Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20111128

Dossiers : A-411-10

A-412-10

 

Référence : 2011 CAF 332

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE DAWSON

 

A-411-10

 

ENTRE :

 

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

appelante

 

et

 

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

et AIR CANADA

 

intimés

 

A-412-10

 

ENTRE :

 

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

appelante

 

et

 

AIR CANADA

 

intimée

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2011

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                            LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                      LE JUGE PELLETIER

 

 


Date : 20111128

Dossiers : A-411-10

A-412-10

 

Référence : 2011 CAF 332

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE DAWSON

 

A-411-10

 

ENTRE :

 

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

appelante

 

et

 

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

et AIR CANADA

 

intimés

 

A-412-10

 

ENTRE :

 

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

appelante

 

et

 

AIR CANADA

 

intimée

motifs du jugement

LA JUGE DAWSON

[1]                        M. Eddy Morten est atteint de surdité profonde, il ne voit pas de l’œil gauche et sa vision de l’œil droit est très limitée. Le 12 août 2004, il a réservé un siège sur un vol d’Air Canada, pour apprendre, peu après, qu’Air Canada ne lui permettrait pas de prendre l’avion sans être accompagné.

 

[2]                        Le 1er février 2005, M. Morten a déposé une plainte à l’Office des transports du Canada (l’Office), alléguant que l’exigence d’accompagnement d’Air Canada constituait un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. L’Office a rendu sa décision sur la plainte le 8 juillet 2005; il a reconnu qu’il y avait eu obstacle aux possibilités de déplacement, mais a jugé que l’obstacle n’était pas abusif, acceptant la position d’Air Canada selon laquelle l’exigence que M. Morten voyage accompagné était motivée par des raisons de sécurité afférentes aux possibilités de dépressurisation rapide ou d’évacuation d’urgence.

 

[3]                        La Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10 (la Loi), prévoit les recours suivants contre une décision de l’Office :

a.                   L’Office peut réviser, annuler ou modifier ses décisions ou arrêtés s’il estime qu’il y a eu des faits nouveaux ou que les circonstances ont changé (article 32).

b.                  Le gouverneur en conseil peut, de son propre chef ou à la demande d’une partie ou d’un intéressé, modifier ou annuler les décisions, arrêtés, règles ou règlements de l’Office (article 40).

c.                   Une décision de l’Office peut, sur une question de droit ou de compétence, être portée en appel devant notre Cour, sur autorisation (paragraphe 41(1)).

 

[4]                        M. Morten n’a pas cherché à contester la décision de l’Office. Il a plutôt déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP ou Commission), le 19 septembre 2005, alléguant les mêmes faits que dans sa plainte auprès de l’Office. Après une enquête de 16 mois, la CCDP a déféré l’affaire au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal).

 

[5]                        Invoquant les règles relatives à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, à l’abus de procédure et à la contestation indirecte, Air Canada a alors demandé au Tribunal une suspension permanente de l’instance parce que l’Office avait déjà statué sur cette plainte. Air Canada a en même temps informé M. Morten qu’elle appuierait une demande d’autorisation d’appel de la décision de l’Office devant notre Cour (y compris une demande de prorogation de délai visant la présentation de la demande d’autorisation) si la CCDP ou M. Morten estimait que l’Office avait mal exercé ses fonctions dans l’examen de la plainte.

 

[6]                        Le Tribunal a rejeté la demande d’Air Canada. Selon lui, les règles de préclusion ne s’appliquaient pas car, la CCDP n’ayant pas comparu devant l’Office, les parties n’étaient pas les mêmes. Il a aussi jugé que l’instruction de l’affaire ne constituerait pas un abus de procédure parce que la CCDP n’était pas une partie devant l’Office et que l’analyse que ce dernier a faite « de la plainte de M. Morten est loin de satisfaire aux exigences énoncées dans [Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc. ». Selon le Tribunal « [i]l serait injuste de priver M. Morten et la CCDP de l’occasion d’imposer à Air Canada le fardeau de prouver son argument selon lequel répondre aux besoins de M. Morten ou de personnes qui ont des besoins semblables causerait à la compagnie une contrainte excessive au sens de la LCDP ». Enfin, il a estimé qu’il n’y avait pas de contestation indirecte parce que le plaignant n’attaquait pas la légalité de la décision de l’Office.

 

[7]                        Sur le fond, le Tribunal a subséquemment conclu qu’Air Canada n’avait pas établi l’existence d’un motif justifiable à l’égard de sa politique d’accompagnement, parce qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle avait inclus dans sont tarif « toutes les mesures d’accommodement possibles sans qu’il en résulte une contrainte excessive ».

 

[8]                        Le Tribunal a ordonné deux mesures correctrices. Premièrement, parce qu’il n’y avait pas eu d’évaluation individuelle objective et exacte du niveau d’autonomie de M. Morten, il a imposé à Air Canada de « travailler de pair avec la Commission et M. Morten afin d’élaborer une politique sur les accompagnateurs qui prend en compte les moyens de communication utilisés par les personnes qui se trouvent dans la même situation que M. Morten ». Pour se conformer à l’ordonnance, Air Canada devrait modifier le tarif énonçant sa politique en matière de transport des personnes ayant une déficience. Deuxièmement, le Tribunal a accordé à M. Morten des dommages‑intérêts de 10 000 $, en compensation des effets préjudiciables entraînés par le traitement discriminatoire sur la fierté qu’il avait de ses accomplissements, sur les efforts qu’il avait déployés au cours des ans pour accroître son indépendance et sur son bien‑être physique.

 

[9]                        L’Office et Air Canada ont tous deux présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal alléguant que le Tribunal avait outrepassé sa compétence et contrevenu à la loi à tous égards, sauf en ce qui avait trait à l’octroi de la réparation pécuniaire. La Cour a instruit ensemble les deux demandes.

 

[10]                    Le 13 octobre 2010, le juge de la Cour fédérale a statué que le Tribunal avait outrepassé sa compétence en examinant une plainte sur laquelle l’Office s’était déjà prononcé : 2010 CF 1008, 375 F.T.R. 62. Il a annulé la décision, exception faite de l’octroi de l’indemnité de 10 000 $ pour souffrances et douleurs (qu’Air Canada n’avait pas contesté dans sa demande de contrôle judiciaire).

 

[11]                    La CCDP a interjeté appel des décisions rendues par la Cour fédérale sur les deux demandes de contrôle judiciaire, soutenant que le juge avait commis une erreur de droit en concluant que l’Office jouissait d’une compétence exclusive à l’égard des plaintes en matière de droits de la personne portées contre des politiques, tarifs ou règlements de transporteurs fédéraux.

 

[12]                    Air Canada a formé un appel incident à l’encontre de la conclusion du juge selon laquelle le bien‑fondé de la décision du Tribunal se contrôlait suivant la norme de la raisonnabilité, soutenant que le Tribunal n’a pas l’expertise voulue dans le [traduction] « domaine ultra-spécialisé du droit aérien » pour que ses décisions jouissent de cette déférence.

 

[13]                    Les appels et l’appel incident ont été réunis par ordonnance de notre Cour en date du 7 janvier 2011. L’original des motifs de cette ordonnance sera versé dans le dossier principal, A‑411‑10, et une copie, dans le dossier A-412-10. Un jugement sera également inscrit dans chaque dossier.

 

[14]                    Pour les motifs exposés ci‑dessous, je suis d’avis de rejeter les appels et l’appel incident; j’adjugerais un seul mémoire de frais à Air Canada à l’égard des appels, à acquitter par la Commission.

 

1.         Les appels

Les questions en appel

[15]                    Le juge a considéré que les demandes de contrôle judiciaire soulevaient une véritable question de compétence de sorte que, selon lui, il convenait d’appliquer la norme de la décision correcte à la décision du Tribunal.

 

[16]                    La Commission accepte cette norme, pour ce qui est de l’appel. Elle formule ainsi les questions à trancher en appel :

 

1.                  Le juge a-t-il conclu à tort que le Tribunal n’avait pas compétence pour connaître de la plainte de M. Morten?

2.                  Si le Tribunal avait compétence, en a-t-il abusé en exerçant son pouvoir discrétionnaire dans les circonstances particulières de cette plainte?

 

[17]                    Comme je m’en expliquerai, j’estime que l’appel soulève les questions suivantes :

 

1.                  Quelle était la nature de la question soumise au Tribunal?

2.                  Le juge a‑t‑il appliqué la bonne norme de contrôle?

3.                  Compte tenu de la façon dont doit s’appliquer la bonne norme, l’intervention de notre Cour est‑elle requise?

 

Examen des questions

            i.          La nature de la question soumise au Tribunal

[18]                    Je suis d’avis que la question soumise au Tribunal ne portait pas sur la compétence. La plainte de M. Morten a été déposée sous le régime de la partie V de la Loi, intitulée Transport des personnes ayant une déficience. La Cour suprême du Canada a établi clairement dans l’arrêt Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650, que cette partie participe de la nature des lois sur les droits de la personne et que l’Office doit interpréter la Loi conformément aux principes des droits de la personne (VIA Rail, paragraphes 112 à 117). Il ne fait aucun doute que l’Office avait compétence pour connaître de la plainte de M. Morten.

 

[19]                    Lorsque M. Morten a ensuite voulu remettre cette plainte en cause devant le Tribunal, Air Canada a demandé au Tribunal de décliner compétence en application des règles de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, de l’abus de procédure et de la contestation indirecte. En faisant valoir ces moyens, Air Canada ne mettait pas en question la compétence du Tribunal à l’égard de la plainte de discrimination formulée par M. Morten, elle soutenait plutôt que le Tribunal devait exercer sa compétence pour suspendre l’instance.

 

[20]                    Pour trancher le présent appel, il sera suffisant de tenir pour acquis, sans statuer sur ce point, que le Tribunal exerçait bien avec l’Office une compétence concurrente l’habilitant à connaître d’une plainte de discrimination dans le réseau de transport fédéral. Bien comprise, la question qui se posait donc au Tribunal avait trait à l’opportunité d’exercer le pouvoir discrétionnaire de ne pas entendre la plainte de M. Morten parce que l’Office avait déjà statué sur une plainte identique. Ce n’était pas une véritable question de compétence, mais une question relative à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

 

            ii.          Le juge a‑t‑il appliqué la bonne norme de contrôle?

[21]                    Compte tenu de ma conclusion que la question que le Tribunal devait trancher concernait l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de suspendre l’instance, je suis d’avis que la norme de contrôle applicable à sa décision est celle de la raisonnabilité. Voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 51 et 53, et Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160, au paragraphe 26. Le juge a commis une erreur de droit en appliquant la norme de la décision correcte.

 

            iii.         La décision du Tribunal de ne pas suspendre l’instance était‑elle raisonnable?

[22]                    Pendant que le présent appel était en délibéré, la Cour suprême a rendu jugement dans l’affaire Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board) c. Figliola, 2011 CSC 52. Notre Cour a donc invité les parties à lui présenter de brèves observations écrites concernant l’application de l’arrêt Figliola.

 

[23]                    Dans Figliola, la Cour suprême a examiné les facteurs devant guider un tribunal administratif investi d’une compétence concurrente en matière de droits de la personne, qui doit déterminer s’il convient de rejeter une plainte en totalité ou en partie parce qu’un autre tribunal compétent a déjà rendu décision. Elle a analysé l’alinéa 27(1)f) du Human Rights Code de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 210, qui permet au tribunal des droits de la personne de cette province de rejeter une plainte en totalité ou en partie s’il est d’avis qu’il [traduction] « a été statué de façon appropriée sur le fond de la plainte dans une autre instance ».

 

[24]                    Bien sûr, l’alinéa 27(1)f) du British Columbia Human Rights Code ne s’applique pas en l’espèce. Cependant, la Cour suprême a jugé que cette disposition rend compte des principes de common law en matière de préclusion découlant d’une question déjà tranchée, de contestation indirecte et d’abus de procédure. Les commentaires de la Cour sont donc pertinents pour ce qui est de l’application de ces principes de common law par le Tribunal dans l’affaire qui nous concerne.

 

[25]                    Au paragraphe 34 de l’arrêt, les juges majoritaires résument les principes sous-jacents des règles relatives à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, à l’abus de procédure et à la contestation indirecte :

•     La capacité de se fier au caractère définitif d’une décision sert l’intérêt public et celui des parties (Danyluk, par. 18; Boucher, par. 35).

•     Le respect du caractère définitif d’une décision judiciaire ou administrative renforce l’équité et l’intégrité des tribunaux judiciaires et administratifs ainsi que de l’administration de la justice; à l’opposé, la remise en cause de questions déjà tranchées par un forum compétent peut miner la confiance envers l’équité et l’intégrité du système en créant de l’incohérence et en suscitant des recours faisant inutilement double emploi (Toronto (Ville), par. 38 et 51).

•     La contestation de la validité ou du bien‑fondé d’une décision judiciaire ou administrative se fait au moyen de la procédure d’appel ou de contrôle judiciaire prévue par le législateur (Boucher, par. 35; Danyluk, par. 74).

•      Les parties ne doivent pas éluder le mécanisme de révision prévu en s’adressant à un autre forum pour contester une décision judiciaire ou administrative (TeleZone, par. 61; Boucher, par. 35; Garland, par. 72).

 

•     En évitant les remises en cause inutiles, on évite le gaspillage de ressources (Toronto (Ville), par. 37 et 51).

[26]                    Aux paragraphes 36 et 37, les juges majoritaires ont ensuite expliqué comment un tribunal administratif devait appliquer ces principes lorsqu’on lui demandait de ne pas entendre une affaire parce qu’un autre tribunal s’était prononcé sur son objet :

36.       Considéré dans son ensemble, l’alinéa 27(1)(f) ne codifie pas les doctrines ellesmêmes ou leurs explications techniques, il en englobe les principes sous‑jacents afin d’assurer le caractère définitif des instances, l’équité et l’intégrité du système judiciaire en prévenant les incohérences, les dédoublements et les délais inutiles. Il s’ensuit que ce ne sont pas tant des dogmes doctrinaux précis qui devraient guider le Tribunal que les objets de la disposition, qui sont d’assurer l’équité du caractère définitif du processus décisionnel et d’éviter la remise en cause de questions déjà tranchées par un décideur ayant compétence pour en connaître.  La justice est accrue par la protection de l’attente des parties qu’elles ne soient pas sujettes à des instances supplémentaires, devant un forum différent, pour des questions qu’elles estimaient résolues définitivement. Le magasinage de forum pour que l’issue d’un litige soit différente et meilleure peut être maquillé de nombreux qualificatifs attrayants, l’équité n’en fait toutefois pas partie.

 

37.       En s’appuyant sur ces principes sous-jacents, le Tribunal est appelé à se demander s’il existe une compétence concurrente pour statuer sur les questions relatives aux droits de la personne, si la question juridique tranchée par la décision antérieure était essentiellement la même que celle qui est soulevée dans la plainte dont il est saisi et si le processus antérieur, qu’il ressemble ou non à la procédure que le Tribunal préfère ou utilise luimême, a offert la possibilité aux plaignants ou à leurs ayants droit de connaître les éléments invoqués contre eux et de les réfuter. Toutes ces questions visent à déterminer s’il « a été statué de façon appropriée » sur le fond de la plainte. Il s’agit, en définitive, de se demander s’il est logique de consacrer des ressources publiques et privées à la remise en cause de ce qui est essentiellement le même litige.

                                                                                             [Non souligné dans l’original]

 

[27]                    Au paragraphe 38, les juges majoritaires avertissent les tribunaux administratifs exerçant une compétence concurrente qu’ils ne doivent pas effectuer de « contrôle judiciaire » de décisions de l’autre tribunal ni de « réexamen d’une question dûment tranchée pour voir si un résultat différent pourrait en émerger ».

 

[28]                    S’agissant de l’application de ces principes à la décision du Tribunal, on peut dire que, comme dans Figliola, son analyse l’a rendu « complice » d’une tentative de contester indirectement le bien‑fondé de la décision et le processus décisionnel de l’Agence. Le Tribunal a rejeté la demande de suspension d’Air Canada pour des raisons formalistes, sans tenir compte de l’inéquité inhérente au magasinage de forum. Le Tribunal n’a pas examiné s’il convenait de permettre à M. Morten de ne pas se prévaloir des mécanismes de révision prévus par la Loi et de se servir du Tribunal pour remettre en cause ce qui était essentiellement la même question juridique dans l’espoir d’obtenir un résultat plus favorable. Il n’a pas procédé à l’analyse requise. Plus particulièrement, il n’a pas pris en considération le fait que, devant l’Office, M. Morten était au courant de la preuve qu’il avait à faire et a eu la possibilité de la présenter. Si M. Morten estimait que l’Office avait mal appliqué les principes relatifs aux droits de la personne, il devait se prévaloir des mécanismes de révision prévus par la Loi, d’autant plus qu’Air Canada avait indiqué qu’elle appuierait une demande d’autorisation d’appel visant la décision de l’Office.

 

[29]                    Pour ces motifs, la décision du Tribunal d’entendre la plainte de M. Morten était déraisonnable, et elle devrait être annulée.

 

[30]                    La Cour fédérale l’a effectivement annulée (sauf en ce qui concerne le dédommagement pécuniaire). Je rejetterais donc les appels. J’ordonnerais également à la Commission de payer à Air Canada un mémoire de frais unique pour les deux appels.

 

Question procédurale

[31]                    Au cours des plaidoiries, la Cour a demandé à l’avocat de l’Office ce qui lui conférait qualité pour demander le contrôle judiciaire de la décision d’un autre organisme fédéral, mais elle n’a reçu aucune réponse satisfaisante. Bien qu’au paragraphe 41(4), la Loi permette à l’Office de plaider sa cause à l’appel d’une de ses décisions, elle ne lui confère pas de qualité particulière pour contester les décisions d’un autre tribunal administratif.

 

[32]                    À l’avenir, si un office conteste la décision d’un autre office dans des circonstances analogues, il faudra que la question de la qualité pour ce faire soit soulevée devant la Cour fédérale et examinée par elle.

 

[33]                    L’Office n’a pas demandé de dépens. Comme la question de sa qualité pour contester la décision du Tribunal est, à tout le moins, incertaine, aucuns dépens ne lui seraient adjugés de toute manière.

 

2.         L’appel incident

[34]                    Puisque la décision du Tribunal a été annulée par la Cour fédérale et puisque je suis d’avis de rejeter les appels interjetés contre cette décision, il n’est pas nécessaire, pour les motifs exposés précédemment, que j’examine si la Cour fédérale a considéré à tort que la norme de contrôle applicable aux conclusions du Tribunal sur le bien‑fondé de la plainte de M. Morten était la norme de la raisonnabilité. Je rejetterais donc l’appel incident sans frais.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais j.c. »

 

« Je suis d’accord.

            J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS

 

 

DOSSIERS :                                                      A-411-10

                                                                            A-412-10

 

INTITULÉS :                                                             COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE c. OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA et AIR CANADA

                                                                                   

                                                                                    COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE c. AIR CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                               Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               le 18 octobre 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                           La juge Dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :                                        Le juge en chef Blais

                                                                            Le juge Pelletier

 

DATE DES MOTIFS :                                     le 28 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian Smith

 

POUR L’APPELANTE

 

Gerard Chouest

 

 

Andray Renaud

 

POUR L’INTIMÉE/

AIR CANADA

 

POUR L’INTIMÉ/

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

 

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

 

Division des services du contentieux

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

Bersenas Jacobsen Chouest Thomson Blackburn LLP

Toronto (Ontario)

 

Office des transports du Canada

Gatineau (Québec)

POUR L’INTIMÉE/

AIR CANADA

 

POUR L’INTIMÉ/

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

 

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