ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
Audience tenue à St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 2 juin 2011
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2011
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE NADON
LE JUGE EVANS
Dossier : A‑381‑10
Référence : 2011 CAF 190
CORAM : LE JUGE NADON
LE JUGE EVANS
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
CHARMAINE WHITE
défenderesse
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
[1] La Commission de l’assurance‑emploi (la Commission) a rejeté la demande de prestations d’assurance‑emploi de la défenderesse, Charmaine White, pour le motif qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans être fondée à le faire. Le conseil arbitral (le conseil) a rejeté son appel. Mme White a interjeté appel de la décision du conseil devant un juge‑arbitre. Le juge‑arbitre Riche a accueilli l’appel et a conclu que Mme White avait été fondée à quitter son emploi en raison d’une modification importante de ses fonctions. Le demandeur, le procureur général du Canada (la Couronne) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du juge‑arbitre. Je suis d’avis d’accueillir sa demande.
[2] Le rôle du juge‑arbitre est de contrôler les conclusions du conseil en appliquant la norme de la décision correcte aux conclusions portant sur des questions de droit et la norme de la décision raisonnable à celles relatives aux questions mixtes de fait et de droit : Stone c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 27; Budhai c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 298.
[3] Pour savoir si un prestataire est « fondé » à quitter son emploi, il faut se demander « si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ […] constitue [selon la prépondérance des probabilités] la seule solution raisonnable dans son cas » : Harold MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance‑emploi), 2009 CAF 306. Il appartient à Mme White de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi : Canada (Procureur général) c. Patel, 2010 CAF 95.
[4] En l’espèce, quoique le conseil n’ait pas traité de façon exhaustive des allégations de Mme White relatives à la « modification importante de ses fonctions » et qu’il ait conclu qu’aucune modification importante des fonctions n’avait été imposée, sa décision reposait essentiellement sur sa conclusion que Mme White ne s’était pas acquittée de l’obligation de démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Plus précisément, il a conclu que [traduction] « une autre solution raisonnable aurait été de conserver son emploi jusqu’à trouver un emploi convenable ».
[5] La jurisprudence de la Cour impose dans la plupart des cas au prestataire l’obligation de tenter de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi : Canada (Procureur général) c. Hernandez, 2007 CAF 320; Canada (Procureur général) c. Campeau, 2006 CAF 376; Canada (Procureur général) c. Murugaiah, 2008 CAF 10.
[6] Lorsqu’on l’a informée par téléphone des modifications imminentes de ses fonctions, Mme White a exprimé ses préoccupations à la responsable de l’exploitation des garderies Rainbow. Cependant, elle a décidé de ne pas parler avec son employeur parce que cela aurait été une [traduction] « perte de temps ». Elle a quitté son emploi après seulement deux heures sans demander à obtenir un transfert dans une autre garderie Rainbow et sans avoir cherché un autre emploi. De plus, comme la Couronne le note, elle n’a pas eu l’occasion (durant les deux heures) de voir si la nouvelle structure de travail entraînerait des rapports négatifs.
[7] Bien que l’article 117 de la Loi lui confère de larges pouvoirs pour trancher des questions de fait et de droit selon ce qui est nécessaire pour rendre une décision en appel, le juge‑arbitre ne peut pas substituer son évaluation des faits à celle du conseil, sauf s’il juge qu’il n’était pas raisonnablement loisible au conseil d’arriver à cette évaluation. Dans le cas présent, le juge‑arbitre n’a pas précisé la norme de contrôle applicable à l’évaluation des faits par le conseil quant à la question de savoir si la demanderesse était fondée à quitter son emploi. Le conseil a fait observer avec raison qu’un motif valable n’équivaut pas à une justification. À mon avis, il était raisonnablement loisible au conseil de conclure que Mme White n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi ou que son départ était la seule solution raisonnable. Le juge‑arbitre a commis une erreur en ne faisant pas preuve de déférence à l’égard des conclusions du conseil et en substituant sa propre vision des faits à celle du conseil.
[8] Par conséquent, j’accueillerais la demande, j’annulerais la décision du juge‑arbitre et je renverrais la question au juge‑arbitre en chef, ou à son délégué, pour qu’il procède à un nouvel examen en tenant pour acquis que la défenderesse n’était pas fondée à quitter son emploi. Je n’adjugerais pas de dépens étant donné que le demandeur n’en a pas demandés.
« Je suis d’accord.
M. Nadon, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
John M. Evans, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A‑381‑10
INTITULÉ : PGC c. WHITE
LIEU DE L’AUDIENCE : St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 juin 2011
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
Y ONT SOUSCRIT : LES JUGES NADON ET EVANS
DATE DES MOTIFS : Le 6 juin 2011
COMPARUTIONS :
|
POUR LE DEMANDEUR
|
|
AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous‑procureur général du Canada
|
POUR LE DEMANDEUR
|