Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20201216


Dossier : A-420-19

Référence : 2020 CAF 218

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

 

 

CHANDRAHAS JOG

 

 

appelant

 

 

et

 

 

BANQUE DE MONTRÉAL

 

 

intimée

 

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 15 décembre 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20201216


Dossier : A-420-19

Référence : 2020 CAF 218

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

 

 

CHANDRAHAS JOG

 

 

appelant

 

 

et

 

 

BANQUE DE MONTRÉAL

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1] La Cour est saisie d’un appel visant une décision de la juge McDonald de la Cour fédérale, par laquelle elle a rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Jog (2019 CF 1326) (la décision de la CF). M. Jog a déposé une plainte de congédiement injuste contre la Banque de Montréal (BMO) en application de l’article 240 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), c. L-2. Le 5 décembre 2018, après une décision préliminaire rendue le 6 novembre 2018, par laquelle la demande présentée par M. Jog pour que l’arbitre se récuse a été rejetée, ce dernier a rejeté la plainte de M. Jog, compte tenu du fait que [TRADUCTION] « M. Jog maintient son refus de prendre part à l’audience qui s’est ouverte le 30 octobre 2018 ». M. Jog, qui agit pour son propre compte, a demandé le contrôle judiciaire de cette décision définitive.

[2] La Cour fédérale a appliqué la norme de la décision raisonnable à la décision définitive, notamment en ce qui concerne la question de savoir si l’arbitre a correctement interprété le pouvoir qui lui était conféré de rejeter une plainte pour refus de participer à l’instance (décision de la CF, para. 34 et 35). La Cour a conclu que la décision était raisonnable. Quant à la question de l’équité procédurale, la Cour a appliqué la norme de la décision correcte et a conclu qu’il n’existait aucun élément de preuve montrant qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale à laquelle M. Jog avait droit. La Cour a conclu que l’arbitre avait appliqué le bon critère concernant la requête en récusation et en était arrivé à la bonne conclusion à propos des allégations de partialité formulées par M. Jog.

[3] Le rôle de notre Cour lors d’un appel de ce type est bien établi. Notre Cour doit déterminer si la Cour fédérale a choisi les normes de contrôle appropriées et si elle les a appliquées correctement : voir l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), [2013] 2013 CSC 36, 2 RCS 559, para. 45 à 47. Ainsi, l’importance est accordée à la décision administrative, et non à la décision de la Cour fédérale. Notre Cour doit se mettre à la place de la cour de révision.

[4] Bien que la décision de la Cour fédérale ait été rendue avant la publication de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4th) 1 [arrêt Vavilov], la Cour fédérale a appliqué les normes de contrôle appropriées aux questions dont elle était saisie.

[5] Les observations de M. Jog devant notre Cour et son avis d’appel comprennent de nombreux arguments qui ne sont pas pertinents dans le cadre du présent appel. Par exemple, il conteste le bien-fondé de la décision de l’arbitre, qui a refusé d’ordonner la production d’un rapport de conformité que BMO ne pouvait retrouver, et sa réponse à un sondage anonyme mené par l’employeur, ainsi que la décision initiale de l’arbitre lui refusant la permission d’enregistrer l’instance sur son appareil personnel. Il soulève également diverses questions concernant le bien-fondé de la plainte de congédiement injuste qu’il a déposée devant l’arbitre.

[6] Les décisions procédurales de l’arbitre sont définitives et ne peuvent faire l’objet du présent appel. Ce n’est pas le rôle de notre Cour, ni celui de la Cour fédérale, de déterminer ou de commenter le bien-fondé de la plainte de congédiement injuste.

[7] La Cour fédérale a conclu, à juste titre, que rien ne permettait d’établir que l’arbitre avait fait preuve de partialité.

[8] Quant au caractère raisonnable de la décision, la conclusion de l’arbitre, selon laquelle il avait le pouvoir de rejeter la plainte pour refus de prendre part à la procédure d’arbitrage, était raisonnable et dans les faits appropriée. La véritable question en litige en l’espèce est de savoir si l’exercice de ce pouvoir dans les circonstances était raisonnable.

[9] Suivant sa décision préliminaire du 6 novembre 2018, l’arbitre a choisi d’attendre que le ministre ou le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (RHDCC) rende sa décision concernant la demande de M. Jog pour qu’il se récuse avant de rejeter la plainte. Par la suite, concernant la question de savoir s’il fallait rejeter la plainte de M. Jog en décembre 2018, l’arbitre avait l’obligation de tenir compte de tous les faits nouveaux survenus après sa décision préliminaire.

[10] Il est clair que M. Jog a refusé de prendre part à l’audience qui a débuté le 30 octobre 2018 en raison de ses allégations de partialité et parce qu’il croyait que le ministre ou RHDCC pourrait nommer un nouvel arbitre. Plus tard, le 16 novembre 2018, il a été informé que ni le ministre ni RHDCC n’avait le pouvoir d’intervenir dans le processus d’arbitrage. Peu de temps après, il a écrit à l’arbitre pour demander un ajournement de sa plainte jusqu’à ce que la Cour supérieure de justice de l’Ontario ait rendu sa décision concernant son action pour le délit d’atteinte à la vie privée déposée contre BMO, laquelle, selon lui, était au cœur de sa plainte et dépassait la compétence de l’arbitre. Je souligne que l’arbitre n’a demandé à aucune des parties de fournir des observations concernant cette demande.

[11] L’arbitre n’a pas abordé la question du bien-fondé de cette demande, autrement que pour dire qu’il avait déjà ajourné l’affaire et qu’un autre ajournement n’était pas nécessaire. M. Jog a répondu le 19 novembre 2018 afin d’expliquer les raisons pour lesquelles il avait présenté une telle demande.

[12] En faisant valoir une autre raison pour un ajournement, potentiellement plus long, M. Jog montrait un certain désir de participer au processus d’arbitrage. Il n’abandonnait pas le processus.

[13] La décision définitive de l’arbitre de rejeter la plainte en raison du refus de M. Jog de participer au processus fait uniquement référence aux événements du 30 octobre 2018 et du 1er novembre 2018 (date à laquelle M. Jog a demandé l’intervention du ministre), et ne tient pas compte des lettres subséquentes de M. Jog qui indiquaient son désir de participer au processus, et non d’abandonner le processus. Rien n’indique que M. Jog a persisté dans son refus de participer au processus après le 1er novembre 2018. Il n’a pas écrit au ministre après la publication de la décision préliminaire, et a écrit à l’arbitre pour demander un ajournement en attendant qu’une décision soit rendue concernant l’instance devant le tribunal ontarien tout de suite après avoir reçu une réponse à sa demande au ministre.

[14] Compte tenu des lettres de M. Jog après la décision préliminaire qui donnent à penser qu’il souhaitait prendre part au processus, l’arbitre avait l’obligation de fournir des explications dans sa décision, rendue le 5 décembre 2018, concernant ces lettres. Parce que la décision ne fait pas mention de ces lettres, elle n’est pas transparente, intelligible et justifiée, contrairement à ce qu’exige l’arrêt Vavilov (para. 15), et elle est par conséquent déraisonnable.

[15] Je ne peux déterminer si l’arbitre pensait avoir déjà pris la décision de rejeter la plainte, à moins d’être remplacé par un autre arbitre. Si c’était le cas, pourquoi sa seule réponse à la demande de M. Jog du 16 novembre 2018 a-t-elle été qu’il avait déjà ajourné? Pourquoi n’a-t-il pas clairement précisé sa position après avoir reçu le courriel de M. Jog le 19 novembre? L’arbitre pouvait avoir de bonnes raisons de ne pas accorder l’ajournement demandé par M. Jog, mais il ne les a pas fournies, et il ne revient pas à notre Cour de trancher cette question.

[16] Qui plus est, il est important de savoir qu’en matière d’équité procédurale, une plainte ne peut être rejetée, à l’instar de tout autre type de plainte, que si le défaut de participer de la partie en cause est manifeste. En l’espèce, la situation était au mieux équivoque. Avant de rejeter la plainte, dans les circonstances de l’espèce, il revenait à l’arbitre de reprendre l’instance, qui avait été ajournée le 30 octobre 2018, afin de voir si M. Jog était à ce moment-là prêt à y prendre part, une fois que la récusation et une possible intervention du ministre n’étaient plus envisagées.

[17] À la lumière de ce qui précède, l’appel devrait être accueilli et la décision de la Cour fédérale annulée. Rendant la décision qui aurait dû être rendue, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire et je renverrais l’affaire au même arbitre, ou à un autre arbitre si ce dernier n’est pas disponible. Je propose que des dépens taxables soient adjugés à M. Jog devant notre Cour et devant la Cour fédérale.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE ORDONNANCE DE MADAME LA JUGE McDONALD DATÉE DU 23 OCTOBRE 2019, DOSSIER NO T-2186-18

DOSSIER :

A-420-19

 

 

INTITULÉ :

CHANDRAHAS JOG c. BANQUE DE MONTRÉAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 décembre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 16 décembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Chandrahas Jog

Pour l’appelant

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Kate McNeill-Keller

Benjamin T. Aberant

Justine Lindner

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée

 

 

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