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Date : 20201130


Dossier : A-465-19

Référence : 2020 CAF 204

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, COMITÉ DES ÉLECTIONS DE LA PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, GORDON LEDOUX, CHARLENE TANNER et CURTIS DUCHARME

appelants

et

DAVID LEDOUX, KELLIE LEDOUX et LOUIE TANNER

intimés

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2020.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20201130


Dossier : A-465-19

Référence : 2020 CAF 204

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, COMITÉ DES ÉLECTIONS DE LA PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, GORDON LEDOUX, CHARLENE TANNER et CURTIS DUCHARME

appelants

et

DAVID LEDOUX, KELLIE LEDOUX et LOUIE TANNER

intimés

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LEBLANC

[1] La Cour est saisie d’une requête déposée par écrit par les appelants en vue d’obtenir une prorogation du délai pour déposer une requête selon le paragraphe 343(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), visant à obtenir une ordonnance établissant le contenu du dossier d’appel (requête selon l’article 343 des Règles).

[2] La présente requête en prorogation de délai est présentée à la suite des motifs d’ordonnance prononcés par le juge Denis Pelletier de notre Cour le 13 août 2020 (Gambler First Nation et al. v. David Leroux et al., 2020 FCA 132) (l’ordonnance du mois d’août). Le juge Pelletier était saisi d’une requête déposée selon l’article 343 des Règles le 24 juin 2020. À ce moment, les appelants demandaient également, selon l’article 351 des Règles, l’autorisation de déposer de nouveaux éléments de preuve. Le juge Pelletier a examiné les deux requêtes. La requête selon l’article 351 des Règles a été rejetée. Pour sa part, la requête selon l’article 343 des Règles a été ajournée, afin de permettre aux appelants de demander une prorogation du délai pour la déposer, puisque, comme ladite requête n’avait pas été déposée dans le délai prescrit, elle ne pouvait être examinée sans l’autorisation de la Cour (ordonnance du mois d’août, au paragraphe 9).

[3] L’appel sous-jacent à la présente requête en prorogation de délai est un appel d’une décision de la Cour fédérale rendue le 19 novembre 2019 (Ledoux c. Première Nation de Gambler, 2019 CF 1465, 312 A.C.W.S. (3d) 452). L’avis d’appel a été déposé le 16 décembre 2019. Comme l’a indiqué le juge Pelletier, les parties avaient jusqu’au 1er février 2020 pour parvenir à une entente quant au contenu du dossier d’appel, comme le prévoit le paragraphe 343(1) des Règles (ordonnance du mois d’août, au paragraphe 5). Puisque les parties n’ont pu s’entendre, les appelants devaient, conformément au paragraphe 343(3) des Règles, déposer une requête afin que soit déterminé le contenu du dossier d’appel. Ils avaient jusqu’au 11 février 2020 pour déposer cette requête, mais ne l’ont pas fait (ordonnance du mois d’août, au paragraphe 7).

[4] Comme je l’ai indiqué précédemment, ce n’est que le 24 juin 2020 que la requête selon l’article 343 des Règles a été déposée. Toutefois, ce dépôt a été fait au cours de la période de suspension des délais prévus aux Règles en raison de la pandémie, suspension promulguée pour la première fois par le juge en chef le 19 mars 2020, avec effet rétroactif au 16 mars 2019. C’est pour cette raison, comme l’a souligné le juge Pelletier, que ladite suspension [traduction] « ne compte pas en ce qui concerne la mesure dans laquelle [les appelants] ont déposé [leur] requête en retard, même si [les appelants] ont déposé [leur] requête le 24 juin 2020, soit environ un mois avant que ce dossier ne soit “sélectionné” afin que le compteur soit remis à zéro » (ordonnance du mois d’août, au paragraphe 6).

[5] Le droit des appelants à la prorogation du délai qu’ils demandent doit par conséquent être évalué en fonction du fait qu’ils devaient déposer la requête selon l’article 343 des Règles entre le 11 février et le 16 mars 2020, mais qu’ils ne l’ont pas fait. Un tel droit dépend en général de quatre critères énoncés dans la jurisprudence de notre Cour. Conformément à ces critères, les appelants, pour avoir gain de cause, doivent démontrer (i) une intention constante de poursuivre leur appel; (ii) que l’appel est bien fondé; (iii) que les intimés ne subissent pas de préjudice en raison de la remise; (iv) qu’il existe une explication raisonnable justifiant la remise (Canada (Procureur général) c. Hennelly, 244 N.R. 399, 1999 CanLII 8190 (CAF)) (arrêt Hennelly).

[6] Il est toutefois également bien établi que ce critère à quatre volets énoncé dans l’arrêt Hennelly ne constitue pas une liste exhaustive des questions ou des critères pouvant être pertinents dans toute affaire donnée, et que le défaut de satisfaire à l’un ou l’autre de ces critères n’est pas nécessairement déterminant. L’importance de chacun de ces facteurs dépend des circonstances de l’espèce. Essentiellement, la considération primordiale en fin de compte est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, [2012] 4 C.N.L.R. 87, au paragraphe 62; Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263, 63 N.R. 106, aux pages 277 à 279 (C.A.F.); Alberta c. Canada, 2018 CAF 83, 425 D.L.R. (4th) 366, au paragraphe 45).

[7] En l’espèce, je suis convaincu que les appelants ont manifesté une intention constante de poursuivre leur appel. Les documents fournis en réponse par les intimés démontrent que les avocats des deux parties ont été en communication au moins jusqu’au 5 mars 2020 concernant le contenu du dossier d’appel, et que le souhait des appelants de déposer de nouveaux éléments de preuve constituait le principal point de discorde entre les parties à ce moment. Ces documents démontrent également que les appelants ont signifié aux intimés le dépôt de la requête selon l’article 343 des Règles, de même que le dépôt de leur requête selon l’article 351 des Règles, le 19 mars 2020 (mémoire des faits et du droit des intimés, aux paragraphes 3 à 15; affidavit de David Leroux, souscrit le 8 mai 2020, au paragraphe 9). À cette date, comme nous l’avons vu, les délais prévus dans les Règles étaient suspendus.

[8] Contrairement à ce qu’affirment les intimés, je ne perçois aucun manque d’effort de la part des appelants en vue de déterminer le contenu du dossier d’appel, et de déposer l’appel sous-jacent, du moins pas au point où l’on pourrait conclure de manière raisonnable qu’ils n’ont pas démontré une intention constante de poursuivre leur appel.

[9] Je ne suis pas convaincu non plus que le présent appel est dénué de fondement, comme en fait foi l’ordonnance du juge Pelletier, également datée du 13 août 2020, par laquelle il a rejeté la requête présentée par les intimés visant à faire radier l’avis d’appel pour différents motifs, y compris l’abus de procédure (Gambler First Nation et al. v. David Leroux et al., 2020 FCA 131). Dans cette ordonnance, le juge Pelletier a jugé légitime, au paragraphe 4, l’allégation selon laquelle la décision de la Cour fédérale n’était pas étayée par les faits et était contraire au droit, particulièrement compte tenu du fait que [traduction] « le droit relatif au contrôle judiciaire a été refondu par l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, qui souligne l’obligation qu’a la cour de révision de tenir compte des motifs donnés par le tribunal dont la décision fait l’objet d’un contrôle ».

[10] Les intimés soutiennent également que la prorogation de délai que demandent les appelants devrait leur être refusée, parce que la requête selon l’article 343 des Règles est en soi sans fondement, les appelants ayant omis d’inclure des documents très importants dont disposait la Cour fédérale. Cet argument n’est pas pertinent. D’abord, la nature même d’une requête selon l’article 343 des Règles est de régler les différends quant au contenu du dossier d’appel qui empêchent les parties d’en arriver à une entente sur ledit contenu. Ainsi, certains documents peuvent sembler très importants pour une partie, mais pas pour l’autre. L’article 343 des Règles prévoit que ces différends seront réglés par la Cour.

[11] Ensuite, en vertu du paragraphe 343(2) des Règles, le dossier d’appel ne devrait pas contenir un document qui n’est pas nécessaire au règlement des questions en litige dans l’appel. Cette disposition vise à décourager les parties d’inclure dans le dossier d’appel des documents qui ne sont pas utiles, même si ces documents avaient été soumis aux instances inférieures (Shire Canada Inc. v. Apotex Inc., 2011 FCA 10, 414 N.R. 270, au paragraphe 14). Une fois encore, les parties peuvent ne pas être d’accord quant à l’utilité d’un document pour le règlement des questions en litige dans l’appel, et il revient à la Cour de trancher ces différends. En l’espèce toutefois, à l’exception de la question concernant les nouveaux éléments de preuve que les appelants souhaitaient inclure dans le dossier d’appel, laquelle a été tranchée par le juge Pelletier dans l’ordonnance du mois d’août, je ne vois pas de différend de ce type. En effet, dans leur mémoire des faits et du droit, au paragraphe 39, les appelants indiquent qu’ils ne [traduction] « s’opposeront pas » à l’inclusion dans le dossier d’appel des [traduction] « requêtes intérimaires, affidavits ou décisions inclus dans le dossier dont disposait la cour d’instance inférieure » et que les intimés [traduction] « souhaiteraient inclure ».

[12] Les intimés affirment que le temps que les appelants ont pris avant de déposer leur requête selon l’article 343 des Règles a retardé l’ensemble de l’appel à leur détriment, et à celui de la Première Nation de Gambler. En toute honnêteté, le présent appel a été retardé principalement à cause de la situation extraordinaire engendrée par la pandémie liée à la COVID-19. Le retard dans le dépôt de la requête selon l’article 343 des Règles a joué un rôle minime dans les circonstances. Quant au préjudice allégué subi par la Première Nation de Gambler, je souligne que chaque partie prétend parler en son nom et, comme c’est souvent le cas dans les affaires qui, comme celle-ci, concernent des différends en matière de gouvernance, chaque partie critique amèrement l’autre partie, au nom de la communauté. Dans un contexte aussi particulier, il n’y a simplement rien qui justifie de conclure que le temps qu’ont pris les appelants avant de déposer la requête selon l’article 343 des Règles a causé un préjudice à la Première Nation de Gambler, comme l’affirmaient les intimés.

[13] Enfin, même si les appelants auraient pu agir plus rapidement pour déposer la requête selon l’article 343 des Règles, je ne suis pas prêt à rejeter leur demande de prorogation de délai pour cette unique raison. Comme je l’ai indiqué plus tôt, l’importance de chacun des critères énoncés dans l’arrêt Hennelly dépend des circonstances de chaque affaire, et le défaut de satisfaire à l’un ou à l’autre de ces critères ne sera pas nécessairement déterminant, la considération primordiale étant que la demande soit dans l’intérêt de la justice.

[14] En l’espèce, je suis convaincu que le fait d’accorder aux appelants la prorogation de délai qu’ils demandent est dans l’intérêt de la justice.

[15] La question ayant été tranchée, je vais maintenant me pencher sur le bien-fondé de la requête selon l’article 343 des Règles, qui a été présentée par écrit selon l’article 369 des Règles, comme elle devait l’être, et qui est maintenant prête à être entendue.

[16] Les appelants soutiennent que le contenu du dossier d’appel devrait correspondre au [traduction] « contenu généralement exigé [...] selon les [paragraphes] 344(1) et (1.1) des Règles », et inclure :

  • L’avis de demande déposé le 13 août 2018;

  • L’avis de demande modifié déposé le 22 novembre 2018;

  • L’affidavit de David Leroux souscrit le 10 septembre 2018;

  • L’affidavit de Kellie Leroux souscrit le 10 septembre 2018;

  • L’affidavit de Louie Tanner souscrit le 10 septembre 2018;

  • L’affidavit d’Amanda Louison souscrit le 11 septembre 2018;

  • L’affidavit de Donna McGillivray souscrit le 28 avril 2019;

  • La transcription de l’instance tenue à la Cour fédérale le 14 novembre 2019.

[17] Les intimés affirment que cette liste est incomplète puisqu’elle n’inclut pas d’autres documents qui avaient été soumis à la Cour fédérale. Ces autres documents sont les suivants :

  • La décision contestée (celle du Comité des élections de la Première Nation de Gambler), datée du 14 juillet 2018;

  • L’avis de demande modifié déposé le 8 août 2018;

  • [traduction] « L’accusé de réception de Dana Turner daté du 21 août 2018 »;

  • L’affidavit complémentaire d’Amanda Louison souscrit le 11 septembre 2018;

  • L’affidavit de Stephanie Hamilton-Tanner souscrit le 7 mai 2019;

  • L’ordonnance et les motifs du juge Pentney, datés du 27 mars 2019;

  • Le mémoire des faits et du droit des demandeurs (les intimés devant notre Cour), daté du 2 juillet 2019;

  • Le mémoire des faits et du droit des défendeurs (les appelants devant notre Cour), non daté.

[18] Dans leurs observations écrites, les intimés ne précisent pas pourquoi ces autres documents sont nécessaires pour trancher les questions en litige dans le présent appel. En outre, il est habituel, sauf dans des cas exceptionnels, de ne pas inclure dans le dossier d’appel le mémoire des faits et du droit déposé devant la cour d’instance inférieure, puisque le jugement rendu en appel ne dépend pas de ces observations, mais des éléments de preuve et des principes juridiques applicables (McBride c. Canada (Défense nationale), 2008 CAF 111, 166 A.C.W.S. (3d) 7, au paragraphe 3). Les intimés n’ont fourni aucune explication quant à l’existence de circonstances exceptionnelles qui nécessiteraient que l’on s’écarte de cette pratique habituelle, et n’ont pas expliqué comment le document intitulé [traduction] « Accusé de réception de Dana Turner daté du 21 août 2018 » pourrait aider la Cour à trancher les questions en litige dans l’appel.

[19] Cela dit, je suis prêt à adopter une approche souple et à inclure dans le dossier d’appel les éléments de preuve et l’ordonnance intérimaire, qui, selon les intimés, faisaient partie du dossier présenté à la Cour fédérale, mais n’ont pas été inclus dans la liste des documents proposée par les appelants. Comme je l’ai indiqué précédemment, les appelants, quoi qu’il en soit, ne s’opposent pas à ce que ces documents additionnels soient inclus dans le dossier.

[20] Par conséquent, je juge que le dossier d’appel doit contenir les documents suivants :

  • La décision du 14 juillet 2018 du Comité des élections de la Première Nation de Gambler;

  • L’avis de demande déposé le 13 août 2018;

  • L’avis de demande modifié déposé le 5 novembre 2018;

  • L’affidavit de David Leroux souscrit le 10 septembre 2018;

  • L’affidavit de Kellie Leroux souscrit le 10 septembre 2018;

  • L’affidavit de Louie Tanner souscrit le 10 septembre 2018;

  • L’affidavit d’Amanda Louison souscrit le 11 septembre 2018;

  • L’affidavit complémentaire d’Amanda Louison souscrit le 11 septembre 2018;

  • L’affidavit de Donna McGillivray souscrit le 28 avril 2019;

  • L’affidavit de Stephanie Hamilton-Tanner souscrit le 7 mai 2019;

  • L’ordonnance et les motifs du juge Pentney, datés du 27 mars 2019;

  • La transcription de l’instance qui s’est tenue à la Cour fédérale le 14 novembre 2019.

[21] En résumé, la requête présentée par les appelants pour obtenir une prorogation du délai pour déposer leur requête selon le paragraphe 343(3) des Règles visant à obtenir une ordonnance établissant le contenu du dossier d’appel sera accueillie. Ladite requête sera également accueillie de la manière établie dans les présents motifs de l’ordonnance. Les appelants devront préparer le dossier d’appel de la manière prescrite à l’article 344 des Règles, et ce dossier devra être signifié et déposé dans le délai de 30 jours prescrit à l’article 345 des Règles. Les vacances judiciaires de Noël, selon la définition donnée à l’article 2 des Règles, doivent être incluses dans le calcul de cet échéancier.

[22] Les deux parties réclament leurs dépens, mais je suis d’avis que, vu les circonstances particulières en l’espèce, une adjudication des dépens en faveur de l’une ou l’autre des parties n’est pas justifiée.

« René LeBlanc »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-465-19

 

INTITULÉ :

PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, COMITÉ DES ÉLECTIONS DE LA PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, GORDON LEDOUX, CHARLENE TANNER et CURTIS DUCHARME c. DAVID LEDOUX, KELLIE LEDOUX et LOUIE TANNER

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

Le 30 novembre 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Jason R. Stitt

Pour les appelants

Adam R. Touet

Pour les intimés

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Burch Law

Brandon (Manitoba)

Pour les appelants

W Law LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

Pour les intimés

 

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