Date : 20120229
Dossier : A-211-11
Référence : 2012 CAF 68
CORAM : LA JUGE DAWSON
LA JUGE TRUDEL
LE JUGE STRATAS
ENTRE :
APOTEX INC.
appelante
et
ASTRAZENECA CANADA INC. et AKTIEBOLAGET HÄSSLE
intimées
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 février 2012
Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 29 février 2012
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE STRATAS
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE DAWSON
LA JUGE TRUDEL
Date : 20120229
Dossier : A-211-11
Référence : 2012 CAF 68
CORAM : LA JUGE DAWSON
LA JUGE TRUDEL
LE JUGE STRATAS
ENTRE :
APOTEX INC.
appelante
et
ASTRAZENECA CANADA INC. et AKTIEBOLAGET HÄSSLE
intimées
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE STRATAS
[1] Apotex Inc. interjette appel du jugement rendu le 20 mai 2011 (2011 FC 598) par lequel la Cour fédérale (le juge Mosley) a rejeté l'appel d'une ordonnance prononcée le 8 avril 2011 par le protonotaire Lafrenière.
[2] Dans les parties pertinentes de son ordonnance, le protonotaire a autorisé les intimées à modifier leur acte de procédure en y ajoutant cinq paragraphes. Il a toutefois refusé de les autoriser à ajouter deux autres paragraphes. Cet aspect de l'ordonnance n'a pas été porté en appel.
[3] De manière générale, il est allégué dans les cinq paragraphes qu'Apotex est précluse de contester certaines conclusions de fait tirées par la Cour de district des États‑Unis, district Sud de New York. Ces paragraphes sont libellés ainsi :
[TRADUCTION]
43. Les gélules d'oméprazole d'Apotex ont la même formulation au Canada et aux États‑Unis.
44. L'instance devant la Cour de district des États‑Unis, district Sud de New York (In re Omeprazole Patent Litigation, M‑21‑81, MDL Docket No. 1291) (l'« instance américaine ») :
a) concernait les mêmes parties (ou leurs ayants droit) que celles qui se trouvent devant la Cour dans la présente action;
b) a permis de déterminer que les gélules d'oméprazole d'Apotex contrefaisaient le brevet américain no 4 786 505 (le « brevet 505 »), l'équivalent américain du brevet 693;
c) a permis de déterminer qu'Apotex n'avait pas démontré que l'une ou l'autre des revendications du brevet 505 étaient invalides;
d) a mené à une décision définitive (In re Omeprazole Patent Litigation, 490 F. Supp. 2d 381 (S.D.N.Y. 2007), conf. par 281 Fed. App. 974 (Fed. Cir. 2008) et 536 F. 3d 1361 (Fed. Cir. 2008), demande de bref de certiorari rejetée par 129 S. Ct. 1593).
45. Les questions de fait ont été pleinement débattues et ont fait l'objet d'une décision définitive lors de l'instance américaine et, pour cause de préclusion découlant d'une question déjà tranchée et d'abus de procédure, cette décision a force obligatoire dans la présente action. Parmi les conclusions de fait qui ont force obligatoire dans la présente instance, mentionnons celles qui suivent :
a) les gélules d'oméprazole d'Apotex utilisent toutes des granules identiques;
b) le noyau des granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex contient de l'oméprazole, de la povidone (PVP), de l'hydroxyde de magnésium et du mannitol;
c) Apotex applique un revêtement gastrorésistant sur les noyaux des granules dans les gélules d'oméprazole;
d) les granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex sont séchés jusqu'à ce que la teneur en humidité soit d'au plus 1,5 % en poids;
e) les granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex sont recouverts d'une couche d'un revêtement gastrorésistant qui comprend du copolymère d'acide méthacrylique et du citrate d'éthyle;
f) les gélules d'oméprazole d'Apotex sont des préparations pharmaceutiques orales;
g) les granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex renferment une quantité thérapeutiquement efficace d'oméprazole;
h) le noyau des granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex a un microenvironnement dont le pH se situe entre 7 et 12;
i) les granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex se composent d'un noyau d'oméprazole, d'une sous‑couche autour du noyau et d'un revêtement gastrorésistant;
j) la sous‑couche des granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex a une épaisseur de 2 à 6 micromètres;
k) les granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex ont une sous‑couche inerte et continue qui épouse la surface du noyau et qui sépare le noyau du revêtement gastrorésistant;
l) les granules dans les gélules d'oméprazole d'Apotex ont une sous‑couche formée in situ qui est inerte et continue et qui se désintègre rapidement dans l'eau.
46. En outre, pour cause de préclusion découlant d'une question déjà tranchée et d'abus de procédure, Apotex ne peut, sauf en ce qui a trait aux questions relatives à l'interprétation des revendications, contester les conclusions de fait qui ont été pleinement débattues et ont fait l'objet d'une décision définitive lors de l'instance américaine, ni présenter des allégations incompatibles avec cette décision, car ces conclusions ont force obligatoire dans la présente action.
48. De plus, dans Apotex Inc. c. AB Hässle, AstraZeneca AB et AstraZeneca Canada Inc., 2003 CAF 409 (l'« instance canadienne »), une décision définitive dans une instance concernant les mêmes parties (ou leurs ayants droit) que celles qui se trouvent devant la Cour dans la présente action, la Cour d'appel fédérale a conclu que « la revendication no 1 du brevet décrit une préparation pharmaceutique qui, dans sa forme finale, présente un sous‑enrobage ou une couche séparatrice entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble, sans égard à la façon dont cette couche séparatrice est formée ». Pour cause de préclusion découlant d'une question déjà tranchée et d'abus de procédure, cette conclusion a force obligatoire dans la présente action.
[4] Apotex a affirmé, devant le protonotaire, que les paragraphes que les intimées voulaient ajouter à leur acte de procédure n'étaient pas fondés en droit et soulèveraient de nouvelles questions importantes à une étape tardive de l'instance, ce qui lui causerait un préjudice irréparable. Le protonotaire a rejeté ces prétentions en ce qui concerne les cinq paragraphes reproduits ci‑dessus. Il a conclu que les modifications survivraient à une requête en radiation et ne causeraient pas un préjudice irréparable à Apotex.
[5] Apotex a fait valoir essentiellement les mêmes prétentions devant le juge de la Cour fédérale. Ce dernier a conclu que la décision du protonotaire d'autoriser les modifications n'était pas essentielle en ce qui regarde l'issue finale de l'espèce. Par conséquent, il incombait à Apotex de démontrer que le protonotaire avait fondé sa décision sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits. Le juge de la Cour fédérale a estimé qu'Apotex n'avait pas fait cette démonstration. En outre, il a fait remarquer que, même s'il exerçait son pouvoir discrétionnaire de novo, il autoriserait les modifications.
[6] Dans les observations écrites qu'elle a présentées à la Cour, Apotex a avancé essentiellement les mêmes arguments que devant la Cour fédérale. À l'audition de l'appel, cependant, elle a limité ses observations à deux aspects. Premièrement, elle a admis que la Cour fédérale avait eu raison d'appliquer une norme de contrôle déférente — en d'autres termes, Apotex doit démontrer que le protonotaire a fondé sa décision sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits. Deuxièmement, le procès à venir ayant été récemment ajourné, Apotex ne prétendait plus que les modifications lui causeraient un préjudice irréparable.
[7] J'estime, essentiellement pour les motifs donnés par la Cour fédérale, qu'Apotex n'a pas démontré que le protonotaire avait fondé sa décision d'autoriser les modifications sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits.
[8] Devant la Cour, Apotex a soutenu que les modifications ne pouvaient pas être retenues en droit. Elle a fait valoir que la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ne peut découler de l'interprétation des revendications d'un brevet faite par un tribunal étranger. Elle a invoqué Johnson & Johnson Inc. c. Boston Scientifique Ltée, 2008 CF 552, au soutien de sa prétention. À son avis, les faits allégués dans les paragraphes que les intimées veulent ajouter à leur acte de procédure sont inextricablement liés à l'interprétation des revendications faite par le tribunal étranger.
[9] Un examen des paragraphes que les intimées veulent ajouter à leur acte de procédure révèle que cet argument ne peut être accepté. À première vue, les paragraphes allèguent des faits, non l'interprétation que le tribunal étranger a faite des revendications contenues dans le brevet, et ils allèguent un résultat juridique, à savoir que la préclusion découlant d'une question déjà tranchée découle de ces faits. En fait, il est allégué au paragraphe 46, précité, qu'Apotex ne peut soulever à nouveau des questions ayant déjà été tranchées, mais les questions d'interprétation des revendications sont expressément exclues. À mon avis, il n'est pas clair et évident à ce moment que les faits allégués sont inextricablement liés à l'interprétation des revendications faite par le tribunal étranger et que ces paragraphes ne peuvent être retenus en droit.
[10] Il appartiendra au juge du procès de déterminer, selon la preuve, si les faits allégués dans ces paragraphes sont prouvés et si, en droit, ils emportent préclusion découlant d'une question déjà tranchée.
[11] En conséquence, pour les motifs ci‑dessus, je rejetterais l'appel avec dépens.
« David Stratas »
j.c.a.
« Je suis d'accord
Eleanor R. Dawson, j.c.a. »
« Je suis d'accord
Johanne Trudel, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Yves Bellefeuille, réviseur
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-211-11
APPEL D'UNE ORDONNANCE RENDUE PAR LE JUGE MOSLEY DE LA COUR FÉDÉRALE LE 20 MAI 2011, DOSSIER NO T‑1409‑04
INTITULÉ : Apotex Inc. c. AstraZeneca Canada Inc. et Aktiebolaget Hässle
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 28 février 2012
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE STRATAS
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE DAWSON
LA JUGE TRUDEL
DATE DES MOTIFS : Le 29 février 2012
COMPARUTIONS :
Julie Rosenthal Daniel Cappe
|
POUR L'APPELANTE
|
Mark G. Biernacki Junyi Chen
|
POUR LES INTIMÉES
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Goodmans LLP Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR L'APPELANTE
|
Smart & Biggar Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR LES INTIMÉES
|