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Date : 20220607


Dossier : A-214-21

Référence : 2022 CAF 105

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

MARINA CHU

 

 

défenderesse

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 7 juin 2022.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 7 juin 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20220607


Dossier : A-214-21

Référence : 2022 CAF 105

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

MARINA CHU

 

 

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus oralement à l’audience à Montréal (Québec), le 7 juin 2022.)

LE JUGE BOIVIN

[1] Le demandeur, le procureur général du Canada, demande le contrôle judiciaire de la décision qui a été rendue le 23 juillet 2021 par la Commission de révision agricole du Canada (la Commission), qui a annulé la décision du représentant du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) (2021 CRAC 19).

[2] Le ministre a conclu que la défenderesse, Mme Chu, a contrevenu au paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21 (la Loi sur les animaux), parce qu’elle a importé des saucisses de porc, un sous-produit animal, au Canada. Le ministre a donc délivré un procès-verbal de violation en application de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, L.C. 1995, ch. 40 (la Loi). Conformément au Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, DORS/2000-187 (le Règlement), toute violation de cet article constitue une violation « très grave », à laquelle s’applique une sanction de 1 300 $ (articles 2 et 4, alinéa 5(1)c) et article 11 de la section 1, partie 1, de l’annexe 1).

[3] Mme Chu a demandé une révision de la décision du ministre. Dans sa décision, la Commission a annulé la décision du ministre au motif que l’agent d’exécution a omis d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la Loi et qu’il n’a pas expliqué pourquoi il n’a pas fondé sa décision sur une autre disposition. Le procureur général du Canada demande un contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Mme Chu n’a pas déposé d’avis de comparution et n’a pas présenté d’arguments à notre Cour.

[4] La seule question en litige que nous devons trancher est de savoir s’il était raisonnable pour la Commission d’annuler la décision du ministre (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] ACS no 65).

[5] Nous sommes tous d’avis que la décision de la Commission est déraisonnable et que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

[6] Il convient de garder à l’esprit que la Loi crée une responsabilité absolue qui laisse au contrevenant très peu de moyens de disculpation (Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, 395 NR 176, para. 27). De plus, une violation de la Loi ne constitue pas une infraction. Il était donc inopportun pour la Commission d’établir une analogie avec le pouvoir discrétionnaire de la police.

[7] La Loi et le Règlement établissent clairement qu’une violation du paragraphe 16(1) de la Loi sur les animaux constitue une violation « très grave », à laquelle s’applique une sanction de 1 300 $. La Commission a souscrit à la décision du ministre, à savoir que la défenderesse a importé des saucisses de porc et qu’en aucun moment – que ce soit avant ou au plus tard à l’importation –, elle ne les a présentées à un inspecteur, un agent d’exécution ou un agent des douanes, contrevenant ainsi au paragraphe 16(1) de la Loi sur les animaux. Vu cette décision, le rôle de la Commission se limitait à déterminer si la sanction avait été établie en conformité avec le Règlement. La Commission a plutôt choisi d’annuler la sanction dûment prévue par le Règlement, ce qui était déraisonnable.

[8] Il était également déraisonnable pour la Commission d’examiner le pouvoir discrétionnaire du ministre de délivrer un procès-verbal de violation assorti d’une sanction. Le législateur a clairement limité les pouvoirs de la Commission, en précisant que ceux-ci se bornent à déterminer si la violation a été prouvée et, le cas échéant, si le montant de la sanction imposée a été établi en conformité avec le Règlement (la Loi, para. 14(1); Canada (Procureur général) c. Vorobyov, 2014 CAF 102, 459 NR 134, para. 42). En examinant le pouvoir discrétionnaire du ministre, la Commission a fait une interprétation déraisonnable des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi et a exercé ces pouvoirs d’une manière contraire au texte de la Loi.

[9] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et la décision de la Commission sera annulée. Comme il n’y a qu’un seul résultat raisonnable en l’espèce, le renvoi de l’affaire à la Commission ne serait d’aucune utilité et ne constituerait pas un usage efficace des ressources publiques (arrêt Vavilov, paras. 124 et 142). Le procureur général du Canada n’a pas demandé que les dépens lui soient adjugés et nous n’en accorderons aucuns.

« Richard Boivin »

j.c.a.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-214-21

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. MARINA CHU

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 juin 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE BOIVIN

COMPARUTIONS :

Lisa Morency

 

Pour le demandeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour le demandeur

 

 

 

 

 

 

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