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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20111104

Dossier : A-471-10

Référence : 2011 CAF 302

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SYNDICAT DES AGENTS DE SÉCURITÉ GARDA,

SECTION CPI-CSN

demandeur

et

CORPORATION DE SÉCURITÉ GARDA CANADA

et

UNION DES AGENTS DE SÉCURITÉ DU QUÉBEC –

SYNDICAT DES MÉTALLOS, SECTION LOCALE 8922

défenderesses

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

partie intéressée

 

 


Audience tenue à Montréal (Québec), le 19 octobre 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

                                                                                                                             LA JUGE TRUDEL

 

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20111104

Dossier : A-471-10

Référence : 2011 CAF 302

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SYNDICAT DES AGENTS DE SÉCURITÉ GARDA,

SECTION CPI-CSN

demandeur

et

CORPORATION DE SÉCURITÉ GARDA CANADA

et

UNION DES AGENTS DE SÉCURITÉ DU QUÉBEC –

SYNDICAT DES MÉTALLOS, SECTION LOCALE 8922

défenderesses

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

partie intéressée

 

 


MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, notre Cour doit examiner la compétence du Conseil canadien des relations industrielles (le « Conseil ») sur les relations du travail des gardes de sécurité qui assurent la détention d’étrangers au Centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal. Ces relations du travail relèvent-elles de la compétence fédérale et sont-elles conséquemment régies par le Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2?

 

[2]               Dans une décision rendue le 18 octobre 2009 (Corporation de Sécurité Garda Canada, [2009] CCRI 477) (la « décision initiale ») le Conseil rejetait la demande d’accréditation visant ces gardes de sécurité présentée par le Syndicat des agents de sécurité Garda, section CPI-CSN (la « CSN ») au motif principal qu’il n’avait pas compétence. Dans une décision datée du 12 novembre 2010 (Corporation de Sécurité Garda Canada, [2010] CCRI 549) (la « décision en réexamen »), une majorité d’un banc de réexamen du Conseil rejetait aussi la demande de réexamen de cette décision initiale. La CSN demande à notre Cour d’infirmer cette décision en réexamen par voie de contrôle judiciaire.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire. La détention d’étrangers sous la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, S.C. 2001, ch. 27 relève de la compétence fédérale, et les relations du travail des gardes de sécurité chargés d’assurer cette détention au sein d’une institution fédérale relèvent aussi de la compétence fédérale et sont régies par le Code canadien du travail.

 

Contexte

[4]               L’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC »), constituée en vertu de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, L.C. 2005, ch. 38, relève du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada. Cette agence voit à la sécurité du Canada en gérant notamment l’accès des personnes au Canada. À cette fin, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés permet aux agents de l’ASFC d’arrêter et de détenir des étrangers s’ils constituent un danger pour la sécurité publique, s’il y a un doute sur leur identité, ou s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’ils se soustrairont vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi en vertu de cette loi.

 

[5]               Dans le cadre de ce mandat sous la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, l’ASFC exploite plusieurs centres de détention au Canada, dont le Centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal, comprenant un centre situé au 200 Montée St-François à Laval et deux quartiers satellites de détention, soit le quartier de détention du Complexe Guy Favreau situé au 200 boulevard René Lévesque ouest à Montréal, et le quartier de détention situé au 1010 Saint-Antoine ouest à Montréal.

 

[6]               La détention des étrangers dans ce centre et ces quartiers de détention était assurée jusqu’à tout récemment par le Corps canadien des commissionnaires. Par contre, suite à une offre d’appel de services, Garda a obtenu un contrat de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada afin de fournir ces services à l’ASFC pour la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009. Ce contrat a été prolongé au 31 mars 2010. Quoique le dossier n’indique pas si le contrat a été renouvelé par la suite, les procureurs ont confirmé lors de l’audience devant notre Cour que Garda fournissait toujours les services en question.

 

[7]               Le contexte et la description générale des services fournis par Garda sont énoncés comme suit au contrat (pièce R-4 de l’affidavit de M. Bruno Héroux, pages 168-169 du dossier du demandeur) :

1.         CONTEXTE

 

Le rôle principal du Centre de Prévention de l’Immigration (CPI) est de transporter, d’héberger et d’assurer la sécurité des personnes prévenues en vertu de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] et autres protocoles d’ententes afférents. Notre objectif est de soutenir les opérations de l’ASFC en prenant en charge toutes personnes prévenues en respectant les normes nationales et les politiques ministérielles en matière de détention. Ainsi, l’équipe du CPI vise à assurer la sécurité des différents acteurs impliqués dans le cadre de l’exécution de la Loi (volet détention), et ce, tant pour les prévenus que pour nos partenaires sur le terrain.

 

1.         Description générale

 

Service de gardes de sécurité

 

1.1       Pour la fourniture de services de gardes de sécurité non armés en uniforme à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour la surveillance et le transport des personnes détenues en conformité avec la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et aux directives de l’ASFC. Les services de garde de sécurité seront dispensés aux adresses suivantes :

 

-Agence des services frontaliers du Canada

Centre de Prévention (CPI)

200, Montée St-François

Laval, (Québec)

 

-Agence des services frontaliers du Canada

Complexe Guy Favreau (quartier de détention)

200, Boulevard René Lévesque ouest

Montréal, (Québec)

 

-Agence des services frontaliers du Canada

Investigation et renvois (quartier de détention)

1010, Saint-Antoine ouest

Montréal (Québec)

[…]

 

Le Gestionnaire de projet ou son remplaçant avisera le responsable de la firme concernant les quarts de travail qui seront établis selon les besoins de l’ASFC et ce, dans les différentes aires de détention telles le CPI, le Complexe Guy Favreau, le 1010, rue St Antoine Ouest. Les gardes de sécurité peuvent être déplacés d’un endroit à un autre selon les besoins opérationnels de l’ASFC.

 

Les services sont requis 365 jours par année, 24 heures sur 24 sauf au Complexe Guy Favreau et au 1010, rue St-Antoine Ouest, où les services ne sont requis que les jours ouvrables seulement.

 

Un minimum de 40% des effectifs de gardes de sécurité doit être de sexe féminin, et ce, sur tous les quarts de travail et à tous les lieux où les services sont dispensés.

 

1.2       Pour la fourniture de services de gardes de sécurité en uniforme, pour la conduite de véhicules et la surveillance des personnes détenues qui doivent être transportées principalement à l’intérieur de la région métropolitaine de Montréal, mais également, à l’occasion, dans les autres régions de la province de Québec, en Ontario ainsi que dans les maritimes.

 

1.3       En utilisant les véhicules de l’ASFC, fournir les services de transport pour le déplacement des prévenus et bagages, la cueillette ou la livraison des prescriptions ou de tout autre effet selon les instructions du Gestionnaire de projet ou son remplaçant.

 

1.4       Les services seront fournis en conformité avec ce document ainsi qu’avec les différentes directives émises par l’ASFC. Une copie du guide opérationnel du CPI sera remise à l’entrepreneur à l’émission du contrat. Le guide opérationnel du CPI est un document qui ne peut être remis aux soumissionnaires pour des raisons de sécurité.

 

[…]

 

[8]               Garda est une grande entreprise qui œuvre dans le secteur des services de sécurité et qui compte environ 40,000 employés repartis dans plusieurs provinces et pays. Elle embauche environ 4,000 de ses employés au Québec, et les relations du travail de la plupart de ces employés relèvent de la compétence provinciale. L’Union des agents de sécurité du Québec, section locale 8922 des Métallurgistes Unis d’Amérique (les « Métallos ») détient une accréditation en vertu du Code du travail du Québec, L.R.Q., chapitre C-27 afin de représenter les agents de sécurité de Garda salariés au sens de ce Code provincial. Une convention collective conclue sous le régime du Code du travail  du Québec s’applique d’ailleurs à ces employés, lesquels sont aussi régis par le Décret sur les agents de sécurité, c. D-2, r. 1 adopté sous la Loi sur les décrets de convention collective, L.R.Q., chapitre D-2 (le « Décret provincial »).

 

[9]               Par contre, tous les employés de Garda travaillant au Québec ne sont pas régis par le Code du travail du Québec. Le dossier révèle en effet que Garda est aussi liée par des accréditations sous le Code canadien du travail qui visent notamment ses employés chargés de la fouille à l’aéroport de Montréal-Trudeau, qui ne sont donc pas régis par le Décret provincial, qui ont une convention collective distincte, et dont le salaire est plus élevé que celui prévu par le Décret provincial (voir la décision initiale au paragraphe 41). De même, les Métallos détiennent aussi diverses accréditations sous le Code canadien du travail visant des employés affectés à la sécurité d’aéroports (voir la décision initiale au paragraphe 57).

 

[10]           Pour faire suite au contrat visant les services fournis au Centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal, Garda a embauché plusieurs des anciens commissionnaires qui y effectuaient le travail. Garda y a aussi assigné plusieurs autres membres de son personnel de sécurité. Garda rémunère tous les gardes de sécurité œuvrant sous ce contrat selon le Décret provincial.

 

[11]           Quelques mois après le début du contrat, soit le 22 février 2008, la CSN soumettait une demande d’accréditation en vertu du Code canadien du travail visant une unité de négociation comprenant les gardes de sécurité de Garda affectés à l’ASFC au Québec. Cette demande fut contestée tant par Garda que par les Métallos sous trois volets : 1) la compétence du Conseil, 2) la description de l’unité proposée, et 3) le non-respect des délais prescrits par le Code canadien du travail pour soumettre une demande d’accréditation.

 

La décision initiale

[12]           Me Claude Roy, vice-président du Conseil et siégeant seul, rendait la décision initiale datée du 28 octobre 2009 rejetant la demande d’accréditation de la CSN.

 

[13]           Durant l’audition devant le Conseil, Garda et la CSN se sont entendus sur la description de l’unité de négociation, laquelle vise les gardes de sécurité au service de Garda et affectés à l’ASFC au Centre de prévention de l’immigration. Le litige devant le Conseil soulevait donc principalement sa compétence et, de façon accessoire, le non-respect des délais.

 

[14]           La preuve devant le Conseil démontre que les gardes de sécurité assignés au Centre de prévention de l’immigration s’occupent principalement du transport, de la surveillance et de la détention des étrangers en situation irrégulière et en attente de décision de l’ASFC. À ces fins, ils peuvent menotter, fouiller et détenir les étrangers en cause, mais ils agissent sous les ordres et les instructions des agents de l’ASFC, lesquels sont les seuls à détenir les pouvoirs d’enquête, d’arrestation et de détention. Ces gardes de sécurité doivent obtenir une cote de sécurité auprès de la Gendarmerie Royale du Canada et certains d’entre eux doivent obtenir une passe aéroportuaire pour accéder aux zones contrôlées de l’aéroport Montréal-Trudeau. Ces gardes doivent également suivre et respecter le guide des procédures opérationnelles de l’ASFC.

 

[15]           Après une revue de la jurisprudence et des principes applicables, le Conseil énonce que la question principale devant lui est celle de « déterminer si les activités de Garda constituent une partie essentielle de l’exploitation du CPI [Centre de prévention de l’immigration] par l’ASFC, c'est-à-dire si ces activités sont intimement liées à cette entreprise fédérale et si le travail des agents de sécurité fait partie intégrante de l’activité fédérale en question » (décision initiale au paragraphe 115). S’appuyant sur certains éléments de preuve, le Conseil conclut que ces activités ne sont pas essentielles à l’ASFC :

[124] Le témoignage de Mme Marilyne Paradis, chef des opérations de l'ASFC au CPI, a clairement démontré que l'immeuble du CPI sert à héberger des personnes non violentes et que le Centre a comme objectif de garder réunis les membres d'une même famille. Les personnes violentes sont transférées au Centre de détention de Rivière-des-Prairies et ce sont toujours les agents de l'ASFC qui prennent les décisions à cet effet.

 

[125] Ce témoin a précisé que le CPI est un centre d'hébergement à sécurité moyenne, qu'il n'est pas identifié au Service correctionnel du Canada et qu'il n'est pas exploité selon les directives de cet organisme. Les agents de sécurité de Garda n'ont aucun pouvoir pour ce qui est de décider de la détention des prévenus ou d'enquêter, d'arrêter, d'interroger ou de libérer une personne. Ils n'ont pas accès aux dossiers des personnes détenues et n'ont pas à les identifier. De plus, Mme Paradis a clairement indiqué que les agents ne font pas de transport interprovincial, bien que cette tâche soit prévue dans le contrat.

 

[126] Le Conseil doit décider de la demande d'accréditation en fonction de l'analyse des activités de Garda au CPI. À la lumière de cette analyse, le Conseil conclut qu'elles ne sont pas dissociables de ses autres activités de gardiennage et de transport. Bien qu'elles soient nécessaires, elles ne sont pas vitales ou essentielles à l'entreprise fédérale. Il ne s'agit pas d'activités de sécurité essentielles, comme c'est le cas dans un aéroport, et aucune autre preuve qu'il puisse s'agir d'une première ligne de sécurité n'a été présentée au Conseil.

 

[16]           Le Conseil conclut également à l’irrecevabilité de la demande d’accréditation au motif qu’elle ne respecte pas les délais prescrits à l’alinéa 24(2)d) du Code canadien du travail.

 

La décision en réexamen- la majorité

[17]           La CSN s’est prévalue de l’article 18 du Code canadien du travail qui permet au Conseil de réexaminer, annuler ou modifier ses décisions. La demande de réexamen fut entendue et décidée par un banc de trois membres du Conseil. Deux de ces membres (Mes Louise Fecteau et William G. McMurray) ont rejeté cette demande, tandis qu’un membre dissident (Me Graham J Clarke) aurait plutôt conclu que le Conseil avait compétence.

 

[18]           La majorité du banc de réexamen a donc conclu que le Conseil avait eu raison de décliner compétence. À cet égard, cette majorité a distingué la jurisprudence antérieure du Conseil concernant les services de sécurité dans les aéroports au motif que les circonstances de Garda sont différentes : décision en réexamen aux paragraphes 44 à 47 et 50 à 58.

 

[19]           Pour la majorité du banc de réexamen, les services fournis par Garda à l’ASFC sont indissociables des autres services fournis par cette entreprise à ses autres clients (décision en réexamen au paragraphe 49) :

[49] […] Les éléments de preuve que le Conseil a examinés n’ont pas démontré que le contrat en vertu duquel Garda fournissait des services de sécurité au CPI était dissociable de ses autres contrats, en vertu desquels elle fournit des services d’agents de sécurité. La preuve montre que l’affectation des employés de Garda au CPI n’est pas exclusive; Garda fournit des services de sécurité et de transport à plusieurs entreprises au Québec et peut affecter ses agents de sécurité à d’autres entreprises afin de leur permettre de compléter leurs heures de travail hebdomadaires. De plus, les agents ne reçoivent pas de formation spécialisée lorsqu’ils sont affectés au CPI. La preuve montre aussi que les activités de prise en charge et de transport des prévenus, de menottage, de fouille et de détention s’effectuent sous l’autorité d’un agent de l’ASFC, et que les agents de Garda n’ont donc aucun pouvoir décisionnel à cet égard. Les services de sécurité de base fournis par Garda à ses autres clients comprennent le travail de garde, de surveillance, de sécurité ou de protection des personnes, des biens ou de lieux. De plus, les agents de Garda procèdent à des fouilles et, lorsqu’ils ont l’autorisation de le faire, donnent des avis d’infraction. Bref, rien ne montre que les services fournis par Garda au CPI sont dissociables de ses autres activités.

 

[20]           La majorité du banc de réexamen a aussi distingué la décision de la Commission des relations du travail de l’Ontario dans Bhagat Ram Mehmi [2004] OLRB Rep. January/February 16; [2004] O.L.R.D. No. 3399 (QL) qui avait conclu que les relations du travail des gardes de sécurité au sein d’un centre de prévention de l’immigration en Ontario relevaient de la compétence fédérale. Pour la majorité du banc de réexamen, puisque les gardes du Centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal sont assignés à la surveillance de la détention de prévenus non violents, cela les distinguerait des gardes de sécurité œuvrant auprès du centre de prévention de l’immigration en Ontario (décision en réexamen au paragraphe 59) :

[…] les agents de sécurité dont il était question [dans Bhagat Ram Mehmi] accomplissaient un rôle semblable à celui d’agents des services correctionnels. Le Centre de détention en question servait à détenir des personnes qui avaient violé la LIPR et qui, en conséquence, avaient été arrêtées ou étaient détenues par Immigration Canada parce qu’il y avait des raisons de croire qu’elles ne comparaîtraient pas ou même qu’elles constituaient un danger pour le public. Or, selon la preuve présentée dans la présente affaire, les gardiens de sécurité travaillent dans un immeuble situé à Laval, Québec, qui sert à héberger des personnes prévenues non violentes et aux fins de garder réunis les membres d’une même famille, ce qui exige des mesures de sécurité moins rigoureuses que celles décrites ci-haut dans l’arrêt Bhagat Ram Mehmi, précité.

 

[21]           Par contre, la majorité du banc de réexamen conclut que le Conseil avait commis une erreur de droit sur la question des délais pour soumettre la demande d’accréditation. La majorité du banc de réexamen aurait donc accueilli la partie de la demande de réexamen portant sur cette question si le Conseil avait eu compétence sur la demande.

 

La décision en réexamen - la dissidence

[22]           Le vice-président du Conseil, Me Graham G. Clarke, conclut au contraire que le Conseil a compétence sur l’affaire.

 

[23]           Il explique dans un premier temps que plusieurs des facteurs considérés dans la décision initiale du Conseil ne sont pas pertinents à l’analyse constitutionnelle, dont notamment la portée du Décret provincial, le recrutement et la mobilité du personnel, la durée du contrat de Garda et le fait que les gardes de sécurité n’exercent pas les mêmes pouvoirs que les agents de l’ASFC (aux paragraphes 103 à 110 et 114 de la décision en réexamen).

 

[24]           Pour le membre dissident, la facilité de recrutement et le taux de roulement du personnel n’ont jamais été des éléments à prendre en compte dans une décision d’ordre constitutionnel, peu importe leur importance dans l’exploitation de l’entreprise. De plus, quoique Garda ait signé un contrat à durée déterminée, ce fait n’a pas d’incidence sur l’analyse constitutionnelle puisque l’ASFC a toujours recours à des agences de sécurité pour les services en cause qui demeurent les mêmes au cours des années peu importe l’entrepreneur en cause. De même, l’existence du Décret provincial qui régit les gardes de sécurité de compétence provinciale n’est pas un élément pertinent pour décider si des gardes relèvent de la compétence fédérale puisque la question en cause est justement celle de déterminer si ce Décret provincial s’applique constitutionnellement. Finalement, le membre dissident constate que la décision initiale n’explique pas en quoi le fait que les gardes de sécurité n’exercent pas les mêmes pouvoirs que les agents de l’ASFC aurait une incidence sur la question de la compétence constitutionnelle.

 

[25]           Faisant suite à ces constats, et après un examen attentif des faits en cause, le membre dissident conclut que les gardes de sécurité font bien plus que la simple surveillance d’un immeuble, mais assurent plutôt la détention d’étrangers arrêtés par l’ASFC en vertu d’une loi fédérale. Le membre dissident est donc d’avis que les fonctions des gardes de sécurité de Garda sont essentielles et vitales au déroulement des activités du Centre de prévention de l’immigration :

[115]    Les faits présentés dans la décision [initiale] démontrent que les services fournis par Garda à l’ASFC, par l’entremise de ses agents de sécurité, font partie intégrante du CPI. Les agents de sécurité ne font pas que fournir des services de sécurité générale d’immeuble au CPI. Leurs fonctions en matière de sécurité sont explicitement liées à la manière dont le CPI s’acquitte de son mandat relatif aux prévenus dont il a la garde et la surveillance.

 

[116]    La notion même de « prévenu » englobe le fait que celui-ci n’est pas libre de ses allées et venues. Le contrat prévoit que les agents de sécurité personnifieront la coercition inhérente aux activités quotidiennes dans un CPI.

 

[117]    Dans le cadre de ce rôle, les agents de sécurité transportent des prévenus à différents endroits. À l’occasion, ils menottent des prévenus. Ils les fouillent et les mettent en cellule. Le travail est effectué dans une installation à sécurité moyenne et non dans un édifice public. Si un prévenu est violent, les agents de sécurité peuvent l’amener dans un centre de détention à sécurité plus élevée.

 

[118]    Les fonctions des agents de sécurité à cet égard sont vitales et essentielles au déroulement des activités quotidiennes d’un CPI. Il n’importe pas de savoir jusqu’à quel point les agents de sécurité participent aux différents aspects du système d’immigration canadien. La question porte principalement sur les fonctions qu’ils exercent dans les CPI en question.

 

[119]    En raison des activités normales et habituelles de ses agents de sécurité, une partie de l’entreprise provinciale de Garda est dissociable et devient assujettie au Code [canadien du travail].

 

[26]           Finalement, sur la question du délai de présentation de la demande d’accréditation, le membre dissident conclut que les motifs sur lesquels repose la décision initiale sont vagues. En conséquence, il retournerait cette question au banc initial afin d’en décider à nouveau.

 

La question en litige et la norme de contrôle applicable à cette question

[27]           Ni Garda ni les Métallos ne contestent la conclusion de la majorité du banc de réexamen voulant que le Conseil ait commis une erreur de droit sur la question des délais. De plus, la description de l’unité d’accréditation n’est pas en litige. En l’occurrence, la seule question devant notre Cour est celle de la compétence du Conseil de traiter de la demande d’accréditation en cause.

 

[28]           La compétence du Conseil est une question sujette à contrôle devant notre Cour en vertu du paragraphe 22(1) du Code canadien du travail et des alinéas 28(1)h) et 18.1(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

 

[29]           La question de compétence en cause requiert une analyse constitutionnelle. Cette analyse est soumise à la norme de contrôle de la décision correcte; par contre, « [l]orsqu’il est possible de traiter l’analyse constitutionnelle séparément des conclusions de fait qui la sous-tendent, il convient de faire preuve de retenue judiciaire à l’égard de ces conclusions de fait initiales » : Consolidated Fastfrate c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407 au paragraphe 26 (« Consolidated Fastfrate »); voir aussi Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 au paragraphes 58 et 59; CHC Global Operations (2008) Inc. c. Global Helicopter Pilots Association, 2010 CAF 89 au paragraphe 22; Syndicat des débardeurs du port de Québec c. Société des arrimeurs de Québec inc., 2011 CAF 17 au paragraphe 45.

 

Analyse

[30]           Pour bien comprendre la nature de la question devant notre Cour, il est utile de référer aux dispositions du Code canadien du travail qui établissent la compétence du Conseil en matière d’accréditation. La Partie I du Code canadien du travail est intitulée « Relations du travail » et son article 4 prévoit ce qui suit :

 La présente partie s’applique aux employés dans le cadre d’une entreprise fédérale et à leurs syndicats, ainsi qu’à leurs employeurs et aux organisations patronales regroupant ceux-ci.

 

 This Part applies in respect of employees who are employed on or in connection with the operation of any federal work, undertaking or business, in respect of the employers of all such employees in their relations with those employees and in respect of trade unions and employers’ organizations composed of those employees or employers.

 

[31]           La définition de l’expression « entreprises fédérales » se trouve à l’article 2 du Code canadien du travail, dont les dispositions pertinentes sont les suivantes :

 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

*                   « entreprises fédérales » Les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement, notamment :

*                   […]

i) les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales; […]

 In this Act,

*                   “federal work, undertaking or business” means any work, undertaking or business that is within the legislative authority of Parliament, including, without restricting the generality of the foregoing,

*                   […]

(i) a work, undertaking or business outside the exclusive legislative authority of the legislatures of the provinces, […]

 

[32]           Il s’agit donc de déterminer si la compétence que le Parlement a conférée au Conseil en vertu de l’article 4 du Code canadien du travail s’étend aux relations du travail des gardes de sécurité qui œuvrent au Centre de prévention de l’immigration en vertu du contrat de service entre le Gouvernement du Canada et Garda. La réponse à cette question dépend des principes régissant le partage constitutionnel des compétences en matière de relations du travail.

 


Le cadre d’analyse

[33]           Suivant le principe fondamental du partage des compétences en matière de relations du travail, les provinces ont compétence sur les industries qui relèvent de la compétence législative provinciale et le gouvernement fédéral a compétence sur celles qui relèvent de la compétence législative fédérale. Étant donné que la compétence provinciale sur la « propriété et les droits civils » sous le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 s’étend aux relations du travail, la compétence provinciale est la norme, et le Parlement ne peut faire valoir une compétence sur les relations du travail que s’il est établi que cette compétence fait partie intégrante de sa compétence principale sur un autre sujet : Consolidated Fastfrate aux paragraphes 27 et 28.

 

[34]           Les relations du travail d’une entreprise ne relèveront donc du Code canadien du travail que si l’entreprise en question constitue en soi une entreprise de compétence fédérale ou si ses activités qui relèvent a priori de la compétence provinciale font néanmoins partie intégrante d’une entreprise fédérale : Consolidated Fastfrate au paragraphe 28.

 

[35]           À ces égards, le juge Dickson a résumé comme suit les principes applicables et la méthode d’analyse appropriée dans Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1980] 1 R.C.S. 115 (« Northern Telecom ») aux pages 132-133 :

(1) Les relations de travail comme telles et les termes d’un contrat de travail ne relèvent pas de la compétence du Parlement; les provinces ont une compétence exclusive dans ce domaine.

(2) Cependant, par dérogation à ce principe, le Parlement peut faire valoir une compétence exclusive dans ces domaines s’il est établi que cette compétence est partie intégrante de sa compétence principale sur un autre sujet.

(3) La compétence principale du fédéral sur un sujet donné peut empêcher l’application des lois provinciales relatives aux relations de travail et aux conditions de travail, mais uniquement s’il est démontré que la compétence du fédéral sur ces matières fait intégralement partie de cette compétence fédérale.

(4) Ainsi, la réglementation des salaires que doit verser une entreprise, un service ou une affaire et la réglementation de ses relations de travail, toutes choses qui sont étroitement liées à l’exploitation d’une entreprise, d’un service ou d’une affaire, ne relèvent plus de la compétence provinciale et ne sont plus assujetties aux lois provinciales s’il s’agit d’une entreprise, d’un service ou d’une affaire fédérale.

(5) La question de savoir si une entreprise, un service ou une affaire relève de la compétence fédérale dépend de la nature de l’exploitation.

(6) Pour déterminer la nature de l’exploitation, il faut considérer les activités normales ou habituelles de l’affaire en tant qu’ « entreprise active », sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels; autrement, la Constitution ne pourrait être appliquée de façon continue et régulière.

 

Une décision récente du Labour Relations Board de la Colombie-Britannique, Arrow Transfer Co. Ltd. [[1974] 1 Can. L.R.B.R. 29], expose la méthode retenue par les cours pour déterminer la compétence constitutionnelle en matière de relations de travail. Premièrement, il faut examiner l’exploitation principale de l’entreprise fédérale. On étudie ensuite l’exploitation accessoire pour laquelle les employés en question travaillent. En dernier lieu on parvient à une conclusion sur le lien entre cette exploitation et la principale entreprise fédérale, ce lien nécessaire étant indifféremment qualifié « fondamental », « essentiel » ou « vital ». Comme l’a déclaré le président de la Commission, aux pp. 34 et 35;

[TRADUCTION] Dans chaque cas la décision est un jugement à la fois fonctionnel et pratique sur le caractère véritable de l’entreprise active et il ne dépend pas des subtilités juridiques de la structure de la société en cause ou des relations de travail.

En l’espèce, il faut d’abord se demander s’il existe une entreprise fédérale principale et en étudier la portée. Puis, il faut étudier l’exploitation accessoire concernée, c.-à-d. le service d’installation de Telecom, les « activités normales ou habituelles » de ce service en tant qu’« entreprise active » et le lien pratique et fonctionnel entre ces activités et l’entreprise fédérale principale.

 

[Je souligne]

 

[36]           Dans cet arrêt, le juge Dickson a aussi identifié (à la page 135) certains facteurs utiles aux fins de décider si une entreprise qui fournit des services ou de l’équipement à une entreprise fédérale fait partie intégrante de cette dernière :

a.       la nature générale de l’exploitation du fournisseur de services en tant qu’entreprise active et, en particulier, le rôle des services fournis dans l’exploitation de l’entreprise;

b.      la nature du lien entre le fournisseur de services et les autres sociétés avec lesquelles elle fait affaire, notamment l’entreprise fédérale en cause;

c.       l’importance du travail effectué pour l’entreprise fédérale en cause, en comparaison avec les autres clients du fournisseur de services;

d.      le lien matériel et opérationnel entre les services fournis et l’entreprise fédérale en cause et, en particulier, l’importance de ces services par rapport à l’exploitation et au fonctionnement de l’entreprise fédérale dans son ensemble.

 

[37]           Les principes et les facteurs énoncés dans Northern Telecom ne sont pas censés être appliqués d’une manière stricte ou rigide, mais plutôt d’une manière souple en tenant compte des faits particuliers à chaque dossier : Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112 aux pages 1139-40.

 

[38]           Je me propose donc dans un premier temps d’examiner l’exploitation fédérale en cause, pour ensuite examiner les services fournis par Garda, afin de finalement parvenir à une conclusion sur l’existence ou non d’un lien « fondamental », « essentiel » ou « vital » entre l’exploitation de l’entreprise fédérale en cause et ces services.

 

L’exploitation de l’entreprise fédérale en cause

[39]           Le Centre de prévention de l’immigration est un centre de détention du Gouvernement du Canada dont la gestion est assurée par une agence fédérale, soit l’ASFC. Il s’agit donc d’une « entreprise fédérale » faisant partie intégrante du gouvernement fédéral. La responsabilité constitutionnelle de ce centre relève du Parlement sous son pouvoir de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement en vertu du paragraphe introductif de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, sous son autorité législative exclusive sur la naturalisation et les aubains (les étrangers) en vertu du paragraphe 91(25) de cette loi constitutionnelle, et sous son pouvoir de faire des lois relatives à l’immigration en vertu de l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

[40]           L’alinéa 4(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit d’ailleurs que c’est le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile qui est chargé de l’application des mesures d’exécution prises sous cette loi, notamment l’arrestation, la détention et le renvoi. Les principaux pouvoirs d’arrestation et de détention sont énoncés à l’article 55 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et une détention en vertu de cet article est sujette au contrôle de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié sous les articles 54, 57 et 58 de cette loi :

 La Section de l’immigration est la section de la Commission chargée du contrôle visé à la présente section.

55. (1) L’agent peut lancer un mandat pour l’arrestation et la détention du résident permanent ou de l’étranger dont il a des motifs raisonnables de croire qu’il est interdit de territoire et qu’il constitue un danger pour la sécurité publique ou se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi.

(2) L’agent peut, sans mandat, arrêter et détenir l’étranger qui n’est pas une personne protégée dans les cas suivants :

a) il a des motifs raisonnables de croire que celui-ci est interdit de territoire et constitue un danger pour la sécurité publique ou se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

b) l’identité de celui-ci ne lui a pas été prouvée dans le cadre d’une procédure prévue par la présente loi.

(3) L’agent peut détenir le résident permanent ou l’étranger, à son entrée au Canada, dans les cas suivants :

a) il l’estime nécessaire afin que soit complété le contrôle;

b) il a des motifs raisonnables de soupçonner que celui-ci est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux.

 

 

(4) L’agent avise sans délai la section de la mise en détention d’un résident permanent ou d’un étranger.

 

 (1) La section contrôle les motifs justifiant le maintien en détention dans les quarante-huit heures suivant le début de celle-ci, ou dans les meilleurs délais par la suite.

 

(2) Par la suite, il y a un nouveau contrôle de ces motifs au moins une fois dans les sept jours suivant le premier contrôle, puis au moins tous les trente jours suivant le contrôle précédent.

 

(3) L’agent amène le résident permanent ou l’étranger devant la section ou au lieu précisé par celle-ci.

 

 (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux;

d) dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger n’a pas été prouvée mais peut l’être, soit l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger.

(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l’étranger sur preuve qu’il fait l’objet d’un contrôle, d’une enquête ou d’une mesure de renvoi et soit qu’il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu’il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi.

(3) Lorsqu’elle ordonne la mise en liberté d’un résident permanent ou d’un étranger, la section peut imposer les conditions qu’elle estime nécessaires, notamment la remise d’une garantie d’exécution.

 The Immigration Division is the competent Division of the Board with respect to the review of reasons for detention under this Division.

 (1) An officer may issue a warrant for the arrest and detention of a permanent resident or a foreign national who the officer has reasonable grounds to believe is inadmissible and is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.

 (2) An officer may, without a warrant, arrest and detain a foreign national, other than a protected person,

(a) who the officer has reasonable grounds to believe is inadmissible and is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2); or

(b) if the officer is not satisfied of the identity of the foreign national in the course of any procedure under this Act.

(3) A permanent resident or a foreign national may, on entry into Canada, be detained if an officer

(a) considers it necessary to do so in order for the examination to be completed; or

(b) has reasonable grounds to suspect that the permanent resident or the foreign national is inadmissible on grounds of security or for violating human or international rights.

 (4) If a permanent resident or a foreign national is taken into detention, an officer shall without delay give notice to the Immigration Division.

 (1) Within 48 hours after a permanent resident or a foreign national is taken into detention, or without delay afterward, the Immigration Division must review the reasons for the continued detention.

(2) At least once during the seven days following the review under subsection (1), and at least once during each 30-day period following each previous review, the Immigration Division must review the reasons for the continued detention.

(3) In a review under subsection (1) or (2), an officer shall bring the permanent resident or the foreign national before the Immigration Division or to a place specified by it.

 

 (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

(a) they are a danger to the public;

 

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

(c) the Minister is taking necessary steps to inquire into a reasonable suspicion that they are inadmissible on grounds of security or for violating human or international rights; or

(d) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national has not been, but may be, established and they have not reasonably cooperated with the Minister by providing relevant information for the purpose of establishing their identity or the Minister is making reasonable efforts to establish their identity.

(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.

(3) If the Immigration Division orders the release of a permanent resident or a foreign national, it may impose any conditions that it considers necessary, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions.

 

[41]           L’article 142 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit que les responsables immédiats d’un poste d’attente doivent, sur l’ordre d’un agent, exécuter les mesures prises au titre de cette loi en vue de l’arrestation, de la garde ou du renvoi. L’article 143 ajoute que les mesures de mise en détention confèrent à leur destinataire ou à leur exécutant le pouvoir d’arrêter et de détenir la personne qui y est visée :

 Les agents de la paix et les responsables immédiats d’un poste d’attente doivent, sur ordre de l’agent, exécuter les mesures — mandats et autres décisions écrites — prises au titre de la présente loi — en vue de l’arrestation, de la garde ou du renvoi.

 

 Par dérogation à toute autre règle de droit, les mandats ou mesures de mise en détention pris en vertu de la présente loi confèrent à leur destinataire ou à leur exécutant le pouvoir d’arrêter et de détenir la personne qui y est visée.

 Every peace officer and every person in immediate charge or control of an immigrant station shall, when so directed by an officer, execute any warrant or written order issued under this Act for the arrest, detention or removal from Canada of any permanent resident or foreign national.

 

 A warrant issued or an order to detain made under this Act is, notwithstanding any other law, sufficient authority to the person to whom it is addressed or who may receive and execute it to arrest and detain the person with respect to whom the warrant or order was issued or made.

 

[42]           Finalement, l’alinéa 124(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit que quiconque échappe ou tente d’échapper à sa détention en vertu de cette loi commet une infraction :

124. (1) Commet une infraction quiconque :

[...]

b) échappe ou tente d’échapper à sa détention;

[...]

 (1) Every person commits an offence who […]

(b) escapes or attempts to escape from lawful custody or detention under this Act;

[…]

[43]           La détention d’étrangers dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés s’effectue soit dans un établissement correctionnel provincial ou soit dans des centres de détention à sécurité minimale gérés par l’ASFC  à Montréal, Toronto et Vancouver: voir Pièce R-3 à l’affidavit de M. Bruno Héroux à la p. 111 du dossier d’appel.

 

[44]           Ainsi, des étrangers ne sont détenus dans ces centres que si l’officier responsable de l’ASFC a des motifs raisonnables de croire que a) ceux-ci constituent un danger pour la sécurité publique, b) qu’ils se soustrairont vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, c) qu’ils sont interdits de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, ou d) qu’ils n’ont pas raisonnablement coopéré en fournissant des informations utiles pour établir leurs identités. Pour prolonger la détention de tels étrangers plus de 48 heures, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié doit aussi, après enquête, être du même avis que l’agent de l’ASFC.

 

[45]           Le but manifeste de ces centres de détention à sécurité minimale gérés par l’ASFC est d’éviter que les étrangers détenus en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés puissent s’échapper de l’administration fédérale. On ne peut douter que ces centres de détention soient des composantes fondamentales, essentielles et vitales du système canadien d’immigration et du contrôle des frontières du Canada.


Les services fournis par Garda

[46]           Tant les dispositions du contrat liant le Gouvernement du Canada et Garda que la preuve recueillie devant le Conseil démontrent sans ambiguïté que les gardiens de sécurité en cause prennent en charge les étrangers dont la détention est ordonnée par les agents de l’ASFC sous la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Ces gardes de sécurité menottent, transportent et escortent ces étrangers de leur point d’arrestation au centre de détention géré par l’ASFC dans la région de Montréal, et ils assurent la détention de ces étrangers au sein de ce centre. De plus, ces gardes de sécurité transportent, menottent et escortent les étrangers ainsi détenus dans la région de Montréal aux fins de faciliter les enquêtes, les auditions ou les mesures de renvoi sous la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[47]           Les gardes de sécurité de Garda doivent rencontrer les exigences de sécurité de la GRC, et certains d’entre eux doivent détenir un laissez-passer pour les zones sécuritaires de l’aéroport Montréal-Trudeau. Ils doivent tous exécuter leurs tâches sous les ordres des agents de l’ASFC et respecter les politiques ministérielles fédérales et les directives administratives de l’ASFC concernant la détention.

 

[48]           Leur fonction principale est d’assurer la surveillance des étrangers ainsi détenus afin d’éviter qu’ils s’échappent et se soustraient aux mesures de détention imposées contre eux en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il n’est d’ailleurs pas contesté que les services de sécurité des quelques 125 gardes fournis par Garda dans la région de Montréal assurent la détention effective des étrangers en cause au sein du Centre de prévention de l’immigration.

Le lien « fondamental », « essentiel » ou « vital » entre l’exploitation fédérale en cause et les services fournis par Garda.

 

[49]           Les faits de cette affaire ne sont pas contestés. Ce sont plutôt les conclusions divergentes tirées de ces faits quant au caractère fondamental, essentiel ou vital des services fournis par Garda pour l’entreprise fédérale en cause qui sont en litige.

 

[50]           Le Conseil fait principalement état des facteurs suivants afin de conclure que les services fournis par Garda ne sont pas une composante fondamentale, essentielle ou vitale de l’exploitation par l’ASFC du Centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal (voir les paragraphes 124, 125 et 126 de la décision initiale et les paragraphes 49 et 59 de la décision en réexamen; ces paragraphes sont reproduits plus haut) :

a.       les détenus en cause ne sont pas violents et ne relèvent pas des services correctionnels du Canada;

b.      les gardes de sécurité en cause n’ont aucun pouvoir d’arrestation et ne décident pas eux-mêmes de la détention des étrangers;

c.       les services en cause ne sont pas dissociables des autres services fournis par Garda à ses autres clients; et

d.      les gardes de sécurité peuvent à l’occasion être assignés à d’autres contrats de Garda.

Analysons ces facteurs tour à tour.

 

[51]           Le fait que le Centre de prévention de l’immigration assure la détention d’étrangers qui ne sont pas violents et qui ne relèvent pas des Services correctionnels du Canada n’est pas pertinent à l’analyse du caractère fondamental, essentiel ou vital des services en cause. Les détentions en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ne visent généralement pas des étrangers violents, mais plutôt des étrangers qui présentent un risque de fuite afin de se soustraire à un contrôle, à une enquête ou à un renvoi du Canada, en exécution de cette loi. Quoique certains étrangers puissent être détenus parce qu’ils présentent une menace pour la sécurité publique, cela n’est certainement pas la norme de détention habituelle en vertu de Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[52]           Les étrangers dont la détention est ordonnée par l’ASFC et contrôlée par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ne sont pas, pour la plupart, des individus violents, mais plutôt des individus qui présentent un risque de fuite. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ne vise pas à punir ces individus, mais plutôt à les placer en garde à vue en attente de l’issue des procédures relatives à l’immigration les concernant. Il s’agit d’une détention préventive et non punitive. Les services des gardes fournis par Garda au sein du Centre de prévention de l’immigration visent donc principalement à assurer que les étrangers qui présentent un risque de fuite ne puissent s’échapper au contrôle des autorités fédérales responsables des services d’immigration.

 

[53]           En confondant la détention punitive et la détention préventive, le Conseil a négligé de tenir compte de la raison d’être fondamentale du Centre de prévention de l’immigration et du rôle vital et essentiel qu’y jouent les gardes de sécurité, sans qui la détention préventive en vertu de cette loi serait impossible au sein dudit centre.

 

[54]           De plus, le fait que les gardes de sécurité ne décident pas de la détention des étrangers en cause n’est pas non plus un facteur pertinent à l’analyse constitutionnelle. Ultimement, c’est la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui contrôle la détention d’étrangers en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le fait qu’un agent de l’ASFC et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié décident de la détention d’un individu plutôt que les gardes de sécurité n’est pas pertinent à l’analyse du rôle vital et essentiel que jouent ces derniers dans la mise en ouvre de la décision de détention. La question à traiter est plutôt celle de savoir si les mesures de détention en vertu de cette loi seraient effectives au sein du Centre de prévention de l’immigration sans les services des quelques 125 gardes de sécurité qui y travaillent. Le dossier démontre sans ambiguïté que les détentions ordonnées en vertu de cette loi ne pourraient être maintenues efficacement au sein dudit centre sans les services des gardes de sécurité en cause.

 

[55]           La conclusion du Conseil voulant que les services fournis par Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration ne sont pas dissociables des services fournis auprès de ses autres clients ne résiste pas non plus à une analyse rigoureuse. Cette conclusion résulte d’une détermination erronée concernant la détention et du rôle de l’État dans la détention.

 

[56]           Quoiqu’il n’y ait aucune raison de douter que les « services de sécurité de base fournis par Garda à ses autres clients comprennent le travail de garde, de surveillance, de sécurité ou de protection des personnes, des biens ou des lieux » comme le souligne la majorité du banc de réexamen au paragraphe 49 de sa décision, aucune preuve au dossier ne démontre que les autres clients de Garda retiennent les services de cette société afin d’assurer la détention d’individus au sein d’un centre de détention. En effet, l’État détient le monopole de la contrainte, et seul l’État (agissant au Canada dans sa composante fédérale ou dans ses composantes provinciales) peut détenir par la force un individu et gérer un centre de détention à cette fin. Il s’agit là d’une fonction rattachée à la conception même de l’État moderne et sans laquelle notre société contemporaine ne pourrait fonctionner.

 

[57]           Ainsi, il ne s’agit pas de surveiller l’accès du public à un édifice, ni d’examiner l’identité d’invités, ni de surveiller des immeubles afin d’y prévenir des vols ou d’autres méfaits. Les services de Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration visent plutôt à assurer la détention des étrangers en vertu d’une législation du Parlement. Aucun autre client de Garda ne peut exploiter un centre de détention ni contracter avec Garda pour assurer la détention d’individus. Il est donc inexact de soutenir que les services de Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration sont similaires à ceux fournis aux autres clients de cette société. Assurer la détention d’individus est une fonction profondément distincte et différente des autres fonctions exercées auprès des autres clients de Garda, et cette fonction très particulière de détention est d’ailleurs régie par des directives, des normes et des politiques gouvernementales fédérales auxquelles l’ensemble des gardes de sécurité en cause sont tenus de se conformer.

 

[58]           Quant à la mobilité limitée du personnel et la durée déterminée du contrat de Garda, il s’agit là encore de facteurs peu pertinents.

 

[59]           En effet, le contrat entre le Gouvernement du Canada et Garda requiert explicitement une stabilité de personnel. À cet égard, les articles 7 et 8 du contrat sont clairs (Pièce R-4 à l’affidavit de M. Bruno Héroux à la p. 172 du dossier du demandeur) :

7. Cohérence des affectations. L’entrepreneur devrait essayer, dans la mesure du possible, d’assigner les mêmes gardes de sécurité à plein temps au même lieu et quart de travail et tenter de limiter la prestation des services de ceux-ci à ce contrat. Il s’agit ainsi d’assurer une main-d’œuvre qui soit familière avec le lieu de travail et d’éviter le plus possible de former et d’initier le garde à de nouveaux besoins locaux.

 

Dans le cadre de certaines fonctions préalablement établies dans les directives écrites du gestionnaire de projet et afin de maximiser la qualité du travail, d’assurer la continuité et la qualité du service, l’entrepreneur devrait réduire au minimum le roulement de son personnel. Tout ceci dans le but d’obtenir une utilisation adéquate maximale des équipements qui sont fournis aux gardes de sécurité.

 

8. Roulement. L’entrepreneur s’assurera que la méthode d’embauche et les normes de sélection des gardes lui permettent de rassembler un personnel fiable et stable.

 

[60]           Garda doit donc fournir un service continuel à l’ASFC, 24 heures sur 24 et 365 jours par année, avec un personnel fiable et stable assigné dans la mesure du possible à temps plein. Quoique certains des gardes puissent à l’occasion être assignés à d’autres contrats, il ne s’agit certainement pas là de l’objectif de l’offre de services auprès de l’ASFC.

 

[61]           Quant à la durée du contrat de service, je note que plusieurs des contrats de service des entreprises fédérales sont à durée déterminée, ce qui n’empêche pas de qualifier les services fournis en vertu d’un tel contrat comme formant une composante essentielle, vitale ou fondamentale de l’entreprise fédérale en cause. En décider autrement mènerait à traiter de la question constitutionnelle en fonction de la durée d’un contrat plutôt qu’en fonction de la portée essentielle, vitale ou fondamentale des services fournis.

 

[62]           Les services de Garda au sein du Centre de prévention de l’immigration peuvent aisément être dissociés des autres activités de cette société, la preuve devant le Conseil ne révélant aucun impératif au contraire. Garda est en effet une entreprise multinationale qui gère de nombreux contrats de service dans plusieurs provinces et pays. Au sein même de la région de Montréal, Garda gère des employés soumis tant à des accréditations émises en vertu du Code canadien du travail qu’en vertu du Code du travail du Québec.

 

[63]           À la lumière de l’ensemble du dossier et des principes applicables d’analyse constitutionnelle, je ne puis que conclure que les services des gardes de sécurité de Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration sont une partie essentielle, vitale ou fondamentale de l’exploitation de ce centre.

 

[64]           Cette conclusion est d’ailleurs conforme à la jurisprudence du Conseil dans des dossiers analogues, et elle reprend aussi la conclusion du Conseil des relations du travail de l’Ontario dans l’affaire Bhaghat Ram Mehmi concernant un centre de prévention de l’immigration en Ontario.

 

[65]           Ainsi, dans l’affaire Securiguard Services Limited, [2005] CCRI 342, le Conseil accréditait un syndicat en vertu du Code canadien du travail afin de représenter un groupe d’employés fournissant des services de sécurité périphérique à l’aéroport international de Vancouver.

 

[66]           L’Administration de l’aéroport international de Vancouver n’engage pas ses propres employés pour appliquer le volet sûreté des règlements fédéraux applicables, mais confie plutôt cette responsabilité à des fournisseurs de services spécialisés dans le cadre d’un processus d’appel d’offres. Un des volets de la sûreté de l’aéroport est la sécurité périphérique. Il s’agit du contrôle des zones règlementées dont l’accès est interdit au grand public. Ce volet est assuré par des employés de Securiguard et englobe le contrôle et le suivi des laissez-passer de zone réglementée, la surveillance par caméra, l’escorte des dignitaires, la vérification ou la surveillance aux points d’accès et d’entrée des employés de l’aéroport, du personnel naviguant et des employés des fournisseurs de service, ainsi que la circulation des véhicules sur les terrains, les aires de trafic et les pistes de l’aéroport.

 

[67]           Dans Securiguard Services Limited, le Conseil a constaté que ces activités de sécurité étaient conçues en fonction de la Loi sur l’aéronautique, L.R.C. 1985, ch. A-2 et étaient ainsi différentes de celles exercées auprès des autres clients de Securiguard. Ces activités pouvaient donc être raisonnablement dissociées. Étant donné que ces activités étaient essentielles afin d’assurer la sécurité de l’aéroport, elles tombaient sous la compétence fédérale :

[28]    Les employés de Securiguard sont affectés en permanence à la prestation de services à l'aéroport et sont formés expressément pour accomplir ces tâches. Ils appliquent, pour le compte d'une entreprise fédérale, des mesures de sûreté conçues en conformité avec les annexes de la Loi sur l'aéronautique, une loi fédérale. Ils doivent obtenir des laissez-passer de zone réglementée valides délivrés par Transports Canada exclusivement pour l'aéroport de Vancouver. Par ailleurs, tous ceux qui sont employés comme gardien de sécurité dans la province doivent être certifiés en vertu de la Private Investigators Act and Security Agencies Act (R.S.B.C., 1996, c. 374) de la Colombie-Britannique, mais cela ne détermine pas si les employés sont assujettis au code du travail provincial. De même, les services contractuels fournis par Securiguard à l'aéroport international de Vancouver sont différents de ceux prévus dans les contrats conclus avec d'autres clients.

[…]

 

[34]    À la lumière de ces réponses, le Conseil est d'avis que les services de Securiguard à l'aéroport sont suffisamment liés aux activités de l'Administration de l'aéroport pour être dissociables de ses contrats de services courants. Rien n'indique que le personnel d'entretien, les libraires, les marchands, les restaurateurs et les autres fournisseurs de services sont pareillement tenus de se conformer à la Loi sur l'aéronautique ou que leurs activités sont essentielles à l'exploitation de l'aéroport.

 

[35]     Ainsi donc, le Conseil considère que le travail accompli par les employés de Securiguard à l'aéroport est unique par rapport aux services fournis aux autres clients relevant de la compétence fédérale et distinct des services prévus dans le cadre de ses autres contrats. Le volume et la qualité du travail des employés de Securiguard sont totalement subordonnés aux normes établies par l'aéroport et aux normes de service qui s'appliquent à l'aéroport international de Vancouver.

 

[68]           Le Conseil a rendu une décision similaire à l’égard des agents de sécurité du Corps canadien des commissionnaires assurant des services similaires à l’aéroport de Halifax : Public Service Alliance of Canada v. Nova Scotia Division of Canadian Corps of Commissionaires, CIRB Letter Decision 1647.

 

[69]           De même, dans l’affaire A.S.P. Incorporated, [2006] CCRI 368, le Conseil a reconnu sa compétence à l’égard de l’accréditation d’agents de sécurité œuvrant auprès d’une agence de sécurité qui détenait des contrats avec divers clients aux fins de fournir des services de sécurité à l’aéroport de Toronto-Pearson, dont un contrat avec SkyService pour assurer la surveillance des portes d’accès à un hangar, un contrat avec TBI pour assurer le rôle de préposé à la clientèle à l’aérogare 3 de Toronto, des contrats ponctuels de sécurité avec Aecon construction et Torbear construction dans le cadre des travaux de construction de cet aérogare 3, et divers contrats avec l’autorité aéroportuaire pour les objets trouvés à l’aéroport, pour assurer la sécurité à divers points d’accès aux pistes de l’aéroport, et pour assurer la patrouille du bâtiment de l’autorité aéroportuaire.

 

[70]           Le Conseil a conclu dans cette affaire (au paragraphe 45) « [qu’]il ne fait aucun doute que les employés d’ASP [le sous-traitant en cause] s’acquittent de tâches essentielles à la sécurité de l’aéroport et que, conformément à ses obligations en vertu de la Loi sur l’aéronautique, la GTAA [l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto] ne pourrait exploiter l’aéroport s’il n’y avait pas des services de sécurité. »

 

[71]           L’analogie entre les services périphériques d’aéroports et les services fournis par les gardes de sécurité auprès du Centre de prévention de l’immigration est claire. Dans notre cas, les gardes de sécurité acquittent des tâches essentielles à la détention effective d’étrangers détenus en vertu d’une loi fédérale, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Ces tâches sont accomplies conformément aux politiques et directives de l’administration fédérale. L’ASFC ne pourrait efficacement assurer l’exploitation du Centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal sans les services des quelques 125 gardes de sécurité fournis par Garda.

 

[72]           Finalement, je note que dans l’affaire Bhagat Ram Mehni, précitée, le Conseil des relations du travail de l’Ontario concluait que la compétence fédérale s’étendait aux relations du travail des gardes de sécurité œuvrant auprès d’un centre de prévention de l’immigration situé en Ontario. Les faits de cette affaire Bhagat Ram Mehni sont pratiquement identiques à ceux du présent dossier; la majorité du banc de réexamen a bien tenté de distinguer les faits de cette affaire dans sa décision en réexamen, mais ses arguments ne sont pas convaincants à la lumière de la description des faits en cause faite par le Conseil des relations du travail de l’Ontario dans sa décision Bhagat Ram Mehni:

3.      The applicant is a security officer for the intervenor which is a company which provides security services to various other companies. The responding party (the “UFCW” or the “Union”) represents the applicant in his employment relations with the intervenor.

 

4.      Throughout the relevant period the applicant worked as a security officer for the Canada Immigration Holding Center (the “CIHC”). The CIHC is a hotel converted into a minimum security detention centre, run by the immigration authorities of the federal government. The CIHC is used to detain persons who have violated the Immigration Act and who have been arrested or detained by Citizenship and Immigration Canada (‘CIC”) because CIC has grounds to believe they will not appear for proceedings or who pose a public danger.

 

5.      There are approximately 140 security officers at the CIHC who serve in two primary functions. First, security officers are used to escort detainees to and from the CIHC and various ports of entry and immigration and hearing locations. Second, security officers act as guards within the CIHC to ensure that detainees remain in the CIHC and behave properly. In this regard security officers man posts and conduct patrols of the CIHC. In other words, they fulfill a similar role to that of correction officer in a correction institution.

 

[73]           Comme dans l’affaire Bhagat Ram Mehni, les gardes de sécurité du Centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal assurent la détention d’étrangers arrêtés en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et les services qu’ils fournissent sont essentiels à ce centre et font partie intégrante de son exploitation. La compétence fédérale sur leurs relations du travail m’apparaît évidente compte tenu des fonctions qu’ils y assurent.

 

[74]           Je note finalement que les autorités fédérales doivent être en mesure d’assurer la poursuite des activités du centre en cas de conflit de travail, que ce soit via le Conseil agissant sous l’article 87.4 du Code canadien du travail ou via le Parlement agissant en vertu d’une loi spéciale. Il serait en effet incongru que des autorités provinciales soient appelées à décider des services essentiels au sein d’un centre de détention du Gouvernement du Canada, ou puissent autrement intervenir dans la gestion des relations du travail touchant les opérations d’un tel centre.

 

Conclusions

[75]           Pour toutes ces raisons, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision en réexamen du Conseil, je retournerais le dossier au Conseil afin qu’il se prononce à nouveau sur la demande de réexamen avec instructions de l’accueillir et de traiter la demande d’accréditation de la CSN conformément au Code canadien du travail. J’adjugerais les dépens à la CSN, et j’ordonnerais à Garda et aux Métallos d’assumer lesdits dépens en parts égales.

 

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

 

 

 

 

 

« Je suis d’accord.

            Marc Noël j.c.a.»

 

« Je suis d’accord.

            Johanne Trudel j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-471-10

 

RÉVISION JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES DU 12 NOVEMBRE 2010.

 

INTITULÉ :                                                                           Syndicat des agents de sécurité Garda, Section CPI-CSN c. Corporation de sécurité Garda Canada et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 19 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE MAINVILLE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NOËL

                                                                                                LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 4 novembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Marie Pépin

POUR LE DEMANDEUR

 

Jean Martel

Stéphanie Dinel

 

 

Nicolas Charron

 

 

 

 

 

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE CORPORATION DE SÉCURITÉ GARDA CANADA

 

POUR LA DÉFENDERESSE UNION DES AGENTS DE SÉCURITÉ DUQUÉBEC – SYNDICAT DES MÉTALLOS, SECTION LOCALE 8922

 

 

 

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ouellet, Nadon & Associés

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Séguin Racine Avocats

Laval (Québec)

 

 

 

Phillion, Leblanc, Beaudry

Montréal (Québec)

 

 

 

 

Miles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE CORPORATION DE SÉCURITÉ GARDA CANADA

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

UNION DES AGENTS DE SÉCURITÉ DUQUÉBEC – SYNDICAT DES MÉTALLOS, SECTION LOCALE 8922

 

POUR LA PARTIE INTÉRESSÉE

 

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