Date : 20210512
Dossier : A-84-20
Référence : 2021 CAF 91
CORAM :
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LE JUGE DE MONTIGNY
LA JUGE GLEASON
LE JUGE LOCKE
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ENTRE :
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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demandeur
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et
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DENIS CHÉNARD
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défendeur
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Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe, le 5 mai 2021.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 mai 2021.
MOTIFS DU JUGEMENT :
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LA JUGE GLEASON
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Y ONT SOUSCRIT :
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LE JUGE DE MONTIGNY
LE JUGE LOCKE
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Date : 20210512
Dossier : A-84-20
Référence : 2021 CAF 91
CORAM :
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LE JUGE DE MONTIGNY
LA JUGE GLEASON
LE JUGE LOCKE
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ENTRE :
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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demandeur
|
et
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DENIS CHÉNARD
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE GLEASON
[1]
Le demandeur sollicite l’annulation de la décision rendue le 17 février 2020 par une arbitre de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral dans l’affaire Chénard c. Conseil du Trésor (Emploi et Développement social Canada et Statistique Canada), 2020 CRTESPF 15, 2020 CarswellNat 805. Dans cette décision, l’arbitre a accueilli le grief de l’intimé, ayant conclu que l’employeur avait contrevenu à la Directive sur le réaménagement des effectifs (la « Directive »), laquelle faisait partie intégrante de la convention collective qui était applicable à l’intimé.
[2]
Plus précisément, l’arbitre a conclu que les ministères d’attache et d’accueil de l’intimé (soit Ressources humaines et Développement des compétences Canada, qui est devenu Emploi et Développement social Canada (EDSC), et Statistique Canada) n’avaient pas respecté leurs obligations en vertu de la Directive en ce qui concerne le recyclage de l’intimé après que son poste à EDSC ait été éliminé.
[3]
Il est bien établi et, de fait, les parties s’entendent pour dire que la norme de la décision raisonnable s’applique au contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre (voir par exemple Canada (Procureur général) c. Yates, 2021 CAF 74, 2021 CarswellNat 1031 au paragraphe 25).
[4]
Le demandeur soulève quatre motifs pour lesquels la décision serait déraisonnable.
[5]
Premièrement, le demandeur prétend que l’arbitre a omis de tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. Selon le demandeur, ces éléments de preuve démontraient qu’il aurait été impossible de former l’intimé pour les postes EC-06 vacants à Statistique Canada à l’intérieur de la période de recyclage de deux ans prévue par la Directive.
[6]
Deuxièmement, le demandeur affirme que l’arbitre a étendu la portée du grief et outrepassé sa compétence relativement à l’objet du grief en se penchant sur l’omission d’EDSC et de Statistique Canada d’envisager les possibilités de recyclage liées aux postes EC-05 à Statistique Canada, puisque la portée du grief se limitait à l’omission de recycler l’intimé en vue d’une nomination à un des postes vacants EC-06 à Statistique Canada.
[7]
Troisièmement, le demandeur soutient que l’arbitre a déraisonnablement substitué sa propre évaluation à celle de l’employeur en ce qui concerne la question de savoir si l’intimé satisfaisait aux qualifications essentielles des postes EC-06.
[8]
Enfin, le demandeur affirme que la Commission a tiré une conclusion déraisonnable en reprochant au ministère d’attache EDSC de ne pas avoir exploré toutes les possibilités raisonnables pour recycler l’intimé, puisque, selon le demandeur, la preuve démontrait qu’il n’y a jamais eu d’opportunités pour une nomination à un poste vacant à EDSC et puisque l’intimé a lui-même reconnu dans son témoignage que son grief ne visait pas EDSC.
[9]
Malgré l’argumentation habile de l’avocat du demandeur, je ne suis pas d’accord avec ces prétentions.
[10]
Contrairement à ce que soutient le demandeur, l’arbitre n’a pas ignoré les témoignages des gestionnaires concernant la période qu’ils estimaient nécessaire pour former le demandeur pour les postes vacants à Statistique Canada. L’arbitre était bien au courant de leurs témoignages et, en fait, elle y a fait référence dans sa décision. Toutefois, elle n’a pas accepté leur appréciation de la situation étant donné la preuve contraire mise de l’avant par l’intimé et l’absence de détails concrets concernant le type de formation requise et la raison pour laquelle l’intimé ne pouvait prétendument pas, en deux ans, se qualifier pour au moins un des postes EC-06 vacants étant donné sa formation et son expérience antérieures. Il était donc loisible à l’arbitre de conclure, en fonction de la preuve dont elle disposait, que EDSC et Statistique Canada avaient agi de façon arbitraire en ce qui concerne leur obligation d’offrir à l’intimé un programme de recyclage. Bref, l’arbitre n’était pas tenue d’accepter l’évaluation des gestionnaires, surtout en l’absence de précisions soutenant cette évaluation et en présence d’éléments de preuve contraires émanant de l’intimé.
[11]
En ce qui concerne la portée du grief, son libellé était suffisamment large pour permettre à l’arbitre de raisonnablement tenir compte du fait que Statistique Canada et EDSC n’ont même pas envisagé la possibilité de recycler l’intimé pour lui permettre de postuler un des postes EC-05 censés devenir vacants selon les prévisions de la direction. Quoi qu’il en soit, l’arbitre a mentionné l’omission d’envisager les possibilités de recyclage pour ces postes comme motif additionnel seulement et non comme motif principal justifiant l’accueil du grief.
[12]
En ce qui a trait au troisième motif soulevé par le demandeur, contrairement à ce qu’il soutient, l’arbitre n’a pas déraisonnablement substitué son propre point de vue à celui de l’employeur quant à savoir si l’intimé satisfaisait aux qualifications essentielles des postes EC-06 à Statistique Canada. L’arbitre a plutôt accepté que l’intimé ne satisfaisait pas à ces qualifications; de fait, l’intimé ne prétendait pas le contraire. Toutefois, cela ne mettait pas fin à son droit au recyclage puisque la Directive exige que le recyclage soit envisagé lorsqu’un employé touché en raison d’un réaménagement des effectifs satisfait, entre autres, aux exigences minimales précisées dans la norme de qualification applicable au groupe en cause (en l’occurrence le groupe EC). L’intimé satisfaisait à ces exigences minimales. Ainsi, l’arbitre n’a pas commis la troisième erreur soulevée par le demandeur.
[13]
De plus, le fait que l’arbitre semble avoir erré au paragraphe 81 de la décision en mentionnant que le défendeur avait échoué à un seul critère d’évaluation est sans conséquence puisque le nombre de critères échoués n’était nullement pertinent aux conclusions de l’arbitre.
[14]
Enfin, l’arbitre n’a pas commis non plus la quatrième erreur soulevée par le demandeur puisque sa décision repose sur l’omission d’EDSC et de Statistique Canada de faire tous les efforts raisonnables pour recycler l’intimé en vue d’une nomination à un des postes EC-06 et EC-05 à Statistique Canada. Son analyse était donc ancrée dans le libellé pertinent de la Directive.
[15]
En somme, l’arbitre a présenté une interprétation raisonnable des dispositions pertinentes de la Directive et a tiré une conclusion raisonnable en fonction de la preuve dont elle disposait.
[16]
La plupart des arguments présentés par le demandeur nous invitent à examiner à nouveau les faits et à substituer notre examen à celui de l’arbitre. Or, tel n’est pas le rôle de notre Cour. Au contraire, nous devons faire preuve de déférence envers les décisions qui, comme celle-ci, sont principalement fondées sur les faits, à moins qu’on ne nous démontre qu’elles sont déraisonnables. En l’espèce, le demandeur n’a pas réussi à faire une telle démonstration.
[17]
Par conséquent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire, avec dépens fixés au montant global convenu de 3 000,00 $.
« Mary J.L. Gleason »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
Yves de Montigny j.c.a. »
« Je suis d’accord.
George R. Locke j.c.a. »
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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A-84-20
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INTITULÉ :
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. DENIS CHÉNARD
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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par vidéoconférence en ligne
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 5 MAI 2021
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MOTIFS DU JUGEMENT :
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LA JUGE GLEASON
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Y ONT SOUSCRIT :
|
le juge de montigny
LE JUGE LOCKE
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DATE DES MOTIFS :
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LE 12 MAI 2021
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COMPARUTIONS :
Karl Chemsi
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Pour lE DEMANDEUR
|
Jean-Michel Corbeil
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Pour lE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Nathalie G. Drouin
Sous-procureur général du Canada
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Pour lE DEMANDEUR
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Goldblatt Partners s.r.l.
Avocats
Ottawa (Ontario)
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Pour lE DÉFENDEUR
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