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Date : 20220511


Dossier : A-98-20

Référence : 2022 CAF 79

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

KONSTANTINOS XANTHOPOULOS

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 mai 2022.

Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 mai 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20220511


Dossier : A-98-20

Référence : 2022 CAF 79

CORAM :

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

KONSTANTINOS XANTHOPOULOS

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 mai 2022.)

LE JUGE LOCKE

[1] L’appelant, Konstantinos Xanthopoulos, est un ancien officier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il a démissionné en 2019, après que le Comité de déontologie de la GRC a conclu que l’appelant avait contrevenu au code de déontologie de la GRC et qu’il recommanderait son congédiement si l’appelant ne démissionnait pas.

[2] L’appelant a présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du Comité de déontologie. L’intimé, le procureur général du Canada, a demandé par voie de requête la radiation de la demande, en invoquant son caractère prématuré puisque la loi conférait à l’appelant le droit d’interjeter appel de la décision du Comité de déontologie. Cette requête a été accueillie par le juge Roger R. Lafrenière (2020 CF 401), et la demande de contrôle judiciaire a été radiée. Le juge Lafrenière (ci-après désigné le juge saisi de la requête) a également adjugé des dépens de 4 000 $. L’appelant interjette maintenant appel de cette décision.

[3] Ainsi que je l’ai mentionné, notre Cour est saisie d’un appel d’une décision ayant radié une demande de contrôle judiciaire pour cause de prématurité. Il ne s’agit pas d’une décision sur le fond de la demande proprement dite ou de la décision du Conseil de déontologie. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle qui doit normalement s’appliquer en appel selon les règles énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, à savoir la norme de la décision correcte pour les questions de droit, et la norme de l’erreur manifeste et dominante pour les questions de fait ou les questions de droit et de fait sans question de droit isolable. Ainsi qu’il est indiqué dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 au para. 46 :

Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[4] Au paragraphe 16 de ses motifs, le juge saisi de la requête a mentionné le « principe bien établi selon lequel, sauf circonstances exceptionnelles, une partie se doit d’épuiser toutes les voies de recours administratifs utiles avant d’exercer un recours judiciaire ». Pour étayer ce principe, il a invoqué les arrêts Forner c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2016 CAF 35 au para. 13 et Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61 aux para. 30 et 31. À cette jurisprudence pourrait maintenant s’ajouter le récent arrêt intitulé Dugré c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 8 aux para. 34 à 37. Au paragraphe 37 de l’arrêt Dugré, ce principe a été qualifié de « quasi-absolu[...] ».

[5] L’appelant reconnaît que la loi confère un droit d’interjeter appel de la décision de la Commission de déontologie. Il soutient toutefois que la procédure est inéquitable et qu’elle occasionne des délais excessifs, ce qui la rend inadéquate. Il affirme que le juge saisi de la requête a commis une erreur en omettant d’examiner si cette thèse établit des circonstances exceptionnelles permettant d’écarter la question de la prématurité.

[6] Le juge saisi de la requête a pris acte de la critique formulée par l’appelant envers la procédure d’appel prévue par la loi, mais il a jugé que cette allégation n’était « rien de plus qu’une simple affirmation » qui n’était étayée par aucun fait dans l’avis de demande. Le juge saisi de la requête a également examiné les éléments de preuve présentés par l’appelant sur les expériences vécues par d’autres ayant eu recours à la procédure d’appel prévue par la loi, mais il a noté l’absence d’éléments de preuve sur des expériences rappelant les circonstances de l’appelant. Il a conclu qu’il n’existait aucune circonstance exceptionnelle qui permettait d’écarter l’objection concernant la prématurité soulevée par l’appelant.

[7] L’appelant affirme que le juge saisi de la requête a commis une erreur en omettant de tenir pour avéré le contenu de la demande dans le cadre de la requête en radiation. Nous ne relevons aucune erreur dans ce refus du juge saisi de la requête, étant donné la distinction qu’il faut établir entre les allégations de fait et les simples affirmations. L’affirmation énoncée par l’appelant dans l’avis de demande, selon laquelle la procédure d’appel prévue par la loi n’offre pas un recours adéquat, est une conclusion de droit qui n’est étayée par aucune allégation de fait. Il s’agit donc d’une simple affirmation qui n’a pas à être tenue pour avérée : voir Canada c. M. Untel, 2016 CAF 191 au para. 23. L’appelant ne nous a pas convaincu que le juge saisi de la requête a manqué à son devoir d’équité procédurale envers lui dans son analyse sur ce point. Qui plus est, l’avis d’appel, qui devrait énoncer tous les motifs d’appel (voir la règle 337 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106), ne comprend aucune allégation de manquement à l’équité procédurale.

[8] L’appelant affirme également que le juge saisi de la requête a commis une erreur en omettant d’admettre l’existence de circonstances exceptionnelles permettant d’écarter l’objection fondée sur la prématurité. Nous rejetons cette thèse. Le juge saisi de la requête a clairement reconnu cette exception dans sa description du principe, comme le montre le passage précité extrait du paragraphe 16 de ses motifs. De plus, son analyse de la « simple affirmation » de l’appelant et des éléments de preuve qu’il a présentés a porté uniquement sur la question de savoir si le caractère inadéquat de la procédure d’appel prévue par la loi créait des circonstances exceptionnelles.

[9] L’appelant affirme en outre que les éléments de preuve qui ont été présentés au juge saisi de la requête auraient dû amener ce dernier à conclure à l’existence de circonstances exceptionnelles en l’espèce. La manière dont le juge saisi de la requête a appliqué ces éléments de preuve à l’examen de l’existence de circonstances exceptionnelles est une question de droit et de fait. Nous ne croyons pas que les motifs sur cette question, qui ont été formulés par le juge saisi de la requête, soient entachés d’une erreur manifeste et dominante qui justifierait notre intervention.

[10] Qui plus est, l’appelant affirme qu’on lui a refusé à tort, dans cette affaire, l’aide d’un membre de la GRC bien au fait de la procédure administrative de la GRC. Cet argument soulève plusieurs réserves. Premièrement, la transcription à laquelle l’appelant renvoie ne figure pas dans le dossier d’appel, et ne fait donc pas partie du dossier qui a été présenté à notre Cour. Deuxièmement, l’avis d’appel ne fait nullement mention de cette question. Troisièmement, la règle 119 des Règles des Cours fédérales dispose qu’« une personne physique peut agir seule ou se faire représenter par un avocat dans toute instance »; l’appelant ne nous a pas convaincus de l’existence de circonstances particulières permettant de déroger à cette règle et l’autorisant à être représenté par un non-juriste. Quatrièmement, la demande de l’appelant d’être représenté par un non-juriste a été rejetée par le juge saisi de la requête, dans une décision distincte (2019 CF 1609) qui n’a pas été portée en appel.

[11] La dernière question en litige porte sur le montant des dépens alloués par le juge saisi de la requête. Invoquant d’autres dépens ayant été alloués, l’appelant affirme que la somme de 4 000 $ est excessive. Je mentionnerais, d’entrée de jeu, que la plupart des autres affaires invoquées par l’appelant à titre comparatif ne portaient pas sur des requêtes en radiation pour cause de prématurité. En ce qui concerne la question des dépens, cette distinction est importante. De plus, comme l’a reconnu l’appelant, l’adjudication des dépens relève d’un pouvoir discrétionnaire. Selon l’arrêt MacFarlane c. Day & Ross Inc., 2014 CAF 199 au para. 5, « il est bien établi en droit qu’un juge de première instance jouit d’un pouvoir discrétionnaire considérable en matière de dépens et qu’une adjudication des dépens ne sera pas facilement annulée en appel ». Il est également important de mentionner que les dépens alloués par le juge saisi de la requête portaient sur plusieurs affaires distinctes : la requête en radiation de l’intimé (notamment le volumineux dossier de réponse de l’appelant), la requête de l’appelant en vue d’être représenté par un non-juriste, ainsi que la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

[12] Le juge saisi de la requête a bien expliqué les motifs sur lesquels il s’est fondé pour déterminer le montant des dépens. Même si la somme semble élevée, il s’agit d’une somme que le juge saisi de la requête pouvait accorder. Nous n’interviendrons pas sur ce point.

[13] Pour les motifs qui précèdent, nous sommes d’avis de rejeter le présent appel. Compte tenu du montant des dépens qui a déjà été fixé, nous exercerons notre pouvoir discrétionnaire de ne pas allouer de dépens dans le présent appel.

« George R. Locke »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-98-20

 

INTITULÉ :

KONSTANTINOS XANTHOPOULOS c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 mai 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MONAGHAN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE LOCKE

COMPARUTIONS :

KONSTANTINOS XANTHOPOULOS

 

Pour l’appelant

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Susanne Pereira

Courtenay Landsiedel

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

 

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