Date : 20220718
Dossier : A-41-21
Référence : 2022 CAF 133
[TRADUCTION FRANÇAISE]
CORAM :
|
LE JUGE RENNIE
LA JUGE GLEASON
LA JUGE ROUSSEL
|
ENTRE : |
JAMES KOT |
demandeur |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 juin 2022.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2022.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE ROUSSEL |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE RENNIE LA JUGE GLEASON |
Date : 20220718
Dossier : A-41-21
Référence : 2022 CAF 133
CORAM :
|
LE JUGE RENNIE
LA JUGE GLEASON
LA JUGE ROUSSEL
|
ENTRE : |
JAMES KOT |
demandeur |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE ROUSSEL
[1] Le demandeur, James Kot, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision (2020 CRTESPF 29) rendue le 23 mars 2020 par une arbitre de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la Commission). Dans sa décision, la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre le grief du demandeur, pour le motif que ce dernier était en période de stage et qu’il ne s’était pas acquitté du fardeau de démontrer que la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi n’était pas fondée sur une insatisfaction sincère quant à son aptitude à l’emploi.
[2] Plus précisément, la Commission a conclu que, lorsque le demandeur avait été mis en disponibilité en 2015 à la suite de son emploi au ministère des Transports, il avait cessé d’être un fonctionnaire aux termes du paragraphe 64(4) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Par conséquent, lorsqu’il avait été embauché en avril 2016 aux Services nationaux de laboratoire judiciaire de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC), il était considéré comme une personne embauchée par nomination externe. Ainsi, une période de stage de douze mois s’appliquait, conformément au paragraphe 61(1) de la LEFP et au paragraphe 2(1) du Règlement fixant la période de stage et le délai de préavis en cas de renvoi au cours de la période de stage, DORS/2005-375 (le Règlement). Le demandeur était par conséquent en période de stage lorsque son emploi prit fin en avril 2017.
[3] La Commission a ensuite examiné le fait que la lettre d’offre originale reçue par le demandeur ne faisait pas référence à une période de stage, mais elle a conclu que, comme cela était prévu par la loi, il était impossible de modifier la période de stage par renonciation, par consentement ou par omission dans la lettre d’offre. Finalement, la Commission a conclu que le fait que l’employeur se soit appuyé sur la LEFP ne constituait ni un camouflage ni un subterfuge, car il avait des motifs sincères de douter de l’aptitude à l’emploi du demandeur, puisque ce dernier avait mêlé son employeur à un différend personnel en utilisant à maintes reprises son téléphone et son adresse électronique professionnels.
[4] Devant la Cour, le demandeur conteste la conclusion de la Commission selon laquelle il était en période de stage lorsque son emploi prit fin en avril 2017, de même que celle selon laquelle son employeur avait des motifs légitimes de douter de son aptitude à l’emploi. Le demandeur affirme essentiellement que la Commission a fait abstraction des éléments de preuve pertinents, puisqu’elle ne les a pas mentionnés dans ses motifs. Le demandeur soutient également que la Commission a accordé trop peu de poids à certains éléments de preuve et qu’elle a fondé sa décision sur des éléments de preuve par ouï-dire. Il allègue en outre que son employeur a [traduction] « fabriqué des éléments de preuve dans l’intention de ternir sa réputation »
.
[5] La décision de la Commission est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 aux para. 10, 16 et 17 [Vavilov]; Canada (Procureur général) c. Alexis, 2021 CAF 216 au para. 2 [Alexis]; Gulia c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 106 au para. 8). Lorsque ce critère s’applique, la Cour doit s’intéresser à « la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision »
(Vavilov au para. 83). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
(Vavilov au para. 99). Il « incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable »
(Vavilov au para. 100).
[6] Après avoir examiné les motifs de la Commission et le dossier, je conclus que la décision de la Commission est raisonnable. Dans ses motifs, la Commission a examiné de manière détaillée les éléments de preuve et a fourni un résumé complet des observations des parties. Elle a appliqué le critère adéquat pour examiner la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi du demandeur au cours de la période de stage de ce dernier, et les éléments de preuve et le droit étayent largement les conclusions de la Commission. Les dispositions pertinentes sont énoncées à l’annexe A des présents motifs.
[7] Le demandeur fait valoir qu’il n’était pas en période de stage lorsque la GRC l’avait embauché en 2016, car il n’avait pas été embauché par nomination externe. Il affirme qu’il bénéficiait d’un statut prioritaire et qu’il avait eu le droit de participer à des processus de recrutement internes. Pour appuyer sa thèse, il se fonde en outre sur l’absence de clause mentionnant une période de stage dans la lettre d’offre originale qu’il avait reçue, ainsi que sur un extrait d’une note d’information qui indiquerait que la période de stage de douze mois ne s’applique pas aux cas prioritaires.
[8] Je ne peux souscrire aux arguments du demandeur.
[9] Le demandeur ne conteste pas avoir perdu son emploi précédent en 2015. Comme l’a souligné la Commission, selon le paragraphe 64(4) de la LEFP, « le fonctionnaire mis en disponibilité perd sa qualité de fonctionnaire »
. La conclusion de la Commission selon laquelle [traduction] « une fois qu’il a été mis en disponibilité, en 2015, le [demandeur] a cessé d’être un fonctionnaire et [il] a été embauché par nomination externe le 28 avril 2016 »
est par conséquent raisonnable. Pour en arriver à cette conclusion, la Commission s’est fondée à juste titre sur la décision de notre Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Santawirya, 2019 CAF 248, dans laquelle la Cour explique ce qui suit :
[15] Le paragraphe 64(4) énonce clairement l’intention du législateur pour ce qui est de déterminer si une personne qui avait droit à une priorité de mise en disponibilité est un fonctionnaire. Il n’y a aucun doute quant au sens ou à la portée de son application. Le législateur a décidé qu’une personne qui est mise en disponibilité au titre du paragraphe 64(1) de la LEFP cesse d’être fonctionnaire […]
[10] Bien que le statut prioritaire du demandeur aux termes du paragraphe 41(4) de la LEFP lui donnait droit « de participer à tout processus de nomination annoncé auquel [il] aurait pu participer [s’il] n’avait pas été [mis] en disponibilité »
(art. 44 de la LEFP), il avait néanmoins cessé d’être un fonctionnaire en vertu du paragraphe 64(4) de la LEFP. Il était donc raisonnable que la Commission conclue que le demandeur avait été embauché par nomination externe et qu’en application du paragraphe 61(1) de la LEFP, il était soumis à une période de stage, comme le prévoit le Règlement.
[11] À l’audience, la formation avait autorisé le demandeur à présenter un document renvoyant à une note d’information de la GRC qui indiquait prétendument ce qui suit : [traduction] « La direction des Services nationaux de laboratoire judiciaire à Ottawa a été informée que la période de stage de 12 mois ne s’appliquait pas aux cas “prioritaires” »
.
[12] Le demandeur se fonde à tort sur ce document, car la Commission a examiné la question de l’erreur de la GRC dans ses motifs. La Commission a reconnu explicitement dans sa décision l’absence de clause relative à la période de stage dans la lettre d’offre originale. Elle a également accepté l’élément de preuve selon lequel, à l’envoi au demandeur de la lettre d’offre modifiée, personne n’avait fait remarquer expressément au demandeur l’ajout d’un nouveau paragraphe concernant cette période de stage. La Commission a conclu que, bien que la situation du demandeur soit regrettable, la formulation du paragraphe 61(1) de la LEFP est claire et on ne peut en faire abstraction. Le demandeur n’est pas parvenu à établir le caractère déraisonnable de l’interprétation des dispositions législatives pertinentes faite par la Commission.
[13] La Commission a également examiné l’argument du demandeur selon lequel la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi au cours de la période de stage constituait un camouflage, un subterfuge ou une tentative déguisée de licencier le demandeur. La Commission a examiné les éléments de preuve concernant les événements ayant conduit à la réprimande écrite adressée au demandeur en août 2016, et elle a reconnu l’existence de questions litigieuses entre le demandeur et son premier superviseur. La Commission a expliqué pourquoi elle estimait que cet événement n’appuyait pas l’argument du demandeur selon lequel il aurait été puni par son employeur, étant donné que le dossier démontrait comment la situation s’était améliorée par la suite, à un point tel que l’affectation du demandeur avait été renouvelée et que son employeur envisageait de la rendre permanente. La Commission a souligné par ailleurs que la décision de mettre fin à l’emploi du demandeur au cours de sa période de stage avait été prise uniquement lorsque les actes du demandeur avaient été portés à la connaissance de l’employeur, à l’occasion d’une plainte d’un membre du public, déposée en mars 2017. La Commission a examiné les éléments de preuve concernant les actes du demandeur et elle en a conclu que l’employeur avait de sérieux doutes quant à l’aptitude à l’emploi du demandeur à la GRC. Bien que le demandeur allègue que son employeur avait fabriqué des éléments de preuve lorsqu’il a envoyé la lettre d’offre modifiée, le demandeur n’a pas été en mesure de fournir le moindre élément de preuve pour appuyer cette grave accusation.
[14] En outre, contrairement à ce que le demandeur fait valoir, la Commission n’est pas tenue de renvoyer à tous les éléments de preuve, notamment aux témoignages de tous les témoins. Elle n’est pas non plus tenue de répondre à chaque argument ni de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement qui l’a menée à sa conclusion (Vavilov aux para. 91 et 128; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para. 16). Je suis d’avis qu’il n’existe aucun fondement permettant de conclure que la Commission a fait abstraction d’éléments de preuve ou qu’elle a omis de tenir compte des questions soulevées par le demandeur. L’argument du demandeur selon lequel la Commission se serait fondée de manière déraisonnable sur des éléments de preuve par ouï-dire n’est pas fondé. Conformément à l’alinéa 20e) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, L.C. 2013, ch. 40, art. 365, la Commission a le pouvoir d’accepter tout élément de preuve, qu’il soit admissible ou non en justice.
[15] En outre, il faut garder à l’esprit que la Cour a souligné, dans l’arrêt Alexis, que « les employeurs ont un pouvoir discrétionnaire très étendu lorsqu’il s’agit d’évaluer les aptitudes d’un employé stagiaire, et leurs décisions portent peu à révision »
(Alexis au para. 10). Il incombe au plaignant d’établir que le licenciement équivalait à un camouflage, à un subterfuge, ou a été effectué de mauvaise foi (Alexis au para. 9). En l’espèce, la Commission a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau, et il n’est pas parvenu à me convaincre que cette conclusion était déraisonnable.
[16] Après avoir examiné les observations du demandeur, je suis d’avis qu’il demande essentiellement à la Cour d’examiner et de pondérer de nouveau les éléments de preuve présentés à la Commission et d’en tirer une conclusion plus favorable pour lui. Il ne s’agit pas là du rôle de la Cour dans le contexte d’un contrôle judiciaire (Vavilov au para. 125). En outre, j’estime que le demandeur insiste de manière excessive sur certains passages des motifs de la Commission et qu’il a entrepris « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur »
(Vavilov au para. 102), ce qu’une cour de révision ne peut pas se permettre de faire. Il était loisible à la Commission de conclure, en se fondant sur le dossier dont elle avait été saisie, qu’elle n’avait pas compétence pour entendre le grief du demandeur, en vertu de l’alinéa 211a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, et du paragraphe 62(1) de la LEFP.
[17] Finalement, le demandeur allègue vaguement dans ses observations un manque d’équité procédurale découlant de la communication des documents. Cet argument est sans fondement. Étant donné que le demandeur avait soutenu, tout au long de l’audition devant la Commission, ne pas avoir reçu tous les documents pertinents, la Commission a estimé nécessaire d’examiner la chronologie de la communication des documents au tout début de ses motifs. Elle a indiqué avoir examiné cette chronologie à la fin de l’audience, en présence des deux parties, sans que personne n’en conteste l’exactitude. La Commission en a conclu que le demandeur avait reçu les documents qu’il avait demandés ou ceux qui auraient pu être pertinents pour l’audition, et qu’on lui avait accordé le temps nécessaire pour les traiter. En me fondant sur les observations du demandeur, je ne vois aucune erreur susceptible de révision dans la manière dont la Commission a traité la question de la communication des documents.
[18] Pour ces motifs, je rejetterais la demande. Dans les circonstances, je suis d’avis de ne pas adjuger de dépens.
« Sylvie E. Roussel »
j.c.a.
« Je souscris à ces motifs.
Donald J. Rennie, j.c.a. »
« Je souscris à ces motifs.
Mary J.L. Gleason, j.c.a. »
ANNEXE A
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COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
A-41-21 |
INTITULÉ :
|
JAMES KOT c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Ottawa (Ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 23 juin 2022
|
MOTIFS DU JUGEMENT :
|
LA JUGE ROUSSEL
|
Y ONT SOUSCRIT :
|
LE JUGE RENNIE LA JUGE GLEASON |
DATE DES MOTIFS :
|
LE 18 JUILLET 2022 |
COMPARUTIONS :
James Kot |
Pour le demandeur (pour son propre compte) |
Joel Stelpstra |
Pour lE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
A. François Daigle Sous-procureur général du Canada |
Pour lE DÉFENDEUR |