articles 31 à 35.

30 The validity of the election of the chief or a councillor of a participating First Nation may be contested only in accordance with sections 31 to 35.

Contestation

Contestation of election

31 Tout électeur d’une première nation participante peut, par requête, contester devant le tribunal compétent l’élection du chef ou d’un conseiller de cette première nation pour le motif qu’une contravention à l’une des dispositions de la présente loi ou des règlements a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection.

31 An elector of a participating First Nation may, by application to a competent court, contest the election of the chief or a councillor of that First Nation on the ground that a contravention of a provision of this Act or the regulations is likely to have affected the result.

Délai de présentation

Time limit

32 La requête en contestation doit être présentée dans les trente jours suivant la date à laquelle les résultats de l’élection contestée sont annoncés.

32 An application must be filed within 30 days after the day on which the results of the contested election were announced.

Compétence

Competent courts

33 Pour l’application de l’article 31, constituent le tribunal compétent pour entendre la requête la Cour fédérale ou la cour supérieure siégeant dans la province où se trouve une ou plusieurs réserves de la première nation participante en cause.

33 The following courts are competent courts for the purpose of section 31:

(a) the Federal Court; and

(b) the superior court of a province in which one or more of the participating First Nation’s reserves are located.

Signification

Service of application

34 Le requérant signifie sa requête au président d’élection et aux candidats ayant participé à l’élection contestée.

34 An application must be served by the applicant on the electoral officer and all the candidates who participated in the contested election.

Décision du tribunal

Court may set aside election

35 (1) Au terme de l’audition, le tribunal peut, si le motif visé à l’article 31 est établi, invalider l’élection contestée.

35 (1) After hearing the application, the court may, if the ground referred to in section 31 is established, set aside the contested election.

Transmission de la décision

Duties of court clerk

(2) Lorsque le tribunal invalide une élection, le greffier expédie un exemplaire de la décision au ministre.

(2) If the court sets aside an election, the clerk of the court must send a copy of the decision to the Minister.

Loi électorale du Canada

Canada Elections Act

L.C. 2000, ch. 9

S.C. 2000, c. 9

[…]

Contestation

Contestation of election

524 (1) Tout électeur qui était habile à voter dans une circonscription et tout candidat dans celle-ci peuvent, par requête, contester devant le tribunal compétent l’élection qui y a été tenue pour les motifs suivants :

524 (1) Any elector who was eligible to vote in an electoral district, and any candidate in an electoral district, may, by application to a competent court, contest the election in that electoral district on the grounds that

a) inéligibilité du candidat élu au titre de l’article 65;

(a) under section 65 the elected candidate was not eligible to be a candidate; or

b) irrégularité, fraude, manoeuvre frauduleuse ou acte illégal ayant influé sur le résultat de l’élection.

(b) there were irregularities, fraud or corrupt or illegal practices that affected the result of the election.

Précision

Exception

(2) La contestation ne peut être fondée sur les motifs prévus au paragraphe 301(2) pour un dépouillement judiciaire.

(2) An application may not be made on the grounds for which a recount may be requested under subsection 301(2).

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-97-22

 

INTITULÉ :

CLINTON WUTTUNEE c. MARY LINDA WHITFORD AND ALICIA MOOSOMIN

 

ET DOSSIER :

A-98-22

 

INTITULÉ :

GARY NICOTINE c. MARY LINDA WHITFORD AND ALICIA MOOSOMIN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 novembre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MONAGHAN

DATE DES MOTIFS :

Le 30 janvier 2023

COMPARUTIONS :

Senwung Luk

Sarah Glickman

Pour les appelants

CLINTON WUTTUNEE ET GARY NICOTINE

Nathan Xiao-Phillips

Mervin C. Phillips

Pour les intimées

MARY LINDA WHITFORD ET ALICIA MOOSOMIN

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Olthuis Kleer Townshend LLP

Toronto (Ontario)

Pour les appelants

CLINTON WUTTUNEE ET GARY NICOTINE

Phillips & Co.

Regina (Saskatchewan)

Pour les intimées

MARY LINDA WHITFORD ET ALICIA MOOSOMIN

 

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