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Date : 20191218


Dossier : A-6-18

Référence : 2019 CAF 320

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

TASEKO MINES LIMITED

appelante

et

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE GOUVERNEMENT NATIONAL TSILHQOT’IN ET JOEY ALPHONSE, en son nom et au nom de tous les autres membres de la nation Tsilhqot’in

intimés

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 janvier 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR


Date : 20191218


Dossier : A-6-18

Référence : 2019 CAF 320

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

TASEKO MINES LIMITED

appelante

et

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE GOUVERNEMENT NATIONAL TSILHQOT’IN ET JOEY ALPHONSE, en son nom et au nom de tous les autres membres de la nation Tsilhqot’in

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  Taseko Mines Limited (Taseko) interjette appel d’une décision de la Cour fédérale (motifs du juge Phelan) datée du 5 décembre 2017, laquelle rejetait sa demande de contrôle judiciaire d’une déclaration communiquant les décisions du ministre de l’Environnement (le ministre) et du gouverneur en conseil en application de l’article 52 de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, ch. 19, art. 52 (LCEE 2012), qui a conclu que son projet de mine d’or et de cuivre New Prosperity (le projet) est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants et que ces effets ne sont pas justifiables dans les circonstances (Taseko Mines Limited c. Canada (Environnement), 2017 CF 1100 (les motifs de la Cour fédérale)). Le rapport final de la commission (le rapport final) à l’origine de ces décisions, qui fait également l’objet d’un appel interjeté par Taseko, est examiné dans le dossier connexe A-7-18.

[2]  L’appelante soutient que le juge de première instance a commis une erreur en ne concluant pas que les décisions du ministre et du gouverneur en conseil devraient être annulées pour manquement à l’équité procédurale et pour erreurs de compétence. Elle demande aussi à notre Cour de déclarer que l’alinéa 5(1)c) et l’article 6 de la LCEE 2012 ne s’appliquent pas parce qu’ils portent atteinte aux pouvoirs législatifs que confère aux provinces l’article 92A de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 et 31 Vict, ch. 3, réimprimée dans les L.R.C. 1985, annexe II, no 5, en matière de mise en valeur et de gestion des ressources naturelles non renouvelables.

[3]  Fondamentalement, la présente affaire soulève la question difficile de l’interaction entre l’obligation constitutionnelle de consulter et les principes de common law en matière d’équité procédurale et de justice naturelle.

[4]  Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’avis que le présent appel devrait être rejeté.

I.  Les faits

[5]  Les faits concernant le projet et le processus d’évaluation sont présentés en détail dans les motifs que j’ai exposés dans le dossier A-7-18 et il n’est pas nécessaire de les répéter ici. Quant aux événements qui se sont produits à la suite de la conclusion des audiences de la commission en août 2013 et qui sont en lien avec le présent appel, ils sont résumés de façon très détaillée par le juge aux paragraphes 11 à 44 de la décision de première instance. Par conséquent, il suffira que je donne un aperçu des faits survenus après la clôture des audiences de la commission le 23 août 2013.

[6]  Une fois que le ministre de l’Environnement a renvoyé le projet à la commission pour qu’elle en évalue les effets environnementaux, plusieurs phases distinctes se sont succédé :

  • 1) la préparation par Taseko et l’examen par la commission d’une étude d’impact environnemental;

  • 2) des audiences publiques devant la commission;

  • 3) la remise par la commission de son rapport final au ministre;

  • 4) une décision ministérielle quant à la question de savoir si le projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants, suivie (s’il y a lieu) d’une décision du gouverneur en conseil quant à la question de savoir si ces effets sont justifiables dans les circonstances;

  • 5) la publication d’une « déclaration » ministérielle communiquant les décisions respectives du ministre et du gouverneur en conseil.

[7]  La nation Tsilhqot’in détient des droits ancestraux revendiqués et établis sur le territoire où la mine d’or et de cuivre projetée aurait été exploitée et, par conséquent, la Couronne a l’obligation de consulter la nation et de prendre des mesures d’accommodement raisonnables à son égard. Par conséquent, la Couronne a nommé une « coordonnatrice des consultations » chargée de la liaison entre la Couronne et le gouvernement national Tsilhqot’in (le GNT) concernant le projet ainsi que de la rédaction d’un rapport de consultation de la Couronne. En effet, la Couronne prévoyait consulter la nation Tsilhqot’in tout au long du processus, et la coordonnatrice des consultations de la Couronne à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (l’Agence) a clairement fait savoir à Taseko qu’il y avait des consultations [traduction] « approfondies et en cours » avec des groupes autochtones et que le représentant de Taseko pouvait communiquer avec elle s’il avait des questions (dossier d’appel, vol. 14, p. 19976).

[8]  Le 8 octobre 2013, deux réunions ont eu lieu. Ces réunions sont au cœur du présent appel. La première réunissait des représentants du GNT, le ministre et le président de l’Agence, en dépit des conseils de l’Agence. Il semble que le GNT cherchait à exprimer ses préoccupations quant au fait que Taseko présentait faussement le point de vue du GNT dans ses déclarations publiques et qu’il souhaitait faire une mise au point. Au cours de cette réunion, le ministre « [TRADUCTION] “n’a pas parlé des détails du projet et n’a révélé aucun biais, point de vue ou opinion quant au projet et à savoir si celui-ci devait aller de l’avant ou non” » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 14). La deuxième réunion s’est faite entre des représentants du GNT et plusieurs sous-ministres, qui avaient été informés qu’ils ne devaient pas discuter [traduction] « des questions dont [était] saisie actuellement la commission » (dossier d’appel, vol. 17, p. 22245). Le juge a par ailleurs constaté que Taseko a appris la tenue de ces réunions peu de temps plus tard, mais qu’elle ne s’y était pas opposée à l’époque (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 15 à 17).

[9]  Le ministre n’a pas contesté le fait qu’il n’avait pas rencontré Taseko, ce qui ne veut pas dire que Taseko ne pouvait pas faire connaître son point de vue. Le juge Phelan a établi que Taseko avait écrit directement au ministre et à d’autres ministres (ibid., aux paragraphes 31, 34, 36 et 42), publié un article d’opinion dans un journal (ibid., au paragraphe 32) et publié un communiqué de presse dans lequel elle attaquait les opposants au projet et présentait des arguments expliquant en quoi les conclusions du rapport final étaient erronées et pourquoi le projet devait être approuvé (ibid., aux paragraphes 35 et 40). En outre, il semble que les représentants de Taseko aient eu au moins une réunion et deux appels avec des représentants du gouvernement fédéral, notamment le président de l’Agence, Ron Hallman (dossier d’appel, vol. 17, p. 22639 et 22640; dossier d’appel, vol. 5, p. 6716). Dans le but d’obtenir d’autres réunions, Taseko a également retenu les services d’un ancien chef du GNT à titre de consultant. Enfin, Taseko a organisé plusieurs réunions avec la première ministre de la Colombie-Britannique de l’époque, Christy Clark, puis avec le ministre de l’Énergie et des Mines de la Colombie-Britannique, Bill Bennett, et leur a présenté des arguments contre le rejet du projet, arguments qu’ils ont par la suite transmis à des représentants fédéraux (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 38; dossier d’appel, vol. 17, p. 22573, 22574, 22579 à 22586, 22588 à 22602, 22606,t 22607, 22725 à 22754, 23257 et 23258).

[10]  Le rapport final a été publié le 31 octobre 2013. Le 8 novembre 2013, en réponse au rapport, Taseko a acheminé au ministre ses observations, dans lesquelles elle demandait à être informée de toute observation défavorable communiquée au ministre lors des consultations avec les groupes autochtones ayant lieu hors du cadre du processus devant la commission (dossier d’appel, vol. 14, p. 19948). Taseko soutient que rien ne prouve que ces observations ont été remises au ministre. Le juge a néanmoins conclu qu’il existait des éléments de preuve en ce sens (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 62 et 67). Le 15 novembre 2013, Taseko a communiqué d’autres observations à l’Agence. Le juge a conclu que ces observations avaient été transmises à un membre du personnel politique du ministre (ibid., au paragraphe 40). Le 21 novembre 2013, le GNT a répondu à ces observations et Taseko, en date du 1er décembre 2013, était en possession d’une copie de cette lettre (ibid., au paragraphe 20).

[11]  Le 9 janvier 2014, au cours de la phase IV des consultations et en réponse à la demande de l’Agence, le GNT a présenté à cette dernière ses observations sur le rapport final. Ces observations n’ont pas été remises à Taseko, mais le juge a conclu qu’elles ne contenaient aucune information qui ne figurait pas déjà dans les documents dont était saisie la commission ou qui n’avait pas déjà été fournie au ministre (ibid., au paragraphe 68). Le 16 janvier 2014, le GNT a de nouveau écrit à l’Agence pour lui faire part de ses préoccupations quant au caractère adéquat des consultations de la phase IV.

[12]  Le 29 janvier 2014, l’Agence a envoyé une note de service au ministre, lui demandant qu’il détermine, en application de l’article 52 de la LCEE 2012, si le projet était susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants [la note de service de M. Hallman]. Cette note comportait des conseils ministériels présentant des mesures d’atténuation pour examen par le ministre, les observations du 9 janvier 2014 du GNT et une note protégée par le secret professionnel de l’avocat. Il s’agissait des seuls documents dont disposait le ministre lorsqu’il a rendu sa décision le 30 janvier 2014. Il a souscrit à la recommandation de l’Agence et a conclu que le projet était susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants (alinéas 52(1)a) et b) de la LCEE 2012). Il a donc renvoyé le dossier au gouverneur en conseil afin qu’il rende une décision en vertu du paragraphe 52(4).

[13]  Durant les semaines qui ont suivi, les partisans et les détracteurs du projet ont fait du « lobbying » auprès des représentants du gouvernement fédéral. Par exemple, Taseko a payé une délégation pour qu’elle soutienne le projet, et il semble que des ministres de la Colombie-Britannique ont parlé au ministre fédéral de l’Environnement. De l’autre côté, le 12 février 2014, des représentants du GNT ont rencontré le président de l’Agence et certains sous-ministres afin de réitérer leurs positions. Le 13 février 2014, le GNT a également écrit à l’Agence pour exprimer ses préoccupations quant au fait que des partisans du projet avaient leurs entrées au niveau ministériel.

[14]  Le 21 février 2014, le ministre a reçu un mémoire qui comprenait un rapport de consultation de la Couronne, ainsi qu’en pièce jointe les observations du GNT en réponse au rapport final. Le rapport de consultation comprenait les raisons pour lesquelles, selon le GNT, le projet ne devait pas passer à l’étape de la décision du gouverneur en conseil. Le ministre a approuvé la recommandation et l’a transmise au Cabinet. Ce rapport de consultation n’a pas été communiqué à Taseko et on ne lui a pas demandé ses observations sur la question du bien-fondé de faire passer le projet à l’étape suivante.

[15]  Le 26 février 2014, le ministre a publié sa déclaration. Il a déterminé que le projet était susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants, et le gouverneur en conseil a conclu que ces effets n’étaient pas justifiables dans les circonstances.

[16]  Dans la demande de contrôle judiciaire à l’origine du présent appel, Taseko a fait valoir que les décisions du ministre et du gouverneur en conseil devraient être annulées pour manquement à l’équité procédurale et erreur de compétence, et elle a demandé que la cour de première instance déclare l’alinéa 5(1)c) et l’article 6 de la LCEE 2012 inconstitutionnels ou, à titre subsidiaire, qu’elle déclare qu’ils ne s’appliquent pas parce qu’ils portent atteinte aux pouvoirs législatifs que confère aux provinces l’article 92A de la Loi constitutionnelle de 1867.

II.  La décision contestée

[17]  Le 5 décembre 2017, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Elle a conclu que le ministre ne devait à Taseko qu’un degré « minimal » d’équité procédurale (ibid., au paragraphe 61) et que, même si Taseko avait droit à un degré plus élevé d’équité procédurale, le dossier démontrait que c’est d’un tel degré d’équité procédurale qu’a bénéficié Taseko (ibid., au paragraphe 62). À son sens, Taseko était informée des observations présentées contre son projet et avait eu la possibilité d’y répondre (ibid., au paragraphe 67). La Cour fédérale a également rejeté l’allégation de Taseko selon laquelle elle aurait dû être informée de toutes les observations reçues par le ministre en opposition au projet et qu’elle aurait dû avoir la possibilité d’y répondre avant que la décision définitive ne soit rendue. Il existe des circonstances dans lesquelles le promoteur doit être informé des observations faites au cours du processus de consultation, par exemple lorsque la Couronne prévoit de changer sa position ou rendre une décision contraire au rapport final en raison de nouvelles préoccupations soulevées ou de nouveaux renseignements fournis par une Première Nation. Selon la Cour fédérale, il s’agit d’une « règle juste, pratique et fondée sur des principes » assurant le juste équilibre entre les droits du promoteur d’un projet et l’importance de l’obligation de consulter (ibid., aux paragraphes 86 et 88). En l’espèce, la Cour fédérale a conclu qu’on n’avait communiqué au ministre aucun nouveau fait ni aucune nouvelle préoccupation auxquels Taseko aurait pu répondre (ibid., au paragraphe 80).

[18]  La Cour fédérale a également rejeté les allégations de manquement à l’équité procédurale relativement à la décision du gouverneur en conseil au motif que ce dernier n’avait aucune obligation d’équité procédurale (ibid., au paragraphe 117). Elle a en outre conclu que, même si le gouverneur en conseil avait eu une obligation d’équité procédurale envers Taseko, sa portée aurait été « minimale » et elle aurait été respectée en l’espèce (ibid., au paragraphe 118). La Cour fédérale a aussi conclu qu’il n’y avait eu aucune erreur de compétence (ibid., au paragraphe 121) et que les motifs donnés étaient suffisants (ibid., au paragraphe 122).

[19]  De même, les arguments de Taseko sur la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44, et sur l’inconstitutionnalité de l’alinéa 5(1)c) et de l’article 6 de la LCEE 2012 ont été rejetés. La Cour fédérale a conclu que la Déclaration canadienne des droits ne s’appliquait pas aux processus devant le ministre et le gouverneur en conseil étant donné qu’il ne s’agit pas de processus d’adjudication et qu’aucune « audience » n’avait eu lieu (ibid., au paragraphe 132). Quant à la question constitutionnelle, la Cour fédérale a conclu qu’il n’était pas nécessaire de l’examiner en l’espèce (ibid., au paragraphe 143). Elle a affirmé que, si cette question devait être tranchée, elle aurait conclu que les dispositions relevaient du pouvoir législatif conféré au législateur fédéral par le paragraphe 91(24), « [l]es Indiens et les terres réservées pour les Indiens », de la Loi constitutionnelle de 1867. Enfin, la Cour fédérale aurait rejeté l’argument de l’exclusivité des compétences au motif que ce principe est généralement réservé aux circonstances visées par des précédents et qu’il n’a toujours pas été établi qu’il s’appliquait à une compétence provinciale (ibid., aux paragraphes 157 et 160).

III.  Les questions en litige

[20]  Le présent appel soulève quatre questions principales, qui peuvent être formulées ainsi :

  1. La décision du ministre devrait-elle être annulée pour manquement à l’équité procédurale?

  2. La décision du gouverneur en conseil devrait-elle être annulée pour manquement à l’équité procédurale?

  3. Les décisions du ministre et du gouverneur en conseil devraient-elles être annulées pour erreur de compétence?

  4. L’alinéa 5(1)c) et l’article 6 de la LCEE 2012 sont-ils inapplicables au projet en raison de la doctrine de l’exclusivité des compétences?

IV.  Analyse

[21]  Dans les appels de décisions de la Cour fédérale sur des demandes de contrôle judiciaire concernant des décisions de décideurs administratifs, la norme de contrôle applicable est généralement celle énoncée dans l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47. Selon cette norme, notre Cour doit « se mettre à la place » de la Cour fédérale pour déterminer si celle-ci a choisi la norme de contrôle qui convient et l’a appliquée correctement.

[22]  Les parties ne contestent pas que le juge a correctement déterminé la norme de contrôle applicable, qui est celle de la décision correcte (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 53 et 54). Il est de droit constant que les questions constitutionnelles doivent être examinées selon la norme de la décision correcte (Begum c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CAF 181, au paragraphe 36; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 58) et qu’il en est de même pour les allégations relatives à l’équité procédurale (Del Vecchio c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 168, aux paragraphes 3 et 4; Kwan c. Banque Amex du Canada, 2018 CAF 189, au paragraphe 11; Gupta c. Canada, 2017 CAF 211, aux paragraphes 28 et 29; Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 R.C.S. 502, au paragraphe 79).

[23]  Cependant, même lorsque l’obligation d’équité procédurale est en cause, les conclusions de fait distinctes tirées par le juge de première instance sur la base d’éléments de preuve qui ne figuraient pas au dossier du tribunal sont susceptibles de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 10). Notre Cour l’a récemment rappelé dans les arrêts Apotex Inc. c. Canada (Santé), 2018 CAF 147, [2018] A.C.F. no 820 (QL) [Apotex], et Sturgeon Lake Cree Nation c. Hamelin, 2018 CAF 131, [2018] A.C.F. no 700 (QL), qui portaient également sur des questions d’équité procédurale. L’arrêt Henthorne v. British Columbia Ferry, 2011 BCCA 476, 344 D.L.R. (4th) 292, corrobore cette affirmation, au paragraphe 77.

[24]  Avant que l’on ne se penche sur les questions de fond qui sont au centre du présent appel, un aperçu du régime législatif s’impose. L’évaluation environnementale du projet désigné a été renvoyée par le ministre pour examen par une commission en application de l’ancienne Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, puis elle s’est poursuivie sous le régime de la LCEE 2012 (paragraphe 126(1) et article 38). Le paragraphe 47(1) de la LCEE 2012 dispose que le ministre, « [a]près avoir pris en compte le rapport d’évaluation environnementale de la commission, prend les décisions prévues au paragraphe 52(1) ». Les passages pertinents de ce paragraphe sont rédigés ainsi :

52 (1) […] le décideur […] décide si, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’il estime indiquées, la réalisation du projet désigné est susceptible:

52 (1) […] the decision maker […] must decide if, taking into account the implementation of any mitigation measures that the decision maker considers appropriate, the designated project

a) d’une part, d’entraîner des effets environnementaux visés au paragraphe 5(1) qui sont négatifs et importants;

(a) is likely to cause significant adverse environmental effects referred to in subsection 5(1); and

b) d’autre part, d’entraîner des effets environnementaux visés au paragraphe 5(2) qui sont négatifs et importants.

(b) is likely to cause significant adverse environmental effects referred to in subsection 5(2).

[25]  Le paragraphe 52(2) dispose que, si le ministre décide que le projet désigné est « susceptible d’entraîner des effets environnementaux […] qui sont négatifs et importants », il doit renvoyer au gouverneur en conseil « la question de savoir si ces effets sont justifiables dans les circonstances ». Le gouverneur en conseil pourra ensuite décider, conformément au paragraphe 52(4) :

a) soit que les effets environnementaux négatifs importants sont justifiables dans les circonstances;

(a) that the significant adverse environmental effects that the designated project is likely to cause are justified in the circumstances; or

b) soit que ceux-ci ne sont pas justifiables dans les circonstances.

(b) that the significant adverse environmental effects that the designated project is likely to cause are not justified in the circumstances.

[26]  Enfin, le paragraphe 54(1) dispose que le ministre doit faire une déclaration qu’il remet au promoteur du projet désigné, dans laquelle il donne avis des décisions qu’il a prises relativement au projet au titre de l’article 52 de la LCEE 2012.

A.  La décision du ministre devrait-elle être annulée pour manquement à l’équité procédurale?

1)  Le degré d’équité procédurale dû

[27]  L’appelante soutient que, compte tenu de l’importance de la décision et de la nature contradictoire du processus, le ministre lui devait plus qu’un degré « minimal » d’équité procédurale et que, quoi qu’il en soit, on ne lui a même pas accordé ce degré « minimal ».

[28]  Dans l’arrêt de principe Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 1999 CanLII 699 [Baker], la Cour suprême du Canada, sous la plume de la juge L’Heureux-Dubé, a examiné en détail les principes applicables à la détermination de la nature de l’obligation d’équité procédurale. « Le fait qu’une décision soit administrative et touche “les droits, privilèges ou biens d’une personne” suffit pour entraîner l’application de l’obligation d’équité » (Baker, au paragraphe 20). La simple existence de cette obligation, toutefois, ne « détermine pas quelles exigences s’appliqueront dans des circonstances données » (ibid., au paragraphe 21); au contraire, « [i]l faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l’obligation d’équité procédurale » (ibid., au paragraphe 21).

[29]  La Cour suprême du Canada a reconnu que plusieurs facteurs sont pertinents lorsqu’il s’agit de déterminer ce que l’obligation d’équité procédurale exige. L’idée sous-jacente à ces facteurs est la suivante :

[...] les droits de participation faisant partie de l’obligation d’équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur.

Ibid., au paragraphe 22

[30]  En d’autres termes, la réponse à la question de savoir s’il a été satisfait à l’obligation d’équité procédurale dans n’importe quelle situation donnée dépend toujours du contexte. Comme notre Cour l’a affirmé dans l’arrêt Uniboard Surfaces Inc. c. Kronotex Fussboden GmbH et Co. KG, 2006 CAF 398, [2007] 4 R.C.F. 101 [Uniboard], au paragraphe 7 :

Pour bien cerner le contenu de l’obligation d’équité procédurale, il est plus facile d’en rappeler l’objectif, qui consiste essentiellement à s’assurer qu’une partie a réellement la possibilité, dans un contexte donné, de faire valoir son point de vue complètement et équitablement – plutôt que de se concentrer sur les moyens utilisés pour atteindre cet objectif, pour la simple raison que les moyens employés dépendent de l’appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés (voir l’arrêt Baker [...], au paragraphe 22). Il n’y a pas de critère ou de formule rigides. Il n’y a pas de liste d’éléments à cocher. Pour reprendre une formule un peu surannée, l’obligation d’équité consiste à s’assurer que l’on « joue franc jeu ».

[31]  Par conséquent, le principe de base est que la personne concernée doit se voir accorder les moyens de présenter entièrement et équitablement sa position et de voir la décision prise à l’issue d’un processus équitable, impartial et ouvert, compte tenu du contexte légal, institutionnel et social de cette décision. Il est évident que les obligations en matière de réconciliation, de consultation des groupes autochtones et de mesures d’accommodement envers eux font partie intégrante du contexte social à prendre en considération lorsque l’on définit les exigences d’équité procédurale dans une situation comme celle en l’espèce. Je pousserai plus loin mon analyse de cette question plus loin dans mes motifs.

[32]  L’appelante soutient que deux des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, à savoir l’importance de la décision du ministre et la nature contradictoire du processus, demandaient plus qu’un degré « minimal » d’équité procédurale. Pour les motifs qui suivent, je ne souscrirais pas à ces observations.

[33]  Le juge a examiné cette question aux paragraphes 50 à 65 des motifs de la Cour fédérale. Ayant examiné le modèle d’évaluation environnementale dans son ensemble, il a conclu que « l’étape [de la commission] est le moment où les parties ont droit à un degré élevé d’équité procédurale » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 58), et que le processus décisionnel du ministre, par contraste, « ne comprend aucun élément » indiquant que le même degré d’équité procédurale devait être accordé à cette étape (ibid., au paragraphe 59). Pour tirer sa conclusion, le juge a examiné les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker en fonction des faits (ibid., au paragraphe 61) :

Le processus décisionnel du ministre ne s’apparentait pas à un processus décisionnel judiciaire (c.-à-d. le processus n’était pas établi de façon à être une joute et le ministre n’était pas tenu de recevoir des représentations). Le ministre tirait des conclusions de fait (comme le soutien[t] Taseko), mais celles-ci étaient fondées sur des conclusions du rapport rendues à une étape du processus où Taseko avait bénéficié d’un degré élevé d’équité procédurale. Par conséquent, comme indiqué dans [Jada Fishing], l’obligation d’équité procédurale n’était pas aussi rigoureuse qu’elle l’aurait été dans un processus contradictoire, judiciaire ou quasi judiciaire. […]

Au surplus, le régime législatif indique que le promoteur aurait seulement pu soumettre des représentations sur demande du ministre (paragraphe 47(2)). Ceci laisse croire que le promoteur n’a pas le droit de soumettre de telles représentations, et que ceci est laissé entièrement à la discrétion du ministre, lequel décide si de telles représentations sont justifiées dans les circonstances.

L’importance de la décision [...] a été illustrée dans le processus exhaustif qui s’est déroulé devant [la commission]. Par ailleurs, à mon sens, l’importance de la décision ne nécessite pas que chaque étape du processus adopte un caractère quasi judiciaire, particulièrement lorsque les droits procéduraux de la partie ont été assurés de façon exhaustive au cours d’une étape antérieure du processus.

De plus, l’argument de Taseko voulant qu’elle [ait eu] des attentes légitimes quant au processus décisionnel du ministre doit être rejeté. Taseko a été informée de façon explicite que ses propres représentations, déposées après les audiences [de la commission], ne seraient pas publiées dans le registre public (ce raisonnement pouvant facilement s’étendre à toute autre représentation). De plus, le silence de l’ACEE aux demandes de Taseko ne justifie pas qu’elle se forge une expectative, tout comme ce silence ne vient pas s’arrimer « aux pratiques établies, à la conduite ou aux affirmations qui peuvent être qualifiées de claires, nettes et explicites » [...]

[Renvois omis.]

[34]  Hormis un renvoi dans une note de bas de page aux observations écrites qu’elle a présentées à la Cour fédérale, dans laquelle elle affirme ne pas souscrire à la conclusion tirée par le juge de première instance, [traduction] « en particulier en ce qui concerne l’importance de la décision », et qualifie la conclusion du juge à l’égard de la nature contradictoire du processus de [traduction] « simplement erronée, compte tenu des observations du GNT », l’appelante n’a abordé ni les conclusions du juge ni les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker (mémoire des faits et du droit de l’appelante, au paragraphe 19).

[35]  Étant donné ce qui précède, l’appelante ne m’a pas convaincu que le juge a commis une erreur en concluant qu’elle n’avait droit qu’à un degré « minimal » d’équité procédurale à cette étape du processus.

[36]  En ce qui concerne « l’importance de la décision », le juge a eu raison d’affirmer qu’elle « a été illustrée dans le processus exhaustif » qui s’est déroulé devant la commission (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 61). Comme l’a fait observer le juge, ce processus comprenait des « audiences, des présentations d’éléments de preuve [...], des contre-interrogatoires, de la recherche de faits, ainsi que d’autres caractéristiques associées à un processus quasi judiciaire » (ibid., au paragraphe 58). Les droits de l’appelante ont été « assurés de façon exhaustive » à cette étape du processus et il n’a pas été nécessaire que chaque étape subséquente « adopte un caractère quasi judiciaire » (ibid., au paragraphe 61). Après tout, la norme applicable à chaque étape du processus s’adapte au contexte (Law Society of British Columbia c. Trinity Western University, 2018 CSC 32, [2018] 2 R.C.S. 293, au paragraphe 53.)

[37]  À mon avis, le raisonnement suivi par notre Cour dans l’arrêt Jada Fishing Co. Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2002 CAF 103, [2002] A.C.F. no 436 (QL) [Jada], est entièrement approprié en l’espèce. Dans cette affaire, la question en litige concernait le régime législatif en vertu duquel ministère des Pêches et des Océans (le MPO) octroyait des permis de pêche auxquels un quota était rattaché pour déterminer la prise autorisée pour chaque titulaire de permis. Une commission d’appel a été créée et chargée d’entendre les appels des pêcheurs souhaitant contester le quota fixé pour leur permis, et cette commission pouvait faire des recommandations non contraignantes au ministre s’il existait des circonstances atténuantes. Les appelantes se plaignaient que la commission d’appel avait manqué à l’équité procédurale parce qu’elle aurait entendu des éléments de preuve de fonctionnaires du MPO en l’absence des appelantes, sans leur permettre d’y répondre. Le juge Malone, s’exprimant au nom de notre Cour, a souscrit à la conclusion du juge de première instance selon laquelle rien dans le dossier n’indiquait que les fonctionnaires du MPO aient fait quoi que ce soit de plus que remettre à la commission d’appel des renseignements factuels dont les appelantes avaient déjà connaissance et qui ne portaient pas préjudice aux appelantes. Il a écrit ce qui suit au paragraphe 16 :

[...] les appelantes ont eu une audience devant la [commission d’appel], ont exposé oralement leurs prétentions, ont présenté des observations écrites et se sont prévalues de la possibilité de se faire représenter par un avocat. Étant donné ces circonstances, il est difficile de voir quelle in[i]quité procédurale les appelantes auraient pu subir. Selon la procédure, le ministre pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire dans le cadre d’un processus non accusatoire. Ce processus devait respecter les exigences d’équité, mais la norme rigoureuse de justice naturelle exigée pour les processus accusatoires, judiciaires ou quasi judiciaires n’était pas requise. Par conséquent, la jurisprudence invoquée par les appelantes, notamment [Kane], n’est d’aucune utilité.

[38]  Je suis également d’accord avec le ministre intimé sur le fait que les [traduction] « intérêts financiers [de l’appelante] n’équivalent pas aux considérations touchant la liberté d’une personne, sa capacité à travailler ou le risque de préjudice corporel, pour lesquelles il a été établi que des niveaux plus élevés de droits procéduraux et à l’équité [...] existaient » (mémoire des faits et du droit du ministre, au paragraphe 53). Évidemment, cela ne signifie pas que des décisions qui ont une incidence sur des droits économiques sont inévitablement moins importantes que les décisions qui ont une incidence sur les droits individuels. Notre Cour a expressément rejeté cette idée dans l’arrêt Uniboard, au paragraphe 27. Cela signifie plutôt qu’en l’espèce, l’appelante ne m’a pas convaincu que l’effet de la décision du ministre sur elle est tel qu’il justifie le même niveau d’équité procédurale que celui appliqué dans les arrêts Baker ou Kane c. Cons. d’administration de l’U.C.B., [1980] 1 R.C.S. 1105, 1980 CanLII 10 [Kane], qui portaient respectivement sur l’expulsion d’une mère d’enfants à charge nés au Canada et sur la suspension d’un professeur ordonnée par une université.

[39]  Quoi qu’il en soit, en l’espèce, ce facteur est annulé par l’influence de trois autres facteurs : le régime législatif dans son ensemble, l’absence d’attentes légitimes et l’obligation de retenue envers les choix procéduraux du ministre. Ces facteurs sont examinés ci-dessous.

[40]  Quant à l’allégation de l’appelante selon laquelle le processus décisionnel du ministre était de nature contradictoire et s’inscrivait dans la portion judiciaire, je conclus qu’elle est sans fondement. Comme l’a souligné à juste titre le ministre, sa tâche en l’espèce consistait essentiellement à formuler une opinion en fonction du rapport final, [traduction] « en examinant la probabilité que certaines craintes sociales puissent se concrétiser et l’importance d’une telle concrétisation » (mémoire des faits et du droit du ministre, au paragraphe 51). Nous sommes donc loin d’une situation où « le processus prévu, la fonction du tribunal, la nature de l’organisme rendant la décision et la démarche à suivre pour parvenir à la décision ressemblent à une prise de décision judiciaire » (Baker, au paragraphe 23). Les désaccords possibles entre le promoteur du projet et les opposants au projet ne changent pas ce fait.

[41]  Quant aux autres facteurs établis dans l’arrêt Baker, je partage l’opinion du juge selon laquelle ils étayent la conclusion voulant qu’un degré moins élevé d’équité procédurale ait été dû à l’appelante à cette étape du processus. En premier lieu, la nature du régime législatif, notamment l’exhaustivité du processus devant la commission, le fait que seul le rapport final doive être publié et l’absence de disposition permettant la communication au ministre d’observations non sollicitées, milite en faveur d’une obligation minimale (ibid., au paragraphe 24). De même, l’absence d’attentes légitimes de la part de l’appelante relativement à la conduite du ministre (ibid., au paragraphe 26) et la « grande importance » qu’il faut accorder aux choix procéduraux du décideur et à ses contraintes institutionnelles (ibid., au paragraphe 27) étayent la conclusion du juge de première instance à cet égard.

[42]  Dans ses observations, l’appelante a fait grand cas de l’interrelation entre l’obligation de consultation et l’obligation d’équité procédurale. Selon elle, le juge de première instance a commis une erreur en omettant d’intégrer l’obligation de consultation au principe audi alteram partem et en choisissant plutôt de restreindre les droits du promoteur à être tenu informé des observations défavorables et à pouvoir y répondre seulement si la Couronne changeait sa position en conséquence. L’essentiel de la conclusion du juge à cet égard se trouve dans les deux paragraphes suivants des motifs de la Cour fédérale :

[86] Dans le présent dossier, le GNT reconnaît que certaines circonstances nécessiteraient que le promoteur soit informé d’observations formulées au cours du processus de consultation. Le GNT avance que le promoteur devrait être informé si la Couronne avait l’intention de modifier sa position ou de rendre une décision contraire au rapport [de la commission] en raison d’un nouvel élément soulevé par la Première nation. De façon semblable, à l’audience, le GNT a estimé que les droits procéduraux du promoteur sont engagés lorsque la Couronne examine des renseignements considérablement nouveaux obtenus au cours du processus consultatif et ayant un effet réel sur le promoteur et qu’elle prévoit fonder sa décision sur ceux-ci.

[...]

[88] À mon sens, ceci me semble être une règle juste, pratique et fondée sur des principes permettant de s’assurer que les droits des promoteurs sont protégés, tout en reconnaissant l’importance de l’obligation de consulter.

[43]  Selon l’appelante, cette approche est viciée : un promoteur devrait avoir le droit de connaître tous les renseignements défavorables fournis pendant les consultations auprès des groupes autochtones et d’y répondre, sauf lorsqu’il peut être établi que la divulgation de ces renseignements, dans un cas donné, serait contraire à l’obligation de consulter. J’ai tendance à penser que l’affirmation de Taseko banaliserait l’obligation de consulter et la viderait de son véritable contenu. Il ne faut pas oublier que l’obligation de consulter (et de prendre des mesures d’accommodement) fait partie de la réconciliation qui, elle-même, découle des droits garantis par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, [2004] 3 R.C.S. 511, au paragraphe 32). On pourrait difficilement dire que l’obligation de consulter soutient et favorise la réconciliation et confirme les relations de nation à nation avec les Premières Nations si la Couronne avait la même obligation de consulter envers le promoteur ou, d’ailleurs, toute autre partie intéressée.

[44]  Je n’ai pas besoin, toutefois, de tirer une conclusion définitive sur cette question, car j’estime que Taseko n’a démontré aucune violation de son droit à l’équité procédurale. Non seulement Taseko a eu tout le loisir de défendre sa position, mais, de surcroît, la Couronne a rendu une décision tout à fait compatible avec les conclusions de la commission selon lesquelles le projet entraînerait des effets environnementaux négatifs et importants. Dans ces circonstances, je ne pense pas qu’il serait souhaitable de formuler de grands principes généraux pour des situations où il vaut mieux procéder à une appréciation prudente de tous les faits pertinents.

2)  Le moment auquel les allégations de manquement à l’équité procédurale ont été soulevées

[45]  L’appelante conteste la conclusion du juge de première instance (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 75 et 76) selon laquelle elle ne pouvait soulever ses allégations de manquement à l’équité procédurale pour la première fois en contrôle judiciaire parce qu’elles auraient pu faire l’objet d’une plainte déposée en temps opportun devant le ministre. L’appelante affirme que le fait qu’elle ait pris connaissance des réunions par une publication sur Facebook ne satisfait pas aux exigences permettant de conclure qu’une partie a renoncé à être [traduction] « pleinement informée des faits », dans la mesure où ce qui a été dit lors de ces réunions n’a été divulgué que dans les présentes procédures judiciaires (mémoire des faits et du droit de l’appelante, au paragraphe 60).

[46]  À mon avis, la conclusion du juge était correcte. Il s’est fondé sur l’arrêt Hennessey c. Canada, 2016 CAF 180, [2016] A.C.F. no 650 (QL), dans laquelle notre Cour a établi clairement que les allégations :

[20] […] de partialité et de manquement à l’équité procédurale en première instance ne sauraient être invoquées en appel ou dans un contrôle judiciaire si elles pouvaient raisonnablement être soulevées en temps opportun devant la juridiction inférieure [...]

[21] Une partie doit présenter ses objections au moment où elle prend conscience d’un problème de procédure en première instance. Elle doit donner au premier décideur la chance d’aborder la question avant qu’il n’en résulte un préjudice, d’essayer de réparer tout préjudice causé ou de s’expliquer. Une partie, consciente d’un problème de procédure en première instance, ne peut demeurer tapie dans l’herbe, pour bondir une fois que l’affaire est devant la cour d’appel.

[47]  Il ne s’agit pas d’une question de renonciation formelle. Il s’agit de savoir si les manquements procéduraux allégués ont été soulevés à la première occasion. Une telle occasion se présente lorsque « le demandeur est informé des renseignements pertinents et qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il soulève une objection » (Benitez c. Canada, 2006 CF 461, [2007] 1 R.C.F. 107, au paragraphe 220, conf. par 2007 CAF 199, [2008] 1 R.C.F. 155, cité par le juge Stratas dans l’arrêt Maritime Broadcasting System Limited c. La guilde canadienne des médias, 2014 CAF 59, [2014] A.C.F. no 236 (QL), au paragraphe 67 [Maritime]).

[48]  À cet égard, je suis d’accord avec le ministre sur le fait que la première occasion pour l’appelante de déposer une plainte au sujet des réunions du GNT avec le ministre se serait présentée en octobre ou novembre 2013. En effet, le juge a tiré la conclusion de fait que l’appelante était au courant de la tenue de ces réunions à cette date (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 15 à 17; dossier d’appel, vol. 17, p. 22563). Le juge a par ailleurs constaté que l’appelante, au 1er décembre 2013, avait une copie de la lettre du 21 novembre 2013 présentée par le GNT à l’Agence (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 20; dossier d’appel, vol. 17, p. 22561 et 22562). À cette date, l’appelante savait aussi qu’elle n’avait pas été informée de ce qui avait été dit au cours de ces réunions et elle ne s’était pas non plus vu offrir l’occasion de répondre aux observations. Elle devait aussi savoir, à ce moment-là, que les renseignements fournis par le GNT au ministre étaient [traduction] « défavorables » (du moins selon sa définition). Elle n’a toutefois pas formulé d’objection à ce moment-là.

[49]  Je partage l’opinion du ministre selon laquelle le fait que l’appelante ait formulé la demande générale d’être [traduction] « informée » dans une note de bas de page de ses lettres de novembre (dossier d’appel, vol. 14, p. 19948) ne peut pas la dégager de l’obligation de contester le fait de n’avoir pas été informée de la teneur de consultations dont elle était déjà au courant. Si l’appelante s’était opposée avant que le ministre ne rende sa décision, ce dernier aurait pu l’aider. L’appelante n’ayant formulé aucune objection, on doit considérer qu’elle était satisfaite du processus (Maritime, au paragraphe 68). Je suis donc d’accord avec le juge pour dire qu’elle a renoncé à son droit de soulever la question à la présente étape.

[50]  Cela dit, parce que l’appelante n’avait pas connaissance de la lettre du GNT du 9 janvier 2014 (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 21) et que le juge a examiné en détail ses observations, je ferai de même.

3)  Le cadre analytique du principe audi alteram partem

[51]  L’appelante soutient que le juge a commis une erreur de droit lorsqu’il a confondu ce qu’elle considère être les trois étapes de l’analyse des manquements allégués au principe audi alteram partem : déterminer (i) s’il y a un risque de préjudice, (ii) si une véritable possibilité d’y répondre a été offerte et (iii) si une mesure de redressement devrait être accordée. L’appelante affirme que la première de ces étapes ne consiste qu’à déterminer si l’élément contesté était défavorable à sa position et que la question de savoir si les renseignements étaient nouveaux ou différents n’est pertinente qu’à la deuxième étape de cette analyse. En d’autres termes, toute admission d’éléments de preuve, de renseignements ou d’observations donnant lieu à un préjudice éventuel crée l’obligation pour le décideur d’offrir au demandeur une véritable possibilité de répondre. Quant au critère de la « possibilité de préjudice », l’exigence ne porte que sur la question de savoir si l’élément contesté était défavorable à la position du demandeur et s’il pouvait avoir une incidence sur la décision. Appliquant ce critère en l’espèce, l’appelante soutient que les réunions d’octobre et le document du GNT remis le 9 janvier 2014 étaient défavorables à ses intérêts et qu’ils pouvaient avoir une incidence sur la décision du ministre.

[52]  À mon avis, l’appelante complique inutilement la question en litige et fragmente l’analyse. Les deux parties s’entendent pour dire que la « possibilité » ou la « probabilité […] [qu’]il existe un préjudice » doivent être démontrées pour qu’il y ait violation du principe audi alteram partem (Kane, p. 1116). Déterminer s’il existe une telle « possibilité de préjudice » suppose que l’on examine si les renseignements contestés étaient « préjudiciables » à la position de la partie absente et s’ils étaient « nouveaux » ou « différents » par rapport à ce qui a déjà été dit à l’audience. C’est clairement établi dans plusieurs décisions de notre Cour, notamment : Lazarov c. Canada (Secrétariat d’État), [1973] C.F. 927 (C.A.F.), p. 940, 39 D.L.R. (3d) 738, à la page 750; Cie d’assurance Cardinal c. Canada (Finances), [1982] A.C.F. no 516 (QL), 138 D.L.R. (3d) 693, à la page 706 [Cie d’assurance Cardinal]; Assoc. canadienne de télévision par câble c. American College Sports Collective of Canada, [1991] 3 C.F. 626 (C.A.F.), 1991 CanLII 8214, au paragraphe 38 [Assoc. canadienne de télévision par câble]; Jada, au paragraphe 17.

[53]  La question principale est donc de savoir si les renseignements en cause étaient préjudiciables à l’appelante et, par extension, s’ils étaient nouveaux ou différents par rapport à ceux présentés à l’audience. Il n’est pas important de déterminer si cette question devrait être posée à la première ou à la deuxième étape de ce que l’appelante considère comme étant les trois étapes de l’examen fait en vertu du principe audi alteram partem. En l’espèce, le juge a conclu que les renseignements en cause n’étaient ni préjudiciables ni nouveaux ou différents par rapport à ce qui avait été soutenu. Pour avoir gain de cause, l’appelante doit donc démontrer que cette conclusion est erronée.

[54]  Compte tenu de la jurisprudence citée plus haut, je ne peux pas souscrire à l’observation de l’appelante selon laquelle il sera conclu à un manquement à l’équité procédurale chaque fois qu’il est établi qu’une déclaration ex parte a été reçue [traduction] « sauf si notre Cour conclut qu’il n’y avait aucune possibilité de préjudice » (mémoire des faits et du droit de l’appelante, au paragraphe 31). À mon avis, la position de l’appelante à cet égard revient à inverser le fardeau de la preuve. La Cour suprême du Canada nous rappelle qu’il incombe à la partie invoquant un manquement au principe audi alteram partem d’établir qu’il y a réellement eu manquement, « même s’il peut s’avérer difficile de prouver ce fait dans certains cas » (Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4, [2001] 1 R.C.S. 221, au paragraphe 49 [Ellis-Don]).

[55]  Contrairement à ce que l’appelante semble soutenir, l’approche adoptée par le juge n’est pas incompatible avec l’arrêt Kane. Dans cette affaire, le président de l’Université de la Colombie-Britannique, qui avait ordonné la suspension d’un professeur pour avoir utilisé du matériel scolaire à des fins personnelles, avait assisté à l’audience sur l’appel de cette suspension à titre de membre du conseil d’administration. Après l’audience, et en l’absence du professeur, il avait fourni des renseignements supplémentaires en réponse à des questions. Il n’avait toutefois pas participé aux délibérations. La décision du conseil d’administration de confirmer la suspension a été contestée pour des motifs d’équité.

[56]  Après avoir reconnu la « large mesure d’autonomie » due à un décideur ayant des pouvoirs quasi judiciaires, comme le conseil d’administration, quant à ses choix procéduraux, la Cour suprême du Canada a souligné que le conseil devait néanmoins respecter la justice naturelle (Kane, à la page 1112). Selon la Cour, cela supposait ce qui suit (ibid., aux pages 1113 à 1116) :

4. Le tribunal doit entendre équitablement les deux parties au litige afin de leur donner la possibilité [traduction] « de rectifier ou de contredire toute déclaration pertinente préjudiciable à leurs points de vue » [...]

5. C’est un principe fondamental de notre droit qu’à moins d’être autorisée à agir ex parte [...], une juridiction d’appel ne doit pas avoir d’entretiens privés avec les témoins [...] ou [...] entendre des témoignages en l’absence de la partie dont la conduite contestée fait l’objet de l’examen. Cette partie doit [...] [traduction] « connaître la preuve réunie contre [elle]. [Cette dernière] doit être informé[e] des témoignages et des déclarations qui l’intéressent et avoir la possibilité de les rectifier ou de les contredire [...] » [...] 

6. La Cour ne cherchera pas à savoir si la preuve a de fait joué au détriment de l’une des parties; il suffit que cette possibilité existe. [...] En l’espèce, la Cour ne peut conclure qu’aucun préjudice n’était possible car elle ne sait pas quels éléments de preuve ont réellement été fournis par le président Kenny après l’ajournement pour le dîner. [...] Nous ne sommes pas concernés ici par la preuve de l’existence d’un préjudice réel mais plutôt par la possibilité ou la probabilité qu’aux yeux des gens raisonnables, il existe un préjudice.

[57]  Pour étayer cette dernière déclaration, la Cour a cité les propos de lord Denning dans l’arrêt Kanda v. Government of the Federation of Malaya, [1962] A.C. 322 [Kanda]. Dans cette affaire, le rapport d’une enquête, qui comportait une accusation à l’encontre de M. Kanda (« ce dernier y était traité de scélérat »), avait été mis à la disposition du décideur, et non à celle de M. Kanda. C’est dans ce contexte que lord Denning a dit :

[traduction]

Il s’ensuit bien entendu que le juge ou quiconque appelé à rendre une décision ne doit pas recueillir des témoignages ou entendre des arguments d’une partie dans le dos de l’autre. La cour ne cherchera pas à savoir si les témoignages ou les arguments ont joué au détriment de l’autre partie; il suffit que cela ait pu se produire. La cour n’étudiera pas la probabilité de partialité. Il suffit qu’il y ait un risque de partialité.

Cité dans l’arrêt Kane, à la page 1121 (le juge Ritchie, dissident).

[58]  Il ne faisait donc aucun doute, dans l’arrêt Kanda, qu’il y avait possibilité de préjudice.

[59]  Lorsqu’elle a appliqué ces principes aux faits dont elle était saisie, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kane a établi qu’il y avait eu manquement à l’obligation d’équité procédurale devant le conseil d’administration. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour semble s’être fondée en partie sur une déclaration tirée d’une lettre selon laquelle le président avait fourni au conseil les « faits nécessaires ». Je reproduis ici ses conclusions :

[...] le conseil [...] a conclu qu’il avait besoin de faits additionnels, « nécessaires », avant de rendre une décision et le président de l’Université les lui a fournis. [...]

Le conseil était tenu d’ajourner l’examen ultérieur de la question jusqu’à ce que M. Kane puisse être présent afin d’entendre les faits additionnels; le conseil aurait dû, à tout le moins, lui faire part de ces faits et lui donner une possibilité réelle et valable de rectifier ou de réfuter toute déclaration défavorable. [...] Le danger dont les cours doivent se méfier est la possibilité que le conseil ait pu être saisi d’autres renseignements à même d’influer sur l’issue de l’appel. [...]

Kane, aux pages 1116 et 1117.

[60]  Les conclusions de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kane ont fait l’objet d’une analyse dans l’arrêt Ellis-Don. Se fondant sur la dernière phrase de l’extrait cité plus haut de l’arrêt Kane (au paragraphe 56 des présents motifs), l’appelante avait soutenu qu’une crainte de manquement à la règle audi alteram partem suffisait à justifier une intervention. En réponse, la Cour suprême du Canada a formulé les observations suivantes :

Cet extrait n’a toutefois pas la signification que lui attribue l’appelante. Dans Kane, le demandeur avait démontré l’existence d’une violation réelle de la règle audi alteram partem : au cours des délibérations du Conseil d’administration de l’U.C.‑B. dans une affaire disciplinaire, le président de l’université avait fait part aux arbitres de faits supplémentaires en l’absence des parties. S’exprimant au nom des juges majoritaires, le juge Dickson a simplement affirmé qu’une fois la violation de la règle audi alteram partem établie, il n’était pas nécessaire de prouver que cette violation avait causé un préjudice réel au justiciable, mais seulement de démontrer la probabilité de préjudice.

[...] Pour étayer son allégation de violation de la règle audi alteram partem, Ellis-Don devait démontrer l’existence d’une violation réelle. [...] À sa face même, le dossier n’indique aucune violation de cette nature. Les seuls renseignements disponibles sont que des discussions ont eu lieu à la réunion plénière de la Commission et qu’une modification a été apportée relativement à une question de droit et de principe qui figurait dans le projet de décision. Cela n’est pas suffisant pour justifier un contrôle judiciaire.

Ellis-Don, aux paragraphes 50 et 51.

[61]  Ainsi, l’arrêt Kane ne peut pas être utilisé pour étayer l’idée qu’une simple crainte de manquement à l’équité procédurale suffit à justifier une intervention. L’arrêt Kane portait sur un manquement existant. Non seulement de nouveaux renseignements avaient été présentés au conseil d’administration (en ce sens que la partie n’avait pas eu l’occasion d’y répondre auparavant), mais ces renseignements avaient été « nécessaires » pour la décision qui en avait découlé. Bien qu’il soit vrai que l’on n’ait pas à démontrer qu’il y a eu « préjudice réel » pour que l’on puisse conclure à l’existence d’un manquement, il demeure nécessaire que la « possibilité » qu’il existe un préjudice ressorte du dossier. C’est particulièrement vrai dans une affaire comme celle en l’espèce, où le degré d’équité procédurale dû est minimal. Le juge a donc adopté la bonne approche lorsqu’il a déclaré que « la partie doit démontrer l’existence d’un préjudice éventuel découlant d’une telle réunion ou documentation afin que l’on puisse considérer qu’il s’agit d’une infraction au principe d’audi alteram partem » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 71).

[62]  La jurisprudence de notre Cour confirme qu’il doit y avoir un effet préjudiciable sur une partie pour établir qu’il y ait un manquement à l’équité procédurale. Dans l’affaire Assoc. canadienne de télévision par câble, l’appelante s’était plainte du fait que la Commission du droit d’auteur avait reçu des éléments de preuve en dehors du processus d’audience. Comme en l’espèce, l’appelante n’avait pas fait valoir que les éléments de preuve présentés en dehors du processus d’audience étaient en eux-mêmes préjudiciables, mais que la possibilité qu’ils l’aient été suffisait pour établir qu’il y avait eu manquement. Après avoir recensé avec soin la jurisprudence à ce sujet, le juge MacGuigan, s’exprimant pour la Cour, a fait peu de cas de cet argument :

À mon sens, cet examen de la jurisprudence fait ressortir le caractère erroné de l’argument de la partie requérante. Celle-ci a prétendu qu’un tribunal ne se penchera pas sur la question du préjudice; or il ressort de toutes les décisions qui traitent de la question que la possibilité qu’il existe un préjudice est déterminante : Kane, Consolidated-Bathurst, Cardinal Insurance, Civic Employees Union, et Hecla Mining.

Assoc. canadienne de télévision par câble, au paragraphe 37. Voir aussi : Toshiba Corp. c. Tribunal antidumping, [1984] A.C.F. no 247 (QL) (C.A.F.); Schaaf c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1984] 2 C.F. 334 (C.A.F.),à la page 442; Uniboard Surfaces Inc. c. Kronotex Fussboden GmbH et Co., 2006 CAF 398, aux paragraphes 21 et 22.

[63]  En toute honnêteté, l’appelante a raison de souligner que la question de l’existence de la « possibilité d’un préjudice » semble avoir été examinée dans la jurisprudence à deux fins distinctes : pour déterminer s’il y a eu violation (Assoc. canadienne de télévision par câble, aux paragraphes 25, 26 et 37 à 40; Jada, au paragraphe 17) et pour décider si une mesure de redressement est justifiée (Uniboard, aux paragraphes 13, 22 et 24). L’appelante a également raison de dire que le juge aurait pu distinguer les deux notions plus clairement. Par exemple, au paragraphe 71 de ses motifs, il a déclaré qu’il faut établir qu’un préjudice pourrait découler d’une réunion ou de documents pour que l’on puisse considérer qu’il y a eu manquement au principe audi alteram partem, tandis qu’au paragraphe 73, il affirme qu’un manquement à ce même principe, sans qu’il y ait possibilité de préjudice, ne donnera lieu à aucune mesure de redressement. Par souci d’équité pour le juge, toutefois, précisons que cette distinction n’est pas souvent présentée explicitement dans la jurisprudence.

[64]  Quoi qu’il en soit, ce manque de clarté était sans conséquence. Que l’on établisse l’absence de preuve quant à l’existence d’un préjudice à l’étape du manquement ou à celle de la mesure de redressement importe peu. En fin de compte, Taseko devait d’abord démontrer que le ministre avait été saisi de renseignements importants et pertinents dont elle n’avait pas connaissance. Cela suppose que l’on examine si de tels renseignements étaient à la fois « nouveaux » et « préjudiciables » à sa position, au point qu’ils puissent modifier la preuve qu’elle devait réfuter. À mon avis, Taseko a échoué sur ces deux points.

4)  Les nouveaux renseignements

[65]  L’appelante reconnaît que l’on ne peut dire qu’elle n’a pas eu la possibilité de répondre, sauf si les éléments contestés introduisent la possibilité d’un préjudice qui diffère de celui contre lequel elle aurait raisonnablement pu se défendre dans ses observations. Cependant, cette [traduction] « règle des nouveaux renseignements », comme elle l’appelle, ne s’appliquera que si les renseignements contestés ne proviennent pas d’une partie opposée et n’ont pas été présentés à un décideur différent. Selon l’appelante, ce qui importe n’est pas de savoir si le GNT a fourni au ministre des renseignements nouveaux ou différents par rapport à ceux présentés à la commission, mais plutôt de savoir si le GNT a fourni des renseignements nouveaux ou différents par rapport à ceux contenus dans le rapport final. L’appelante soutient donc que la règle des nouveaux renseignements ne peut mettre à l’abri la décision du ministre. Si le juge avait établi la bonne comparaison entre les réunions d’octobre, les observations du GNT et le rapport final qui n’existait pas encore (et non le processus devant la commission), il aurait nécessairement conclu que les discussions tenues lors des réunions n’auraient pas pu se limiter au contenu du rapport final. Par déduction, d’importantes portions des observations du GNT allaient donc au-delà de ce qui figurait dans le rapport final. J’examinerai ces arguments à tour de rôle.

[66]  Pour parvenir à sa conclusion concernant les réunions d’octobre, le juge de première instance a tiré les conclusions de fait suivantes, notamment sur le fondement de la preuve par affidavit dont il était saisi. Au cours de la réunion du 8 octobre 2013 entre le ministre et les représentants du GNT, le ministre « [TRADUCTION] “n’a pas parlé des détails du projet et n’a révélé aucun biais, point de vue ou opinion quant au projet et à savoir si celui-ci devait aller de l’avant ou non” » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 14). Les représentants du GNT ont « [TRADUCTION] “parlé du projet [...] de façon semblable à leurs commentaires antérieurs et publics, notamment ils ont abordé ce qu’ils considéraient comme l’échec de Taseko à établir une relation avec leur communauté ainsi qu’à démontrer adéquatement comment le lac Fish serait protégé si le projet allait de l’avant” » (ibid., au paragraphe 77).

[67]  Ces conclusions de fait distinctes étaient fondées sur les éléments de preuve dont disposait le juge, et non sur un examen de la décision administrative contestée. Par conséquent, ces conclusions sont susceptibles de contrôle selon la norme établie dans l’arrêt Housen, et l’appelante doit donc démontrer qu’elles sont viciées par une erreur manifeste et dominante (Apotex, au paragraphe 57, et la jurisprudence indiquée à ce paragraphe). À mon avis, l’appelante ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

[68]  Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante affirme que les discussions n’auraient pas pu se limiter au contenu du rapport final, puisque ce dernier n’existait pas encore. Cet argument est sans fondement. Premièrement, l’affirmation de l’appelante, selon laquelle notre Cour ne devrait que déterminer si les renseignements transmis étaient nouveaux par rapport au contenu du rapport final et non par rapport à ce qui avait été dit au cours du processus ayant mené à ce rapport, est erronée. Le juge a conclu, à juste titre, que la teneur des discussions lors de la réunion se limitait à ce qui avait été présenté publiquement par le GNT, devant la commission et ailleurs, dont une partie s’était en fin de compte retrouvée dans le rapport.

[69]  Je ne suis pas non plus convaincu par l’argument de l’appelante selon lequel la comparaison établie par le juge entre ce qui a été dit avant et après la publication du rapport est erronée parce que ces observations avaient été présentées à des décideurs différents. Taseko connaissait bien le processus d’évaluation environnementale établi par la LCEE 2012 et elle savait que les différentes phases du processus débouchaient sur des décisions prises par le ministre et, finalement, par le gouverneur en conseil. La question en litige est de savoir si l’appelante connaissait la preuve qu’elle devait réfuter et si elle avait eu la possibilité d’y répondre. Il n’est pas important de déterminer si cette possibilité lui a été offerte pendant ou après le processus devant la commission.

[70]  À titre subsidiaire, l’appelante soutient que, même si nous acceptons que la bonne comparaison soit celle établie entre ce que le GNT a communiqué au ministre lors de la réunion d’octobre et ce qui figurerait plus tard dans le rapport final, il faudrait tirer une conclusion défavorable quant à ce qui s’est véritablement dit. Selon Taseko, le juge a eu tort de se fonder sur l’explication des avocats du GNT, selon laquelle le GNT était satisfait du résumé de la réunion qu’avait fourni le président de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, et il a eu tort de refuser de tirer une conclusion défavorable au GNT en ce qui concerne les renseignements dont il a été discuté. Cette observation devrait être rejetée. Le juge avait le droit de se fonder sur l’affidavit même du président, qui établit clairement que les représentants du GNT ont « [TRADUCTION] “parlé du projet de mine New Prosperity Project de façon semblable à leurs commentaires antérieurs” » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 77). Je ne vois pas comment le refus du juge de tirer une conclusion défavorable, comme le soutient l’appelante, constitue une erreur manifeste et dominante.

[71]  Compte tenu de ce qui précède, je souscris à la conclusion du juge selon laquelle le GNT n’a rien dit de nouveau ou de différent pendant les réunions d’octobre par rapport à la position qu’il avait adoptée publiquement et devant la commission. Comme l’a mentionné le juge, notre Cour s’est penchée sur une situation semblable dans l’arrêt Jada (analysé plus haut, au paragraphe 37 des présents motifs) et a conclu que le fait de fournir des renseignements factuels en l’absence des appelants ne constituait pas un manquement à l’équité procédurale si les appelants connaissaient déjà ces renseignements et que ceux-ci ne portaient pas préjudice aux appelants.

[72]  Je me pencherai maintenant sur les observations du GNT du 9 janvier 2014. L’appelante soutient que, contrairement aux conclusions du juge à cet égard, beaucoup des observations écrites du GNT étaient « nouvelles » par rapport à celles contenues dans le rapport final. Elle fait notamment référence aux portions des observations où on lui reproche sa conduite et à d’autres parties concernant la nature justifiable du projet, le processus d’évaluation environnementale antérieur, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, A.G. Rés. 61/295, doc. off. AG NU, 61e sess., suppl. no 49, vol. III, doc. NU A/61/49 (2008) 15 [DNUDPA], et l’atténuation des répercussions sur l’archéologie. L’appelante conteste également le fait que ces observations écrites répondaient à ses propres observations de novembre qui, selon elle, n’ont pas été présentées au ministre.

[73]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterais également ces arguments.

[74]  Premièrement, l’appelante a tort d’affirmer que les observations du GNT qui critiquaient sa conduite allaient à l’encontre du rapport final. Dans le rapport, il était seulement précisé qu’« [u]n certain nombre de participants ont fait remarquer que Taseko [...] était une bonne entreprise citoyenne » (dossier d’appel, vol. 3, p. 4443). Il n’y était dit nulle part que le GNT était de cet avis et il n’aurait pas pu l’être, puisque tout au long du processus d’examen, il a clairement fait savoir qu’il considérait que la conduite de Taseko posait problème (voir p. ex. dossier d’appel, vol. 10, p. 14978 et 14979; dossier d’appel, vol. 13, p. 18771 à 18773). Il convient aussi de mentionner que l’observation du GNT, selon laquelle « leurs valeurs et leur vision concernant l’aménagement des terres sont différentes et incompatibles avec ce projet d’exploitation minière » (dossier d’appel, vol. 3, p. 4444), était consignée dans le rapport, tout comme les nombreuses demandes de renseignements présentées par le GNT et auxquelles l’appelante n’a pas répondu (ibid., p. 4272). En outre, le rapport comportait une déclaration d’ordre général selon laquelle Taseko et les groupes autochtones ont tous deux affirmé que « les communications et les tentatives passées de collaboration au sujet du projet New Prosperity avaient été difficiles et non fructueuses » (ibid., p. 4444).

[75]  Deuxièmement, les observations tant de l’appelante que de l’intimé le GNT sur la nature justifiable du projet ont aussi été clairement exposées dans le rapport final (ibid., p. 4442 à 4444). Bien que, dans ses observations, le GNT dise plus de choses que ce qui figurait dans le rapport, l’essentiel de ses observations avait néanmoins déjà été formulé devant la commission (dossier d’appel, vol. 10, p. 14974 à 14983). Par conséquent, l’appelante en avait connaissance.

[76]  Troisièmement, je suis d’accord avec l’intimé le GNT pour dire que l’affirmation de l’appelante selon laquelle les observations en cause concernaient le projet initial et le premier rapport de la commission est sans fondement. En fait, le ministre a expressément demandé à la commission d’examiner si le deuxième modèle de projet réglait les problèmes du premier modèle et l’a encouragée à utiliser les données obtenues durant la première évaluation environnementale (dossier d’appel, vol. 3, p. 4202). Ces questions ont été examinées et prises en compte dans le rapport final (ibid., p. 4236 et 4237). En fait, la commission a explicitement reconnu que le fait que « la solution de rechange de premier choix [moyen de réaliser le projet] était parfaitement identique à un plan de développement minier rejeté par Taseko dans le cadre de l’examen précédent » constitue une « préoccupation légitime » (ibid., p. 4236).

[77]  Quatrièmement, il faut noter que, contrairement à ce que soutient l’appelante, le rapport mentionnait que le GNT s’était fondé sur la DNUDPA (ibid., p. 4405 et 4411) et que la réponse de Taseko à cet égard (ibid., p. 4402).

[78]  Cinquièmement, je ne suis pas convaincu par l’observation de l’appelante selon laquelle le GNT a affirmé à tort, dans ses observations écrites, que la commission avait conclu que les répercussions du projet sur l’archéologie ne pourraient pas être atténuées. C’est même tout le contraire, puisqu’il est déclaré ce qui suit dans le rapport :

La commission a déterminé que le projet aurait des effets négatifs sur l’usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les Tsilhqot’in, sur leurs sites archéologiques et culturels ainsi que sur leur patrimoine culturel, que ces effets négatifs ne pourraient pas être atténués et qu’ils seraient donc importants.

(Ibid., p. 4198; non souligné dans l’original.)

[79]  Je ne peux pas non plus retenir l’argument de l’appelante selon lequel le ministre ne disposait pas de ses lettres du mois de novembre. Le juge a retenu des éléments de preuve montrant que le ministre était saisi de ces lettres au moment de la décision (dossier d’appel, vol. 14, p. 19769, 19944, 19948, 19958, 19963; motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 36, 40, 62 et 67) et que, quoi qu’il en soit, la note de service de M. Hallman (que le ministre a également examinée) comprenait une note de neuf pages portant sur les principales questions abordées dans les lettres de Taseko (dossier d’appel, vol. 14, p. 19769; dossier d’appel, vol. 17, p. 23262; motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 62). L’appelante ne m’a pas convaincu du fait que le juge a commis une erreur manifeste et dominante à cet égard.

[80]  Enfin, l’allégation de manquement à l’équité procédurale découlant du fait que le GNT menaçait de lancer une procédure judiciaire contre le Canada pour la première fois dans son document du 9 janvier 2014 est dénuée de fondement. Une procédure judiciaire constitue toujours une option pour une partie lésée, et le gouvernement et Taseko devaient tous deux savoir, dès le début du processus, que le GNT pourrait un jour ou l’autre recourir aux tribunaux s’il n’était pas satisfait du processus, comme beaucoup de groupes autochtones et non autochtones l’ont fait par le passé relativement à des projets désignés devant faire l’objet d’évaluations environnementales. En effet, à cette date, Taseko elle-même avait non seulement menacé d’intenter une poursuite contre le Canada au sujet du rapport, mais mis sa menace à exécution (dossier d’appel, vol. 14, p. 19215 et 19961).

[81]  Avant de conclure l’examen de cette partie de la thèse de l’appelante, il faut dire quelques mots sur l’observation de l’appelante selon laquelle même la réorganisation et la reformulation d’observations devraient mener à une conclusion de manquement à l’équité procédurale. Pour étayer son affirmation, l’appelante cite l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Powell River Local 76 v. Power Engineers and Boiler and Pressure Vessel Safety Appeal Board, 2001 BCCA 743, 209 D.L.R. (4th) 208. Dans cet arrêt, la Cour a conclu que se faire donner la possibilité de réorganiser et de reformuler des observations après une audience est un privilège important qui devrait soit être accordé à toutes les parties, soit n’être accordé à aucune d’entre elles.

[82]  Premièrement, j’observe que cet arrêt ne semble pas avoir été largement suivi par les tribunaux d’appel et qu’elle est contraire aux décisions rendues par notre Cour sur la question : voir les arrêts Cie d’assurance Cardinal, p. 706; Assoc. canadienne de télévision par câble, au paragraphe 38; Jada, au paragraphe 17. En outre, il est facile d’établir une distinction entre les faits des deux affaires. Les observations écrites formulées par le GNT n’ont pas été présentées à la commission après l’audience et avant la publication du rapport; elles ont plutôt été envoyées au ministre après que le rapport a été rendu public. Plus important encore, l’appelante a aussi présenté des observations écrites au ministre quant à ses réserves au sujet du rapport, notamment au moyen de ses lettres du mois de novembre (dossier d’appel, vol. 14, p. 5735 et vol. 14, p. 19963; motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 36 et 40) et de sa lettre de janvier 2014 (dossier d’appel, vol. 17, p. 22589, 22590, 22737 et 22738; motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 42). Comme l’a déterminé le juge de première instance, le ministre disposait de ces observations écrites lorsqu’il a pris sa décision (dossier d’appel, vol. 14, p. 19769, 19944, 19948, 19958; motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 36, 40, 62 et 67). La note de service de M. Hallman, également examinée par le ministre en janvier 2014, portait également sur les principales questions abordées dans les lettres du mois de novembre (dossier d’appel, vol. 14, p. 19769; dossier d’appel, vol. 17, p. 23262; motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 62).

[83]  Pour tous les motifs qui précèdent, je dois conclure que l’appelante connaissait la preuve qu’elle devait réfuter, ainsi que la teneur des renseignements contenus dans la lettre du 9 janvier 2014 du GNT. Je souscris à la conclusion du juge selon laquelle la majeure partie des observations du GNT ne faisait que reprendre des commentaires formulés publiquement auparavant. Quoi qu’il en soit, même si notre Cour considérait certains de ces renseignements comme étant « nouveaux », je conclurais néanmoins, comme je l’expliquerai ci-dessous, que l’appelante a eu véritablement la possibilité d’y répondre.

5)  La possibilité de répondre

[84]  Le juge a conclu que l’appelante non seulement connaissait la preuve qu’elle devait réfuter, mais encore avait eu la possibilité d’y répondre (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 62, 67 et 68) :

[M]ême si Taseko avait droit à un degré important d’équité procédurale, le dossier démontre que c’est d’un tel degré d’équité procédurale qu’a bénéficié Taseko. Taseko a soumis des représentations sur le rapport en novembre 2013, puis a offert des clarifications sur ses positions; la preuve démontre que ces documents ont été acheminés au bureau de la ministre. La ministre disposait de documents de Taseko (le mémoire Hallman), lesquels comprenaient des discussions autour de la principale prétention de Taseko à la suite du rapport, plus particulièrement le mémoire sur le « mauvais modèle de projet » et les réponses du GNT aux représentations de Taseko.

[...]

À mon sens, Taseko était informée du dossier déposé à son encontre et a eu la possibilité d’y répondre, tant devant le comité que dans le cadre de représentations écrites à la ministre. La jurisprudence ne vient pas appuyer la prétention selon laquelle Taseko avait le droit d’être informée de toute rencontre, le cas échéant, survenant avec la ministre ou des représentations du GNT à celle-ci.

Taseko n’a cerné aucune information fournie par GNT à la ministre comme étant nouvelle ou différente de renseignements déjà présentés au comité (auxquels Taseko a eu la possibilité de répondre).

[Souligné dans l’original.]

[85]  L’appelante conteste ces conclusions. Premièrement, elle soutient que, selon l’article 318 des Règles sur la transmission de documents, ses observations de novembre 2013 ne lui ont pas été communiquées et, par conséquent, elle n’a pas eu la possibilité de répondre. Deuxièmement, elle soutient que le juge a eu tort de conclure, sur le fondement de rapports irrecevables des médias, qu’elle avait eu accès aux décideurs fédéraux. Elle nie aussi avoir embauché un ancien chef du GNT pour soutenir le projet, en faisant remarquer qu’elle n’a payé que les dépenses du chef.

[86]  Bien que l’appelante ait raison d’affirmer que ses lettres de novembre n’ont pas été jointes au certificat visé à l’article 318 des Règles, l’auteur de ce certificat a cependant déclaré dans un affidavit que les lettres de novembre de l’appelante avaient été acheminées par l’Agence au bureau du ministre en général et directement à M. Aaron Hynes (la personne-ressource de l’Agence au bureau du ministre pour cette affaire). En outre, l’affidavit précisait que le certificat n’était censé inclure que les documents dont disposait le décideur, mais qui n’étaient pas encore en la possession de Taseko (dossier d’appel, vol. 14, p. 19768). De plus, la lettre du GNT du 9 janvier 2014, laquelle, comme l’a reconnu Taseko, a été transmise au ministre, comportait des renvois répétés aux lettres de Taseko du mois de novembre. Enfin, le dossier révèle aussi, comme l’a fait remarquer le juge, que l’appelante a envoyé ces lettres directement au ministre, une méthode à laquelle l’appelante a souvent eu recours, apparemment avec satisfaction, pour communiquer avec le ministre et d’autres ministres. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable pour le juge de conclure que le ministre était saisi de ces lettres.

[87]  Quant à la conclusion du juge selon laquelle l’appelante avait eu accès aux décideurs fédéraux, je fais observer que, contrairement à ce que l’appelante avance dans son mémoire, cette conclusion n’était pas fondée uniquement sur les rapports des médias, mais également sur plusieurs autres éléments de preuve. Par exemple, le témoignage et les chaînes de courriels de M. McManus ont révélé que l’appelante était en étroite communication avec le ministre de l’Énergie et des Mines de la Colombie-Britannique, M. Bill Bennett, qui s’est rendu à Ottawa pour faire du « lobbying » auprès des décideurs fédéraux en faveur du projet (dossier d’appel, vol. 17, p. 22573 à 22599, 22725 à 22754, 23257 et 23258; motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 38). Le dossier montre aussi que l’appelante a remis aux fonctionnaires provinciaux une lettre détaillée de ses avocats exposant les arguments qui pouvaient être invoqués à l’encontre du rejet du projet par les autorités fédérales (dossier d’appel, vol. 17, p. 22726 à 22733). La preuve indique aussi que le ministre Bennett a informé l’appelante qu’il avait remis une lettre en faveur du projet directement au ministre fédéral (ibid., p. 22595 à 22599, 22751 à 22754), qu’il s’était rendu à Ottawa pour défendre le projet (ibid., p. 22600 à 22602) et que, ce faisant, il avait en fait rencontré des représentants fédéraux (ibid., p. 22602).

[88]  Le dossier révèle aussi qu’en février 2014, l’appelante a payé pour qu’un ancien chef du GNT, M. Charleyboy, se rende à Ottawa afin de défendre le projet. À cette époque, M. Charleyboy a reçu plus de 5 000 $ par mois pour agir comme conseiller de l’appelante. M. Charleyboy a pu obtenir au moins une brève conversation publique avec le premier ministre, à l’extérieur de l’édifice du Parlement (ibid., p. 22610 à 22613, 22629 à 22634 et 22755; motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 36). Par conséquent, il n’était pas déraisonnable de la part du juge de conclure que M. Charleyboy avait été « rémunéré afin qu’il tente d’influencer les titulaires de charges publiques et de les rencontrer » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 103). La distinction établie par l’appelante entre le fait de le rémunérer et le fait de payer ses dépenses est, au mieux, d’ordre sémantique.

[89]  Pour tous les motifs qui précèdent, l’appelante ne m’a pas convaincu que le juge a commis une erreur en concluant que non seulement elle connaissait la preuve qu’elle devait réfuter, mais elle avait eu aussi la possibilité d’y répondre.

B.  La décision du gouverneur en conseil devrait-elle être annulée pour manquements à l’équité procédurale?

[90]  L’appelante affirme que les vices de procédure qui ont une incidence sur la décision du ministre s’étendent à la décision du gouverneur en conseil, le ministre ayant formulé la recommandation initiale et ayant joué un rôle central dans le processus décisionnel. Elle souligne que les observations du GNT, dont le gouverneur en conseil est présumé avoir été saisi, contiennent des allégations sur la nature justifiable du projet à l’égard desquelles elle n’aurait pas eu la possibilité de présenter des observations.

[91]  Le juge a rejeté ces allégations au motif qu’aucune obligation d’équité procédurale ne se rattachait à cette décision du gouverneur en conseil. Il a en outre conclu que, même si le gouverneur en conseil avait une obligation d’équité envers l’appelante, elle serait d’un degré « minimal » et le gouverneur en conseil s’en serait acquitté en l’espèce. Non seulement la législation ne prévoit pas la présentation d’observations au gouverneur en conseil, mais encore les documents réclamés par l’appelante en l’espèce constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine.

[92]  Le juge a eu raison de conclure que, selon les dispositions légales en cause, aucune obligation d’équité procédurale de ce type n’était rattachée au processus de décision du gouverneur en conseil. La LCEE 2012 ne prévoit pas de droit de présenter directement des observations au gouverneur en conseil. Comme l’a fait observer le ministre intimé, il serait contraire au libellé et à l’économie de la loi, ainsi qu’à la nature même du processus de décision du gouverneur en conseil, d’imposer un tel droit. À cet égard, le juge a bien fait d’adopter le raisonnement ci-après exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Proc. gén. du Can. c. Inuit Tapirisat et autre, [1980] 2 R.C.S. 735, p. 755 et 756, 1980 CanLII 21 :

Même s’il est exact que l’obligation de respecter l’équité dans la procédure, qu’exprime la maxime audi alteram partem, n’a pas à être expresse [...] elle n’est pas implicite dans tous les cas. Il faut toujours considérer l’économie globale de la loi pour voir dans quelle mesure, le cas échéant, le législateur a voulu que ce principe s’applique. Je suis d’avis que le pouvoir de surveillance de l’art. 64 [...] est conféré aux membres du Cabinet pour leur permettre de répondre aux préoccupations politiques, économiques et sociales du moment. En vertu de l’art. 64, le Cabinet exerce, à titre d’Exécutif du gouvernement, le pouvoir que lui a délégué le législateur de fixer les tarifs appropriés pour le service téléphonique de Bell. Cependant, à moins que la loi habilitante n’en dispose autrement, le Cabinet doit être libre de consulter toutes les sources auxquelles le législateur lui-même aurait pu faire appel s’il s’était réservé cette fonction. [...]

[93]  Quoi qu’il en soit, comme cela a déjà été mentionné, l’appelante et ses partisans ont effectivement présenté des observations écrites à des ministres et au premier ministre à l’appui du projet, au moyen de lettres envoyées directement aux fonctionnaires (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 31, 34, 36; dossier d’appel, vol. 17, p. 22737, 22738, 22766 à 22773). Les observations de l’appelante et de l’intimé le GNT sur la nature justifiable du projet ont aussi été clairement exposées dans le rapport final (dossier d’appel, vol. 3, p. 4442 à 4444).

[94]  Vu le faible degré d’équité procédurale dû par le gouverneur en conseil à l’appelante, je n’ai aucun doute que le processus à ce niveau a été tout à fait équitable. Le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que le gouverneur en conseil s’était acquitté de l’obligation d’équité minimale en l’espèce.

C.  Les décisions du ministre et du gouverneur en conseil devraient-elles être annulées pour erreurs de compétence?

[95]  En s’appuyant sur les observations qu’elle a présentées dans le dossier A-7-18, l’appelante soutient que le processus d’examen de la commission comportait tellement de lacunes que le rapport soumis au ministre et au gouverneur en conseil ne pouvait pas être qualifié de « rapport » au sens de la LCEE 2012. L’appelante affirme que, pour ce motif, le ministre et le gouverneur en conseil ont rendu des décisions outrepassant leur compétence.

[96]  Ayant conclu dans la décision Taseko Mines Limited c. Canada (Environnement), 2017 CF 1100, que le processus d’examen avait été équitable envers l’appelante, le juge a rejeté sommairement cette allégation au paragraphe 121 :

Le [gouverneur en conseil] détient la compétence nécessaire pour rendre cette décision. […] le rapport respecte les exigences de la LCEE 2012 et tous les facteurs ont été examinés. Le processus législatif a été respecté, il n’y a aucun indice de mauvaise foi et toutes les décisions ont été rendues conformément à l’intention de la LCEE 2012 […]

[97]  Les motifs énoncés dans le dossier A-7-18 s’appliquent également en l’espèce.

D.  L’alinéa 5(1)c) et l’article 6 de la LCEE 2012 sont-ils inapplicables au projet en raison de la doctrine de l’exclusivité des compétences?

[98]  Devant la Cour fédérale, Taseko a soutenu que l’alinéa 5(1)c) et l’article 6 de la LCEE 2012 sont nuls au motif qu’ils outrepassent la compétence du législateur. Subsidiairement, Taseko a soutenu que l’exclusivité des compétences rend ces dispositions inapplicables au projet, puisqu’elles portent atteinte aux pouvoirs législatifs conférés aux provinces par l’article 92A de la Loi constitutionnelle de 1867 en matière de ressources naturelles non renouvelables. Cependant, dans les observations orales et écrites qu’elle a présentées devant notre Cour, l’appelante soutient seulement que le juge a commis une erreur en ne reconnaissant pas que l’alinéa 5(1)c) et l’article 6 de la LCEE 2012 représentent une ingérence du législateur fédéral dans les champs de compétence prévus à l’article 92A de la Loi constitutionnelle de 1867 et empêchent les provinces d’exercer leurs pouvoirs législatifs. L’appelante semble donc avoir abandonné les allégations qu’elle a formulées dans son avis d’appel et son avis de question constitutionnelle selon lesquelles ces dispositions sont également invalides.

[99]  Par souci de commodité, il convient de reproduire le libellé de l’alinéa 5(1)c) de la LCEE 2012 :

5 (1) Pour l’application de la présente loi, les effets environnementaux qui sont en cause à l’égard d’une mesure, d’une activité concrète, d’un projet désigné ou d’un projet sont les suivants:

5 (1) For the purposes of this Act, the environmental effects that are to be taken into account in relation to an act or thing, a physical activity, a designated project or a project are

[…]

c) s’agissant des peuples autochtones, les répercussions au Canada des changements qui risquent d’être causés à l’environnement, selon le cas :

(c) with respect to aboriginal peoples, an effect occurring in Canada of any change that may be caused to the environment on

(i) en matière sanitaire et socio-économique,

(i) health and socio-economic conditions,

(ii) sur le patrimoine naturel et le patrimoine culturel,

(ii) physical and cultural heritage,

(iii) sur l’usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles,

(iii) the current use of lands and resources for traditional purposes, or

(iv) sur une construction, un emplacement ou une chose d’importance sur le plan historique, archéologique, paléontologique ou architectural.

(iv) any structure, site or thing that is of historical, archaeological, paleontological or architectural significance.

[100]  L’article 6 de la LCEE 2012 interdit au promoteur d’un projet désigné de mener à bien le projet si sa réalisation est susceptible d’entraîner des effets environnementaux visés au paragraphe 5(1), sauf si l’Agence décide qu’aucune évaluation environnementale du projet n’est requise (alinéa 6a)) ou si le promoteur mène à bien le projet en conformité avec les conditions énoncées dans la déclaration qui lui est remise (alinéa 6b)).

[101]  Le juge de première instance a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de trancher cette question en l’espèce, parce que « le projet a été reconnu comme justifiable en vertu de l’alinéa 5(1)(a) et du paragraphe 5(2) de la LCEE 2012 et non de l’alinéa 5(1)(c) attaqué » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 139). L’alinéa 5(1)a) de la LCEE 2012, qui n’est pas contesté par l’appelante, porte sur les effets :

5 (1)[…] a) […] qui risquent d’être causés aux composantes ci-après de l’environnement qui relèvent de la compétence législative du Parlement:

5 (1) […] (a) […] that may be caused to the following components of the environment that are within the legislative authority of Parliament:

(i) les poissons au sens de l’article 2 de la Loi sur les pêches et l’habitat du poisson au sens du paragraphe 34(1) de cette loi,

(i) fish as defined in section 2 of the Fisheries Act and fish habitat as defined in subsection 34(1) of that Act,

(ii) les espèces aquatiques au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les espèces en péril,

(ii) aquatic species as defined in subsection 2(1) of the Species at Risk Act,

(iii) les oiseaux migrateurs au sens du paragraphe 2(1) de a Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs,

(iii) migratory birds as defined in subsection 2(1) of the Migratory Birds Convention Act, 1994, and

(iv) toute autre composante de l’environnement mentionnée à l’annexe 2;

(iv) Any other component of the environment that is set out in Schedule 2;

[102]  Quant au paragraphe 5(2) de la LCEE 2012, également cité par le juge, il énumère les autres effets environnementaux à prendre en considération lorsque le projet exige l’exercice, par une autorité fédérale, d’attributions « qui lui sont conférées sous le régime d’une loi fédérale autre que la présente loi ». Le projet en question nécessitait notamment des permis, des approbations, des autorisations ou des licences prévus par la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14, la Loi de la protection des eaux navigables, L.R.C. 1985, ch. N-22, et la Loi sur les explosifs, L.R.C. 1985, ch. E-17 (voir le rapport final, dossier d’appel, vol. 3, p. 4220).

[103]  Par conséquent, le projet ayant été considéré comme étant injustifié au titre de ces dispositions, qui ne sont pas contestées, et l’appelante n’ayant pas soulevé la question constitutionnelle dès le début du processus, le juge a conclu que les faits n’étaient pas suffisants pour qu’il mène une analyse rigoureuse de la constitutionnalité de ces dispositions.

[104]  Je souscris à l’observation du ministre selon laquelle il n’y a pas lieu pour notre Cour d’intervenir étant donné que l’appelante n’a ni soutenu ni démontré que le juge avait commis une erreur dans l’exercice qu’il a fait de son pouvoir discrétionnaire pour trancher la question constitutionnelle. Sa décision était fondée sur ses conclusions mixtes de fait et de droit. En l’absence d’une erreur manifeste et dominante, il n’y a pas lieu de l’infirmer.

[105]  Il est bien établi que, dans les affaires où une question peut être tranchée en fonction d’un motif d’ordre non constitutionnel, la voie de la retenue judiciaire consiste à disposer de l’affaire en fonction de ce motif précis (voir Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d’enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, 1995 CanLII 86, aux paragraphes 6 à 9; MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, aux pages 361 à 367, 1989 CanLII 26). Comme le fait observer Peter Hogg, en choisissant cette solution, [traduction] « [l]e tribunal peut ainsi trancher le litige entre les parties en évitant les répercussions des décisions constitutionnelles sur les pouvoirs des organes législatif ou exécutif du gouvernement » (Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 5e éd. (Toronto, Thomson Reuters, 2007) (supplément sur feuilles mobiles, 2019), ch. 59, p. 59-22. Cette solution est particulièrement indiquée compte tenu de l’avertissement qu’a donné la Cour suprême du Canada au sujet de l’exclusivité des compétences, à savoir qu’il ne s’agit pas la méthode à préconiser pour régler des différends constitutionnels et qu’elle ne semble pas compatible avec le fédéralisme coopératif (Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, aux paragraphes 35, 43, 47, 77 et 78).

V.  Conclusion

[106]  Pour tous les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel, avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-6-18

 

INTITULÉ :

TASEKO MINES LIMITED c. LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE GOUVERNEMENT NATIONAL TSILHQOT’IN ET JOEY ALPHONSE, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION TSILHQOT’IN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 janvier 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 décembre 2019

 

COMPARUTIONS :

K. Michael Stephens

Julia Roos

Shannon Ramsay

Aubin Calvert

 

Pour l’appelante

 

Lorne Lachance

Michele Charles

Deborah Bayley

 

Pour les intimés le ministre de l’Environnement et le procureur général du Canada

 

Sonya Morgan

Savannah Carr-Wilson

 

Pour les intimés le gouvernement national Tsilhqot’in ET JOEY ALPHONSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hunter Litigation Chambers

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour l’appelante

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour les intimés le ministre de l’Environnement et le procureur général du Canada

 

Woodward & Company

Victoria (Colombie-Britannique)

 

Pour les intimés le gouvernement national Tsilhqot’in ET JOEY ALPHONSE

 

 

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