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Date : 20220225


Dossier : A-254-21

Référence : 2022 CAF 36

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de madame la juge Monaghan

ENTRE :

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelants

et

LA NATION CRIE ERMINESKIN et COALSPUR MINES (OPERATIONS) LTD.

intimées

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 25 février 2022.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE MONAGHAN

 


Date : 20220225


Dossier : A-254-21

Référence : 2022 CAF 36

En présence de madame la juge Monaghan

ENTRE :

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelants

et

NATION CRIE ERMINESKIN et COALSPUR MINES (OPERATIONS) LTD.

intimées

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE MONAGHAN

[1] La Première Nation Wahgoshig, la Nation innue et le conseil tribal Wabun (les intervenants proposés) demandent l’autorisation d’intervenir dans le présent appel de la décision de la Cour fédérale Nation crie Ermineskin c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2021 CF 758 (motifs du juge Brown). La Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a annulé une décision du ministre de l’Environnement et du Changement climatique désignant certains projets d’activités concrètes d’exploitation minière en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’évaluation d’impact, L.C. 2019, ch. 28, art. 1. Les deux intimées dans l’appel, la Nation crie Ermineskin [la Nation Ermineskin] et Coalspur Mines (Operations) Ltd. [Coalspur], sont parties à une entente sur les répercussions et les avantages (ERA). Elles ont contesté la décision du ministre. La Nation Ermineskin a affirmé que le ministre avait l’obligation de la consulter et qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale. La Nation Ermineskin et Coalspur ont toutes deux soutenu que la décision du ministre était déraisonnable. La Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire, concluant que le ministre avait l’obligation de consulter dans les circonstances et qu’il a manqué à cette obligation. Le ministre a porté cette décision en appel.

[2] Les deux intimées ne prennent pas position quant à la requête en intervention. Les appelants s’y opposent, au motif que l’intérêt des intervenants proposés est purement théorique et que ces derniers ne satisfont pas au critère juridique relatif à la qualité d’intervenant.

[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la requête en intervention devrait être rejetée.

[4] Les principes servant à déterminer si une requête en autorisation d’intervenir devrait être accueillie proviennent de la décision Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général), [1990] 1 C.F. 90, [1989] A.C.F. n °707 [Rothmans], confirmée par notre Cour dans l’arrêt Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, [2016] 4 R.C. F. 3 [Sport Maska]. Cela dit, notre Cour a également affirmé que les facteurs énoncés dans la décision Rothmans ne se veulent pas exhaustifs et que la Cour a la liberté de les appliquer et de les apprécier en tenant compte du contexte précis, y compris les faits et les questions juridiques propres à l’affaire. Cette marge de manœuvre découle naturellement du cinquième facteur de la décision Rothmans : « [l]’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée? » (Sport Maska, par. 38 à 43).

[5] Les facteurs énoncés dans la décision Rothmans ne sont pas les seuls éléments servant à déterminer s’il y a lieu d’accorder la qualité d’intervenant dans un appel. Les intervenants proposés doivent également satisfaire aux exigences de l’article 109 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

[6] Bien que les appelants aient invoqué plusieurs moyens d’appel, les intervenants proposés ont l’intention de s’en tenir à une seule question :

[traduction]

Les droits et les avantages économiques découlant des ERA sont-ils si étroitement liés aux droits ancestraux ou issus de traités sous-jacents aux ERA, ou découlent-ils de ces droits, et sont-ils si étroitement liés à l’incidence du projet sur de tels droits touchés par les ERA que l’obligation de consultation devrait s’appliquer aux décisions relatives aux ERA?

[7] L’appelant soutient que cette question est adéquatement traitée par les intimées. Je suis d’accord.

[8] Chacune des intimées a déposé et signifié un mémoire des faits et du droit. L’examen de ces mémoires, parallèlement à la description que font les intervenants proposés des observations qu’ils ont l’intention de présenter, ne laisse aucun doute que les arguments avancés par les intervenants proposés ne diffèrent pas de ceux des intimées dans l’appel :

Les droits et les avantages économiques prévus aux ERA sont si étroitement liés aux droits ancestraux ou issus de traités qu’une décision relative à une ERA devrait donner lieu à une obligation de consultation et d’accommodement (résumé des observations des intervenants proposés, par. 14, du mémoire de la Nation Ermineskin, par. 52 et 81 à 83, et du mémoire de Coalspur, par. 35, 40 et 45);

La réconciliation est l’un des principaux objectifs de l’obligation de consultation et d’accommodement (résumé des observations des intervenants proposés, par. 15, du mémoire de la Nation Ermineskin, par. 48, et du mémoire de Coalspur, par. 44);

Cette obligation vise la protection des intérêts économiques (résumé des observations des intervenants proposés, par. 14, du mémoire de la Nation Ermineskin, par. 15, et du mémoire de Coalspur, par. 43);

Les ERA sont un élément essentiel du processus de réconciliation (résumé des observations des intervenants proposés, par. 18, du mémoire de la Nation Ermineskin, par. 48 et 49, et du mémoire de Coalspur, par. 44);

Les ERA jouent un rôle essentiel dans l’obtention du consentement des Autochtones aux projets en apportant de la certitude aux promoteurs des projets et en prévenant les litiges (résumé des observations des intervenants proposés, par. 18, du mémoire de la Nation Ermineskin, par. 49 et 50, et du mémoire de Coalspur, par. 26);

Les ERA sont le résultat d’une consultation avec des peuples autochtones et procurent des avantages et des indemnités qui ont été négociés afin d’atténuer les effets négatifs des projets de développement sur les droits ancestraux ou issus de traités (résumé des observations des intervenants proposés, par. 18, du mémoire de la Nation Ermineskin, par. 79 et 80, et du mémoire de Coalspur, par. 18 et 36).

[9] De plus, le résumé que font les intervenants proposés des observations qu’ils entendent faire valoir renvoie à la même jurisprudence et aux mêmes sources secondaires que les intimées dans leur mémoire des faits et du droit.

[10] Les intervenants proposés affirment que leur point de vue sur ces observations sera utile parce qu’ils ont négocié collectivement et signé plusieurs ERA dans différentes provinces et à l’égard de territoires visés par divers traités et qu’ils représentent certaines Premières Nations visées par des traités historiques et d’autres qui ne le sont pas. Ils n’expliquent pourtant pas en quoi leur expérience aidera la Cour ou les distinguera de la Nation Ermineskin, qui a également négocié et signé plusieurs ERA. En outre, le mémoire des faits et du droit de Coalspur présente en détail l’objet et l’importance des ERA, ainsi que les modalités qui y sont généralement incluses. Dans la mesure où c’est pertinent, les intimées semblent prendre en compte adéquatement l’importance, l’objet et le contenu des ERA.

[11] Le fait que les intervenants proposés n’aient pas démontré que les observations qu’ils proposent ne sont pas prises adéquatement en compte par les parties à l’appel suffit pour que je conclue que l’autorisation d’intervenir ne devrait pas être accordée. En outre, je conclus que notre Cour peut entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention (sixième facteur de la décision Rothmans).

[12] Enfin, je ne suis pas convaincue que l’intérêt de la justice serait mieux servi en l’espèce si l’intervention était autorisée (cinquième facteur de la décision Rothmans). Notre Cour a ordonné que le présent appel soit entendu de façon accélérée, le plus rapidement possible après le 28 février 2022. L’appelant et les intimées ont déjà déposé leur mémoire des faits et du droit ainsi que le cahier conjoint de la jurisprudence et de la doctrine. Autoriser l’intervention à ce stade avancé pourrait retarder l’audition de l’appel, car les intervenants auraient besoin de temps pour déposer leur mémoire et l’appelant a affirmé que, si l’autorisation était accordée, il demanderait qu’on lui accorde du temps pour répondre à ce mémoire. Bien que, dans d’autres circonstances, un report de quelques semaines pourrait être considéré comme négligeable, dans le présent appel, les raisons avancées par les intervenants proposés à l’appui de leur intervention sont faibles. En l’espèce, l’intérêt de la justice serait mieux servi si on évitait les retards et si on tenait l’audience.

[13] Les autres facteurs énoncés dans la décision Rothmans sont au mieux neutres à l’égard des intervenants proposés et, dans le contexte en l’espèce, ils ne font pas pencher la balance en faveur de l’octroi de l’autorisation d’intervenir.

[14] Par conséquent, je rejetterais la requête en autorisation d’intervenir, sans dépens.

« K.A. Siobhan Monaghan »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-254-21

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. LA NATION CRIE ERMINESKIN ET COALSPUR MINES (OPERATIONS) LTD.

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE MONAGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 février 2022

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Kerry Boyd

James Elford

Katherine Starks

 

Pour les appelants

 

Joseph C. McArthur

Rochelle Collette

Pour l’intimée LA

NATION CRIE ERMINESKIN

Martin Ignasiak

Sean Sutherland

Maeve O’Neill Sanger

Coleman Brinker

 

Pour l’intimée

COALSPUR MINES (OPERATIONS) LTD.

 

Senwung Luk

Graeme Cook

Pour les intervenants proposés

Première Nation Wahgoshig, LA Nation InnuE et le conseil tribal Wabun

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

Pour les appelants

 

 

Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour l’intimée

LA NATION CRIE ERMINESKIN

 

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Calgary (Alberta)

 

Pour l’intimée

COALSPUR MINES (OPERATIONS) LTD.

 

Olthuis Kleer Townshend LLP

Toronto (Ontario)

Pour les intervenants proposés

LA Première Nation Wahgoshig, LA Nation InnuE et le conseil tribal Wabun

 

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