Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20130313

Dossier : A‑457‑11

Référence : 2013 CAF 79

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

MICHAEL OSTROFF

appelant

 

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 mars 2013

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 mars 2013

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                      LE JUGE EVANS

 


Date : 20130313

Dossier : A‑457‑11

Référence : 2013 CAF 79

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

MICHAEL OSTROFF

appelant

 

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 mars 2013)

LE JUGE EVANS

[1]               Michael Ostroff interjette appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (2011 CCI 513) par laquelle le juge Favreau (le juge) a rejeté les appels que l’appelant avait formés à l’encontre des cotisations établies par le ministre du Revenu national quant à l’impôt à payer pour les années d’imposition 2003 à 2008 inclusivement (les années en question), ainsi qu’à l’encontre des pénalités imposées pour non-production de ses déclarations de revenus pour les années en question.

 

[2]               Les cotisations établies pour les six années d’imposition en cause étaient datées du 13 mai 2010. M. Ostroff a déposé trois appels différents devant la Cour canadienne de l’impôt : un pour les années 2003 et 2004, un pour les années 2005 et 2006 et un autre pour les années 2007 et 2008. La Cour canadienne de l’impôt a instruit ces appels sur preuve commune, sous le régime de sa procédure informelle.

 

[3]               Le juge a conclu (au paragraphe 17) que M. Ostroff n’avait présenté aucun élément de preuve tendant à établir prima facie que les présomptions de fait sur lesquelles le ministre s’était fondé pour établir les cotisations étaient fausses, y compris celles qui concernaient son revenu brut. Il a en outre conclu que, sur la foi de l’estimation faite par M. Ostroff de son revenu net, ce dernier devait quand même payer de l’impôt pour chacune des années en question et, par conséquent, que le ministre n’avait pas commis d’erreur en lui infligeant des pénalités pour production tardive en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).

 

[4]               Étant donné que M. Ostroff n’a pas produit de déclarations de revenus pour les années en question, le ministre a dû établir des cotisations dans lesquelles il a fixé « arbitrairement » l’impôt à payer en application du paragraphe 152(7) de la Loi. Pour établir ces cotisations, le ministre s’est fondé sur des présomptions de fait quant au montant du revenu d’entreprise gagné par M. Ostroff pour chacune des années en question : 56 599 $ pour 2003; 58 700 $ pour 2004; 58 000 $ pour 2005; 58 700 $ pour 2006; 60 300 $ pour 2007 et 60 300 $ pour 2008.

 

[5]               Le ministre a aussi présumé que M. Ostroff n’avait engagé aucune dépense d’entreprise pour les années en question, mais il lui a accordé le montant personnel de base ainsi que des montants au titre de cotisations au Régime de pensions du Canada dans le calcul des crédits d’impôt non remboursables. Le ministre a ainsi évalué que, pour les années en question, l’impôt payable s’élevait à 57 886,54 $.

 

[6]               M. Ostroff a déclaré devant la Cour canadienne de l’impôt qu’il avait travaillé comme vendeur jusqu’en 2002, alors que son employeur a fermé ses portes; il a déclaré un revenu de 46 486 $ pour cette année‑là. Il a ajouté qu’il avait reçu des prestations d’assurance-emploi en 2002 et en 2003, année où il a lancé une entreprise de services parajuridiques.

 

[7]               M. Ostroff a estimé comme suit son revenu net pour les années en question : 2003, 7 000 $; 2004, 12 000 $; 2005, entre 14 000 $ et 15 000 $; 2006, 18 000 $; 2007, 18 000 $; et 2008, entre 20 000 $ et 21 000 $. Il a déclaré que ces estimations ont été faites à partir de ses relevés bancaires (qu’il n’a pas déposés à l’audience) et après avoir appliqué une déduction de 75 p. 100 au titre des dépenses d’entreprise. Il n’a fourni aucun élément de preuve sur les dépenses qu’il aurait engagées au cours de ces années. Selon les calculs effectués par M. Ostroff quant à son revenu net (soit 25 p. 100 du revenu brut), son revenu brut était supérieur à celui établi par le ministre dans ses présomptions, au moins pour les années 2006, 2007 et 2008 (mémoire des faits et du droit de l’intimé, paragraphe 16).

 

[8]               Monsieur Ostroff a essentiellement soutenu à l’audience devant la Cour que le juge a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas établi prima facie que les présomptions du ministre étaient fausses. Étant donné qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, M. Ostroff doit nous convaincre que le juge a commis une erreur manifeste et dominante en tirant cette conclusion : Housen c. Nikolaisen. 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 234, aux paragraphes 28 et 36.

 

[9]               Or, nous ne sommes pas convaincus que le juge a commis une erreur. M. Ostroff n’a fourni aucun élément de preuve visant à étayer l’estimation de ses revenus, qui, a‑t‑il reconnu pourraient être inexacte, à démontrer que les présomptions du ministre étaient par ailleurs fausses ou à établir les dépenses d’entreprise qu’il avait engagées au cours des années en question.

 

[10]           Il a soutenu que le juge aurait dû lui accorder, à titre de dépenses, les honoraires de 3 360 $, attestés par une note d’honoraires, que lui avait facturés son représentant dans le cadre de l’appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Or, cette dépense ayant été engagée en 2011, c.‑à–d. au cours d’une année non en cause, elle ne peut être prise en compte dans le calcul de son revenu imposable pour les années en cause.

 

[11]           M. Ostroff a aussi soutenu devant la Cour que les présomptions de fait du ministre étaient invalides parce que ce dernier n’avait pas divulgué sur quelle base il avait établi son revenu pour les années en question. M. Ostroff a cité une déclaration du juge Desjardins, s’exprimant au nom de la Cour, dans la décision Hsu c. Canada, 2001 CAF 240, 202 D.L.R. (4th) 247, au paragraphe 22, selon qui, même si une cotisation « arbitraire » établie en application du paragraphe 152(7) est présumée valide en vertu du paragraphe 152(8),

… le ministre est tenu de divulguer le fondement précis sur lequel cette cotisation repose… [a]utrement, le contribuable ne serait pas en mesure de s’acquitter de l’obligation initiale qui lui incombe de démolir les « présomptions exactes qu’a utilisées le ministre… ».

 

 

[12]           Sans aborder cette déclaration dans ses motifs, le juge a dit (au paragraphe 16) que, puisque M. Ostroff n’avait pas présenté d’éléments de preuve tendant à établir prima facie que les présomptions du ministre étaient fausses, « le ministre n’était pas obligé de fournir de renseignements quant à la manière dont le revenu de l’appelant [avait] été calculé ».

 

[13]           Nous n’avons pas à nous prononcer en l’espèce sur l’étendue de l’obligation du ministre, le cas échéant, de divulguer à un contribuable le fondement des présomptions de fait sur lesquelles il a établi les cotisations en application du paragraphe 152(7).

 

[14]           Il en est ainsi parce que M. Ostroff savait de quelle façon le ministre avait calculé son revenu d’entreprise. En effet, dans les trois avis d’appel qu’il a déposés à la Cour canadienne de l’impôt, il a indiqué (dossier d’appel, p. 13, 14 et 15) que [traduction] « l’ARC [a] utilisé incorrectement les moyennes de Statistique Canada pour établir les cotisations ». Le ministre a reconnu dans les avis de réponse (dossier d’appel, p. 16, 23 et 30) que [traduction] « l’ARC [avait] utilisé les moyennes de Statistique Canada pour déterminer le revenu de l’entreprise de l’appelant » pour les années en question.

 

[15]           À la lumière des faits qui nous ont été présentés, nous estimons que le représentant de M. Ostroff devant la Cour canadienne de l’impôt n’a pas établi le bien‑fondé de l’allégation selon laquelle le ministre avait [traduction] « incorrectement » utilisé les moyennes de Statistique Canada. Il n’a pas non plus déposé en preuve les moyennes de Statistique Canada en vue de réfuter les présomptions du ministre au sujet du montant de son revenu d’entreprise pendant les années en question.

 

[16]           Nous aimerions aussi souligner que M. Ostroff n’a produit aucune déclaration de revenus pour les années en question. De plus, bien que M. Ostroff ait été mieux placé que le ministre pour savoir quel revenu il avait tiré des activités de son entreprise et quelles dépenses il avait engagées pour gagner ce revenu, il n’a présenté aucun élément de preuve devant la Cour canadienne de l’impôt pour justifier les estimations qu’il avait faites de son revenu ou des dépenses d’entreprise engagées pendant les années en question, ou pour démontrer que les présomptions du ministre étaient par ailleurs fausses. De plus, comme nous l’avons déjà mentionné, même selon les propres estimations de M. Ostroff, le revenu brut de ce dernier pendant au moins trois des années en question était supérieur à celui établi par le ministre dans ses présomptions.

 

[17]           Étant donné que M. Ostroff n’a pas réussi à réfuter les présomptions du ministre sur le revenu gagné pendant les années en question, il devait payer de l’impôt à l’égard de chaque année. Il était donc tenu de produire une déclaration pour les années en question en vertu des paragraphes 150(1) et 150(1.1) de la Loi. Il n’existe donc aucune raison permettant de contester la décision du juge de confirmer les pénalités pour production tardive imposées par le ministre.

 

[18]           Vu l’ensemble des circonstances, nous concluons que M. Ostroff connaissait suffisamment le fondement sur lequel reposaient les présomptions de ministre pour avoir véritablement l’occasion de les réfuter, et qu’en rejetant l’appel, le juge n’a commis aucune erreur de fait ou de droit justifiant notre intervention.

 

[19]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑457‑11

 

 

Appel d’un jugement rendu par MONSIEUR le juge RÉAL FAVREAU de la cour canadienne de l’impôt le 2 novembre 2011 dans les dossiers nos 2011‑860(IT)I, 2011‑955(IT)I, 2011‑1591(IT)I.

 

 

INTITULÉ :                                                  MICHAEL OSTROFF c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 13 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                            (LE JUGE EN CHEF BLAIS, LE JUGE EVANS ET LE JUGE STRATAS)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :    LE JUGE EVANS

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Ostroff

 

POUR L’APPELANT

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Sharon Lee

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.