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Date : 20200115


Dossier : A-99-19

Référence : 2020 CAF 7

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

 

 

JOSE LUIS FIGUEROA

 

 

appelant

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

intimé

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 14 janvier 2020.

Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 janvier 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20200115


Dossier : A-99-19

Référence : 2020 CAF 7

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

 

 

JOSE LUIS FIGUEROA

 

 

appelant

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

[1]  La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre d’une ordonnance rendue par la Cour fédérale (sous la plume du juge Lafrenière) le 18 février 2019 (Figueroa c. Sécurité publique et Protection civile (18 février 2019), T-427-15 (CF)), qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelant concernant son défaut de payer le cautionnement pour dépens ordonné à la suite d’une nouvelle détermination établie après que l’appelant eut obtenu gain de cause en appel devant la Cour d’appel fédérale. Le dossier sous-jacent concerne le refus de l’intimé de délivrer un certificat en application de l’article 83.07 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.

[2]  L’historique des procédures dans ce dossier est décrit ci-après. Le 25 avril 2017, le protonotaire Lafrenière (tel était alors son titre) a ordonné à l’appelant de payer un cautionnement pour dépens et a accordé à l’intimé l’autorisation de présenter une demande non officielle afin que la demande de l’appelant soit rejetée s’il ne déposait pas le cautionnement pour dépens dans un délai de 30 jours (Figueroa c. Sécurité publique et Protection civile (25 avril 2017), T-427-15 (CF)). Le juge Lafrenière a rejeté la demande de contrôle judiciaire le 29 juin 2017, soit sept jours après que l’intimé eut présenté à la Cour sa demande non officielle (par voie de lettre) visant à rejeter la demande de l’appelant parce qu’il n’avait pas déposé le cautionnement. L’appelant a interjeté appel de cette ordonnance du 29 juin 2017 et a obtenu gain de cause. La Cour d’appel fédérale a alors conclu que la Cour fédérale avait rendu une décision prématurée puisque, selon le paragraphe 369(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, l’appelant aurait dû disposer de dix jours, et non de sept, pour répondre à la demande de rejet (Figueroa c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CAF 12, 301 A.C.W.S. (3d) 230 [Figueroa CAF]). La Cour d’appel fédérale a donc renvoyé l’affaire à la Cour fédérale afin que celle-ci puisse recevoir la réponse de l’appelant et toute réplique de l’intimé avant de statuer sur l’affaire.

[3]  Dans une ordonnance rendue le 18 février 2019, qui rejetait une deuxième fois la demande de contrôle judiciaire de l’appelant, le juge Lafrenière a formulé les conclusions suivantes. Il a d’abord examiné la préoccupation exprimée par l’appelant du fait que la demande de l’intimé avait été tranchée sur la base d’observations écrites. Il a conclu qu’il pouvait aborder la question sur la base d’observations écrites, jugeant ainsi que la demande non officielle de l’intimé ne [traduction] « soulevait pas de questions ou de contentieux complexes » et que l’appelant n’avait pas établi que les règles d’équité exigeaient la tenue d’une audience (ordonnance, p. 2 et 3). Le juge Lafrenière s’est ensuite penché sur le fond de la demande de l’intimé. Il a noté que, bien que l’appelant ait soulevé, devant la Cour d’appel fédérale, un manque de ressources financières pour expliquer son inobservation de l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens, l’appelant n’a pas invoqué cet argument ni fourni d’éléments de preuve à l’appui devant la Cour fédérale (ibid., p. 3). Il a ajouté que l’appelant avait plutôt [traduction] « contesté les étapes ayant mené à l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens et l’ordonnance proprement dite » et que l’appelant aurait dû, par conséquent, interjeter appel de l’ordonnance plutôt que [traduction] « d’en contester la légitimité lors d’instances de mise en application subséquentes » (ibid., p. 3 et 4). Le juge Lafrenière a conclu que, puisque l’appelant n’avait pas fourni [traduction] « de motif valable pour expliquer son inobservation » ni d’éléments de preuve démontrant pourquoi sa demande de contrôle judiciaire ne devrait pas être rejetée, et qu’il n’a pas demandé de prorogation de délai pour se conformer à l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens ni indiqué s’il était en mesure de verser le cautionnement, la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée (ibid., p. 4).

[4]  La norme de contrôle qui s’applique est énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [Housen]. Selon le cadre de l’arrêt Housen, les questions de droit sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte, tandis que les questions de droit et de fait ainsi que les questions de fait sont assujetties à la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[5]  L’appelant a soulevé plusieurs arguments devant notre Cour. Cependant, je ne suis pas convaincu que le juge Lafrenière ait commis une erreur susceptible de révision.

[6]  Je rejetterais donc l’appel pour les motifs énoncés ci-après.

[7]  Premièrement, il convient de rappeler que, lorsque notre Cour a décidé de renvoyer l’affaire pour nouvelle détermination, elle a précisé que la Cour fédérale pourrait rejeter la demande de contrôle judiciaire de l’appelant si ce dernier omettait de payer le cautionnement pour dépens. De fait, le juge Stratas a déclaré que « [l]a Cour fédérale étant au courant de l’historique du litige, il lui était tout à fait loisible, dans son ordonnance relative au cautionnement pour dépens, de prévoir un rejet sommaire en cas de non-conformité » (Figueroa CAF, au para 13). Notre Cour a donc accueilli l’appel de l’appelant, non pas parce qu’elle a jugé que le cautionnement pour dépens constituait un motif illégitime pour rejeter la demande de contrôle judiciaire, mais plutôt à cause du délai qui avait été accordé à l’appelant pour présenter sa réponse. Je note par ailleurs qu’aucun élément de preuve n’indique que l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens a été observée en l’espèce.

[8]  Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument voulant qu’il soit problématique que le juge Lafrenière ait de nouveau été saisi de la requête demandant le rejet, notre Cour a indiqué qu’il n’est généralement pas inopportun qu’un juge examine une affaire qui lui est renvoyée simplement parce qu’il a été le premier saisi de cette affaire (arrêt Janssen-Ortho Inc. c. Apotex Inc., 2011 CAF 58, 416 N.R. 372). Qui plus est, les articles des Règles des Cours fédérales avec lesquels l’appelant établit une analogie n’appuient pas cet argument. De fait, aucun élément de preuve n’indique que, dans cette affaire, le juge Lafrenière a participé à une conférence préparatoire ou à une conférence de règlement des différends auxquelles renvoient les articles 266 et 391 des Règles et qui prévoient habituellement des discussions de conciliation entre les parties. Les arguments de l’appelant concernant le fait que le juge Lafrenière a été saisi de la nouvelle détermination n’ont rien à voir avec sa participation à des discussions de conciliation entre les parties. De plus, aucun élément de preuve au dossier ne permet de réfuter la présomption d’impartialité judiciaire dans les circonstances. Eu égard à ces faits, la distinction que fait l’appelant entre un réexamen et une nouvelle détermination n’est pas pertinente.

[9]  Troisièmement, l’appelant soutient que le libellé de l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens énonce deux thèses opposées défendues par le juge Lafrenière. Selon l’appelant, le juge Lafrenière a, d’une part, ordonné que le cautionnement pour dépens soit payé « sans délai », ce qui signifie habituellement qu’une requête n’aurait pas dû être présentée ou contestée, mais il n’a pas, d’autre part, ordonné le paiement sans délai des dépens afférents à la requête. Cet argument de l’appelant repose sur une interprétation erronée de l’article 401 des Règles des Cours fédérales, lequel porte sur les dépens afférents à une requête et non sur le cautionnement pour dépens pour une instance complète.

[10]  Quatrièmement, l’allégation de l’appelant selon laquelle le juge Lafrenière n’a pas dûment tenu compte de tous les éléments qui lui avaient été présentés, car il a fait une erreur dans le calcul du nombre de pièces et de pages dans les observations de l’appelant, est manifestement insuffisante pour renverser la présomption selon laquelle le juge Lafrenière a pris en considération tous les éléments dont il disposait (Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, 53 Imm. L.R. (4th) 1).

[11]  Cinquièmement, bien que l’appelant mentionne à juste titre que, selon le paragraphe 141(5) des Règles des Cours fédérales, une partie ne peut signifier un document électroniquement avant d’avoir reçu signification du consentement du destinataire, une simple lecture du libellé de l’article 147 des Règles montre qu’il était loisible au juge Lafrenière de valider la signification du destinataire :

Si un document a été signifié d’une manière non autorisée par les présentes règles ou une ordonnance de la Cour, celle-ci peut valider la signification si elle est convaincue que le destinataire a pris connaissance du document ou qu’il en aurait pris connaissance s’il ne s’était pas soustrait à la signification.

[12]  En l’espèce, l’appelant a clairement reçu la réponse écrite de l’intimé en application de l’article 147 des Règles, de sorte qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale (lettre de l’appelant à la Cour datée du 17 février 2019; cahier d’appel, à la page 178).

[13]  Enfin, il était loisible au juge Lafrenière d’instruire l’affaire sur la base d’observations écrites, car je conviens avec lui qu’aucune des questions en litige n’était particulièrement complexe et ne se prêtait mieux à une plaidoirie.

[14]  Pour tous ces motifs, l’appelant n’a su démontrer que l’ordonnance du 18 février 2019 est erronée en droit ou qu’elle est fondée sur une erreur manifeste et dominante due à une mauvaise appréciation des faits.

[15]  Je rejetterais l’appel.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-99-19

INTITULÉ :

JOSE LUIS FIGUEROA c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 janvier 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

DATE DES MOTIFS :

Le 15 janvier 2020

COMPARUTIONS :

Jose Luis Figueroa

POUR L’APPELANT

(pour son propre compte)

Brett J. Nash

Pour l’intimé

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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