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Date : 20110615

Dossier : A-434-10

Référence : 2011 CAF 205

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

GEORGE HAMM

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 juin 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 juin 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


Date : 20110615

Dossier : A-434-10

Référence : 2011 CAF 205

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW         

                        LA JUGE TRUDEL

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

GEORGE HAMM

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada à l’égard de la décision du juge‑arbitre Durocher dans le dossier CUB 75288 portant sur l’admissibilité du défendeur à des prestations dans le cadre du programme destiné aux travailleurs de longue date (TLD) créé en vertu de la Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et augmentant les prestations, L.C. 2009, ch. 30 (appelé couramment le « projet de loi C-50 »). La présente demande repose sur la façon dont le juge‑arbitre a interprété les paragraphes 10(6), 10(8) et 50(10) de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), dans la demande du défendeur M. Hamm visant à obtenir le statut de TLD.

 

[2]               J’accueillerais la demande pour les motifs suivants.

 

Les faits pertinents

 

[3]               Au cours de son emploi, M. Hamm a présenté une demande de prestations pour travail partagé, laquelle a été établie le 2 novembre 2008. Ce genre de prestations peut être demandé à la suite d’une entente entre les travailleurs et l’employeur, qui donne lieu à une réduction des heures de travail. Ces ententes doivent être approuvées par la Commission, qui reconnaît que dans certaines circonstances, elles sont préférables aux mises à pied. L’article 24 de la Loi, de même que les articles 42 à 49 du Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96-332 (le Règlement), portent précisément sur le travail partagé.

 

[4]               Bien entendu, les employés participant à un programme de travail partagé sont admissibles à des prestations régulières s’ils perdent leur emploi. C’est ce qui est arrivé à M. Hamm.

 

[5]               Le dossier démontre que M. Hamm recevait des prestations pour travail partagé de 87 $  en 2008. Il a ensuite perdu son emploi et a déposé une demande renouvelée de prestations le 18 février 2009. Elle a été acceptée et a pris effet le 15 février 2009 à titre de prolongement de la demande établie le 2 novembre 2008. Par conséquent, les prestations pour travail partagé du défendeur ont été converties en prestations régulières le 15 février 2009.

 

[6]               En novembre 2009, le défendeur s’est renseigné auprès de la Commission pour obtenir le statut de TLD peu après l’adoption du projet de loi C‑50, le 5 novembre 2009, lequel visait à aider les employés de longue date qui avaient perdu leur emploi à la suite de la récession à la fin des années 2000. Le projet de loi C‑50 modifiait la Loi jusqu’au 11 septembre 2010 afin d’augmenter le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations pouvaient être versées à certains prestataires.

 

[7]               La demande du défendeur a été refusée parce qu’il ne répondait pas aux critères d’admissibilité énoncés dans le projet de loi C‑50 : la période de prestations du prestataire devait être établie entre le 4 janvier 2009 et le 11 septembre 2010. La période de prestations de M. Hamm avait été établie le 2 novembre 2008. De plus, la Commission a conclu que M. Hamm n’avait donné aucun motif valable lui permettant de postdater sa demande en raison de la mise en application du projet de loi C‑50 (lettre de décision de la Commission du 17 décembre 2009, dossier du demandeur, onglet 3B, page 46).

 

[8]               Monsieur Hamm a eu gain de cause dans l’appel interjeté à l’égard de la décision de la Commission devant le conseil arbitral, dont la décision a été confirmée par le juge‑arbitre. La présente demande présentée par la Commission a suivi.

 

La décision du conseil arbitral

 

[9]               Le conseil arbitral a accueilli l’appel sur le fondement du paragraphe 10(6) de la Loi. Il était d’avis que la Commission avait mal renseigné le défendeur lorsqu’il a présenté sa demande de prestations en février 2009. La preuve du défendeur, que le conseil arbitral a estimée crédible, est résumée comme suit :

 

[traduction] […] le personnel de la Commission l’a informé que la meilleure option pour lui était de réactiver sa demande de novembre … 2008. En aucun temps durant son entretien avec la Commission le [défendeur] n’a été avisé du programme [destiné aux TLD] et de la meilleure façon pour lui de déposer ce genre de demande pour lui permettre de souscrire au programme [destiné aux TLD]. Le [défendeur] avait demandé au personnel de la Commission de lui indiquer toutes les options possibles et celle qui lui conviendrait le mieux (décision du conseil arbitral, dossier du demandeur, volume 1, onglet 3B, page 65).

 

 

[10]           Le conseil arbitral a ajouté que le personnel de la Commission [traduction] « a ignoré le [défendeur] ou ne l’a pas renseigné au sujet du programme [destiné aux TLD] et de la meilleure façon pour lui de présenter une nouvelle demande » (ibidem, page 66). En se fondant sur une décision antérieure dans le dossier CUB 13260, le conseil arbitral a conclu ce qui suit :

 

[traduction] […] dans les cas où la Commission ne renseigne pas le prestataire au sujet des options qui lui sont offertes (c.‑à‑d. l’annulation) lorsqu’il dépose une demande renouvelée, l’annulation est possible (ibidem).

 

 

 

La décision du juge‑arbitre

 

[11]           Le juge‑arbitre a conclu que la Commission n’a pas informé M. Hamm, « au moment où il a demandé les prestations en février 2009 et par la suite », qu’il pourrait avoir droit à des prestations dans le cadre du programme [destiné aux TLD]  (décision du juge‑arbitre, dossier du demandeur, onglet 3B, page 13). Après avoir indiqué que les prestations pour travail partagé ne sont pas des prestations régulières, le juge‑arbitre a souligné que « [s]elon le dossier, une seule journée a été versée [à M. Hamm] en 2008 (ibidem, page 14). De ces constatations, il a tiré deux conclusions : a) la période de prestations, établie en novembre 2008, a pris fin conformément au paragraphe 10(8) de la Loi; b) lorsque M. Hamm a perdu son emploi en février 2009, on aurait dû lui conseiller de présenter une nouvelle demande dans le cadre du programme destiné au TLD, « qui était alors en vigueur » (ibidem).

 

[12]           Ayant conclu qu’un agent de la Commission avait mal renseigné M. Hamm, et sur le fondement que ni M. Hamm ni la Commission ne peut plaider l’ignorance de la loi, le juge‑arbitre s’est appuyé sur l’opinion dissidente du juge Hugessen (maintenant juge suppléant à la Cour fédérale) dans l’arrêt Granger c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1986] 3 C.F. 70 (C.A.), confirmée par [1989] 1 R.C.S. 141 [Granger], pour conclure que « la Commission avait le pouvoir d’annuler la demande ou le versement de novembre 2008 si elle jugeait qu’il s’agissait d’un obstacle à la présentation d’une demande en vertu du programme [destiné aux TLD] » (ibidem).

 

[13]           Enfin, et parce qu’il a vu une « certaine forme d’effet rétroactif » dans le projet de loi C‑50, le juge‑arbitre était d’avis que la Commission aurait également pu « suspendre ou modifier les conditions et exigences afin de corriger la situation aux termes des dispositions du paragraphe 50(10) de la Loi » (ibidem, pages 15 et 16). Par conséquent, il a rejeté l’appel de la Commission et a préservé les droits de M. Hamm de présenter une demande pour obtenir le statut de TLD.

 

[14]           En toute déférence, je conclus que la décision du conseil arbitral et du juge‑arbitre sont fondées sur une mauvaise interprétation des dispositions pertinentes de la Loi, ainsi que sur une erreur de fait manifeste et dominante. Par conséquent, la décision du juge‑arbitre de confirmer la décision du conseil arbitral ne peut être maintenue.

 

Analyse

 

A.         La législation pertinente

 

[15]           L’article 10 de la Loi comporte des règles concernant le début, la durée et la fin d’une période de prestations d’un prestataire. Pour l’application de la présente demande, il suffit de savoir que, sous réserve des exceptions prévues à la Loi, une période de prestations dure généralement 52 semaines (paragraphe 10(2)). Plus précisément, comme je l’ai expliqué en détail dans l’analyse des dispositions visant les TLD, cette période de 52 semaines est automatiquement prolongée du nombre de semaines au cours desquelles le prestataire exerce un emploi en travail partagé (article 45 du Règlement). De plus, une période de prestations ne sera pas établie s’il y en a déjà une en cours. La période de prestations prend fin lorsque survient une des éventualités prévues au paragraphe 10(8) et peut être annulée lorsque les conditions énumérées au paragraphe 10(6) sont remplies.

 

[16]           Les parties pertinentes de l’article 10 sont rédigées comme suit :

 

Début de la période de prestations

 

10. (1) La période de prestations débute, selon le cas :

a) le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient l’arrêt de rémunération;

b) le dimanche de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestations, si cette semaine est postérieure à celle de l’arrêt de rémunération.

 

 

 

Durée de la période de prestations

(2) Sous réserve des paragraphes (10) à (15) et de l’article 24, la durée d’une période de prestations est de cinquante-deux semaines.

[…]

 

 

Annulation de la période de prestations

(6) Lorsqu’une période de prestations a été établie au profit d’un prestataire, la Commission peut :

a) annuler cette période si elle est terminée et si aucune prestation n’a été payée, ou ne devait l’être, pendant cette période;

b) à la demande du prestataire, que la période soit ou non terminée, annuler la partie de cette période qui précède la première semaine à l’égard de laquelle des prestations ont été payées ou devaient l’être si :

(i) d’une part, une nouvelle période de prestations, commençant cette semaine-là, est, si ce prestataire est un assuré, établie à son profit au titre de la présente partie ou est, si ce prestataire est un travailleur indépendant au sens du paragraphe 152.01(1), établie à son profit au titre de la partie VII.1;

(ii) d’autre part, le prestataire démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre la date à laquelle des prestations lui ont été payées ou devaient l’être et la date de sa demande d’annulation, un motif valable justifiant son retard.

[…]

 

 

Fin de la période

(8) La période de prestations prend fin à la date de la première des éventualités suivantes à survenir :

a) le prestataire n’a plus droit à des prestations au cours de sa période de prestations, notamment parce qu’elles lui ont été versées pour le nombre maximal de semaines prévu à l’article 12;

b) la période se trouverait autrement terminée au titre du présent article;

c) [Abrogé, 2002, ch. 9, art. 12]

d) le prestataire, à la fois :

(i) demande de mettre fin à une période de prestations établie à son profit,

(ii) formule une nouvelle demande initiale de prestations au titre de la présente partie ou de la partie VII.1,

(iii) remplit les conditions qui lui donnent droit aux prestations prévues par la présente partie, dans le cas où il est un assuré, ou par la partie VII.1, dans le cas où il est un travailleur indépendant au sens du paragraphe 152.01(1).

 

Beginning of benefit period

 

10. (1) A benefit period begins on the later of

(a) the Sunday of the week in which the interruption of earnings occurs, and

(b) the Sunday of the week in which the initial claim for benefits is made.

 

 

 

 

 

Length of benefit period

(2) Except as otherwise provided in subsections (10) to (15) and section 24, the length of a benefit period is 52 weeks.

 

 

Cancelling benefit period

 

(6) Once a benefit period has been established for a claimant, the Commission may

(a) cancel the benefit period if it has ended and no benefits were paid or payable during the period; or

(b) whether or not the period has ended, cancel at the request of the claimant that portion of the benefit period immediately before the first week for which benefits were paid or payable, if the claimant

(i) establishes under this Part, as an insured person, a new benefit period beginning the first week for which benefits were paid or payable or establishes, under Part VII.1, as a self-employed person within the meaning of subsection 152.01(1), a new benefit period beginning the first week for which benefits were paid or payable, and

(ii) shows that there was good cause for the delay in making the request throughout the period beginning on the day when benefits were first paid or payable and ending on the day when the request for cancellation was made.

 

 

End of benefit period

(8) A benefit period ends when any of the following first occurs:

(a) no further benefits are payable to the claimant in their benefit period, including for the reason that benefits have been paid for the maximum number of weeks for which benefits may be paid under section 12;

(b) the benefit period would otherwise end under this section; or

 

(c) [Repealed, 2002, c. 9, s. 12]

(d) the claimant

(i) requests that their benefit period end,

 

(ii) makes a new initial claim for benefits under this Part or Part VII.1, and

 

(iii) qualifies, as an insured person, to receive benefits under this Part or qualifies, as a self-employed person within the meaning of subsection 152.01(1), to receive benefits under Part VII.1.

 

 

[17]           Comme je l’ai déjà dit, l’article 24 de la Loi porte sur les prestations pour le travail partagé. Le système de réglementation relatif à ces prestations particulières est énoncé aux articles 42 à 49 du Règlement. Les articles 42, 45 et 46 du Règlement présentent un intérêt particulier en l’espèce, en ce qu’ils modifient les règles générales dans des cas comme le prolongement d’une période de référence ou de prestations (dans la limite des semaines d’emploi en travail partagé) et le report de la totalité ou d’une partie du délai de carence jusqu’à la fin de l’emploi en travail partagé.

 

[18]           Ils sont ainsi rédigés :

 

Prestations pour travail partagé

42. Des prestations pour travail partagé sont payables au prestataire qui exerce un emploi en travail partagé pour chaque semaine de chômage comprise dans une période de prestations établie à son profit et, sous réserve des articles 43 à 49, la Loi et ses règlements s’appliquent au prestataire, avec les adaptations nécessaires.

 

[…]

 

45. Lorsqu’une période de prestations a été établie au profit du prestataire et que celui-ci exerce un emploi en travail partagé au cours d’une ou plusieurs semaines de cette période, celle-ci est prolongée du nombre de ces semaines et les paragraphes 10(12) à (15) de la Loi s’appliquent, avec les adaptations nécessaires.

 

 

46. Lorsque le prestataire commence à exercer un emploi en travail partagé et que le délai de carence prévu à l’article 13 de la Loi n’est pas écoulé ou que les déductions visées au paragraphe 19(1) de la Loi n’ont pas été effectuées, le délai de carence ou la partie non écoulée de celui-ci ou les déductions sont reportés jusqu’à la fin de l’emploi en travail partagé.

Work-Sharing Benefits

42. Work-sharing benefits are payable to a claimant who is employed in work-sharing employment for each week of unemployment that falls in a benefit period established for the claimant, and subject to sections 43 to 49, the Act and any regulations made under the Act apply to the claimant, with such modifications as the circumstances require.

 

45. Where a benefit period has been established in respect of a claimaint and for any week during that benefit period the claimant is employed in work-sharing employment, the benefit period shall be extended by the total of those weeks and subsections 10(12) to (15) of the Act apply, with such modifications as the circumstances require.

 

46. Where a claimant becomes employed in work-sharing employment and a waiting period or any portion of that period has not been served by the claimant as required by section 13 of the Act or earnings have not been deducted as required by subsection 19(1) of the Act, the serving of the period or the deduction of the earnings shall be deferred until that employment has terminated.

 

B.         Norme de contrôle

 

[19]           Saisie d’une demande de contrôle judiciaire, notre Cour doit déterminer si, dans son examen de la décision du conseil arbitral, le juge‑arbitre a commis une erreur dans le choix de la norme de contrôle appropriée et son application à cette décision (MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance‑emploi), 2009 CAF 306, paragraphe 19).

 

[20]           Le rôle du juge‑arbitre consiste à examiner les conclusions du conseil arbitral sur les questions de droit selon la norme de la décision correcte et sur les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit selon la norme de la raisonnabilité (Procureur général du Canada c. White, 2011 CAF 190, paragraphe 2).

 

C.        La période de prestations de M. Hamm n’avait pas pris fin suivant le paragraphe 10(8)     de la Loi

 

[21]           Le juge‑arbitre a accepté le fait que, dans le contexte du programme de prestations pour travail partagé, une période de prestations avait été établie au profit de M. Hamm en novembre 2008. Toutefois, il a conclu que la période de prestations avait pris fin conformément au paragraphe 10(8) de la Loi. Bien que le juge‑arbitre pouvait librement se fonder sur toute disposition pertinente de la Loi, je remarque qu’il a choisi de s’appuyer sur le paragraphe 10(8), alors que le conseil arbitral avait fondé sa décision sur le paragraphe 10(6). Selon les motifs du juge‑arbitre à cet égard, j’en conclus qu’il s’est plus particulièrement fondé sur l’alinéa 10(8)a), lequel porte sur la fin d’une période de prestations lorsque le prestataire n’a plus droit à des prestations. En effet, le juge‑arbitre a conclu que (1) une seule journée de prestations avait été versée au prestataire en novembre 2008; et (2) les prestations versées dans le cadre d’un programme de prestations pour travail partagé ne sont pas des prestations régulières (décision du juge‑arbitre, dossier du demandeur, onglet 3B, pages 13 et 14).

 

[22]           Il ne fait aucun doute que les prestations versées dans le cadre d’un programme de prestations pour travail partagé sont différentes des prestations régulières. Les premières sont réservées aux personnes qui participent à des programmes de prestations pour travail partagé dans le cadre desquels elles reçoivent un salaire pour les heures travaillées et des prestations de chômage pour les journées où elles ne travaillent pas. Elles sont expressément exclues de la définition de « prestations régulières » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi. Toutefois, cette différence ne justifie pas la conclusion tirée par le juge‑arbitre.

 

[23]           Je conviens avec le procureur général du Canada que M. Hamm ne répondait pas aux conditions de l’alinéa 10(8)a) de la Loi. On ne pourrait pas dire que M. Hamm avait reçu des prestations pour le nombre maximal de semaines pendant lesquelles il y avait droit durant sa période de prestations. Qui plus est, le changement dans le genre de prestations n’indiquait pas la fin de la période de prestations établie en novembre 2008. Les prestataires peuvent recevoir plus d’un genre de prestations au cours de la même période de prestations : Canada (Procureur général) c. Brown, 2001 CAF 385, paragraphe 6.

 

[24]           À l’audience de la présente demande, personne n’a contesté le fait que, conformément aux articles 45 et 46 du Règlement, la période de prestations de M. Hamm avait duré 61 semaines au lieu des 52 semaines habituelles. La période était en vigueur de novembre 2008 à janvier 2010.

 

[25]           L’alinéa 10(8)d) prévoit également qu’une période de prestations peut prendre fin à la demande du prestataire. Il en va de même pour l’annulation d’une période de prestations (alinéa 10(6)b)). Bien entendu, M. Hamm n’a présenté aucune demande de ce genre. J’analyserai cette question plus loin lorsque je me pencherai sur la conclusion du juge‑arbitre selon laquelle la Commission a mal renseigné M. Hamm.

 

D.        La période de prestations de M. Hamm n’aurait pas pu être annulée suivant le       paragraphe 10(6) de la Loi

 

[26]           Le paragraphe 10(6) de la Loi, précité, établit les conditions selon lesquelles la Commission peut annuler une période de prestations. En l’espèce, la période de prestations de M. Hamm n’aurait pas pu être annulée en février 2009 suivant l’alinéa 10(6)a) parce qu’il avait reçu des prestations durant cette période. Il avait reçu 87 $ à titre de prestations pour travail partagé. De plus, elle n’aurait pas pu être annulée suivant l’alinéa 10(6)b), à moins que le défendeur n’ait démontré qu’entre novembre 2008 (lorsque la période de prestations a été établie) et novembre 2009 (lorsque M. Hamm a demandé à obtenir le statut de TLD), il avait un motif valable justifiant son retard à demander l’annulation.

 

[27]           Le juge‑arbitre a conclu que « [l]es circonstances que [M. Hamm] a fait valoir [constituaient] bel et bien un motif valable » (ibidem, page 15) parce qu’un agent de la  Commission l’avait mal renseigné en ne lui indiquant pas de présenter une nouvelle demande en vertu du programme destiné aux TLD. Dans ce contexte, il a conclu que « la Commission a le pouvoir et l’autorité de corriger l’erreur » (ibidem). Il ne fait aucun doute que cette conclusion est fondée sur une conclusion de fait erronée.

 

[28]           Comme l’a affirmé le procureur général du Canada, la Commission ne pouvait aviser le défendeur en février 2009 de son admissibilité au programme destiné aux TLD et lui recommander de présenter une demande pour une nouvelle période de prestations, car le programme n’existait pas encore à ce moment‑là. Le projet de loi C‑50 a été adopté le 5 novembre 2009 avec effet rétroactif au 4 janvier 2009. Il n’a été déposé à la Chambre des communes que le 16 septembre 2009 et au Sénat que le 4 novembre 2009 (index du hansard, 40législature, 2e session (26 janvier 2009 – 30 décembre 2009)). Rien dans le dossier n’indiquait que la Commission aurait dû savoir, dès le mois de février 2009, que le projet de loi C‑50 serait promulgué ou qu’il prévoirait des prestations pour les prestataires ayant établi une période de prestations débutant le 4 janvier 2009. Aucune des conditions énoncées dans le paragraphe 10(6) n’a été remplie.

 

[29]           Dans le même ordre d’idées, le juge‑arbitre a eu tort de s’appuyer sur l’opinion dissidente dans l’arrêt Granger et de supposer que la Commission pouvait annuler ou mettre fin à la période de prestations de M. Hamm pour qu’il puisse répondre aux critères d’admissibilité du projet de loi C‑50. Malgré tout le respect que j’ai envers le juge Hugessen (maintenant juge suppléant à la Cour fédérale), il n’en demeure pas moins que la Cour suprême du Canada a confirmé à l’unanimité la décision de notre cour dans l’arrêt Granger pour les motifs exposés par le juge Pratte. Depuis, l’arrêt Granger a été appliqué systématiquement (Satinder c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 491, paragraphe 9; Canada (Procureur général) c. Buors, 2002 CAF 372, paragraphe 5; McCague c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2001 CAF 228, paragraphe 37; Pfizer Inc. c. Canada (Commissaire aux brevets), [2000] A.C.F. no 1801, paragraphe 24 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Duffenais, [1993] A.C.F. no 387, paragraphe 4 (C.A.F.); Barzan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 311, paragraphe 2 (C.A.F.); Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Lidder, [1992] A.C.F. no 212, aux paragraphes 19 et 20 (C.A.F.); et Canada (Procureur général) c. Young, [1989] A.C.F. no 634, paragraphe 40 (C.A.F.)). L’arrêt Granger appuie le principe selon lequel « [l]e juge est lié par la loi. Il ne peut, même pour des raisons d’équité, refuser de l’appliquer. » (Granger, paragraphe 9).

 

E.         La Commission n’a pas compétence pour modifier la Loi

 

[30]           Enfin, d’une façon plus générale, la décision du juge‑arbitre est fondée sur le principe erroné selon lequel la Commission pouvait, en exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 50(10) de la Loi, modifier les conditions et les exigences des paragraphes 10(6) et 10(8), portant sur l’annulation et la fin des périodes de prestations, afin que M. Hamm soit visé par la période d’admissibilité du projet de loi C‑50.

 

[31]           Le paragraphe 50(10) de la Loi ne s’applique pas. Cette disposition porte généralement sur des questions procédurales et confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire d’assouplir les exigences prévues à l’article 50. Elle ne peut être invoquée pour suspendre les conditions de toute autre disposition de la Loi (Paxton c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 360, paragraphes 11 et 12).

 

[32]           Bien que le juge‑arbitre ait pu compatir avec la situation de M. Hamm, et aussi injuste que la date limite prévue dans le projet de loi C‑50 puisse avoir été perçue dans ce contexte, il est bien établi en droit qu’un juge‑arbitre est lié par la loi et ne peut simplement appliquer l’équité afin d’avantager un prestataire.

 

Conclusion

 

[33]           Par conséquent, j’accueillerais la présente demande de contrôle judiciaire. J’annulerais la décision du juge‑arbitre dans le dossier CUB 75288 et je renverrais l’affaire au juge‑arbitre en chef ou à son remplaçant désigné, étant entendu que la décision du conseil arbitral dans le dossier numéro 09-0209 est annulée et que la décision par laquelle la Commission a refusé d’accorder à M. Hamm des semaines supplémentaires de prestations régulières en vertu du programme destiné aux TLD est rétablie.

 

 

« Johanne Trudel. »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, j.c. »

 

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                                A-434-10

 

INTITULÉ :                                                               LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

                                                                                    GEORGE HAMM

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 8 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                    LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 15 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nathan Murray

POUR LE DEMANDEUR

 

 

George Hamm

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

 

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