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Date : 20130715

Dossier : A-373-11

Référence : 2013 CAF 183

 

CORAM :      la juge SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL           

 

Entre :

TPG TECHNOLOGY CONSULTING LTD.

appelante

et

Sa Majesté la reine

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 avril 2013

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 juillet 2013

 

Motifs du jugement :                                                                        la juge SHARLOW

y ont souscrit :                                                                                      la juge DAWSON

                                                                                                                           lA juge TRUDEL



Date : 20130715

Dossier : A-373-11

Référence : 2013 CAF 183

 

CORAM :      la juge SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL           

 

Entre :

TPG TECHNOLOGY CONSULTING LTD.

appelante

et

Sa Majesté la reine

intimée

 

 

Motifs du jugement

la juge SHARLOW

[1]               En 2008, l’appelante TPG Technology Consulting Ltd. a introduit contre le gouvernement fédéral une action en dommages‑intérêts concernant un marché de services d’ingénierie et de soutien technique. En 2010, la Couronne a présenté une requête en jugement sommaire en vue de faire rejeter la déclaration. Un juge de la Cour fédérale a accueilli la requête de la Couronne (2011 CF 1054). TPG interjette maintenant appel devant notre Cour, essentiellement au motif que le juge a mal appliqué le critère en matière de jugements sommaires. Pour les motifs qui suivent, je retiens la thèse de TPG et j’accueillerais le présent appel.

Jugement sommaire en Cour fédérale

[2]               En Cour fédérale, le jugement sommaire est régi par les articles 213 à 215 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, lesquels sont reproduits en entier dans l’annexe jointe aux présents motifs.

 

[3]               Le jugement sommaire est un outil employé pour pondérer deux considérations concurrentes dans la gestion des ressources judiciaires pour la résolution de contentieux civils. Selon une première considération, un procès coûte cher en temps et en argent, non seulement pour les parties, mais également pour les tribunaux qui bénéficient d’un financement public. La considération concurrente repose sur le fait qu’un procès permettra plus vraisemblablement de résoudre le litige de façon sensée qu’une instance sommaire. En effet, un procès peut porter sur des controverses de faits importantes qui ne peuvent être résolues sans que l’on se prononce sur des questions de crédibilité et sans que l’on tire des conclusions à partir d’éléments de preuve contradictoires. En règle générale, le juge qui entend et observe le témoignage principal et le contre‑interrogatoire des témoins est mieux à même d’apprécier leur crédibilité et de tirer des inférences que le juge qui doit uniquement se fonder sur des affidavits et des éléments de preuve documentaires. En rendant un jugement sommaire, la Cour reconnaît que la dépense de ressources nécessaires pour un procès est justifiée seulement s’il existe une véritable question litigieuse.

 

[4]               Le fardeau qui incombe au demandeur qui répond à la requête en jugement sommaire en vue de faire rejeter une déclaration n’est pas aussi lourd que le fardeau du demandeur à l’occasion d’un procès, et il n’est pas censé l’être. C’est simplement une charge de présentation. Le juge qui instruit la requête en jugement sommaire doit rechercher si le demandeur a « présent[é] une preuve montrant qu’il existe une véritable question litigieuse » (motifs du juge Sexton, s’exprimant pour la Cour dans l’arrêt MacNeil Estate c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2004] 3 R.C.F. 3, 2004 CAF 50, au paragraphe 25, citant ce qui était à l’époque l’article 215 des Règles et qui est maintenant l’article 214).

 

Les faits

[5]               La demande de dommages-intérêts de TPG dirigée contre la Couronne concerne une demande de proposition lancée en 2006 en vue d’un contrat de services d’ingénierie et de services techniques avec la Couronne. Le contrat visé par la demande de proposition était destiné à remplacer un contrat existant qui venait à échéance en décembre 2007. La valeur estimée du nouveau contrat était d’environ 428 millions de dollars. TPG était titulaire du contrat en vigueur en 2006 et, depuis 1999, assurait les services requis par l’entremise de nombreux sous-traitants (appelés les « ressources » dans la terminologie employée dans la demande de proposition). Trois soumissions pour le contrat ont été jugées conformes. L’une d’elles provenait de TPG. Une autre soumission provenait d’un concurrent de TPG, CGI Information Systems and Management Consultants. En 2007, le contrat a été adjugé à CGI. La soumission de TPG offrait le prix le plus bas, mais la soumission de CGI a été retenue parce qu’elle a obtenu un plus grand nombre de points lors de l’évaluation technique.

 

[6]               En 2008, TPG a introduit la présente action en dommages‑intérêts pour rupture de contrat, incitation à la rupture de contrat par les sous-traitants de TPG, ingérence intentionnelle dans les intérêts financiers de TPG et négligence. Les demandes sont principalement fondées sur des allégations concernant l’évaluation des soumissions. En mars 2010, la Couronne a présenté une requête en jugement sommaire en vue de faire rejeter l’action. Il semble qu’au moment de l’instruction de la requête en mars 2011, l’affaire était rendue à un point où les interrogatoires préalables étaient en grande partie terminés.

 

[7]               Après avoir examiné une quantité considérable d’éléments de preuve documentaire et pris en compte les observations présentées lors d’une longue audience, le juge a accueilli la requête en rejet sommaire. Je résume comme suit ce qui me semble être les trois conclusions clés qui ont mené le juge à se prononcer comme il l’a fait :

 

a)         TPG dénonce la rupture de contrat en s’appuyant sur une allégation de partialité dans le processus d’évaluation des soumissions et sur une allégation portant que les évaluations ont été modifiées de façon inexplicable à un certain moment au désavantage de TPG. Aucun élément de preuve suffisamment probant pour justifier un procès n’appuie ces allégations

 

b)         La rupture de contrat dénoncée par TPG est également fondée sur des allégations d’actes commis par des fonctionnaires du gouvernement fédéral concernant la transition de TPG à CGI. La transition a eu lieu après l’octroi du contrat à CGI. En droit, des événements qui se produisent durant la transition ne peuvent constituer, pour TPG, le fondement d’une demande pour rupture de contrat étant donné que, selon la jurisprudence Double N Earthmovers Ltd. c. Edmonton (Ville), 2007 CSC 3, [2007] 1 RCS 116, une fois le contrat adjugé à CGI, le gouvernement fédéral s’était acquitté de toutes les obligations contractuelles auxquelles il était tenu envers TPG.

c)         La demande fondée sur la responsabilité délictuelle (incitation à la rupture de contrat, ingérence illicite dans les intérêts économiques et négligence) repose sur l’allégation selon laquelle des fonctionnaires du gouvernement fédéral ont, de concert avec CGI, incité les sous-traitants de TPG à rompre leur contrat avec cette dernière afin de collaborer avec CGI après avoir remporté la demande de proposition. Aucun élément de preuve ne peut soutenir cette allégation.

 

Analyse

[8]               À mon humble avis, le juge a mal appliqué la règle relative aux jugements sommaires. Je tire cette conclusion pour plusieurs motifs, comme je l’explique ci‑après.

 

La demande principale – dommages‑intérêts pour rupture de contrat

[9]               La qualification du juge concernant la demande en dommages‑intérêts de TPG pour rupture de contrat relativement au processus d’évaluation des soumissions se rapporte à des allégations de partialité et de modifications inexplicables des évaluations. Cette qualification n’est toutefois pas complète. En substance, TPG fait grief de l’évaluation non équitable des soumissions. Bien que la Couronne ait présenté une quantité considérable d’éléments de preuve pour tenter d’établir l’intégrité du processus d’évaluation, ces éléments de preuve n’ont pas directement répondu à toutes les questions concernant l’équité de l’évaluation des soumissions.

 

[10]           J’illustrerai ce point au moyen d’un seul exemple : les documents qui renvoient à l’évaluation des soumissions relativement aux articles 3.3.3 et 3.3.5 de la demande de proposition. Ces dispositions concernent les paramètres de rendement et de niveaux de service. TPG allègue que les points attribués en vertu de ces dispositions étaient d’une importance critique pour le classement final des soumissions et la Couronne ne le nie pas. Si ces paramètres ont été évalués de façon inéquitable, la soumission tout entière a probablement été évaluée de façon inéquitable.

 

[11]           Le dossier révèle certains éléments de confusion de la part de l’équipe d’évaluation quant à la signification des articles 3.3.3 et 3.3.5 et la façon dont les points devaient être attribués, ce qui indique l’existence d’une controverse à propos de leur bonne interprétation. L’existence d’une certaine confusion à cet égard durant le processus d’évaluation n’est pas niée.

 

[12]           Plus important encore cependant, il existe des éléments de preuve qui pourraient aller dans le sens de l’allégation de TPG selon laquelle le pointage final de ces éléments ne peut se justifier de façon raisonnable. Je renvoie au rapport de James Over, qui a présenté l’opinion suivante à l’appui de l’opposition de TPG à la requête en jugement sommaire de la Couronne (dossier d’appel, onglet 93) :

[traduction]

Parmi les questions que soulèvent les résultats du pointage suivant les articles 3.3.3 et 3.3.5 de la DP, mentionnons les suivantes :

 

•          Cent des 115 éléments (87 %) de CGI ont été acceptés suivant l’article 3.3.3 et la totalité des 50 éléments présentés suivant l’article 3.3.5 a été acceptée; obtenir un taux global d’acceptation de 90 % semble être un rendement remarquable, alors que le meilleur rendement suivant n’atteint que 53,5 %.

 

•          Par ailleurs, TPG, la société qui a fourni les services pendant les sept années précédentes et qui a effectué la collecte de la plupart des paramètres et des mesures proposés et auxquels la DGSIT [le gouvernement fédéral] avait accès, obtient un taux global d’acceptation incroyablement faible de 16,7 %.

 

•          En présence d’un tel écart invraisemblable entre le rendement d’évaluation de CGI et les résultats de TPG, il devrait être clair que les deux situations ci‑dessus (3.3.3 et 3.3.5) nécessitent assurément une importante justification étayée par des documents concernant la façon dont le processus d’évaluation pouvait, de façon crédible, donner lieu aux résultats ci-dessus. Cette justification n’a pas été fournie.

 

 

 

[13]           La Couronne n’a renvoyé la Cour à aucun document dans le dossier qui porte sur les critiques formulées par M. Over dans son rapport. Cela ne signifie pas que ces critiques sont bien fondées ou qu’il n’est pas possible d’y répondre. Cependant, une fois que le bon critère juridique en matière de jugements sommaires est appliqué, la seule conclusion raisonnable est, à mon avis, qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’existence d’une véritable question litigieuse fondée sur l’allégation d’une évaluation inéquitable des soumissions.

 

La jurisprudence Double N rend-il irrecevable la demande de dommages‑intérêts pour rupture de contrat

[14]           Le juge a conclu que le principe consacré par la jurisprudence Double N rendait irrecevable la demande de dommages‑intérêts de TPG pour rupture de contrat dans la mesure où elle est fondée sur des événements qui ont eu lieu pendant la transition de TPG à CGI. À mon humble avis, cette conclusion est fondée sur une mauvaise compréhension de la demande de TPG. Avant d’expliquer les raisons pour lesquelles j’arrive à cette conclusion, je présenterai le cadre analytique appliqué à l’occasion de l’affaire Double N (c’est-à-dire les principes directeurs régissant la formation des contrats A et B mis au point dans la jurisprudence visant les appels d’offres), et je résumerai l’arrêt Double N.

 

[15]           Un appel d’offres pour la présentation de soumissions en vue d’un contrat (qui, dans le cas d’un marché du gouvernement fédéral, est une demande de proposition) est une offre de la partie requérante d’examiner les soumissions présentées et de conclure un contrat avec la partie dont la soumission est retenue. Le soumissionnaire accepte cette offre en présentant une soumission conforme. Cela donne lieu à la formation du contrat, le contrat A, dont les modalités sont régies par les documents qui incluent l’appel d’offres. La présentation d’une soumission conforme est également une offre faite à la partie requérante de conclure un autre contrat, le contrat B. Lorsque la soumission conforme est acceptée, les documents d’appel d’offres et les documents de soumission constituent les modalités du contrat B.

 

[16]           L’affaire Double N portait sur la question de savoir si le soumissionnaire non retenu pour un contrat avec la Ville d’Edmonton avait droit à des dommages‑intérêts pour la rupture du contrat A dans un cas où la Ville, qui avait lancé un appel d’offres pour des machines devant être des « modèles 1980 ou plus récents », permettait au soumissionnaire retenu de fournir des machines fabriquées en 1979.

 

[17]           À cinq juges contre quatre, la Cour suprême du Canada a conclu : 1) la soumission retenue était conforme même si sa description des machines était ambiguë quant à la date de fabrication; 2) la Ville n’a pas manqué à ses obligations contractuelles en vertu du contrat A lorsqu’elle a permis au soumissionnaire retenu, après la formation du contrat B, de fournir des machines antérieures à 1980. En vertu du contrat A, la Ville avait l’obligation d’évaluer toutes les soumissions conformes de façon équitable et de conclure ensuite le contrat B selon les modalités énoncées dans les documents d’appel d’offres. Cela fait, le contrat A était dûment exécuté et la Ville n’avait plus aucune obligation en vertu de celui-ci. Le contrat B est un contrat distinct qui ne s’applique pas aux soumissionnaires non retenus.

[18]           En vertu du cadre analytique applicable au contrat A et au contrat B, il y a rupture du contrat A si une soumission non conforme est acceptée. Ainsi, le principe consacré par la jurisprudence Double N ne rend pas irrecevable une demande de dommages‑intérêts fondée sur une allégation selon laquelle une soumission non conforme a été acceptée. Selon ma compréhension de la thèse qu’invoque TPG, c’est la nature de la demande qu’elle fait valoir en l’espèce. Plus précisément, TPG allègue que la Couronne a contrevenu à la disposition de la demande de proposition selon laquelle le soumissionnaire retenu serait réputé avoir attesté que chacune des ressources qu’il proposait (les personnes qui effectueraient réellement le travail) était soit un employé du soumissionnaire, soit une personne qui avait consenti à être désignée comme ressource, soit une personne dont l’employeur y avait consenti.

 

[19]           Selon l’interprétation que fait TPG des dispositions pertinentes de la demande de proposition, une soumission est non conforme à moins que, lors de sa présentation, chacune des ressources proposées par le soumissionnaire est soit un employé du soumissionnaire, soit une personne qui a consenti à être désignée comme ressource, soit une personne dont l’employeur y a consenti. Selon les observations de TPG, cela signifie nécessairement qu’une soumission est non conforme si le soumissionnaire propose de s’appuyer sur des ressources employées (à savoir, les ressources de TPG) à l’égard desquelles les consentements n’existent pas et ne peuvent être obtenus. La Couronne ne souscrit pas à cette interprétation de la disposition.

 

[20]           On a renvoyé la Cour à plusieurs dispositions de la demande de proposition et documents connexes qui aideraient à cerner l’obligation du soumissionnaire d’établir que s’il obtient le contrat, il aura les ressources pour exécuter les services prévus par le contrat. Toutefois, à mon avis, les documents contractuels sont ambigus sur ce point et, par conséquent, le bien-fondé de l’interprétation proposée par TPG ne peut être établi en l’absence d’un dossier de preuve complet. Cela est suffisant pour établir l’existence d’une véritable question litigieuse concernant un aspect fondamental de la demande de TPG.

 

[21]           Lors de l’instruction de l’appel, la Couronne a soutenu que la déclaration ne comporte pas d’allégation de rupture du contrat A. En réponse à l’objection de la Couronne, TPG a renvoyé la Cour au paragraphe 71 de l’acte de procédure pertinent, soit la deuxième déclaration modifiée. Le paragraphe 71 n’est pas un exemple de rédaction limpide, mais à mon avis, il répond de façon suffisante à la thèse de la Couronne. Il est rédigé comme suit :

[traduction]

71. Nonobstant les modalités du contrat A ci‑dessus, [la Couronne] savait en septembre 2006, par suite de son examen des soumissions, que la soumission de CGI reposait sur l’hypothèse de recrutement de plusieurs sous-traitants de [TPG] sinon la plupart, plutôt que d’offrir ses propres ressources pour fournir les services demandés. Pour cette raison, même avant que [la Couronne] n’adjuge le [contrat] à CGI, [la Couronne] avait des réserves concernant le risque que comportait l’adjudication d’un contrat à CGI. Le risque qu’avait identifié [la Couronne] était que CGI pouvait ne pas être en mesure de recruter les ressources employées parce qu’il était connu que ces ressources employées étaient liées par contrat avec [TPG] à ce moment-là. [La Couronne] a néanmoins choisi d’adjuger le [contrat] à CGI.

 

 

[22]           Si je comprends bien le paragraphe 71, interprété au regard des autres allégations, TPG allègue que, lorsque le contrat a été adjugé à CGI, la Couronne savait ce qui suit : a) CGI avait fondé sa soumission sur l’hypothèse selon laquelle elle planifiait de recruter les ressources employées de TPG si elle obtenait le contrat; b) CGI pouvait ne pas être en mesure de recruter les ressources employées. Cette allégation est raisonnablement compatible avec la thèse de TPG portant que la Couronne savait ou pouvait savoir que la soumission de CGI était non conforme lors de sa présentation parce que CGI n’avait pas obtenu les consentements nécessaires pour recruter les ressources employées de TPG.

 

[23]           Dans les circonstances, il me semble qu’il soit possible de soutenir qu’il importe peu que certains éléments de preuve sur lesquels s’appuie TPG pour prouver la rupture du contrat A se rapportent à des événements qui se sont produits durant la phase de transition. TPG s’appuie sur le fait que CGI a recruté des ressources employées après l’adjudication du contrat pour établir que la soumission de CGI n’était pas conforme au moment de sa présentation. À mon avis, la jurisprudence Double N ne rend pas nécessairement irrecevable une demande pour la rupture du contrat A simplement parce que la rupture est prouvée en partie par des éléments de preuve visant des événements qui ont eu lieu après l’adjudication du contrat.

 

[24]           Je conclus que la requête en jugement sommaire présentée par la Couronne aurait dû être rejetée relativement à la demande de TPG pour la rupture du contrat A.

 

Autres demandes de dommages‑intérêts en responsabilité contractuelle et en responsabilité délictuelle

[25]           Comme je l’ai signalé plus haut, TPG allègue que CGI a recruté des sous-traitants de TPG après que le contrat eût été adjugé à CGI. Voilà le fondement de la demande de dommages‑intérêts de TPG contre la Couronne pour incitation à la rupture des contrats entre TPG et les ressources employées.

 

[26]           Vu les documents auxquels on a renvoyé la Couronne au cours des plaidoiries, cette demande semble relativement faible. Si la thèse de la rupture du contrat A est accueillie, dans ce cas, le recrutement par CGI des ressources employées de TPG ne peut pas augmenter la valeur de la demande de dommages‑intérêts de TPG. Par ailleurs, si la thèse de la rupture du contrat A est rejetée, il se peut qu’il ne reste rien de la demande pour incitation à la rupture de contrat. Cependant, puisque le fondement factuel des deux demandes est le même et que les mêmes éléments de preuve seront présentés, il n’existe à ce moment-ci aucune raison pratique de ne pas autoriser que les deux demandes fassent l’objet d’un procès.

 

[27]           Les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle semblent beaucoup plus faibles que les demandes fondées sur la responsabilité contractuelle, mais elles sont également en grande partie fondées sur les mêmes allégations de fait. Si le dossier actuel représente l’ensemble des éléments de preuve présentée au procès, il est peu probable que ces demandes soient accueillies. Toutefois, compte tenu du fait qu’elles sont inextricablement liées aux demandes fondées sur la responsabilité contractuelle, je ne vois aucune raison pratique à ce stade de ne pas les autoriser à réclamer un procès s’il est conseillé à TPG de le faire.

Conclusion

[28]           Par ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens et j’annulerais le jugement de la Cour fédérale. Prononçant l’ordonnance que la Cour fédérale aurait dû prononcer, je rejetterais la requête de la Couronne en jugement sommaire en vue de faire rejeter l’action, avec dépens quelle que soit l’issue de la cause.

 

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

          Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

          Johanne Trudel, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur.

 

 


 

ANNEXE

 

Jugement sommaire – articles 213 à 215 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106

 

213. (1) Une partie peut présenter une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire à l’égard de toutes ou d’une partie des questions que soulèvent les actes de procédure. Le cas échéant, elle la présente après le dépôt de la défense du défendeur et avant que les heure, date et lieu de l’instruction soient fixés.

 

(2) Si une partie présente l’une de ces requêtes en jugement sommaire ou en procès sommaire, elle ne peut présenter de nouveau l’une ou l’autre de ces requêtes à moins d’obtenir l’autorisation de la Cour.

 

(3) La requête en jugement sommaire ou en procès sommaire dans une action est présentée par signification et dépôt d’un avis de requête et d’un dossier de requête au moins vingt jours avant la date de l’audition de la requête indiquée dans l’avis.

 

(4) La partie qui reçoit signification de la requête signifie et dépose un dossier de réponse au moins dix jours avant la date de l’audition de la requête indiquée dans l’avis de requête.

 

 

214. La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée sur un élément qui pourrait être produit ultérieurement en preuve dans l’instance. Elle doit énoncer les faits précis et produire les éléments de preuve démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse.

215. (1) Si, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

 

(2) Si la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

 

a) la somme à laquelle le requérant a droit, elle peut ordonner l’instruction de cette question ou rendre un jugement sommaire assorti d’un renvoi pour détermination de la somme conformément à la règle 153;

 

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

 

(3) Si la Cour est convaincue qu’il existe une véritable question de fait ou de droit litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut :

 

a) néanmoins trancher cette question par voie de procès sommaire et rendre toute ordonnance nécessaire pour le déroulement de ce procès;

 

b) rejeter la requête en tout ou en partie et ordonner que l’action ou toute question litigieuse non tranchée par jugement sommaire soit instruite ou que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

213. (1) A party may bring a motion for summary judgment or summary trial on all or some of the issues raised in the pleadings at any time after the defendant has filed a defence but before the time and place for trial have been fixed.

 

 

 

(2) If a party brings a motion for summary judgment or summary trial, the party may not bring a further motion for either summary judgment or summary trial except with leave of the Court.

 

(3) A motion for summary judgment or summary trial in an action may be brought by serving and filing a notice of motion and motion record at least 20 days before the day set out in the notice for the hearing of the motion.

 

 

(4) A party served with a motion for summary judgment or summary trial shall serve and file a respondent’s motion record not later than 10 days before the day set out in the notice of motion for the hearing of the motion.

 

214. A response to a motion for summary judgment shall not rely on what might be adduced as evidence at a later stage in the proceedings. It must set out specific facts and adduce the evidence showing that there is a genuine issue for trial.

 

215. (1) If on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

 

(2) If the Court is satisfied that the only genuine issue is

 

 (a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

 

 

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

 

(3) If the Court is satisfied that there is a genuine issue of fact or law for trial with respect to a claim or a defence, the Court may

 

(a) nevertheless determine that issue by way of summary trial and make any order necessary for the conduct of the summary trial; or

 

(b) dismiss the motion in whole or in part and order that the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, proceed to trial or that the action be conducted as a specially managed proceeding.

 


cour d’appel fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

Dossier :                                                                            A-373-11

 

(Appel de L’ordonnance DU 7 SEPTEMBRE 2011 PRONONCÉE PAR M. le juge NEAR DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA (dossier numéro T‑494‑08))

 

Intitulé :                                                                          TPG TECHNOLOGY CONSULTING LTD. c. Sa Majesté la reine

 

Lieu de l’audience :                                                  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 23 avril 2013

 

Motifs du jugement :                                               la juge SHARLOW

 

Y ont souscrit :                                                           les juges DAWSON et TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 15 juillet 2013

 

Comparutions :

 

Peter Mantas  

Leslie Wilbur

 

Pour l’appelante

 

Elizabeth Richards

Brian Harvey  

Pour l’intimée

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Avocate

TPG Technology Consulting Ltd.

Ottawa (Ontario)

 

 

Pour l’appelante

 

William F. Pentney 

Sous‑procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

 

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