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Date : 20200602


Dossier : A-5-18

Référence : 2020 CAF 99

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

ARK ANGEL FUND

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

Appel jugé sur dossier sans comparution des parties.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 juin 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20200602


Dossier : A-5-18

Référence : 2020 CAF 99

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

ARK ANGEL FUND

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1] Le 22 avril 2015, le ministre du Revenu national a décidé de révoquer l’enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance de l’appelante, car celle-ci ne répondait pas aux exigences de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.). Selon le ministre, l’appelante n’avait pas tenu des livres de comptes et des registres adéquats et elle n’avait pas consacré la totalité de ses ressources à ses activités de bienfaisance. L’appelante interjette appel auprès de notre Cour de cette décision du ministre.

[2] Le même jour, le ministre a décidé de révoquer l’enregistrement d’une entité apparentée à l’appelante, la Ark Angel Foundation, pour des motifs essentiellement semblables. Cette entité apparentée a interjeté appel de la révocation auprès de notre Cour. Notre Cour a rejeté l’appel : Ark Angel Foundation c. Canada (Revenu national), 2019 CAF 21.

[3] L’appelante présente maintenant, à l’appui du présent appel, un certain nombre d’observations qui sont essentiellement semblables à celles qui ont été formulées, et qui ont été rejetées par notre Cour, dans l’affaire Ark Angel Foundation. En l’absence d’erreur manifeste relevée dans l’affaire Ark Angel Foundation, et étant donné qu’aucune erreur n’a été alléguée, nous devons nous conformer à ce jugement : Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370.

[4] Comme il s’agit d’un appel prévu par la loi, l’appelante doit nous convaincre que le ministre a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante en appliquant la loi aux faits : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 37. L’appelante ne l’a pas fait.

[5] L’erreur manifeste et dominante est une norme élevée. Dans un cas, notre Cour a expliqué que, lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, « on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier » : Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, par. 46, confirmé dans l’arrêt Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 RCS 352, par. 38. Dans une autre affaire, notre Cour a expliqué le critère de la façon suivante :

Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la doctrine de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.

[…]

Par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire. Il se peut qu’un fait donné n’aurait pas dû être tenu comme avéré parce qu’il n’existe aucun élément de preuve pour l’étayer. Si ce fait manifestement erroné est exclu, mais que la décision tient toujours sans ce fait, l’erreur n’est pas « dominante ». Le jugement du tribunal de première instance demeure.

Il peut également y avoir des situations où une erreur manifeste en soi n’est pas dominante, mais lorsqu’on la prend en considération avec d’autres erreurs manifestes, la décision ne peut plus être maintenue. Pour ainsi dire, l’arbre est tombé non pas après un seul coup de hache, mais après plusieurs bons coups.

(Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344, aux paragraphes 62, 64 et 65).

[6] L’appelante n’a pas satisfait à ce critère. Elle tente de tirer sur les feuilles et les branches, mais l’arbre reste debout. Bon nombre de ses observations portent, en substance, sur la suffisance de la preuve présentée au ministre, sur la pondération de la preuve par le ministre, ainsi que sur le défaut du ministre d’accepter ses explications. Selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, nous ne pouvons soupeser à nouveau les éléments de preuve ni mettre en doute les conclusions de fait du ministre : nous devons plutôt être convaincus qu’une erreur évidente et monumentale a été commise. Or, aucune n’a été commise en l’espèce : le ministre disposait d’éléments de preuve lui permettant de révoquer l’enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance de l’appelante, et il était habilité à le faire aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[7] L’appelante mentionne qu’une annexe à l’avis d’intention de révoquer renvoie à la Ark Angel Foundation, et non à l’appelante. Cela semble être une erreur. Cette erreur est toutefois sans conséquence : l’avis mentionne l’appelante et lui fournit suffisamment de renseignements pour lui permettre de comprendre la nature des préoccupations du ministre et d’y répondre.

[8] Avant d’agir, le ministre était tenu à l’obligation d’équité procédurale envers l’appelante : voir, par exemple, Triumphant Church of Christ International c. Canada (Revenu national), 2009 CAF 161, par. 2. Il a été satisfait à l’obligation d’équité procédurale : à maintes reprises, le ministre a informé l’appelante en détail de ses manquements et lui a donné l’occasion de répondre. L’appelante l’a fait, mais les explications de fait qu’elle a fournies n’ont tout simplement pas convaincu le ministre.

[9] L’appelante insiste sur la décision du ministre de révoquer, plutôt que de suspendre, son enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance. Il était loisible au ministre de prendre cette décision, et cette décision était étayée par des éléments de preuve. La révocation était une réelle possibilité pendant toute la période pertinente. L’appelante ne peut vraisemblablement pas dire qu’elle a été prise au dépourvu.

[10] À une étape très tardive du présent appel, l’appelante a déposé une requête visant à faire admettre de nouveaux éléments de preuve. Cependant, il n’est pas satisfait au critère relatif à l’admission de nouveaux éléments de preuve : voir Palmer c. la Reine, [1980] 1 R.C.S. 759, tel qu’il est résumé dans Brace c. Canada, 2014 CAF 92, par. 11. Les éléments de preuve avaient été présentés au ministre; il s’agissait d’un courriel d’un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada. Même si cet élément avait figuré dans le dossier d’appel, l’issue du présent appel aurait été la même. Le fait que l’appelante n’ait pas reçu le courriel plus tôt n’a causé aucune iniquité importante.

[11] L’audience relative au présent appel n’a pu se tenir en personne en raison de la pandémie de COVID-19. Les parties étaient satisfaites que l’appel soit jugé sur dossier. Afin que l’appelante ait la possibilité de répondre au mémoire des faits et du droit de l’intimé et que les deux parties aient l’occasion de présenter toutes les observations qu’elles jugeaient pertinentes en remplacement des plaidoiries, notre Cour a invité les parties à soumettre des observations écrites supplémentaires. Elles l’ont fait. Dans son examen de la requête et du présent appel, notre Cour a examiné et pris en compte avec soin l’ensemble des documents qui ont été présentés par les parties.

[12] Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais la requête et l’appel de l’appelante avec dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Anne L. Mactavish, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-5-18

APPEL INTERJETÉ À L’ENCONTRE DE L’AVIS D’INTENTION DE RÉVOCATION No 3008383 DATÉ DU 22 AVRIL 2015

INTITULÉ :

ARK ANGEL FUND c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

JUGÉ SUR DOSSIER À :

OTTAWA (ONTARIO)

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 JUIN 2020

 

COMPARUTIONS :

Blake Bromley

Josh Vander Vies

 

Pour l’appelante

 

Lynn M. Burch

Selena Sit

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Benefic Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour l’appelante

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

 

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