Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20200923


Dossier : A-1-19

Référence : 2020 CAF 148

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

KOVARTHANAN KONESAVARATHAN

appelant

et

RADIO DE L’UNIVERSITÉ DE GUELPH / RADIO GRYPHON / CFRU-FM

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 23 septembre 2020.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 23 septembre 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20200923


Dossier : A-1-19

Référence : 2020 CAF 148

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

KOVARTHANAN KONESAVARATHAN

appelant

et

RADIO DE L’UNIVERSITÉ DE GUELPH / RADIO GRYPHON / CFRU-FM

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 23 septembre 2020.)

LE JUGE LASKIN

[1]  Notre Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre d’un jugement rendu par la Cour fédérale (2018 CF 1217), qui a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission). Dans sa décision, la Commission a conclu, en application de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, qu’elle ne statuerait pas sur la plainte déposée par l’appelant, M. Kovarthanan Konesavarathan.

[2]  L’alinéa 41(1)d) de la Loi autorise la Commission à ne pas statuer sur une plainte qu’elle juge frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi. La Commission considère qu’une plainte est frivole lorsqu’il semble évident et manifeste que la plainte est vouée à l’échec. La Commission a conclu que la plainte de M. Konesavarathan était frivole.

[3]  M. Konesavarathan se décrit comme une personne racialisée ayant une déficience. Il a déposé une plainte parce que sa candidature n’avait pas été retenue pour siéger au conseil de l’intimée (CFRU), une station de radio communautaire. Les règlements administratifs de la station CFRU exigent qu’au moins 50 % de ses administrateurs soient des femmes.

[4]  En novembre 2015, des élections ont eu lieu dans le cadre de l’assemblée générale annuelle de la station CFRU pour pourvoir quatre postes vacants au conseil. Les deux autres sièges vacants n’étaient pas à pourvoir lors de l’élection, car ils étaient réservés à des femmes. M. Konesavarathan était l’un des six candidats pour les quatre sièges vacants. Tout comme chacun des autres candidats, M. Konesavarathan a eu l’occasion de prendre la parole et d’exposer ses qualifications. Il n’a pas été élu.

[5]  M. Konesavarathan a déposé une plainte auprès de la Commission, dans laquelle il a  allégué qu’il avait été victime de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale, la couleur, la déficience, les demandes ou annonces d’emploi, ainsi que sur une politique ou une pratique. Il alléguait avoir été victime de discrimination parce que les membres de la station CFRU avaient choisi les quatre administrateurs [TRADUCTION] « en fonction de leur race – le privilège blanc » et avaient préféré des candidats blancs qui étaient moins qualifiés que lui, un membre hautement qualifié d’une minorité visible. Il prétendait également que la station avait accordé plus d’importance à un motif particulier du Code – le sexe de la personne – et avait fait abstraction de la déficience et de la race.

[6]  Après avoir examiné un rapport fondé sur les articles 40 et 41 produit par le personnel de la Commission, ainsi que les observations présentées par M. Konesavarathan en réponse au rapport, la Commission a conclu que la plainte était frivole. En rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Konesavarathan à l’encontre de la décision de la Commission, la Cour fédérale a rejeté les prétentions de M. Konesavarathan selon lesquelles la Commission a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale et a rendu une décision déraisonnable.

[7]  Nous ne voyons aucun motif d’infirmer les conclusions de la Cour fédérale. La Cour fédérale n’a commis aucune erreur susceptible de révision en omettant de conclure à un déni de l’équité procédurale. Nous ne sommes toutefois pas d’accord avec la Cour fédérale, lorsque celle-ci déclare, au paragraphe 20 de ses motifs, que les droits procéduraux de M. Konesavarathan « s’inscrivent à l’extrémité inférieure de la gamme » et cite à l’appui l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, à la page 837, 174 D.L.R. (4th) 193. L’arrêt Baker énonce les facteurs à prendre en compte pour déterminer le degré d’équité auquel une partie a droit, notamment « la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme » (arrêt Baker, à la page 838). Les lois sur les droits de la personne, comme la Loi canadienne sur les droits de la personne, sont d’ordre quasi constitutionnel, et les protections qu’elles garantissent sont fondamentales pour notre société : British Columbia Human Rights Tribunal c. Schrenk, 2017 CSC 62, au paragraphe 31, [2017] 2 R.C.S. 795.

[8]  Il n’est toutefois pas déterminant dans le présent appel de savoir précisément où se situent les droits procéduraux de M. Konesavarathan dans cette gamme. Comme l’a souligné la Cour fédérale, M. Konesavarathan a eu maintes occasions d’exprimer son point de vue, y compris au sujet du rapport fondé sur les articles 40 et 41. De plus, rien ne nous permet de conclure que la Commission a mal interprété son argument. La procédure suivie par la Commission était équitable, même lorsqu’on l’examine en regard d’une norme élevée d’équité procédurale.

[9]  Nous ne sommes pas convaincus non plus que la Cour fédérale a commis une erreur susceptible de révision en concluant que la décision de la Commission était raisonnable. De fait, lorsqu’ils sont lus conjointement avec le rapport fondé sur les articles 40 et 41, les motifs de la Commission fournissent une justification transparente et intelligible de sa décision.

[10]  Dans ses observations écrites et orales présentées en appel, M. Konesavarathan soulève un certain nombre de questions qu’il n’avait pas soulevées devant la Cour fédérale ou la Commission. L’une de ces questions concerne le respect par le Canada du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP), 16 décembre 1966, [1976] R.T. Can. no 47; cette question ne figure pas non plus dans son long avis d’appel. Comme le souligne M. Konesavarathan lui-même, le mémoire qu’il a présenté à notre Cour repose principalement sur le fait que, selon lui, le Canada ne respecte pas le PIRDCP. Il semble que son argument principal soit que le législateur n’a pas assuré la nomination de commissaires et de juges compétents et impartiaux pour statuer sur les affaires touchant les droits de la personne. Dans son mémoire, M. Konesavarathan indique également qu’il interjette appel dans le but d’épuiser ses recours au pays, afin de pouvoir ensuite saisir le Comité des droits de l’homme des Nations Unies de son dossier. Cependant, compte tenu du champ d’application du contrôle judiciaire et du contrôle en appel, nous n’avons pas été dûment saisis des observations concernant le PIRDCP; nous n’en tiendrons donc pas compte.

[11]  La Cour fédérale a ordonné que M. Konesavarathan paie des dépens de 6 000 $. Dans le cadre du présent appel, M. Konesavarathan a signifié un avis de question constitutionnelle, dans lequel il conteste la validité constitutionnelle du régime de dépens prévu à l’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, ainsi que ce qu’il décrit comme [TRADUCTION] « la présomption en common law » que la partie ayant gain de cause a droit à des dépens. Il fonde sa demande sur le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, soit la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, ch. 11. Il affirme que le régime actuel de dépens contrevient au paragraphe 15(1), car il perpétue le désavantage dont sont victimes les [TRADUCTION] « populations sous-représentées pour des motifs énumérés ou des motifs analogues ».

[12]  Bien que cette question ait été soulevée dans l’avis d’appel, il est bien établi que les questions fondées sur la Charte ne doivent pas être tranchées dans un vide factuel. La partie qui soulève une question relative à la Charte doit prouver les faits établissant que ses droits garantis par la Charte sont en cause et elle doit le faire en se fondant sur un dossier de preuve tangible : Revell c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 262, au paragraphe 67, autorisation d’interjeter appel refusée, 2020 CanLII 25169 (CSC). Or, il n’existe en l’espèce aucun dossier de preuve tangible. Il n’y a que l’argumentation de M. Konesavarathan et les observations sur la réforme des dépens qui ont été présentées au comité des règles. Nous refusons d’examiner la question constitutionnelle.

[13]  L’adjudication des dépens relève du pouvoir discrétionnaire incombant au décideur. Nous n’estimons pas que des dépens de 6 000 $, bien qu’élevés, soient entachés d’une erreur manifeste et dominante dans les circonstances.

[14]  Pour ces motifs, nous rejetons l’appel et fixons les dépens à 1 500 $.

« J.B. Laskin »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-1-19

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR MONSIEUR LE JUGE MANSON LE 4 DÉCEMBRE 2018, DANS LE DOSSIER NO T-224-18)

INTITULÉ :

KOVARTHANAN KONESAVARATHAN c. RADIO DE L’UNIVERSITÉ DE GUELPH / RADIO GRYPHON / CFRU-FM

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 septembre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE LASKIN

COMPARUTIONS :

Kovarthanan Konesavarathan

 

Appelant

(pour son propre compte)

 

David Bernstein

Petar Jovanovic (étudiant en droit)

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelson, Watson S.E.N.C.R.L.

Guelph (Ontario)

 

Pour l’intimée

 

 

 

 

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